mercredi 23 novembre 2005
Frédéric Delebecque qui, en 1925, a traduit Wuthering Heights par le génial titre Les hauts de hurlevent fut à l'origine d'une jurisprudence. Le titre même d'un roman traduit devenait oeuvre de création. "Attendu que le titre Les Hauts de Hurlevent [sic] constitue une invention originale, et non une traduction littérale du titre anglais, le mot Wuthering n'ayant pas d'équivalent direct dans la langue française, et n'étant au surplus employé que très localement dans les pays de langue anglaise — qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'une traduction, mais d'une interprétation nouvelle de Delebecque, qui peut s'en prévaloir comme d'une oeuvre personnelle et, dès lors, en revendiquer la propriété, d'ailleurs cédée par lui en exclusivité aux éditions Payot." D'ailleurs, le code de la propriété intellectuelle fait référence, aujourd'hui encore, à ce cas :

    "Pour un glissement vers l'examen du mérite, v. à propos du titre Les Hauts de Hurlevent, traduction non littérale du titre du roman Wuthering Heights d'Emily Brontë, le constat que le titre était une trouvaille rendant de manière approchante, musicale et inquiétante, l'atmosphère angoissante du titre originale. "
(Code annoté de la propriété intellectuelle, Paris, Ed. Yves Marcellin, CEDAT, 2000. Article L. 112-4 ; « Protection par le droit d'auteur : originalité. »)
Chaque année, pendant la période qui précède Noël, j'aime lire Dickens. Je ne manque jamais de sacrifier à cette tradition, car je n'oublie pas que Dickens est en quelque sorte celui qui donna à Noël ses plus beaux atours. Petite anecdote à ce sujet : Paul Davis, dans son livre intitulé The Lives and Times of Ebenezer Scrooge relate cette anecdote bien connue, véhiculée par Theodore Watts-Dunton, pour la première fois (en 1870), selon laquelle il marchait dans le quartier (populaire) de Drury Lane, près du marché de Covent Garden, le 9 juin de cette année-là, quand il entendit la réaction d’une petite fille à l’annonce de la mort de Dickens. « Dickens est mort ? Alors, le Père Noël l’est aussi ? » Ceci pour prouver que Dickens a grandement contribué à la renaissance des traditions de Noël qui étaient en voie de disparition. La neige, le vent, la dinde fumante et tous les autres (sympathiques) clichés doivent beaucoup à la plume chaleureuse et acérée de Dickens. Bleak House ( dont le titre est doté d'une TRES BELLE traduction française : La maison d'âpre-vent) est le roman le plus étrange de Dickens, peut-être mon préféré, mais également le moins "abordable" de front et le plus massif. A la fois écrit à la première personne du singulier et d'une manière impersonnelle, le roman relate - entre autres ! - le récit d'un interminable procès pour l'obtention d'un héritage (le procès Jarndyce contre Jarndyce). Beaucoup considèrent que Bleak house est le meilleur roman de Dickens et je suis presque de ceux-là. Disons que je mets ce livre à part, parce qu'il est échevelé, palpitant, noir et très collinsien. Sa tructure est extrêmement complexe. Dickens tire tant de fils autour de ses personnages- marionnettes que l'on a presque peur qu'il ne finisse pas ne plus retrouver LE fil conducteur. Bien sûr, cette crainte est infondée, car Dickens est le meilleur. Je doute plus de Dieu que de lui. Beaucoup d'images sont gravées dans mon esprit lorsque l'on nomme devant moi La maison d'âpre-vent. Tout le monde se souvient, au moins, de cette intrigante mort par "combustion spontanée" dont je reparlerai ! Je relisais tout à l'heure les pages que lui consacre Sylvère Monod, dont le nom évoque beaucoup d'agréables souvenirs mais aussi d'envie. Je crois bien que Dickens est, après Louis-Ferdinand Céline, la personne qui a le plus compté dans ma vie.
John Franklin Bardin (1916-1981) Auteur à la biographie plutôt succincte. Personnage mystérieux à souhait à cause du peu que l'on sait de lui et à cause de ce que l'on devine ou croit deviner de lui en le lisant. Il a écrit une dizaine de romans, dont trois (ceux réédités chez Joelle Losfeld) sont des classiques du policier : La mort en gros sabots (The deadly percheron) , Le Diable l'emporte (Devil take the blue-tail fly ) et Qui veut la peau de Philip Banter ? (The last of Philip Banter). Je traduis de l'anglais son point de vue, exprimé en une citation souvent reprise : "Il y a un seul mobile à l'écriture d'un roman : être publié et lu. Selon moi, il n'y a aucune différence entre le roman à énigmes et le roman. La seule différence qui vaille, c'est celle qui existe entre les bons et les mauvais livres. Un bon livre emmène le lecteur dans un autre monde d'expérience ; il est en soi une expérience. Un mauvais livre, à moins que le style soit vraiment indigent, soutient l'attitude intransigeante du lecteur, qui consiste à ne pas tenter d'expérimenter un nouveau monde. Eu égard au fait qu'il y a des criminels, des psychopathes et des sociopathes dans tous mes romans, on peut dire que mes romans sont des thrillers psychologiques." Qui veut la peau de Philip Banter ? Un bon roman policier, peut-être le moins bon des trois, mais néanmoins un roman que tout amateur du genre aura plaisir à lire, et que les autres savoureront tout autant. Philip Banter est le héros ; il est marié sans passion à une femme, qui n'a guère d'épaisseur et qui entretient une relation trouble avec son père. Elle choisi pour époux le héros à la place d'un autre prétendant, Jeremy, qui est un ami du couple. Philip Banter est plutôt un anti-héros qu'un héros. Il est banal, mène une vie tout aussi banale et n'aspire à rien de bien extraordinaire. Par bien des aspects, il ressemble aux privés que l'on trouve dans certains romans américains : ennui, femmes et alcool sont le résumé de sa vie. Il collectionne donc les femmes par désoeuvrement et son épouse est complaisante, jusqu'à un certain point. Un matin, sur son bureau, il trouve une confession signée de son nom et censée relater les événements qui vont se passer le lendemain, bien que ladite confession soit écrite au passé. Etrange, n'est-ce pas ? Ce qui est plus étrange est que les événements prévus commencent à se produire le jour dit, bien que Philip Banter fasse tout pour éviter le déroulement des faits. Qui peut ainsi prévoir ce qu'il va faire le lendemain au point de l'écrire noir sur blanc ? Est-il fou et l'auteur de cette confession (et des suivantes, 3 au total) ou bien quelqu'un cherche-t-il à lui nuire, voire pire ? C'est à cette question que ce roman s'efforce de répondre. La réponse se tient en dernière page et elle n'a pas nécessairement l'allure qu'on pourrait lui prêter par avance. Le roman se lit d'une traite. L'écriture est fluide, tranchante, sans éléments superfétatoires, mais très soignée. Le procédé est chirurgical. La fin m'a un peu déçue mais j'estime grandement le roman.

Geoffrey Holiday HALL 
L’homme de nulle part (The End Is Known) - GRAND PRIX DE LITTÉRATURE POLICIERE 1953.
Nous n’avons que peu de renseignements sur la biographie de cet homme qui semble avoir écrit, par ailleurs, sous un autre pseudonyme. Il était américain.
L’homme de nulle part est un classique du genre, que l’on range aux côtés des meilleurs policiers, et qui a souvent été classé parmi les dix meilleurs romans de mystère jamais écrits. La dénomination pourrait induire en erreur, si l’on se fie au neuf dixièmes du roman. Certes, il y est bien question d’une enquête, celle du héros, mais point de criminels ou de meurtres à élucider, semble-t-il. Mais attention, ne pas trop se fier aux apparences, si claires soient-elles… Ce livre est du genre de ceux dont on ne peut rien dire sous peine de gâcher le travail de l’auteur, travail est qui, ma foi, un joli travail souterrain. J’ai cru avoir affaire à un bon roman, mais pas au point de crier au génie. Je l’ai lu rapidement, bien que le rythme qu’il imprimait à ma lecture fut lent. Je voulais savoir la même chose que le héros. Nous étions bien deux dans cette quête. Ce n’est que plus tard que j’ai compris l’habileté de l’auteur et que j’ai réévalué mon opinion : ce n’est pas un bon roman, c’est un très bon roman. Mais je ne vous dirai pas pourquoi. C’est à vous de le découvrir. La simplicité est une arme redoutable : on s’imagine être face à l’évidence et puis on tombe à cause de cette présomption. Revenons à l’histoire : un homme rentre chez lui pour voir un homme tomber de sa fenêtre. Celui-ci était venu lui demander de l’aide, il avait même prétendu, devant l’épouse, que son mari était le seul au monde à pouvoir l’aider. Puis, tout à coup, il s’est jeté par la fenêtre. Or, le mari ne connaissait pas cet homme. Il ne l’avait jamais rencontré. Ce mort va le hanter. Que lui voulait-il ? Comment aurait-il pu aider quelqu’un qu’il ne connaissait ni d’Adam ni d’Eve ? Il va mener cette enquête, afin de déterminer l’identité de cet homme.
Ce livre n'est plus édité, mais on peut l'obtenir d'occasion...
Bandini, La route de Los Angeles, Demande à la Poussière et Rêves de Bunker Hill constituent une tétralogie pleine de feu et d'humanité, avec pour fil conducteur la vie du héros, le double de Fante, Bandini. Bukowski - dont une partie de sa correspondance inédite vient de sortir chez Grasset - a toujours considéré Fante comme son "maître". Effectivement, on retrouve un lien de parenté évident entre l'oeuvre des deux hommes. Mes deux livres préférés sont ceux dont je donne image dans ce billet. Ces romans sont très représentatifs de son oeuvre. Il y a une gouaille, un désespoir, un amour / haine de la vie qui transparaissent à chaque ligne, le tout saupoudré d'un humour mi-triste mi-gai. De ces lectures, il me reste un sentiment de nostalgie diffus mais tenace. J'ai lu une grande partie de l'oeuvre de Fante à un moment pénible de mon existence, où je me voyais bien dans la peau d'une ratée absolue, surtout du point de vue littéraire (c'est toujours le cas, mais je le vis mieux ; peut-être que je ne vais pas mieux, mais je vieillis, donc je suis confite dans l'acceptation de ma médiocrité), et cette lecture m'avait donné une leçon à la fois pour ma propre vie mais aussi sur ma manière d'écrire. En effet, j'ai découvert que la force d'une écriture ne réside pas nécessairement dans un style qui vous cloue le bec, mais aussi dans l'art d'être d'être pudiquement impudique, ce qu'est Fante, sans aucun doute. Quatrième de couverture : "Si vous avez des idées noires, plongez-vous dans Mon chien Stupide. Vous en sortirez revigoré. Le nouvel avatar de Fante, alias Bandini, est un quinquagénaire, vivant sur le bord du Pacifique avec sa femme et ses quatre enfants qui le font tourner en bourrique. Il recueille un énorme quadrupède, Stupide, un chien étrange qui complète la maisonnée. C'est à la fois drôle, ironique, tragique, bouleversant et merveilleusement écrit. A lire de toute urgence. " "Que ceux qui aiment Bukowski se précipitent ! Voilà du Bukowski du meilleur cru, dans une traduction parfaite, savoureuse et juste à point de Philippe Garnier, dont on ne vantera jamais assez les mérites ! A vrai dire, ce n'est pas du Bukowski, mais du John Fante, le type qui a influencé et fait verser des larmes d'admiration à Bukowski. Des histoires de loyer qu'on ne peut pas payer, et de bistrots minables où le café est pire que de l'eau de vaisselle. C'est à Los Angeles. C'est triste, c'est génial, c'est plein d'amour et ça se lit d'une traite. Hautement recommandé ! "

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Dilettante. Pirate à seize heures, bien que n'ayant pas le pied marin. En devenir de qui j'ose être. Docteur en philosophie de la Sorbonne. Amie de James Matthew Barrie et de Cary Grant. Traducteur littéraire. Parfois dramaturge et biographe. Créature qui écrit sans cesse. Je suis ce que j'écris. Je ne serai jamais moins que ce que mes rêves osent dire.
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