mercredi 30 avril 2008
Je ne peux pas exprimer mon ressenti et mes vidéos ne sont pas en mesure de montrer la splendeur de cet endroit ni son immense pouvoir de fascination et d'inspiration.
Il ne s'agit pas seulement d'une vague séduction exercée par le romantisme noir ou le gothique. Ceci est une interprétation trop évidente et facile (donc fausse), si tant est, en outre, que l'on s'entende sur le sens du mot "gothique". Et la littérature dite gothique est moins aisée à circonscrire et à expliquer qu'on ne le croit au premier abord, mais tel n'est pas notre sujet pour le moment.
Il ne s'agit donc nullement d'un attrait morbide.
Il ne s'agit que d'atmosphère, de capacité respiratoire de la part du lecteur ou de l'écrivain des lieux, de possibilité ou non de s'imprégner de la beauté décadente de l'endroit, de l'amour des ruines et des pierres. J'ai toujours un rapport extrêmement sensoriel avec les lieux que je visite. Je touche, je palpe, je respire, je regarde en fronçant les sourcils.
Ce cimetière est également le contexte de livres que je juge admirables et que d'autres, parmi mes amis très chers, conçoivent comme des "opéras-savonnette pour demoiselles éplorées". Sauf que je ne lis pas ces œuvres, je le pense, sous ce biais. Je crois que la poésie d'Emily Brontë, par exemple, est très grande et que Jane Eyre ou Wuthering Heights possèdent une noblesse, une profondeur que peu de lecteurs, finalement, leur reconnaissent, tout en les aimant. Le même problème, bien que de nature différente, se pose pour l'oeuvre de Jane Austen - que nous croiserons sur le chemin.
Nous nous attarderons sur l'aspect littéraire et psychologique plus tard, car le voyage ne fait que commencer.
Regardez attentivement le début de cette vidéo, la première image.

Il s'agit sans conteste de la plus belle tombe du cimetière, qui est à lui seul une oeuvre d'art, celle de ces hommes qui ont sculpté, souvent avec beaucoup d'adresse, la pierre. Parfois, ces hommes étaient même analphabètes...
Cette tombe est celle d'un sculpteur de pierre, dont le nom est Heaton, et qui a perdu sept enfants - fait très répandu, à l'époque et dans cette région au climat si rude. Il a sublimé sa souffrance dans ce magnifique tombeau.
Admirez la beauté de la sculpture qui représente un enfant couché (un de ses enfants), protégé par un baldaquin. On aperçoit si l'on s'approche une rose coupée ou brisée - symbole victorien assez fréquent sur les tombes d'enfants et la base a la forme d'un berceau... Voici qui aurait plu à Peter Pan qui danse sur la tombe des enfants morts ...


Vendredi 25 avril

Nous embarquons à la gare de King's Cross, pour un train qui s'arrêtera à Leeds où nous prendrons un autre train, direction Haworth - ou plus exactement Keighley, d'où nous irons à Haworth en taxi. Les premières classes de ce train sont particulièrement raffinées, plus qu'en France. On dirait un petit restaurant. Il y a des prises électriques pour les ordinateurs. Certains Anglais, parmi les personnes âgées, sont tout de même vraiment conformes à l'image que nous nous faisons des Anglais. Les jeunes sont, comme partout ailleurs : dévergondés, assez mal embouchés et habillés comme des voyous.
Les Anglais de Londres sont assez énervés, toujours en partance, lisant les journaux gratuits distribués un peu partout dans les rues et buvant des cafés sans répit.
Installés à nos places réservées – le train est peu rempli - , je décide de dormir un peu, car une longue journée nous attend.
Lorsque je m'éveillerai, je serai chez les Brontë. Je me frotte les yeux, je les écarquille. Est-ce bien vrai ? Il faut préciser que j'en rêve depuis au moins dix ans, sinon plus. Mais si nous n'y sommes pas venus avant, c'est uniquement par ma faute. J'ai dû apprivoiser beaucoup de mes craintes.

Arrivés à Haworth, nous découvrons d'abord notre lieu de résidence, une luxueuse Guest House de style victorien avec tout le confort moderne. Ashmount est son nom. Je la recommande chaleureusement aux futurs visiteurs de Haworth. Les propriétaires sont charmants.

C'est l'ancienne demeure du Docteur Ingham qui la construisit en 1870. C'est lui qui se rendit au chevet de Charlotte, quand elle mourut en 1855 et à celui de son père, six ans plus tard.
Notre chambre comporte un lit à baldaquin, comme chez nous, et une vue magnifique.

Très vite, nous partons à la découverte de Haworth. Un premier cimetière, qui n'est pas celui que nous cherchons.


Le lieu ressemble à ce que je connais de l'Ecosse : des petites maisons à pierres grises et des hauteurs vallonnées. La rue principale, pavée, qui monte jusqu'au ciel. Et puis le cimetière attenant au presbytère des Brontë.


Un choc. Des dizaines et des dizaines de tombes, à perte de vue, des pierres tombales majestueuses ou penchées, parfois brisées.

Un monde bordé d'un liseré de mousse. Plus étonnant: des centaines de corbeaux qui parlent, qui hurlent à la mort ou à la vie et qui font leur nid dans les arbres torturés. Leur chant funèbre est sublime.






Je reviendrai parler de ce cimetière de manière plus sérieuse et, en attendant, je vous recommande ce livre-ci (que j'ai acheté) :
L'auteur est un guide qui propose un tour du cimetière. Il narre des choses assez troublantes. Nous y reviendrons.
La tour de l'ancienne église que nous apercevons sur les vidéos est demeurée intacte – puisque l'église a été reconstruite – et c'est sous un des piliers que sont enterrés les Brontë (mais pas Anne...). L'église n'est pas ouverte et nous ne pourrons pas la visiter avant le lendemain. Vous devrez donc attendre, vous aussi, un peu.

A SUIVRE...

(MERCI DE RESPECTER LE COPYRIGHT DES DOCUMENTS.)
Avertissement(s) :
Première page du voyage.
Holly se présentera souvent à vous sans fards - c'est le cas de dire, je ne me maquille jamais -, décoiffée, mal fagotée et souvent crottée, pas trop comme il faut (elle gueule plus qu'elle ne parle). Elle est tout à fait ridicule la plupart du temps, mais elle s'en moque complètement, parce que c'est l'Aventure, n'oubliez pas. Hélas, les "héros" de la vie réelle et moderne n'ont pas le maintien parfois aristocratique des chasseurs d'épaves ou de trésors que l'on rencontre dans les livres. Mais... Mais... Vous verrez bien si vous me suivez jusqu'au bout.
Tout a été filmé en direct, rien n'a été préparé, alors parfois je trébuche sur les mots et les idées qui affleurent. Je voulais partager avec mes proches amis mes émotions immédiates. Alors, parfois, mon français et mon anglais laissent à désirer.
La qualité des vidéos est obligatoirement dégradée parce qu'elles seraient impossibles à télécharger sur un serveur autrement et je n'ai pas le temps de les retravailler pour le web. De plus, c'est de la vidéo très amateur, de même les photographies, alors... fermez les yeux.

***

Jeudi 24 avril
Nous avons pris notre Eurostar à la gare du Nord,



voyageant en bonne compagnie d'un couple d'anglais traditionnels, à qui je demande précision quant à la prononciation que je sais « irrégulière » de « Keighley ». Mais je préfère vérifier ce que j'ai lu dans les livres... Le « gh » se prononce comme un « th ». La femme me donne d'abord une mauvaise réponse, puis s'avise auprès de son mari, qui rectifie. Elle m'explique qu'entre les diverses régions d'Angleterre les prononciations divergent et que même les anglais entre eux ont parfois du mal à se comprendre.
Digression :

Voici ce que j'appelle un anglais traditionnel, mais il n'en existe pas beaucoup, je crois, seulement dans notre imagination. Admirez le parallélisme des valises, le port et le parapluie. Reprenons.
La femme a la peau ridée, dans le décolleté qu'elle laisse entrevoir, le ventre rebondi des caprices de la vieillesse et l'homme, qui semble plus jeune mais ne l'est pas, a le nez couperosé. Il boit peut-être. Ils ne s'adresseront pas plus de trois fois une parole rapide et efficiente pendant la durée du voyage. Cela signifie soit qu'ils n'ont plus rien à se dire soit qu'ils communiquent par télépathie. Ils n'ont pas l'air hostiles l'un envers l'autre ni même indifférents.
Non loin de nous, en face à face, un couple de français, d'origine malgache peut-être. Elle, plutôt belle. Mais d'un milieu social que je juge assez bas, eu égard à la tenue vestimentaire et au relâché désagréable du langage et des manières.
Je ne suis pas Jane Austen, mais j'ai l'oeil acéré. Y compris en ce concerne mes propres négligences.
La femme sort, sans gêne, un sein après l'autre, sous le prétexte de nourrir un enfant qui a bien six mois et qui ne tète pas. La scène choque quelques puritains de mon genre. Il me paraît de mon devoir d'aller informer la femme qu'il est des politesses élémentaires, mais M. Golightly grince des dents - car, lui, est un gentleman et il sait que mon attitude serait encore plus vulgaire que la sienne. Je ronge mon frein.
Nous arrivons dans la nouvelle gare de St. Pancras,



propre, éblouissante, neuve. L'anglaise qui nous a aimablement informés en matière de linguistique reviendra sur ses pas pour nous souhaiter un beau voyage. Elle a semblé intéressée et ravie lorsque je lui ai expliqué le but de mes divers déplacements. Demain, il faudra changer à Leeds et au retour, le dimanche, à Leeds et à York.


Nous éprouvons quelques difficultés à comprendre le système ferroviaire anglais, alors que nous nous mettons en quête des billets de train pour le lendemain, à Haworth. Mais, en vérité, ce sytème me semble meilleur que le nôtre.
Notre hôtel se situe, pour cette première nuit, en face des Jardins de Kensington. La brochure de l'hôtel dit – mais ce n'est pas la vérité vraie – que « It is widely believed that James M Barrie wrote his famous story of Peter Pan sitting on a bench where the hotel now stands. » « Widely believed »? I don't think so ! Where didn't Barrie write Peter Pan? Tell me!
Nous retournons aux Jardins

à la recherche des fameuses pierres tombales dont il est question à la fin du Little White Bird. Nous nous sommes égarés la dernière fois.
Malgré les instructions très précises d'Andrew Birkin, l'entreprise s'avère un échec absolu. Peut-être dimanche ? Pour mon anniversaire ?
Un écureuil gris tourne autour de moi après que j'ai invoqué le nom de Sir James Matthew. Est-ce celui que j'avais vu l'année dernière ? Quelle est la durée de vie d'un écureuil gris ?
En tout cas celui-ci s'approchera assez près de moi pour déposer un baiser mouillé et frais sur mon index droit. Le fait est que cet écureuil est celui qui m'indiquera, quelques jours plus tard, l'emplacement des pierres...
Faut-il revenir sur le lieu de ses jours très heureux ? Ou abîme-t-on ce qui était beau ? Non, j'ai trop confiance en notre sens du bonheur, en notre exigence quant à l'instant présent pour redouter cela.
Je m'en vais chatouiller les orteils de Peter Pan et faire le pitre, puisque l'Orangery is closed - une fête privée s'y prépare.

Nous repartons, le coeur léger et lourd à la fois, sans savoir que nous sommes passés près des pierres sans les voir... Maintenant, je sais que le rire entendu derrière notre dos était le leur.
Je remarque, le soir, sur Oxford Circus, à quel point les jeunes anglaises chics peuvent être délurées. La londonienne argentée porte un sac à main Dior, une robe noire classe, et des escarpins à talons aiguille. Elle m'impressionne grandement, moi, qui suis complètement avachie dans mes petites ballerines d'enfant et qui ai l'allure d'un vieux pot à tabac.
Petit arrêt au Starbucks café couplé avec un magasin de livres – je ne dis pas librairie, je suis trop respectueuse –, Borders.
Les serveurs parlent à peine l'anglais, moins bien que moi (c'est dire ! Mais je le comprends très bien, en revanche...) et toutes les professions de ce genre sont exercées par des immigrés. Il me demande mon prénom pour inscrire sur le gobelet en carton en attente, je réponds, d'humeur malicieuse : « Jane Austen ». Il me regarde ahuri et je renonce.
La première journée à Londres s'achève.
mardi 29 avril 2008





[Clichés de M. Golightly - cliquez sur les photographies pour les agrandir.]


Saviez-vous que l'on pouvait mourir d'excès de bonheur tout autant que d'excès d'oxygène ?

Je suis de retour. Il y a très peu de temps et j'écris à la hâte ces quelques lignes pour quelques-uns d'entre vous. Il va me falloir quelques semaines pour me remettre de mes aventures ! Et pourtant j'ai un travail fou qui m'attend à la maison. Mais il m'arrive toujours des choses extraordinaires lorsque je voyage. Le temps ne compte plus alors.

J'ai rencontré des êtres formidables qui m'ont ouvert leur maison, leurs archives, un peu de leur vie, pour les livres en préparation sur J.M. Barrie. (Rien de tout ceci n'aurait été possible sans toi, Robert. Tu sais à quel point je suis capable d'être heureuse comme un enfant et je l'ai été, je le suis. Rien non plus n'aurait été possible, avant tout, sans M. Golightly, mais nul besoin de parler de lui, parce que lui et moi, c'est la même chose. Il pourrait écrire ces lignes tout autant que moi.)
Si vous ne croyez pas aux fées, j'espère au moins que vous croyez aux contes de fées.

J'ai bien fait de frapper dans mes mains au moment opportun, comme tous les enfants, pourtant "sans coeur", qui assistaient jadis aux représentations de Peter Pan, afin que Tinker Bell ne meure pas...
Mais, là, il s'agit d'une autre histoire que je commencerai à vous conter tout doucement, dès demain. Le récit d'un voyage en Angleterre, qui commence à Londres, qui s'aventure jusque dans les Moors des Brontë, qui repasse par Londres, pour redescendre prendre le pouls de vieilles ruines, pour visiter une grande dame des lettres anglaises et, apothéose, le Graal de tout barrien : Black Lake.

Il s'agit d'un endroit secret dont je ne pourrai pas vous parler directement, car j'ai fait une promesse solennelle, mais je pourrai vous dire mes sentiments car, eux, ils m'appartiennent.



Je suis, sur cette photographie [Cliquez pour agrandir, merci à Robert pour le cliché !], dans LA forêt de pins, la pinewood qui fait rêver tous les lecteurs véritables de Barrie, qu'ils soient ou non fétichistes (je le suis). La sève de Peter Pan coule ici.
Mon ami anglais Robert (auteur d'un très beau livre en relation avec Barrie, puisque sa grand-mère connaissait bien J.M. B. - je le rappelle pour mes nouveaux lecteurs et je le souligne également parce que c'est grâce à ce livre que notre amitié est née et parce que nous sommes allés, hier, sur les lieux décrits dans ce récit qu'il faut lire si l'on aime Barrie) avait préparé une journée extraordinaire pour moi, en ce 28 avril. Il m'a offert des souvenirs qui dureront ma vie entière. Jamais je ne les laisserai faner, parce qu'ils ont pris racine en moi à l'endroit exact où naissent sans discontinuer les histoires, à l'intersection de l'imagination et de la mémoire.

Que l'aventure commence !
vendredi 25 avril 2008
A mon retour, je partagerai avec vous les vidéos et les images de ce petit périple en Angleterre que je vis en ce moment même. Une de mes amies, ma Fauna, nous a en quelque sorte accompagnés. Sa présence imaginaire, je l'ai ressentie à certains instants, ceux-là même où, je le crois, elle aurait porté, comme moi - double écho du sentiment -, la main à son coeur. L'amitié est véritablement le principe qui anime mes choix et les voies que j'emprunte, que ce soit en littérature ou dans la vie prosaïque. Et il n'y a pas de frontières en moi, pas d'écluses à ouvrir ou à fermer. Il faut que je vive les mots avant de les aborder d'intelligence.
J'ai découvert Haworth, ce matin, baptisée par les pleurs de quelques anges qui ont fait leur vie et leur lit dans "le ciel" des enfants. Je rêvais d'une arrivée sous la pluie du Yorkshire.
Pour l'heure, je respire l'haleine des fantômes d'un autre temps. Je ne saurais exprimer à quel point je me sens heureuse, à l'avant-veille de mon anniversaire.
Derrière une vitre, j'ai aperçu les vêtements de Charlotte Brontë.
Elle devait être assez petite, pas plus d'un mètre quarante-cinq, et très menue.
Il est assez émouvant de découvrir ses petits effets, désormais orphelins pour l'éternité, comme ces manuscrits que l'on dirait écrits par une non-terrienne ou ces minuscules livres cousus qu'elle fabriquait et recouvrait de son écriture de myope que l'on ne peut déchiffrer qu'à l'aide d'une loupe.
Mon émotion peut paraître simple à provoquer, à faire apparaître, mais elle est violente et sourde comme ces paysages rudes que je contemple en écrivant ces mots dérisoires.

A bientôt...
mercredi 23 avril 2008

Je pars ! Je ne suis qu'un frisson.
Il paraît d'après ceux qui en sont revenus que, là-bas, à certaines heures, l'herbe est bleutée et qu'elle se balance très poétiquement. L'image me fait un peu mal car cette simple idée énoncée concurrence mon imagination. La réalité peut-elle encore être à la hauteur de cette déclaration ?
Le coeur de ceux qui viennent réveiller les lieux donne le "la", m'a-t-on dit, et tout prend vie le temps d'un printemps. Je sais bien que je vis l'un des derniers printemps de mon printemps et qu'ensuite il faudra vieillir.
J'ai hâte de voir - non ! d'éprouver - cela, je veux dire l'herbe bleutée et froufroutante. Il me semble que je touche et croque déjà le fruit de mes songes.
Il paraît même que je pourrai visiter pendant ces jours prochains la dernière maison où a habité Jane Austen.
Il paraît que je ne vis plus que mes rêves.
Je rends visite à mes "parents". Ils sont tous morts et ne vivent plus qu'entre les pages des livres.
C'est bien.
De toute façon, je réprouve la compagnie des trop vivants.
Rien ne va plus ! Tout est en désordre ! Je m'active ici et là. Je dépose une note bibliographique ici ; là, je taille et allonge en même temps un chapitre trop long ; ailleurs, je prends des notes, sur un carnet surchargé de ratures et d'ajouts, pour une autre histoire. Je gobe, sans le goûter, un litre de café et dispense ma désinvolture à tous. Puis, je me contemple dans l'incompréhension des autres, surtout de ces femmes qui n'ont pas la moindre idée que je ne suis pas tout à fait comme elles, que je m'en trouve bien, et qui ne comprennent pas que je préfère porter des livres plutôt que des enfants et que les deux sont, pour moi incompatibles.
Déjà l'enfance me distinguait d'elles. Déjà j'étais consciente de tout ce qui nous séparait. Sans indisposition.
Pas le temps.
Je suis sûre d'avoir oublié mille petites choses qui me feront défaut au moment propice.
La leçon de Chinois n'était pas assez apprise, hier ; ce matin, le violon n'est pas assez caressé. Je suis coupable, oui. Je fais trop et pas assez. Surtout en amitié.
Dernières recommandations à qui de droit.
Quand, comme moi, on cohabite avec quatre chats et trois chiens qui vous font l'honneur de vous accorder une petite place dans leur territoire, il est hors de question de partir de chez soi sans trouver quelqu'un qui va habiter votre maison, à votre place, pendant votre absence. J'ai de la chance, je connais cette perle, qui emménage chez nous le temps d'un voyage et qui ne dérange pas trop les ombres que je laisse derrière moi, même si elle ouvre mes pots de confiture.
Il ne me reste plus qu'à remplir légèrement des valises.
Je suis devenue plus raisonnable au fil du temps. Je me le répète pour m'encourager à l'être vraiment. Un peu plus que chaque dernière fois.
Autrefois, j'emmenais une armoire avec moi. Ma valise avait la taille d'une malle-cabine et était le cauchemar de tous porteurs dans les hôtels. Désormais, je voyage avec le minimum.
Je suis consciente, cependant, que mon minimum n'est pas nécessairement celui des autres. L'apparat vestimentaire n'est pas ma préoccupation, étant donné que je ne m'habille que de noir et que j'ai souvent les mêmes vêtements en double ou en triple. Mon seul éventuel indice de sophistication est mon Chanel number 5 ou Le monde est beau de Kenzo ou encore ma collection de sacs à main. Pour le reste, je suis une personne plus que modeste. L'invisibilité est mon ambition. On observe mieux en retrait.
Mais je refuse de voyager sans mes livres, mes encyclopédies ou mes dictionnaires. Dieu merci, l'informatique permet d'alléger la valise.
Que vais-je emmener ?

Le sac que j'ai dérobé en imagination à Miss Poivert, avant de me l'offrir, parce que j'aime bien l'idée et que, finalement, je n'emporterai pas, car hier soir j'ai trouvé un cadeau de princesse dans la maison (une très belle création Lancel, l'Easy flirt décliné en rose, bien sûr, car la couleur je ne la porte qu'en bandoulière).




Dans ce confortable sac, je vais pouvoir mettre plein de choses. Raisonnable, ai-je dit ?
Un carnet ventru, Wuthering Heights et Jane Eyre pour faire bon poids, symboliquement. Mes extensions : mon précieux IPhone (lui et moi, nous sommes inséparables depuis sa sortie en France, en novembre dernier) et mon tout nouveau eeepc (un ultra-portable qui tient dans un sac à main et qui fait tout comme un grand ! Bien pratique quand, comme moi, on aime écrire n'importe où...), qui me permettra peut-être de faire des "reportages" en direct sur place et, surtout, de continuer à travailler un peu. Parce que ce qui m'importe vraiment, c'est de savoir si on peut dire le réel.

Un stylo-plume qui dégorge d'encre noire et un autre d'encre violette, pour écrire des cartes postales que je n'aurai pas le temps d'envoyer à tout le monde, c'est certain. Des disques que j'ai chargés sur mon précieux IPhone, dont celui-ci (beau, beau, beau) : ainsi que les cours du Collège de France - que je n'aurai pas le temps d'écouter, mais cela me rassure.
Un appareil photo et un camescope numériques - le domaine de M. Golightly, afin de ramener vidéos et photographies pour les indulgents lecteurs de ces pages.

De toute façon, les souvenirs ne servent à rien, car on les vit au présent et le présent n'existe pas. Et puis, tout est vain.
Vite ! Vite ! Je suis en retard ! Au secours ! Au revoir !
samedi 19 avril 2008
Lecture vieille de huit ans, environ, reprise récemment, et les mots sont compris autrement. Mais je demeure une spectatrice du "Théâtre intime" de Strindberg.
De Strindberg, phrases citées dans la postface : "Je suis le destructeur, le démolisseur, l'incendiaire du monde, et quand le monde sera réduit en cendres, je me promènerai, affamé, parmi les décombres, joyeux de pouvoir dire : c'est moi qui ai fait cela, moi ; c'est moi qui ai écrit la dernière page de l'histoire du monde, vraiment la dernière."
"Peut-être est-ce notre devoir de fermer les yeux et de nous dissimuler certaines choses, comme nous cachons nos fonctions naturelles. Nous habitons peut-être une très belle demeure mais nous savons qu'il existe une chambre secrète qui cache quelque chose de très laid. Toutefois, personne n'y pense, et nul ne songe à montrer cette porte fermée qui se trouve en chacun de nous."
Et la maison à étages de Kierkegaard ?
****
[…] "Vous ne verrez que la vieille histoire de la vie, Sous toutes ses formes et avec toutes ses horreurs, Le bien, le mal, la grandeur, la petitesse, En toute intimité, mais en confiance, Et gravement ; il est difficile de toujours sourire, La vie n'est pas gaie tous les jours." […] "Quand la pièce commencera, la toile une fois levée, Sous plus de cent lumières nous serons mis à nu Tandis que dans l'ombre, vous, Vous serez dissimulés, Et vos sentiments et vos regards protégés. Pour cette raison, sachez ne point juger trop sévèrement Ceux qui seront alors exposés aux courants d'air, Tandis que vous-mêmes serez assis dans une chaude intimité. Nous et notre poète nous allons donc frapper les trois coups Et vous serez tranquillement assis, et regardant. Pour nous, il s'agira ici de traverser la souffrance D'un peu de vie humaine, pendant quelques instants ! "Crainte et Compassion", Telle était l'exigence des anciens en fait de tragédie, Compassion envers ceux qui en subissent l'épreuve, Tandis que les dieux, tenant secrètement conseil, Agitent la destinée des enfants d'être humains ; Nous, les modernes, changeront quelque peu de ton : "Humanité, Résignation" - - - Sur le chemin qui va De l'île de la vie, à celle de la mort. "
August Strindberg, Le Pélican, Paris, Solin, 1993, texte français de Michel Vittoz, avec la collaboration de Pascale Preel, texte présenté et annoté par Jérôme Hankins, je souligne.

Et voici que Miss Holly se retrouve embarquée dans une fiction ! Cela ne m'était encore jamais arrivé ! Je sens que je me dédouble, que ma persona se délite et prend vie ailleurs pour mon plus grand plaisir, alors que j'ai envie de faire peau neuve...

Grâce à l'ingénieux, facétieux, talentueux et érudit Eric Poindron dont je vous invite à lire le "blog"!

C'est sans conteste un endroit rare sur le Net où j'aime me perdre.
Merci, M. Eric.

mercredi 16 avril 2008
Je suis une machine à lire et à écrire, mes mots ou ceux des autres.
Non, pas une machine, mais un organisme. Cela revient presque au même.
Plongée dans l'écoute de ce coffret qui me ravit, je recopie quelques lignes qui cisèlent ma pensée. On sait, pour qui me lit depuis longtemps, l'admiration que je porte à Unamuno. A bien chercher dans ce JIACO, on pourrait y trouver les ruines de quelque vieux texte.
Comment on fait un roman de Miguel de Unamuno, Paris, Les fondeurs de briques, 2008.

« Quand un livre est chose vive, il faut le manger, et qui le mange, si à son tour il est vivant, il revit par cette nutrition. Mais pour les écrivains – et ce qu’il y a de triste c’est que seuls lisent ceux qui écrivent -, pour les écrivains un livre n’est rien de plus qu’un écrit, ce n’est pas une chose vivante, revivifiante, éternisante (…) Et seuls peuvent sentir ce qu’il y a d’apocalyptique, de révélateur dans le fait de manger un livre ceux qui sentent comment le Verbe se fit chair en même temps qu’il se faisait lettre et comment nous mangeons, en pain de vie éternelle, eucharistiquement, cette chair et cette lettre. Et la lettre que nous mangeons, qui est chair, est aussi parole, sans que cela veuille dire qu’elle soit idée, c’est-à-dire squelette. On ne vit pas de squelettes, personne ne s’alimente avec des squelettes. » (p.18)
« (…) la façon la plus courante de s’abêtir [est] de lire des livres sans les manger, d’avaler la lettre sans l’assimiler en la faisant esprit. » (p.26)
« Si par roman, tu entends, lecteur, l’argument, il n’y a pas de roman. Ou, ce qui revient au même, il n’y a pas d’argument. L’os est dans la chair, et dans l’os la moelle, mais le roman humain n’a pas de moelle, manque d’argument. Tout est petites boîtes [les petites boîtes de laques japonaises enchâssées l’une dans l’autre, jusqu’à la dernière qui est… vide.] et rêves. Ce qui est véritablement romanesque, c’est comment on fait un roman. » (p.28)
«Oui, tout roman, toute œuvre de fiction, tout poème, quand il est vivant, est autobiographique. Tout être de fiction, tout personnage poétique, que crée un auteur, fait partie de l’auteur même. Et si celui-ci met dans son poème un homme en chair et en os qu’il a connu, c’est après l’avoir fait sien, partie de lui-même. (…) Toutes les créatures sont leur créateur. » (p. 35)
« (…) je dois avouer que la plus grande confiance que je puisse avoir en mon bon sens m’a été donnée dans les moments où, observant ce que font les autres et ce qu’ils ne font pas, écoutant ce qu’ils disent et ce qu’ils taisent, ce fugitif soupçon m’a effleuré : “Serais-je fou ?”
Être fou, on dit que c’est avoir perdu la raison. La raison, mais non la vérité, car il est des fous qui disent des vérités, alors que les autres les taisent, parce qu’il n’est ni rationnel ni raisonnable de les dire, et c’est pourquoi l’on dit qu’ils sont fous. Et qu’est-ce que la raison ? La raison, c’est ce sur quoi nous sommes tous d’accord, tous ou du moins l’immense majorité. La vérité est autre chose. La raison est sociale ; la vérité, d’ordinaire, est complètement individuelle, personnelle et incommunicable. La raison nous unit et les vérités nous séparent. » (pp.45-46)
« Tout lecteur qui, lisant un roman, se préoccupe de savoir comment finiront les personnages sans se préoccuper de savoir comment il finira, lui, ne mérite point qu’on satisfasse sa curiosité. » (p. 58)
« Que du songe il [le lecteur] fasse de la vie, et il sera sauvé. Et comme il n’y a là rien que comédie et roman, qu’il pense que ce qui lui paraît réalité extra-scénique est comédie de comédie, que le noumène inventé par Kant est ce qu’il peut y avoir de plus phénoménal, et la substance ce qu’il peut y avoir de plus formel. Le fond d’une chose est sa surface. » (p. 62)

« Ce roman, et d’ailleurs tous ceux que l’ont fait, et non que l’on se contente de raconter, en toute rigueur ils ne finissent point. L’achevé, le parfait, c’est la mort, et la vie ne saurait mourir. Le lecteur qui cherche des romans achevés ne mérite pas d’être mon lecteur : il est lui-même déjà achevé avant que de m’avoir lu. » (p. 62)
« (…) une de mes lectures de hasard-, Le Sorgenti irrazionali del pensiero de Nicolas Abbagnano : “Comprendre ne veut pas dire pénétrer dans l’intimité du personnage étranger, mais seulement traduire dans sa propre pensée, dans sa propre pensée, dans sa propre vérité l’expérience souterraine où se fondent sa vie propre et celle d’autrui.” Mais ne serait-ce point là justement pénétrer dans les entrailles de la pensée d’autrui ? Si je traduis dans ma propre pensée l’expérience souterraine où se fondent ma vie et ta vie, lecteur, ou si tu la traduis dans ta propre pensée, si nous parvenons à nous comprendre mutuellement, à nous prendre ensemble, n’est-ce point parce que j’ai pénétré dans l’intimité de ta pensée cependant que tu pénétrais, toi, dans l’intimité de la tienne et que celle-ci n’est mienne ni tienne, mais commune à tous deux ? N’est-ce point parce que mon homme intérieur, mon intra-homme prend contact et même s’unit avec ton intra-homme en sorte que je vis en toi et toi en moi ? » (pp. 74-75)
« Le projet d’un édifice est projet de construction. Et un problème présuppose non tant une solution, au sens analytique ou dissolutif, qu’une construction, une création. On résout en faisant. » (p.75)
(Je souligne.)
lundi 14 avril 2008
Le secret, c'est de prendre son temps. Tout son temps, même s'il est avare en terme de floraisons.





J'ai changé !
C'est indéniable.
Vous ne pouvez pas encore savoir.
Je n'ai plus peur.
De voyages réels en voyages imaginés, je me promène sur la terre.
Mes voyages réels ne sont jamais que le passé de mes voyages imaginaires.
Ils n'en sont pas moins beaux ou nécessaires, bien au contraire. Ils me reflètent simplement à divers instants d'un temps qui n'est jamais plus le mien.
Je cherche à résoudre les énigmes que j'ai posées autrefois et dont je ne connais plus les réponses, puisque je ne suis plus tout à fait ce que je fus. C'est l'Aventure intérieure !
La vie est belle et bonne. Je me sens vivante comme un enfant ou comme une fleur de printemps, avec la conscience de la mort qui ouvre sa focale sur les jolies choses.
Je prépare le présent en dévorant les pages de guides raflés chez Gibert Joseph.

Je tressaille en songeant aux ruines de Waverley que, peut-être, je pourrais toucher de la main.
J. M. Barrie demeure toujours le fil conducteur. Je vais dans le Surrey pour lui et il m'emmène sur les traces des Brontë, car il aimait Emily autant que je l'aime, je crois.
Dans le même esprit, je me rendrai un jour à Samoa - M. Golightly l'a promis et le mot impossible est un mot qu'il n'a jamais prononcé devant moi - sur les traces de son ami, Stevenson. Je suis prête pour ce genre de voyages qui m'auraient horrifiée il y a encore un an. Le voyage n'est plus la violence que je m'affligeais parfois. Je rêve si bien mes voyages qu'ils deviennent une part de moi.


[Joli recueil reçu récemment qui va s'ajouter à ma collection de livres anciens concernant Stevenson et l'époque à laquelle il appartient, volume auquel des fragments barriens sont insérés, ce qui le rend inestimable à mes yeux...]



Il rejoindra la dernière acquisition pour le musée Barrie, un livre assez rare qui contient un texte de Barrie que je n'avais pas encore lu et qui concerne... les ânes. En apparence, en tout cas...




Je contemple le probable naufrage d'un bateau au Jardin du Luxembourg.



Merveilleux week-end à Paris. "M. Golightly" est le maître de mes illusions autant que de ma réalité.
Point d'orgue : un très beau concert à Pleyel,


où nous nous étions rendus afin d'entendre, entre autres, Renaud Capuçon, virtuose violoniste, que j'admirais jusques alors, par disques interposés, sans avoir encore jamais assisté à l'un de ses concerts. My M. Anon m'avait prévenue en sa faveur et, quand on sait le niveau d'exigence de cet homme, devenu mon personnage de fiction préféré, c'était un gage inestimable pour moi de confiance.
Renaud Capuçon a interprété - non, il a incarné - le romantique Concerto pour violon de Mendelssohnn (opus 64) avec une ferveur et une fougue telles qu'à certain moment, à le voir et à l'entendre, je me suis dit que la vie valait vraiment la peine d'être vécue. Bien sûr, Renaud Capuçon est conscient de sa valeur, il possède l'impertinence de la jeunesse, manifeste une certaine fierté pour sa personne, mais témoigne d'une réelle générosité, d'un quelque chose qui va droit au coeur.
(Je n'ai pas résisté à la tentation de lui faire signer mon programme. Non pas que je sois une chasseuse de paraphes, quoi que...).

Le jeune chef Tugan Sokhiev est rigoureux et profondément humain avec ses musiciens. A la tête depuis assez peu du très bon Orchestre du Capitole, il semble creuser son chemin, avec beaucoup de conscience et de sûreté. Lui et son orchestre nous ont donné une grandiose interprétation de la Cinquième symphonie de Tchaïchovski, que j'essaierai de garder dans ma mémoire affective et sensorielle.

Au hasard de mes pérégrinations dans les libraires de la capitale, je suis tombée nez à nez avec ce livre dans ma librairie du cinéma préférée :



et j'ai pensé à Fauna, ma si belle et si talentueuse amie, qui est de la race des reines. Elle avait écrit un noble billet sur cet acteur hors du commun. Elle avait saisi avec acuité la personnalité de cet être indéfinissable, de cette libellule-marionnette au sourire divin.
Ce livre est très pudique, très beau, taillé en pleine peau d'homme et d'âme. Il ne contient rien de trop et, en à peine cent vingt pages, cette miniature nous restitue l'élégance d'un homme que j'aurais aimé connaître, en qui je reconnais certaines des blessures qui sont miennes, et un certain idéal d'existence.
"Moi, je le dis avec orgueil, je n'ai jamais rien sacrifié pour la mangeaille." (p.19)
Je ne connais pas l'auteur de ce récit et, après avoir refermé le livre, je ne sais rien de lui, sinon qu'il a été capable de faire vivre cet autre, en qui certainement il trouvait des correspondances que l'amitié n'explique pas seulement. Peut-être a-t-il atteint ce que je nomme "le point d'effraction d'autrui" et que Deleuze nomme le charme, notion très profonde que seuls les superficiels par nature réduisent à des considérations épidermiques - alors que la peau, c'est ce qu'il y a de plus profond, pour parler comme Valéry - et qui est comme l'endroit où se cristallise la folie, la petite phobie ou obsession, qui nous sert de centre de gravité.
Il rêvait de lire sur scène une sélection des sonnets de Shakespeare dans la traduction de Jouve - dont j'ai lu le magnifique Paulina 1880, livre offert par un ami à Noël et dont il faudra que je reparle. Il n'a pas trouvé le financement. Triste moment où le réel de ceux qui paient déchire celui de ceux qui rêvent.
"Mais ne cherchez pas à comprendre, il est à la recherche de ses rêves d'enfants." (p. 109)
"Quand tu t'en vas où est le cimetière des heures parties ?
Dans mon coeur, dans mon coeur

(Il touche trois fois son coeur)
Je t'embrasse fort." (p.16)
Regard brouillé de larmes en recopiant ces lignes.
Au revoir.
vendredi 11 avril 2008
Dernière petite note, certainement, avant mon départ dans les ténébreuses et romantiques landes anglaises.
****
Même si Philip Pullman est, à mes yeux, un homme un peu décevant (eu égard aux hautes attentes - illégitimes, sans doute - que j'avais formulées à son égard, à la lecture de son oeuvre), par un manque de courage certain, je ne le dépossède pas tout à fait de mon estime.
Pire, je continue à le lire avec la même fièvre qui s'empara de moi lorsque je lus pour la première fois His Dark Materials.
Mais l'écrivain mériterait d'être un meilleur homme. Il suffit pour s'en convaincre de regarder la triste et si médiocre adaptation du premier tome de son oeuvre, His Dark Materials, et ce malgré la belle prestation d'actrice de Nicole Kidman, plus que parfaite en Mrs. Coulter - "cruelle et séductrice en même temps", comme l'explique Pullman dans la vidéo que je propose à la fin du billet. Ou encore suffit-il de lire ses réponses embarrassées lorsque lui sont posées des questions dérangeantes de ce genre : pourquoi a-t-il laissé gommer tout l'aspect assez violemment (avec raison, mais encore faut-il comprendre la position complexe de Pullman sur ce sujet ) anti-religieux de son histoire dans le premier film ?
Ne pas se sentir responsable de ce que l'on fait de votre livre me paraît une réponse tout à fait contestable et coupable. Mais c'est son droit, bien entendu.
M. Pullman est donc un tantinet pleutre (ou dévoué au dieu Money ?) et aveugle (envers son oeuvre, envers certains auteurs dont il veut tellement se démarquer, J. M. Barrie, par exemple, qu'il n'a pas compris).
Malgré ces réserves qui concernent davantage l'homme que l'écrivain, même si le premier est le père du second, j'ai acheté son dernier livre, par fidélité et admiration sans faille à sa trilogie, qui demeure l'une des oeuvres qui ont beaucoup compté pour moi ces dernières années. Je le lirai bientôt. Pour l'heure, je vous livre le contexte.
Ce petit livre, Il était une fois dans les royaumes du Nord, dont la traduction française paraîtra en septembre, s'inscrit dans la lignée du précédent, écrit dans un esprit comparable. Je soupçonne un peu l'auteur de vouloir faire patienter les lecteurs de la première heure (dont je suis), qui attendent son "Livre de la poussière" depuis de longues années.
Cet objet, car il s'agit davantage d'un objet ludique que d'un livre, n'apporte rien à son oeuvre, mais il fera certainement plaisir à certains. A moi, peut-être.
A me lire, on pourrait croire que je boude mon plaisir et mon intérêt. Tel n'est pas le cas. Je ne le crois vraiment pas. Je suis ne pas devenue un vieux bonnet de nuit troué. Je ressens simplement une certaine tristesse devant l'incapacité d'un écrivain, qui possède des idées originales, une ferme culture parfaitement assimilée et solidifiée en lui, et un indubitable et assez rare don de conteur, de pousuivre une oeuvre au lieu de courir le cachet et l'interview parfois facile.
A-t-il perdu tout sens de la pudeur et du respect envers son travail littéraire ?
M. Pullman, sauf votre respect, je crois que vous vous égarez, et je suis la première à le regretter. J'espère que vos errements ne vous empêcheront pas d'écrire ce livre que j'imaginais magistral et dont le fantôme nous sépare.
Ce livre-ci, une nouvelle, nous raconte une rencontre, la première entre Lee Scoresby et Iorek. Je vous en rendrai compte bientôt.
Je laisse la parole à son auteur. Dans un entretien, ma foi vraiment intéressant, puisqu'il déborde du simple cadre d'une promotion, il nous explique, entre autres choses, où il en est de la rédaction du Livre de la poussière et de son sujet et il est amusant que Pullman nous parle de Cendrillon, encore un point commun de plus avec mon cher Barrie, qu'il déteste...
Sa conception de l'innocence, du passage de l'enfance à l'âge adulte, du pouvoir de la religion ou du mythe m'importent beaucoup, même s'il me paraît ne pas prendre assez en compte, explicitement j'entends, une dimension essentielle de l'enfance : l'innocence n'existe pas pour l'enfant ; ce qu'il appelle ici "cet état de grâce" est simplement le regard adulte que nous portons sur des êtres qui n'éprouveront jamais ce sentiment, qui ne le peuvent, sinon... ils perdraient cette innocence. Je crois que la "poussière", cette substance qui matérialise, en quelque sorte, la possibilité du péché dit cette ambiguïté, ce paradoxe.

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Dilettante. Pirate à seize heures, bien que n'ayant pas le pied marin. En devenir de qui j'ose être. Docteur en philosophie de la Sorbonne. Amie de James Matthew Barrie et de Cary Grant. Traducteur littéraire. Parfois dramaturge et biographe. Créature qui écrit sans cesse. Je suis ce que j'écris. Je ne serai jamais moins que ce que mes rêves osent dire.
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