[Source de l'image : ici.]
Scott. — Savez-vous ce
qu’est la peur, Barrie ?
Barrie. — Je suis habitué à sa présence. Avoir peur, c’est
être vivant.
Scott. — Barrie, votre
Antarctique est ici, dans le glen, ou à n’importe quel autre endroit choisi par
votre imagination. Le pôle Sud de votre esprit m’est bien plus difficile à
atteindre que mon 90 degrés Sud – qui ne requiert que de la persévérance et de
l’endurance.
***
Scott. — La mort dans l’Antarctique
arrête le temps d'un seul coup. Il n’y a ni pourriture ni décomposition.
C’est le cosmos qui domine et non la civilisation. Lorsque vous pénétrez dans
cette immense solitude, vous sentez que c’est l’un des derniers endroits
sauvages sur cette terre. Pourtant, sous ses profondeurs endormies, la vie est
là, grouillante, comme s’il devait s'agir du lieu de naissance de la création.
***
Barrie. — Je vous le dis,
vous pourriez être un créateur de mythes.
Scott. — Quel mythe pourrais-je
créer ?
Barrie. — Le mythe de l’explorateur
qui n’a peur de rien. Le héros. L’art tient à la manière dont vous raconterez votre
histoire.
Scott. — Il faut d’abord
avoir une histoire à raconter.
Barrie. — Mais vous en avez
déjà une ! Cette aventure est la vôtre. Vous devez dire au monde ce qu’est
un héros. Même les morts ont des histoires à raconter…
***
Barrie,
à voix basse. — Ne croyez-vous pas qu’il y ait une voix
en vous ?
Scott, qui semble perplexe. — Une voix ? Je n’entends rien.
Barrie. — Soyez patient, cela prend du temps.
Scott, s’agitant. — Vous savez bien que j’ai peu de temps, Barrie. J’ai des responsabilités.
Barrie. — Mettez vos inquiétudes de côté ! Écoutez !
L’expérience est d’autant plus intense que la perception en est difficile. Le
secret, c’est de la faire vôtre. Je vous ai dit que je sentais une infime brise
souffler sur moi. C’est comme attraper le vent dans un filet.
Scott. — Qu’est-ce que
le vent amène ?
Barrie. — La vérité !
Scott. — Vos livres sont
des fantaisies qui parlent de fées et d’îles mystérieuses. Que savez-vous de la
vérité ?
Barrie. — Mais ils puisent dans les
sources de la sagesse antique. Ils sont l’expression d’une quête, celle de ces expériences vécues et oubliées que nous avons tous en commun. Je veux écrire des mythes.
Scott. — Les mythes sont-ils le summum de
la littérature ?
Barrie. — Mais bien sûr ! Et ce, parce que les
mythes tournent toujours leur regard vers le monde invisible afin d’en trouver
le sens. Virgile, Homère, Dante, Milton, Shakespeare… Je pénètre dans leur
univers comme dans une cathédrale. Je veux être un créateur de mythes.
Scott. — Mais vous l’êtes ! N’est-ce
pas le cas avec Peter Pan ?
Barrie. — Résistera-t-il à l’épreuve du
temps ?
Scott. — Il est parmi nous
depuis plusieurs années.
Barrie. — 100 ans est en général le
critère pour le déterminer.