mercredi 7 décembre 2005
Freud, dans un de ses essais intitulé "Le motif du choix des coffrets", montre, à partir d’une interprétation du Roi Lear, que l’homme ne choisit pas la mort, parmi les trois femmes, représentant respectivement la mère, l’amante et la destructrice, (ou leurs métaphores les coffrets d’or, d’argent ou d’airain - que l'on retrouve dans Le marchand de Venise, autre pièce de Shakespeare) à moins qu’elle n’ait revêtu les traits contradictoires de la vie et de la beauté… Il ne dit pas oui à la mort volontairement, spontanément. « Ainsi, la substitution, dans notre motif, d’un élément par son contraire désiré, remonte à une identité archaïque. » Cette « identité archaïque » est celle du couple de contraires vie / mort (Cf. également un autre essai, "Sur le sens opposé des mots originaires" : «les oppositions sont contractées en une unité ou représentées par un élément unique » ; notre manière de penser est fondée sur des associations contradictoires de ce type que l’on retrouve dans des langues anciennes, où un mot veut dire une chose et son contraire). Il appert que, dans la pensée de la mort, l’homme agisse de même, et qu’il ne pense la mort qu’à travers la vie, « Ainsi, l’homme surmonte la mort qu’il a reconnue dans sa pensée. ». « (…) il [l’homme] ne renonce qu’avec le plus grand déplaisir à sa position d’exception. Nous savons que l’homme utilise l’activité de sa fantaisie pour satisfaire ceux de ses désirs qui ne sont pas satisfaits par la réalité. » Une des méthodes pour subvertir les réponses du réel à nos désirs est de faire semblant d’aimer ce qu’on a au lieu d’avoir ce qu’on aime. Attitude stoïcienne par excellence. Cette remarque de Freud vaut pour la logique, qui est au fondement du langage : le contraire n’existe que par le contraire. « La même réflexion nous fournit la réponse à la question de l’origine de l’élément du choix qui est venu marquer le mythe des trois sœurs. Ici encore une inversion de désir a eu lieu. Le choix est mis à la place de la nécessité, de la fatalité. On peut ne peut concevoir triomphe plus éclatant de l’accomplissement du désir. On choisit là où, en réalité, on obéit à la contrainte, et celle [des trois filles de Lear] qu’on choisit n’est pas la terrifiante, mais la plus belle et la plus désirable. » Il y a deux moments dans le choix : le premier où l’homme choisit l’opposé le plus extrême de la mort, puis le moment où il choisit la mort mais en lui donnant une autre allure, qui la rend acceptable, voire désirable.« Le libre choix entre les trois sœurs n’est pas à vrai dire un libre choix, car il doit nécessairement se porter sur la troisième, sans quoi, comme dans Le roi Lear, il va entraîner tous les malheurs possibles. » Non seulement le choix est nécessaire, mais encore l’objet de ce choix lui-même l’est. Les trois filles du roi Lear, les trois coffrets, ne sont pas sans rappeler les trois Parques (ou Moires). Freud, se référant au Dictionnaire des mythologies grecque et romaine de J. Roscher, déclare que « Les noms des trois fileuses ont également fait l’objet de la part des mythologues d’une exégèse significative. La deuxième Lachésis, semble désigner le “fortuit au sein du destin” – nous dirions : l’expérience vécue – comme Atropos, l’inéluctable, la mort ; enfin resterait pour Clotho la signification de la disposition fatale, innée. » Clotho est une personnification du caractère de l’homme singulier qui le prédispose à être tel ou tel, Lachésis l’espace et le temps de son existence et Atropos le cachet qui scelle son existence par la mort et lui attribue, de ce fait, une identité définitive. En effet, qui peut dire ce qu’a été ou ce qu’est un homme avant qu’il ne meure ? Un seul acte ne peut-il pas être en mesure de racheter la vie d’un salaud, par exemple ? A contrario, la vie d’un saint peut-elle être disloquée par un seul acte, à la fin de la vie ? Si le saint avait manqué des circonstances qui puissent le rendre salaud ? Bien sûr, que tout ceci est foncièrement caricatural, mais on retrouve l’idée d’Aristote selon laquelle il faut attendre la fin de la vie d’un homme pour décider si oui ou non il a eu une vie heureuse. Qu’est-ce donc que l’identité d’un homme, dans ces conditions ? Car, c’est bien l’identité qui est l’enjeu de la question que pose le tragique à la philosophie en particulier, à la pensée en général.

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Dilettante. Pirate à seize heures, bien que n'ayant pas le pied marin. En devenir de qui j'ose être. Docteur en philosophie de la Sorbonne. Amie de James Matthew Barrie et de Cary Grant. Traducteur littéraire. Parfois dramaturge et biographe. Créature qui écrit sans cesse. Je suis ce que j'écris. Je ne serai jamais moins que ce que mes rêves osent dire.
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