mercredi 27 mars 2013
Il y a vingt ans aujourd'hui, à peu près à cette heure-là, celle qui m'a élevée, ma grand-mère – mon impossible grand-mère – mourait. Vingt ans. Cela me paraît à la fois impensable et inimaginable, car la disparition, le manque ou l'absence (trois mots pour faire semblant de signifier la place du mort dans la phrase – mais également dans la vie, imaginative ou réelle) n'ont pas de contours distincts et fixes ; le chagrin et le vide se meuvent, sans jamais se compléter ni même s’effleurer. Impensable et inimaginable est devenu ce samedi 27 mars 1993, comme si un siècle nous séparait, comme si le temps était devenu un espace (blanc ) infranchissable ; et, pourtant, cet événement s'est solidifié en moi. Je porte ce petit kyste, cette douleur et cet effroi ramassés en pelote, à l'intérieur, désormais. Ce kyste a la taille d'une galaxie, mais il demeure invisible aux autres – à tous les autres. Le plus triste, c'est que je suis probablement la seule personne en ce monde à me souvenir d'elle, jusque dans les moindres détails, et ce, malgré mon application à ne pas penser à elle ou à ne jamais l'évoquer autrement que sur une tonalité mineure – tournoyant à la périphérie de cet être, me perdant aussi dans ce vertige d’une pensée qui frôle et ne mord pas sur les bords et encore moins à cœur. Son existence ne tient donc plus qu'à ma mémoire, à ma survie. Est-ce cela être en deuil : continuer à ressentir la présence de quelqu'un, les effets de sa causalité étrangement toujours actuelle, quand tous l'ont oublié ? Le temps n'adoucit rien. L'événement demeure coupant et implacable, peut-être encore davantage avec notre impuissance à bien nous souvenir et donc à pleinement éprouver. Le temps ne fait que nous endurcir ; voilà pourquoi le deuil semble plus doux, voilà pourquoi la place vacante ne l’est plus, car il n’est plus de place ; voilà pourquoi l’image vive s’estompe, voilà pourquoi ne demeurent que le signe ou le symbole. Croire le contraire est une erreur de perspective. Vieillir, c'est commencer à comprendre la nature et les mystères de cette parallaxe émotionnelle. Je pense à toi, Jeanne. Je t'aime. Je ne me suis pas encore réconciliée avec toi, mais je crois que ce qui me retient n'est que la peur de l'être et de l'abîme, ensuite : le pardon t'accorderait fatalement le droit de disparaître – pour de bon. Remettre à plus tard cette confrontation entre notre passé et mon présent est comme un rendez-vous sans cesse ajourné que je te donne. Le souvenir apaisé est peut-être une autre forme d'absence que je n’ai pas la force de supporter.
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