dimanche 6 janvier 2008
Noël fut un grand moment et j'ai vainement essayé d'oublier que le temps passe ; j'ai combattu un moment l'idée que le moment n'est parfait que parce qu'il risque à chaque instant d'être le dernier. Certains espèrent l'année nouvelle dans l'idée qu'elle sera meilleure que son ancêtre ; je la redoute dans l'idée qu'elle ne peut que nous ôter quelque chose. Lorsque l'on se sait heureux, on est maudit, parce que l'on attend malgré soi le gauchissement des choses. On prend la posture de la défense et du combat. On attend la pluie sous une ombrelle faite pour les coups du bonheur. Bien sûr, j'ai de grands et de petits rêves que j'écris au point de croix chaque jour-jour et quelquefois pendant des jours-nuits, mais je sais que je ne serai jamais plus heureuse qu'en ce moment. Tout ce que j'obtiendrai de plus n'ajoutera rien, car ce que je possède est entier.
Pendant que mon violon reposait près de moi, ce soir-là, et tandis que M. Golightly jouait sur le piano que le père Noël lui avait amené, je demeurais quelques secondes parfaitement immobile, afin de retenir la moindre des poussières de ce Temps qui nous faisait tout autant qu'il nous défaisait déjà, sans même que nous ayons conscience à quel point, malgré nos doutes et notre esprit acéré.
Et puis je suis redevenu une enfant. Alors, j'ai folâtré dans les neiges de plusieurs livres, qui avaient pour paysage la blancheur de ces songes, qui sont comme de grosses cloques que personne n'a encore osé crever. Je vous parlerai, un jour, d'Ethan Frome et d'A Child's Christmas in Wales. Deux petits livres en lesquels j'ai trouvés des affinités secrètes et que l'on ne peut lire que dans leur langue d'origine (surtout le second, qui n'est que poésie et tintinnabulement du monde, êtres, choses et mots).
Hormis la semaine de grande fièvre à 39 degrés qui a succédé à ce jour faste et excepté le joyeux capharnaüm de piles de cadeaux qui envahissent la maison, j'ai l'impression d'avoir enfin embarqué dans ce bateau que j'attends depuis que je suis enfant... J'ai simplement posé le pied et puis j'ai changé d'horizon. Et j'ai senti que ce bateau n'était pas du tout coincé dans une bouteille, comme j'aurais pu le redouter il y encore un an. Il vogue bien sur les océans, ceux de ma déraison et ceux des cieux que j'ai peints avec mon sang. Je me fais l'effet, mais à certains égards seulement, d'être le personnage incarné par Charlotte Gainsbourg, dans le beau et imparfait film d'Emanuele Crialese, Golden Door.
Je suis, vous le savez bien, une personne très romantique et encore plus romanesque - si, par romanesque, on entend quelqu'un qui taille son existence dans la matière poreuse et rêche des univers biscornus, ceux qui naissent de l'esprit et du corps et qui n'ont de solidité qu'à proportion de la foi qui les hante. Si j'étais une petite poussière à l'échelle humaine, j'aimerais bien me loger dans Les Hauts de Hurle-Vent ou bien dans De grandes espérances. Je me confondrais avec le point d'un "i" ou je me cacherais dans les volants d'une robe, celle d'une fille modeste, presque jolie, et incurable de son enfance. Pour l'heure, je vis ailleurs, dans ce que j'écris, et j'aime autant. Non pas que ce soit exactement des textes rêvés - mais les enfants ne sont jamais à notre image ni tels que nous les avions pensés avant -, mais je suis attachée à ce qu'ils me coûtent d'être et aux tortures qu'ils m'infligent. Le reste n'a aucune espèce d'importance.
J'ai été outrageusement gâtée par M. Golightly, mais également par mes amis. Peut-être que j'en reparlerai ici et là, car il est des films, des livres, des gestes, des senteurs qui m'ont touchée jusqu'au noyau. Parmi tous ces présents, je retiendrai le temps de ce petit billet un livre et un DVD d'un artiste que j'aime, Philippe Katerine.
Ouvrons le livre, qui est un journal graphique, fait de pensées griffonnées, de dessins et de collages :
Faire des chansons ou se tuer. C'est en résumé ce que Katerine nous confie de lui au détour d'une chanson.
Il me semble que cette déclaration est peut-être ce qu'il y a de plus sincère et de plus lucide, dans ce qui est transmis, de lui à nous. J'aurais tendance à croire que cet enfant illégitime de Desproges et de Gainsbourg (mais je songe aussi, parfois, à Andy Kaufman) est un véritable désespéré, qui a trouvé une raison de ne pas crever en créant : des chansons, un films, un personnage... Certains ne voient en lui que la loufoquerie, l'étrangeté, et le comportement atypique, oscillant entre admiration excessive (criant au génie) et dégoût ou rejet (grotesque) du personnage. D'autres ne voient rien en lui, aveuglés par certaines provocations de l'artiste. Philippe Katerine m'a toujours fait pleurer et rire, pas nécessairement dans cet ordre, mais les deux en même temps. Je lis le texte et le sous-texte, comme tous ceux qui l'aiment, je le présume.
Katerine et moi, nous avons un point commun : un coeur anormal.Il me semble que cette déclaration est peut-être ce qu'il y a de plus sincère et de plus lucide, dans ce qui est transmis, de lui à nous. J'aurais tendance à croire que cet enfant illégitime de Desproges et de Gainsbourg (mais je songe aussi, parfois, à Andy Kaufman) est un véritable désespéré, qui a trouvé une raison de ne pas crever en créant : des chansons, un films, un personnage... Certains ne voient en lui que la loufoquerie, l'étrangeté, et le comportement atypique, oscillant entre admiration excessive (criant au génie) et dégoût ou rejet (grotesque) du personnage. D'autres ne voient rien en lui, aveuglés par certaines provocations de l'artiste. Philippe Katerine m'a toujours fait pleurer et rire, pas nécessairement dans cet ordre, mais les deux en même temps. Je lis le texte et le sous-texte, comme tous ceux qui l'aiment, je le présume.
Le sien a pour particularité une Peau de cochon (titre de son film que je revois de temps en temps, lorsque j'ai envie de renvoyer à leur bastringue tous les peigne-culs de la terre) et le mien bat trop vite et ne tiendra pas des décennies. Si j'avais davantage de courage et si je n'avais pas peur de la maison de fous, j'aimerais bien être lui. On me fouterait peut-être davantage la paix, pour de mauvaises raisons, mais cela dissuaderait. On comprendrait à quel point je suis pire que je ne le prétends.
A la fois le type au doux regard écarquillé de dingue, mâtiné de Benny Hill (mort d'une crise cardiaque), qui chantonne "excuse-moi, j'ai éjaculé dans tes cheveux" et qui, dans la même chanson, parle de sa grand-mère, des gâteaux qu'elle lui faisait et de son odeur de vieux. Il est celui qui est tout autant capable de chanter "je vous emmerde" ou "VIP" que "J'ai trente ans", sans se départir de la pureté que l'on ressent dans certaines chansons, telles "Le jardin botanique" ou bien l'album intitulé L'éducation anglaise (où il ne chante pas mais qu'il a écrit et composé in extenso) qui est d'un raffinement que n'imaginent pas nécessairement ceux qui le prennent pour un dingue ou les autres, qui le prennent pour tout ce qu'il n'est pas.
En ce qui me concerne, je ne cherche pas à savoir ce qu'il est mais je crois savoir un peu qui il est. Je l'aime et je n'ai rien de plus à dire.*********
Un très bon site.
Où M. Taddéï ne comprend rien au personnage...
Libellés :miscellanées,Philippe Katerine
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