lundi 9 janvier 2006
Ô tristesse que d'assister, impuissante, à la violation d'un sanctuaire bien-aimé ! Ce fut mon sentiment en contemplant le film médiocre que nous a vendu Marc Forster. Comment a-t-il pu être retenu pour les Oscars ?
Je fus contrainte à cette épreuve, en vue de la préparation de mon site internet, qui va recenser toutes les adaptations cinématographiques, littéraires ou autres de l'oeuvre et de la vie de Barrie. Je savais, par avance, à quelle purge je me condamnais.
Prétendument inspiré de la vie de ("mon") J. M. Barrie, nous sommes affligés par une pléthore de clichés colorés du plus mauvais goût, hormis quelques jolies scènes dont je livre témoignage ici. Ceci prouvera, je l'espère, mon objectivité. Ces scènes que je mets sur la sellette sont toujours les mêmes, d'un film hollywoodien à un autre. On les connaît par coeur. C'est le propre d'un cliché, certes. Les scénaristes et réalisateurs manquent-ils de tant d'imagination ?
Un comble pour un film qui aurait dû avoir pour fin d'exposer l'univers imaginaire et intérieur d'un homme de génie !
On nous rétorquera que les scènes finales ont tenté de rendre visible ceci (les différents tableaux sont assez beaux d'ailleurs, brumeux, comme si nous étions dans un entre-deux-mondes, celui de la vie qui expire). C'est exact mais mon reproche est autre. Pourquoi vouloir rendre visible ce qui doit demeurer sous nos paupières ? C 'est toute la différence entre le jeu théâtral et le jeu imaginaire. Le premier ne peut se substituer au second - celui des enfants et du créateur. C'est une grave erreur de perception, selon moi.
De même, lorsque le pseudo-Barrie danse avec son chien et que l'on s'efforce de nous faire croire qu'il étreint un ours. Notre imagination peut faire ce travail de substitution et l'on ne doit en rien la forcer.
Mes griefs sont nombreux. Le premier concerne Johnny Depp qui n'a aucun point commun avec Barrie. Il ne peut incarner le personnage que la postérité nous a laissé. Je ne sais pas si Depp est un bon acteur - je ne l'ai guère vu à l'oeuvre ailleurs, si j'omets une ou deux exceptions - mais je l'ai trouvé triste et fade comme un jour de Toussaint. Jimmy était un homme malicieux, malgré ses humeurs mélancoliques. Johnny Depp est inexpressif et conserve le même visage en deuil de la première minute à la dernière seconde du film. D'autre part, Barrie était un très petit homme et handicapé par ce complexe, ce qui n'est absolument jamais suggéré dans ce film.
Il y a aussi de nombreuses erreurs de chronologie dans ce "récit fictif", je ne retiens qu'un exemple, parmi d'autres : M. Davies était bel et bien en vie lorsque Barrie a rencontré sa femme, Sylvia ! Evidemment, il fallait servir l'intrigue tirée d'une pièce que je n'aie pas lue, mais c'est inexcusable ! Les spectateurs ignorants de la vie de Barrie imagineront un portrait mensonger et cela me met dans une rage folle. Le scandale de sa relation, néanmoins platonique, avec Mrs Davies était d'autant plus grand.
De plus, Porthos était un Saint-Bernard et non un Terre-neuve. Je suppose qu'il n'était pas très difficile de satisfaire un instant aux exigences de la réalité. De même qu'est-il advenue à la moustache de Barrie ? Ne croyez pas qu'il s'agisse, là, d'un petit détail, histoire de chipoter. Barrie avait besoin de se montrer homme, à cause de sa petite taille et de son impuissance physique. Cet attribut devait lui sembler viril, tout autant que son haut de forme !
Si je devais parler des décors "naturels", je pense que tomberais en syncope. Les Jardins de Kensington, ces pauvres images ? Mon oeil ! De qui se moque-t-on ? Remarquez bien que l'on n'évoque jamais le nom des Jardins... Ces Jardins participent à la mythologie de l'univers créé par Barrie.
Barrie était écossais et l'on nous sert une soupe américaine qui donnera des renvois à tout spectateur ayant un estomac et un palais un tant soit peu délicats.
Ce n'est pas ce film qui nous aidera à donner une image juste de Barrie et encore moins de son oeuvre. Pour sûr, il risque de demeurer encore longtemps un guignol, amuseur d'enfants ou montreur de petits tours.
Les seuls qualités du film tiennent à la belle interprétation de Kate Winslet et aux scènes,
plus réussies, de théâtre, lorsque nous assistons à la première de Peter Pan.
Mais tant qu'à faire autant regarder le film de Herbert Brenon, Peter Pan, datant de 1924 et que l'on trouve dans l'édition collector du DVD Disney, Peter Pan.
Pour me remettre de ce traumastisme, je poursuis ma lecture de la biographie méthodique et détaillée à l'extrême (sur 800 pages) de Barrie, par Denis Mackail et édité par un des cinq enfants Llewelyn-Davies, Peter.
Pardonnez cette mise en page désastreuse.
Quelques chapitres...
Les roses du Pays d'Hiver
Retrouvez une nouvelle floraison des Roses de décembre ici-même.
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- Dilettante. Pirate à seize heures, bien que n'ayant pas le pied marin. En devenir de qui j'ose être. Docteur en philosophie de la Sorbonne. Amie de James Matthew Barrie et de Cary Grant. Traducteur littéraire. Parfois dramaturge et biographe. Créature qui écrit sans cesse. Je suis ce que j'écris. Je ne serai jamais moins que ce que mes rêves osent dire.
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