dimanche 27 août 2006
Alors que j’attends l’air de ne pas y croire, faussement blasée de crainte d’être déçue, l’arrivée du Petit oiseau blanc, dans son costume de carton, avec des fourmillements dans la tête, je suis passementée de haut en haut par une appréhension bien légitime quant au nombre de coquilles qui auront échappé à l’imprimeur, mal à l’aise à la pensée de tout ce qui lui fera fatalement défaut à cause de moi. Le pire sera ce dont je ne suis pas responsable. J’ai le sentiment de l’avoir abandonné. Puis, je me remémore les étapes de ma rencontre avec James Matthew Barrie, et je me dois d’être pleinement honnête. Bien sûr, je mentirai un peu, ici ou là, car la mémoire aime à retoucher son tableau, mais qu’importe si la vérité subsiste, entière, malgré les jolis détails qu’on lui adjoint pour la rendre plus présentable ? C’est une politesse. Un cadeau de prix de la part de quelqu’un qui ne ploie guère ses façons devant la sainte décence.
Ma grand-mère, qui n’a peut-être jamais existé ailleurs que dans mes cauchemars ou ma prose, appelait tout cela, les artifices de la pudeur et les manières gentiment tournées, des « trompe-couillons ». Au même titre que les parfums et les cosmétiques dont s’enduisaient les dames plus riches et mieux conservées qu’elle. Elle les jalousait de pied en cap. La haine était sa ferveur. La verdeur de son langage n’avait rien de tendre ou d’enfantin, car sa bouche croupissante était celle d’un ogre qui vous engloutissait plus sûrement que la baleine de Pinocchio. Il ne fallait pas la regarder sans ciller de crainte d’être prise dans ses filets rompus à l’exercice.
Acceptez-vous, par conséquent, que je vous couillonne un peu ? Tous ceux qui écrivent un peu plus que de raison, dans l’échec ou dans la réussite, ont ceci en commun d’être des acteurs dans l’âme. Le mentir-vrai et le faire-croire sont le propres des scribouillards de l’intime (quoi de plus illusoire qu’un journal intime de qualité ?) ou de la fiction. Ecrire, c’est tenir à distance. Tenir à distance, c’est se mettre de côté, réserver la meilleure part de soi (la chair tendre et faible), quelque part, pour le grand festin, tandis que l’on prête des idées et des sentiments à son ombre. Celle-ci va jouer quelques tours, devant vous, et regagner ses pénates. Rien n’est aussi vrai que ce qui est réputé faux par la mémoire et le témoignage des spectateurs. Réciproquement, les médecins légistes de l’écrit, les vaniteux blessés de l’autobiographie ne livrent, dans leur mièvrerie égotique, qu’un feu d’artifice de faux-semblants. Je le sais parce que je ne suis jamais aussi médiocre que lorsque je dis « je » en y croyant.
Si je n’avais pas été appréhendée, dans mon enfance, par mon propre reflet démultiplié à l’infini dans Le petit Chose*, si ma vieille peau de sale gosse attardé n’avait pas été mille fois attendrie par Dickens, quelques années plus tard, je n’aurais certainement pas eu l’oreille assez fine pour entendre son murmure plaintif. Et si cette ouïe avait été assez puissante, il est des chances que j’eusse été tentée de la rendre moins sensible, par peur. Tout simplement par la crainte de découvrir, ailleurs, une sentence bien frappée qui dirait mon sale petit secret. Qu’ai-je à cacher, pourtant, sinon rien de très évident ? Tous les enfants éclopés du monde entier reconnaissent cette langue particulière, qui est celle des exilés de ce que mon ami de toujours, Baudelaire, pauvre âme trempée dans la tourbe des adultes, n’appelait pas si inconsciemment vert paradis.
Mais le vert paradis des amours enfantines Les courses, les chansons, les baisers, les bouquets, Les violons vibrant derrière les collines, Avec les brocs de vin, le soir, dans les bosquets, Mais le vert paradis des amours enfantines, L'innocent paradis, plein de plaisirs furtifs, Est-il déjà plus loin que l'Inde et que la Chine? Peut-on le rappeler avec des cris plaintifs, Et l'animer encor d'une voix argentine, L'innocent paradis plein de plaisirs furtifs?
Le vert est tout aussi bien celui de la jeunesse, imprégnée d’une sève vive et brûlante, que la couleur du cadavre à ses débuts, celui des souvenirs, vécus ou non. L’imaginaire est le croque-mort que j’exhorte à accomplir son ingrat labeur, avant qu’il ne soit trop tard. Je ne connais guère, à mon regret, Michael Jackson,
mais il a écrit et interprété une très belle chanson sur le sujet qui est le mien, My Childhood (Mon enfance), que m’a fait connaître un être sensible, ami de Barrie lui aussi, qui se reconnaîtra…
Have you seen my Childhood? I'm searching for that wonder in my youth Like pirates in adventurous dreams, Of conquest and kings on the throne... Before you judge me, try hard to love me, Look within your heart then ask, Have you seen my Childhood?

Jackson

Que l’on pense ce que l’on veut de lui, peu me chaut. Je l’admire d’avoir modelé une vie hors du commun, d’avoir atteint ses cieux inspirés en même temps que son inflexible enfer personnel. Avait-il le choix, un autre choix que la voie empruntée ? Il y a chez Jackson une fragilité presque métaphysique, qui alimente cette autre faiblesse, peut-être psychologique, qui se nourrit de cette enfance déficiente. A mes yeux, ce concept de résilience dont se gargarisent parfois un peu trop les psy-quelque-chose est un truisme. Ce qui ne tue pas rend plus fort. Tout le monde connaît ce constat nietzschéen, voire darwinien. Mais qui se demande le prix de cette force de vie ou de survie ? Il serait fou de ne pas estimer avec précision la valeur de cette rançon exigée par la sur-vie…
La thèse de Cyrulnik concernant la résilience est simple : tout sujet qui sait résister au malheur et se construire une vie enviable est nécessairement comparable à la figure littéraire que l’on nomme l’oxymoron. Alliance de contraires. Dommage qu’il ne s’engage pas à penser davantage l’autre versant de cette réussite âprement constituée. Les bons sentiments de Boris Cyrulnik peuvent agacer, légitimement, mais sa thèse, pour simpliste et évidente qu’elle soit, expose une réalité que tous les personnages convoqués par ce billet du jour ont vécue. De là, à faire intervenir Cioran, qui exultait dans cette formule faussement blasphématoire :
« Lorsqu’on n’a pas eu la chance d’avoir des parents alcooliques, il faut
s’intoxiquer toute la vie pour compenser la lourde hérédité de leurs vertus. »
J’ajouterai que ma haine profonde, instinctuelle, pour tout ce qui ressemble à la famille m’a sûrement sauvée de l’asile et m’économise, aujourd’hui, bien des peines et des désagréments. Une occlusion due à une tonne d’hypocrisies et de haines rentrées est le danger qui menace ceux qui plient. Au moins, je ne connaîtrais pas le léger tourment de conscience à l’idée de laisser crever dans leur pisse et leur merde mes parents. Qu’ils crèvent tous. Je suis fatiguée de jouer pour ces pauvres types. Pardon pour le plagiat. Cela m’importe moins réellement que la sauvegarde et la croissance de mon paradis intime. Je n’ai pas de cœur et je ne m’en porte pas plus mal.

Familles, je vous hais ! Qu’en est-il de la haine pour ces étrangers auquel le hasard vous a indéfectiblement liés ?

« Au soir, je regardais dans d'inconnus villages les foyers, dispersés durant le jour, se reformer. Le père rentrait, las de travail; les enfants revenaient de l'école. La porte de la maison s'entr'ouvrait un instant sur un accueil de lumière, de chaleur et de rire, et puis se refermait pour la nuit (…) — Familles, je vous hais ! foyers clos; portes refermées; possessions jalouses du bonheur. — Parfois, invisible de nuit, je suis resté penché vers une vitre, à longtemps regarder la coutume d'une maison. Le père était là, près de la lampe; la mère cousait; la place d'un aïeul restait vide; un enfant, près du père, étudiait (…) »

Gide, Les Nourritures terrestres, IV, I.

Certes, Gide est envieux de ces gens. Il y a toujours un peu de jalousie de la part de ceux qui n’ont pas goûté à cet état paisible de la joie domestique. Pourtant, la haine est davantage sincère que cette flammèche d’envie qui la parcourt et la chatouille de la pointe. Et puis le bonheur donne des responsabilités futures, qui entravent à jamais. La liberté est le bien le plus précieux. L’idée d’un dimanche en famille ou de vacances en compagnie d’oursins apprivoisés me paraissent plus insupportables qu’une séance chez le dentiste. Dieu merci mes crocs sont en parfait état ! Et je mords à la gorge. Faute de lait, je tête leur vice et leur sang gangrené. Serge Lama a parfaitement exprimé mon état d’esprit :

Lama Lorsque j’ouvre un livre de Barrie, j’entends des pleurs sourds. Bien sûr, il ne s’épanche comme le fait cet autre enfant que j’ai aimé en premier :

« Le vieux gymnase de l’école de marine est plein d’une ombre froide et sinistre. Par les grillages d’une fenêtre, un peu de lune descend et vient donner en plein sur le gros anneau de fer - Oh ! Cet anneau, le petit Chose ne fait qu’y penser depuis des heures-sur le gros anneau de fer qui reluit comme de l’argent... Dans un coin de la salle, un vieil escabeau dormait. Le petit Chose va le prendre, le porte sous l’anneau et monte dessus ; il ne s’est pas trompé, c’est juste la hauteur qu’il faut. Alors il détache sa cravate, une longue cravate en soie violette qu’il porte chiffonnée autour de son cou, comme un ruban. Il attache la cravate à l’anneau et fait un nœud coulant. Une heure sonne. Allons ! il faut mourir... Avec des mains qui tremblent, le petit Chose ouvre le nœud coulant. Une sorte de fièvre le transporte. Adieu, Jacques ! Adieu Mme Eyssette !... Tout à coup un poignet de fer s’abat sur lui. Il se sent saisi par le milieu du corps et planté debout sur ses pieds, au bas de l’escabeau. En même temps une voix rude et narquoise, qu’il connaît bien, lui dit : « En voilà une idée, de faire du trapèze à cette heure ! » Le petit Chose se retourne, stupéfait. C’est l’abbé Germane, l’abbé Germane sans sa soutane, en culotte courte, avec son rabat flottant sur son gilet. Sa belle figure laide sourit tristement, à demi éclairée par la lune... Une seule main lui a suffi pour mettre le suicidé par terre ; de l’autre main Il tient encore sa carafe qu’il vient de remplir à la fontaine de la cour. De voir la tête effarée et les yeux pleins de larmes du petit Chose, l’abbé Germane a cessé de sourire, et il répète, mais cette fois d’une voix douce et presque attendrie : « Quelle drôle d’idée, mon cher Daniel, de faire du trapèze à cette heure ! » Le petit Chose est tout rouge, tout interdit. « Je ne fais pas du trapèze, monsieur l’abbé, je veux mourir. ─ Comment !... mourir ?... Tu as donc bien du chagrin ? ─ Oh !... répond le petit Chose avec de grosses larmes brûlantes qui roulent sur ses joues. ─ Daniel, tu vas venir avec moi « dit l’abbé. Le petit. Daniel fait signe que non et montre l’anneau de fer avec la cravate... L’abbé Germane le prend par la main : « Voyons ! Monte dans ma chambre ; si tu veux te tuer, eh bien, tu te tueras là-haut, il y a du feu, il fait bon. » Mais le petit Chose résiste : « Laissez-moi mourir, monsieur l’abbé. Vous n’avez pas le droit de m’empêcher de mourir. » Un éclair de colère passe dans les yeux du prêtre : « Ah ! C’est comme cela ! » dit-il. Et prenant brusquement le petit Chose par la ceinture, il l’emporta sous son bras comme un paquet, malgré sa résistance et ses supplications... »
Daudet explore une veine autobiographique mais il ne perd pas pied. Je crois que l’autobiographie n’est acceptable pour le créateur et supportable pour le lecteur que si elle est revécue par celui qui l’écrit à la manière d’une fiction, où l’auteur peut remanier comme il le désire son passé, avec la distance et l’indifférence vermillonne d’un étranger. D’où la possibilité de la résilience. Il faut ronger la laisse, déporter en enfer la peau morte.

Mais Barrie pleure différemment. Trop subtil et trop assuré qu’il est de l’idée qu’il ne faut pas réveiller ce qu’il ne pourra pas rendormir, une ancienne douleur qu’il a colmatée avec de sacrés beaux mensonges. L’art, l’intellectualisation et surtout l’humour ou l’ironie dépersonnalisent et permettent au sujet singulier de se tenir à distance et de considérer son malheur comme détaché de lui-même.
Qui pourrait croire, en lisant l’hagiographie de sa mère, Margaret Ogilvy, qu’il aimait réellement cette femme ? Aimer sa mère au point d’en faire un dieu est selon moi à la mesure de la culpabilité qu’il ressent à la haïr. Je réserve cette analyse à un travail qui est en cours, mais je suis persuadée que cette femme fut nocive à l’extrême pour le petit Jaimie et sa sœur Jane Ann. Quelle mère digne de cette fonction accepterait que l’un de ses enfants sacrifie sa vie pour elle ? Barrie a combattu le complexe (inversé dans le cas présent) du Pélican de Strindberg.

Peter Pan était « L’enfant qui haïssait les mères ». Barrie était et n’était pas Peter Pan. Lisons le premier chapitre du livre consacré à sa génitrice.

« Le jour où je suis né, nous achetâmes six chaises cannées. Ce fut un événement d’importance, ramené à l’échelle de notre petite maison, mais cela représentait surtout une grande victoire dans la longue campagne d’une femme. La main d’œuvre qui avait été requise pour leur fabrication, le billet d’une livre et les trente-trois pennies qu’elles avaient coûtés, l’anxiété qui avait précédé leur achat, le spectacle qu’elles constituaient dans la pièce située à l’ouest, la froideur inhabituelle de mon père quand il les avait ramenées à la maison (son visage était pâle), tous ces détails étaient partie prenante de l’histoire que je devais entendre si souvent par la suite. J’ai participé à tant de triomphes de cette sorte lorsque j’étais enfant et, même ensuite, quand je fus un adulte, que l’arrivée des chaises me semble être un événement dont je suis en mesure de me rappeler, comme si j’avais sauté du lit le premier jour afin de regarder quel effet elles produisaient. Je suis persuadé que les pieds de ma mère faisaient tout leur possible afin de l’amener jusqu’à cette pièce, bien avant qu’ils ne pussent être assurés de leur stabilité. Et l’instant qui suivit, celui où elle se retrouva seule face à moi, on la trouva nus pieds dans la chambre à l’ouest en train de diagnostiquer une éraflure (qu’elle avait été la première à détecter) sur l’une des chaises, ou bien en train de s’asseoir royalement sur chacune d’entre elles, ou encore disparaissant et revenant sur ses pas ouvrir soudainement la porte, comme si elle avait l’intention de les prendre toutes les six par surprise. Et, alors, il me semble qu’un châle avait été jeté sur elle (et il m’est étrange de penser que ce n’était pas moi qui avait couru après elle avec ce châle) et elle fut fermement ramenée au lit. On lui rappela alors sa promesse de ne pas bouger. A ceci elle répondit que, probablement, elle s’était absentée, mais seulement un instant, et que l’on pouvait donc en conclure qu’elle n’avait pas quitté du tout son lit. Par conséquent, une petite part d’elle-même me fut révélée immédiatement : je me demande si, sur l’instant, je l’ai noté. Les voisins venaient afin de voir le garçon et les chaises. Je me demande si elle était sincère avec moi en affirmant qu’ils nous étaient semblables ou si je vis clair en elle dès le premier instant, car elle était si aisément transparente. Quand elle sembla d’accord avec eux sur le fait qu’il était impossible que je reçusse une éducation supérieure, me laissais-je abuser ou bien étais-je déjà conscient de la nature des ambitions brûlantes abritées par ce visage aimé ? Quand ils parlèrent des chaises comme d’un but rapidement atteint, étais-je si novice que ses lèvres timides fussent obligées de proclamer : « Elles ne sont qu’un début ! », avant même d’entendre ces mots ? Et quand nous fûmes laissés seuls en tête à tête, ai-je ri des grandes choses qui agitaient son esprit ou bien dut-elle m’en informer d’abord dans un murmure ? L’ai-je, ensuite, enlacée entre mes bras en lui disant que je l’aiderai dans ses projets ? Car il en est ainsi depuis si longtemps qu’il me paraît étrange qu’il n’en ait pas été toujours de même depuis le commencement.

Pendant six ans, tout fut matière à conjectures, et la femme que je vois et qui habite ces années-là est celle qui entra tout à coup en scène quand elles furent à l’agonie. Ses lèvres timides, ai-je dit, mais elles ne l’étaient pas à l’époque, mais elles le devinrent quand je fis sa connaissance. Le doux visage, ces années-là disent qu’il ne l’était pas autant alors… Le châle qui avait été jeté sur elle – nous n’avions pas commencé à la chasser avec un châle, nous n’avions pas fait écran avec notre corps entre elle et les courants d’air, ni pénétré sur la pointe des pieds dans sa chambre vingt fois pendant la nuit pour se tenir là pour la regarder dormir. Nous ne la voyions pas alors devenir petite, pas plus que nous ne tournions brutalement nos têtes quand elle disait d’un air étonné que ses bras avaient rapetissé. Dans ses moments les plus heureux, et jamais il n’y eut une femme plus heureuse, sa bouche n’était pas agitée par un tic soudain et les larmes n’emplissaient pas ses yeux bleus silencieux, dans lesquels je lus tout ce que j’ai jamais su et tout ce que j’ai à cœur d’écrire. En effet, lorsque vous regardiez dans les yeux de ma mère vous saviez, comme s’Il vous l’avait dit lui-même, pourquoi Dieu l’avait expédiée dans le monde. C’était pour ouvrir l’esprit de tous ceux qui se tournaient vers de belles pensées. Et ceci est le commencement et la fin de la littérature. Ces yeux que je ne peux voir avant d’avoir six ans m’ont guidé à travers la vie et je prie Dieu qu’ils puissent demeurer jusqu’au dernier jour mon seul juge sur cette terre. Ils ne furent jamais davantage mon guide que lorsque j’apportais mon aide pour la mettre en terre. Je ne pleurnichais pas parce que ma mère m’avait été reprise après soixante-seize ans d’une vie glorieuse, mais je me réjouissais en ce soir qui était le sien, devant sa tombe. Elle avait un fils qui était loin d’elle, parti à l’école. Je me rappelle si peu de lui, simplement qu’il possédait le visage joyeux d’un garçon, qu'il courait comme un écureuil jusqu’au somment d’un arbre et secouait les branches tandis que les cerises tombaient sur mes genoux. Quand il eut treize ans et que j’eus la moitié de son âge, une nouvelle affreuse arriva. On me raconta que le visage de ma mère était affreux dans son sang-froid, quand elle se mit en route pour se planter entre la Mort et son petit garçon. Nous nous dirigeâmes avec elle en direction de la colline qui menait à la gare construite en bois. Je crois que je l’enviais à cause de ce voyage dans ces mystérieux wagons. Je sais que nous jouions à ses côtés, fiers de notre droit à être présents en cet endroit, mais je ne m’en souviens pas. Je parle uniquement d’après ouï-dire. Son ticket était acheté. Elle nous avait dit au revoir avec ce visage combattant que je ne peux pas voir, quand soudain mon père sortit du bureau du télégraphe et dit d’une voix enrouée : « Il est parti. » Nous revînmes sur nos pas très silencieux et rentrâmes à la maison en montant la petite colline. Maintenant, je ne parle plus par ouï-dire. J’ai désormais fait à jamais la connaissance de ma mère. »

(Trad. rapide de Céline-Albin Faivre, je souligne.) Amour et haine confondus. Vérité et mensonge.

Culpabilité pressentie lorsque l’on relit les Carnets de Barrie et que l’on déchiffre (grâce au travail colossal d’Andrew Birkin) ceci :

« Histoire d’un amant qui, afin de faire plaisir à son aimée, tue sa propre mère et lui arrache le cœur. Il trébuche et le cœur sanguinolent dit ceci : "T’es-tu blessé, mon cher fils ?" »

Et de refermer, quelques instants, les pages de cet autre livre, celui de son existence, qui pourrait être aussi sœur de la mienne. * Les deux cariatides de mon enfance, Le petit chose et Le grand Meaulnes.

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Dilettante. Pirate à seize heures, bien que n'ayant pas le pied marin. En devenir de qui j'ose être. Docteur en philosophie de la Sorbonne. Amie de James Matthew Barrie et de Cary Grant. Traducteur littéraire. Parfois dramaturge et biographe. Créature qui écrit sans cesse. Je suis ce que j'écris. Je ne serai jamais moins que ce que mes rêves osent dire.
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