vendredi 30 septembre 2005
La jeunesse est l’âge des possibles ou des «miracles», pour reprendre les mots que fait dire Clint Eastwood au héros masculin de Breezy, interprété par William Holden. L’âge des choix – tout est a priori possible – et des premiers actes qui engagent le sujet dans et envers le réel. L’enfance n’est en effet qu’une longue passivité que l’on subit en spectateur [1]. Vient alors le temps des échecs – puisque, a posteriori, tout n’est pas possible, qu’accompagne progressivement celui de la fiction, qui répare le tissu de l’existence qui s’écrit presque seule désormais. La maturité n’est peut-être pas ce qu’elle laisse croire : « nuage noir» - c'est ainsi que Breezy appelle son amant -  le dit : « On ne mûrit, on se fatigue, c’est tout. » Balzac rend cette idée dans son roman La Peau de chagrin. Il fait dire à l’antiquaire qui vend le talisman : «Vouloir nous brûle et Pouvoir nous détruit, mais SAVOIR laisse notre faible organisation dans un perpétuel état de calme. » En somme, « La littérature est la preuve que la vie ne suffit pas. » [2] De même que la philosophie est la preuve que l’idée de Dieu ne suffit pas. De même que celui qui philosophe et écrit des pièces prouve que rien n’est suffisant. Nous reviendrons sur ces mots.
Peut-être dans cet autre monde, l’histoire qu’elle façonne à sa guise n’est-elle possible qu’à la faveur d’un réel ouvert par l’acte ou la parole suspendus (« Le réel est étroit [3], le possible est immense. »[4]) ; le possible est la tangence ou la pression qui s’exerce sur un réel – pression[5] symbolisée par celle, imperceptible, de la main de l’homme sur l’épaule de la femme afin de lui dire adieu – sans le déranger. Le principal danger du possible est le réel, soit qu’il s’oppose à lui ou, paradoxalement, qu’il le réalise. Non que le réel soit moins estimable ou désirable (il arrive qu’il le soit) mais il perd ce don que recelait le possible: la vie. En effet, tout ce qui est déjà est mort ou en instance.
Ce qui est inachevé est ce qui n’est pas clos : tous les possibles n’ont pas été épuisés. Le réel n’est pas fatigué ou usé au point de n’être plus en mesure d’offrir d’autres circonstances, peut-être plus propices à la passion de ces deux êtres enfermés dans une ancienne raison ou parole donnée.
Mais pourquoi les histoires qui finissent mal auraient-elles plus d’espace ou de marge que celles qui ont une fin heureuse ? Les histoires, bien ou mal achevées, sont jamais d’ailleurs jamais consommées, sinon par la mort ?


Quel lien existe-t-il alors entre l’inachèvement et la beauté ?
Matériellement, un texte ou un film - qui est un texte en images - est clos par la volonté de son auteur. Pourtant, la participation de celui qui lit ce texte, qui le dévore des yeux et de l’âme, s’approprie peu à peu le monde où il avait été convié en simple spectateur.


[1] « Quand je serai grand, je serai… »
[2] Pessoa
[3] Comme la gare, évoquée plus haut, où se rencontrent les deux héros.
[4] Lamartine.
[5] Le contact physique ne laisse aucune trace ; il effleure la surface.

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