mardi 30 mai 2006

J’avais lu ce roman à sa sortie,
il y a déjà un moment [j’aime beaucoup la sonorité de métronome du mot moment et les possibilités de dérapage de la langue : môman, par exemple], à savoir quatre ans, si je ne m’abuse. Nous sommes en présence d’un roman animé et voluptueux. Une histoire d'amour violente et passionnée, écrite avec maîtrise et sensibilité. Difficile de ne pas appeler à la rescousse Autant en emporte le vent,
bien que les péripéties soient davantage quantifiées et l’ardeur hystérique moindre. Il s’agit d’un premier roman. Il mérite donc certains égards. Il faut célébrer les naissances, nous qui sommes en deuil si souvent de tant de choses... A l’époque, je m’étais demandée si la jeune personne qui en est l’auteur ferait carrière, aurait le souffle pour enfanter d’autres histoires. Force est de constater qu’elle n’a rien publié de neuf depuis ce premier essai. Je souhaite qu’elle n’ait pas renoncé. Comme le précise Tournier, dans l’essai chroniqué plus bas, la précocité est le fait de l’animal ; lui-même, il publia son premier roman à quarante-deux ans ; certains écrivains ont besoin de faire mûrir leurs livres ; personne ne vit sur un rythme unique ; il ne faut se comparer à personne d’autre qu’à soi-même. Je l’oublie souvent. Ce roman, ce baptême du feu, n’évite pas certains écueils (une légère grandiloquence, une imperceptible claudication entre les chapitres) mais sa fougue répare toutes les maladresses éventuelles. Y compris la convention de l’histoire. Je ne prétends pas, vous l’avez compris, qu’il s’agisse ici d’une grande œuvre stylistique mais simplement d’un livre captivant, qui vous ordonne à chaque instant de tourner les pages ; captivant, il faut qu’il le soit pour se rappeler périodiquement à ma mémoire, alors que je ne l’ai lu qu’une fois, il y a quelques années. Il constitue un bonheur de lecture, peut-être un peu primaire, innocent, mais réel, aussi véritable que celui induit par les livres de l’enfance que l’on dévore, à l’abri d’un paradis secret (dans un petit coin du monde, sous les couvertures, lampe de poche en main ou dans n’importe quel autre cliché dont est friande la mémoire). Il est des livres comme des hommes et des femmes : certains sont faits uniquement pour le plaisir de la peau, d’autres pour l’hypoderme. Celui-ci est épidermique et cela n’est guère offensant de le reconnaître. La caresse est un art voisin de la chirurgie. Résumé : Arabella est une jeune fille de bonne famille. Elle écosse des jours monotones dans une petite ville de l'Etat de New York. 1860. Il faut se glisser dans cette idée d’une autre époque. Arabella est intelligente, fiévreuse et heureuse. Elle est invitée à une séance de spiritisme. L’escroquerie l’indigne. Elle se rebiffe et se fait une ennemie en la personne de la spirite, qui prétend être une voyante de grand talent. Or, cette colère, légitime, va fracasser son statut social. On ne peut à la fois dénoncer l'hypocrisie et appartenir à la classe sociale qui la génère... Voici en résumé le petit drame d'Arabella. Sa révolte la conduira loin. Trop loin. Jusqu’à l’asile. Mais elle rencontrera Bree, l’amour de sa vie, hélas métis (bien que blanc de peau). Dans la bonne société, américaine ou anglaise, cela ne présage rien de bon. L’enjeu est pleinement romanesque, qualité plutôt rare dans nos contrées, à notre époque. Dieu merci, la littérature américaine existe et les morts d’hier et d’avant-hier demeurent vivants. C’est en me souvenant de ce livre, samedi, que j’ai acheté celui-ci, dont les premières pages m’ont enlevée.


Quatrième de couverture :
Tennessee, 1894. Fragile silhouette vêtue de noir, celle que l'on surnomme La Veuve du sud avance pensivement parmi les tombes de 1500 soldats tués à la bataille de Franklin trente ans auparavant, et qu'elle a fait inhumer sur sa plantation. Certains d'entre eux sont morts entre ses bras. Elle n'a jamais oublié l'homme qui la surprend ce jour-là : elle l'avait soigné, sauvé, et surtout aimé avant de le laisser partir. Aujourd'hui, il revient lui demander s'il reste une place pour lui dans son cimetière. Et tout à coup, l'immense folie de la guerre resurgit à sa mémoire, aussi inoubliable que leur passion.
Premières lignes :
Elles cheminaient parmi les morts. Les rangées innombrables, précises et ordonnées de rebelles morts trente ans plus tôt, tombés à un mile de là au pied des fortifications ennemies.
Lien sur la Guerre de Sécession : ici.
Depuis un moment, je m'amuse à écrire l'arbre généalogique de mes goûts et je sais, instantanément, que mon goût pour ces deux livres est la conséquence de mon amour d'enfant pour deux livres :


et celui-ci :

Ces deux éditions, je les ai rachetées d'occasion, il y a peu.
Dans le même ordre d'idées, je fus en mon temps, fort impressionnée par le film de Don Siegel avec mon Clint Eastwood (le prototype de l'homme idéal, mais le premier est Cary Grant pour des raisons opposées...), Les Proies.
En 1890, Barrie avait en tête une drôle d'histoire, dans la veine qui est la sienne :

un homme, qui tombe amoureux d'Emily Brontë, par le seul fait de la lecture de Wuthering heights.
Il se rend à Haworth et arrive à temps... pour l'enterrement de son aimée !
Emily Brontë était pour Barrie un immense écrivain, qu'il célèbre dans un de ses discours in M'Connachie and J.M.B., Speeches [M'Connachie, répétons-le, est le double fictif que s'est attribué Barrie]. Lorsqu'il lira Shirley, le roman de sa soeur, Charlotte, il le jugera très inférieur (à juste titre). George Eliot était également un écrivain qu'il admirait. Il disait d'elle ces mots :
"George Eliot polit ses phrases et retient ainsi le lecteur en arrière afin qu'il les ramasse - comme si chacune de ses phrases était pour lui, sur son chemin, une pierre qu'il lui faudrait escalader."

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Dilettante. Pirate à seize heures, bien que n'ayant pas le pied marin. En devenir de qui j'ose être. Docteur en philosophie de la Sorbonne. Amie de James Matthew Barrie et de Cary Grant. Traducteur littéraire. Parfois dramaturge et biographe. Créature qui écrit sans cesse. Je suis ce que j'écris. Je ne serai jamais moins que ce que mes rêves osent dire.
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