lundi 29 octobre 2007
[Ajout de l'année 2012 : toutes les captures d'écran du DVD qui illustraient ce billet ont été malheureusement perdues...]

Pour mon amie E., qui aime également Marilyn, parce que rien n'est jamais ni perdu ni gagné dans la vie, et ce jusqu'au dernier souffle...

Depuis un moment je désirais voir Love Happy (La pêche miraculeuse en français)





et ce JIACO le prouve, par un retour dans le passé, et par une citation incorrecte que je faisais à l'époque...
Ce film nous intéresse à plusieurs titres : c'est le dernier long-métrage des Marx Brothers, Marilyn Monroe y est présente lors d'une scène très remarquée (l'une de ses premières apparitions à l'écran, un an environ avant The Asphalt Jungle de John Huston et All about Eve de Joseph L. Mankiewicz ; le DVD est vendu aujourd'hui surtout sur cette promesse, car le passage froufroutant et ondulant de cette fair lady ne cesse de marquer les esprits du plus doux des sceaux, malgré sa brièveté). Leo McCarey et Ben Hecht*, bien que non crédités, comme cela advenait souvent à l'époque, ont participé à ce film. Le premier est l'un des cinéastes classiques du cinéma américain que je place haut dans mon panthéon et le second est également fort connu pour ses qualités d'écriture souvent mordantes et acides (Cf. son roman Je hais les acteurs).


La fameuse scène avec Marilyn se trouve très précisément à 1h 08mn 02s sur mon lecteur de DVD. Pour le plaisir des yeux, je vous ai préparé quelques vignettes, extraites de ce passage. Sa réplique sera courte mais d'une couleur qui donnera le ton à presque tous ses rôles futurs.
Pour son malheur, peut-être. Tout se passe comme si l'image de Marilyn était à jamais incomplète mais l'illusion de l'entièreté est presque parfaite. Imaginez un jeu de taquin et vous aurez une vision assez précise de ma pensée.
Marilyn n'est pas une énigme ; elle n'est que l'envers et l'endroit inversés. Le physique et le spirituel qui se confondent. Hélas, qui le remarque ? A certains égards, Marilyn Monroe, à la fois maman et putain, s'offre à la pensée comme le ferait une figure christique. Elle possède en elle, de gré et de force, une vertu sacrificielle.
L'âme mise à nu, sans cesse, quand on ne saisit que la peau et les rondeurs, alors que l'on devrait entrevoir le cœur et les rivages de la conscience, les îles du souvenir et de la désespérance. Son statut de mythe et d'icône populaires n'est dû qu'à cette petite place vide dans le portrait placé face à nous, espace infime de vide que l'on remarque à peine, si éblouis que nous sommes par toutes les autres facettes. Sa légende ne tient sûrement qu'à ce petit fragment de couleur estompé et oublié, à ce pli creux, à ce cratère peut-être, à cet accroc dans la personnalité, à ce défaut de couture entre sa persona et le for intérieur, jusqu'à ce que l'aube et le coucher de son existence se confondent dans son propre esprit. Dans le nôtre, il est déjà trop tard. La comète ne repassera plus.

"I want you to help me… Some men are following me…"
Et Groucho alias une parodie de Sherlock Holmes de répondre, l'oeil coquin :
"Really ? I can’t understand why…"
Difficile de demeurer insensible à de telles courbes - mon violon, lui-même, n'en possède pas d'aussi propices à la caresse -, même si, comme Groucho Marx, on a un revolver pointé dans sa direction.

Qui pourrait s'empêcher de la suivre ?


Marilyn la fragile, Marilyn l'incomprise, Marilyn la spirituelle - bien trop pour tous ceux qui ne savaient que la voir et l'entendre sans jamais l'écouter ni la regarder. Et Truman Capote est l'un des seuls esprits forts du siècle déjà passé qui ait su dire d'elle la vérité, la sale petite vérité de tout être humain, celle qui se tortille dans le coeur, comme un ver dans le fruit. Encore faut-il savoir le lire et, parvenus au faîte de notre lucidité, comprendre notre sauvagerie. Ce que l'on préfère, ce n'est ni l'actrice, ni ses films, mais le reflet d'un destin vengeur, le revers de la gloire, une ironie abstraite soudain incarnée. Partant, la justification de notre médiocrité, alors sauvegardée de la possibilité de tout destin. Mais il n'existe pas de fatum. Vous le savez bien. Il n'est que des erreurs et des rencontres. Et, parfois, un peu de bonté et de talent.


Je n'aimerais pas que l'on imagine Marilyn sous les traits d'une victime, dans la peau d'un bouc émissaire. Victime, elle ne le fut ni des hommes, ni de l'industrie cinématographique, ni de son enfance. Si elle fut victime, elle le fut d'abord d'elle-même, très volontairement. Elle s'est jetée en offrande et en pâture au dieu qui préside au banquet des immortels. Elle s'est pelée à vif, non pas pour l'amour de x ou de y, ni même pour la gloire, qui n'était qu'un moyen, mais pour elle-même, dans l'espoir d'obtenir sa propre estime. Avec plus de conscience et de calcul qu'on ne semble le croire - et c'est faire injure à l'intelligence dont elle ne manqua jamais que de présupposer l'inverse. Le calcul et la conscience, dans ce cas précis, n'ont rien à voir avec le machiavélisme ni même avec l'hypocrisie. C'est tout le contraire.
*Ben Hecht, dont il était question plus haut, signe avec elle une autobiographie intitulée My Story.
Elle a été rééditée récemment, agrémentée des sublimes photographies de Milton H. Greene. Du film évoqué précédemment, il est fait mention au chapitre 17. Groucho, lors de l'audition, lui demanda de marcher de manière à ce que "sa vieille libido se réveille, jusqu'à lui faire sortir de la fumée par les oreilles". Elle s'appliqua si bien à satisfaire ces désirs-là que cette apparition ne fut pas oubliée.

A la même période, Marilyn, qui n'était guère fortunée, se mit en tête d'offrir un cadeau d'anniversaire de prix à son amant de l'époque - alors qu'elle ne possédait que deux dollars dans sa bourse. Elle acheta à crédit chez un joailler un bijou qui coûtait plusieurs centaines de dollars. L'heureux homme en fut comblé mais regretta qu'elle n'eût point fait graver son nom sur l'objet: "From Marilyn to_________ with love." Elle répliqua qu'elle y avait songé mais qu'elle avait changé d'idée, tout simplement parce qu'elle savait par avance que cet homme la quitterait, s'unirait à un autre cœur et ne pourrait plus user de l'objet si son nom était gravé dessus. Elle espérait qu'il la contredirait, dit-elle. Il ne le fit pas. Puis, quelques temps après, il en épousa une autre.
Je crois qu'elle avait choisi cette homme pour cette unique raison.
Afin de laisser la place vacante.
Un non-lieu. Un désamour. L'espace d'une plainte. L'endroit de la plinthe.
Si la figure avait été complète, Marilyn n'aurait jamais pu être Marilyn. De Norma à Marilyn, la cicatrice doit être visible.


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