samedi 8 juillet 2017
Après avoir reçu une nouvelle qui m'a laissée dans un état de faiblesse évident, mon cher et vieil ami David m'a écrit, il y
a quelques jours, une lettre très juste, dont je relève (comme on relève certains ossements) la conclusion
: «Les
contes oublient toujours les combats qu'il reste à
mener.» Oui, il reste du pain rassis et il faut l'avaler. David, expert ès contes de fées, a raison : le voile de la fiction
dissimule avec trop de pudeur les véritables tracés de notre pauvre existence et
les luttes qui nous attendent, malgré les buts atteints, si nous avons bel et
bien décidé d'être, à la manière de David Copperfield, le héros de notre propre
vie.
À l'instar de Pip et de David, j'ai cheminé et j'ai vaincu le passé pour être couronnée, mais les fantômes et les monstres laissent toujours une trace de leur passage dans notre psyché : l'oubli absolu est impossible. On ne se débarrasse d'eux qu'avec la mort. Ils sont des bacilles dormants en nous ou des filaments de mérule pleureuse enroulés autour de nos souvenirs. Le roman et le conte taisent l'essentiel. L'épilogue du Bildungsroman cache les disharmonies qui subsistent, le conte ne dit rien de ce qui advient ENSUITE aux héros, ceux qui ont terrassé le dragon, la sorcière ou la marâtre. Ils ne disent pas que ceux qui ont trouvé l'Amour seront un jour ou l'autre désunis par la maladie ou la mort. Que restera-t-il d'eux ? Des témoins plus ou moins fiables, qui, à leur tour, mourront et, avec eux, l'empreinte des premiers. Pourtant, tout est déjà là, dans cette fin provisoire qu'est le bonheur, écrit à l'encre sympathique et facile à déchiffrer pour l'oeil exercé. Le sublime est toujours serti ou poinçonné par le malheur. Le malheur est notre seule et unique destination. Nous ne pouvons que nous heurter au réel lorsque point la dernière heure. Nous sommes des êtres sur le point d'être déchirés. J'imagine les pointillés sur mon corps. Coupez mon ventre ou ma gorge ! Suivez le tracé ! Je périrai par là, j'en suis certaine. Ce n'est pas être pessimiste ou triste que de l'affirmer. Contempteurs de Schopenhauer, de Leopardi ou de Cioran ne passez pas votre chemin : le vrai est là. Rions ! Il ne nous reste que cette élégance. Le rire et le droit d'aimer follement sont nos prérogatives. Je le répète souvent : on ne peut que déchoir du bonheur, comme de l'enfance — qu'elle soit réelle ou fantasmée. Jouissons ! Aimons ! Envolons-nous ! Cueillons toutes les fleurs !
Cette lucidité extrême quant à notre condition est nécessaire pour aimer la vie entièrement, pour l'aimer dans le plus pur consentement, sans la parer d'illusions afin de la rendre présentable. C'est sa fragilité et son caractère éphémère, absurde même, qui doivent nous enjoindre à l'aimer sans concession. Crue. Le besoin de transcendance est toujours la revanche d'une âme éprise d'ordre, de justice, le fruit doux et amer d'un esprit romantique, mais ce besoin dit aussi notre impuissance à aimer ce que nous sommes. Aimons sans garantie, sans le souci du futur !
J'ai refusé de faire de la réalité biologique une tragédie — la mienne. Je n'ai, par exemple, jamais voulu lire mon destin dans le marc de mes veines. Les gènes des Atrides, j'en ai décliné l'héritage, car l'âme n'est pas faite de sang qui coule en droite ligne (ou si peu), mais de consentements pléniers, de reniements et de raccourcis semblables à ces dégradés de couleurs qui serpentent dans le marbre. J'ai toujours cru en la liberté humaine, tout en sachant qu'elle n'était peut-être qu'une illusion, comme le sont Dieu et l'Art, mais que sans elles la vie ne valait rien. La question de la liberté, la liberté elle-même, ne peut et ne doit pas être. Si elle se pose, elle est perdue. Que l’on soit ou non déterminé par une multitude de circonstances, de raisons, par la force ou les défaillances d’une structure psychologique, métaphysique peut-être, peu importe. Ce qui compte, c’est l’efficience, la puissance d'exister et d'agir, qui ne tiennent qu’à la croyance aveugle en notre liberté. Il n’y a aucun secret, aucun message à déchiffrer ; il n’y a rien de caché, sinon ce que nous refusons de voir. C’est aussi simple que cela et tellement évident que l’on omet de le constater, comme nous oublions que nous respirons à chaque instant pour nous maintenir en vie. Discret et invisible, comme ce sang, comme cette eau et cet oxygène en nous ; oui, la mort est en nous et Dieu n'existe peut-être que parce que tout cela insupportable. Pourtant, c'est de foi que je veux parler, de cette foi extraordinaire dont je suis traversée malgré moi, depuis cette enfance dickensienne jusqu'à cet acmé de l'amour conjugal et maternel. Je me souviens des mots que j'avais écrits pour notre mariage :
Il fut une femme, qui n'est plus. Elle fut mon bourreau, autant par ce qu'elle fit que par ce qu'elle ne fit pas. C'était un être insaisissable. Aujourd'hui, je puis affirmer que je ne sus et ne sais rien d'elle. Elle était la plus cruelle des trois sorcières. Si l'on devait peser l'âme des morts, je ne pourrais, selon toute évidence, rien déposer dans la balance pour la faire entrer au Royaume des Cieux. Il me faudrait inventer cette once de bonté que tout être possède certainement et que je n'ai pas vue. Elle fut l'Innommée et je ne la reverrai plus jamais. Je lui ai pardonné à la fin, peut-être même avant, malgré tout, malgré moi et, surtout, contre elle. Mais je ne l’aime pas encore et ne l'aimerai probablement jamais, car la haine s'est nourrie de tout le sucre de mon enfance. Le pardon n'est jamais qu'un pis-aller et l'aube d'un soleil qui ne verra jamais le jour. L'amour, c'est le don pur toujours inentamé, qui se régénère de lui-même. La morale n'est que par défaut d'amour. Je ferai donc jouer la morale contre l'absence.
« Whether I shall turn out to be the hero of my own life,
or whether that station will be held by anybody else, these pages must show. »
À l'instar de Pip et de David, j'ai cheminé et j'ai vaincu le passé pour être couronnée, mais les fantômes et les monstres laissent toujours une trace de leur passage dans notre psyché : l'oubli absolu est impossible. On ne se débarrasse d'eux qu'avec la mort. Ils sont des bacilles dormants en nous ou des filaments de mérule pleureuse enroulés autour de nos souvenirs. Le roman et le conte taisent l'essentiel. L'épilogue du Bildungsroman cache les disharmonies qui subsistent, le conte ne dit rien de ce qui advient ENSUITE aux héros, ceux qui ont terrassé le dragon, la sorcière ou la marâtre. Ils ne disent pas que ceux qui ont trouvé l'Amour seront un jour ou l'autre désunis par la maladie ou la mort. Que restera-t-il d'eux ? Des témoins plus ou moins fiables, qui, à leur tour, mourront et, avec eux, l'empreinte des premiers. Pourtant, tout est déjà là, dans cette fin provisoire qu'est le bonheur, écrit à l'encre sympathique et facile à déchiffrer pour l'oeil exercé. Le sublime est toujours serti ou poinçonné par le malheur. Le malheur est notre seule et unique destination. Nous ne pouvons que nous heurter au réel lorsque point la dernière heure. Nous sommes des êtres sur le point d'être déchirés. J'imagine les pointillés sur mon corps. Coupez mon ventre ou ma gorge ! Suivez le tracé ! Je périrai par là, j'en suis certaine. Ce n'est pas être pessimiste ou triste que de l'affirmer. Contempteurs de Schopenhauer, de Leopardi ou de Cioran ne passez pas votre chemin : le vrai est là. Rions ! Il ne nous reste que cette élégance. Le rire et le droit d'aimer follement sont nos prérogatives. Je le répète souvent : on ne peut que déchoir du bonheur, comme de l'enfance — qu'elle soit réelle ou fantasmée. Jouissons ! Aimons ! Envolons-nous ! Cueillons toutes les fleurs !
« Gather ye rosebuds while ye may,
Old Time is still a-flying;
And this same flower that smiles today
Tomorrow will be dying. »
Cette lucidité extrême quant à notre condition est nécessaire pour aimer la vie entièrement, pour l'aimer dans le plus pur consentement, sans la parer d'illusions afin de la rendre présentable. C'est sa fragilité et son caractère éphémère, absurde même, qui doivent nous enjoindre à l'aimer sans concession. Crue. Le besoin de transcendance est toujours la revanche d'une âme éprise d'ordre, de justice, le fruit doux et amer d'un esprit romantique, mais ce besoin dit aussi notre impuissance à aimer ce que nous sommes. Aimons sans garantie, sans le souci du futur !
J'ai refusé de faire de la réalité biologique une tragédie — la mienne. Je n'ai, par exemple, jamais voulu lire mon destin dans le marc de mes veines. Les gènes des Atrides, j'en ai décliné l'héritage, car l'âme n'est pas faite de sang qui coule en droite ligne (ou si peu), mais de consentements pléniers, de reniements et de raccourcis semblables à ces dégradés de couleurs qui serpentent dans le marbre. J'ai toujours cru en la liberté humaine, tout en sachant qu'elle n'était peut-être qu'une illusion, comme le sont Dieu et l'Art, mais que sans elles la vie ne valait rien. La question de la liberté, la liberté elle-même, ne peut et ne doit pas être. Si elle se pose, elle est perdue. Que l’on soit ou non déterminé par une multitude de circonstances, de raisons, par la force ou les défaillances d’une structure psychologique, métaphysique peut-être, peu importe. Ce qui compte, c’est l’efficience, la puissance d'exister et d'agir, qui ne tiennent qu’à la croyance aveugle en notre liberté. Il n’y a aucun secret, aucun message à déchiffrer ; il n’y a rien de caché, sinon ce que nous refusons de voir. C’est aussi simple que cela et tellement évident que l’on omet de le constater, comme nous oublions que nous respirons à chaque instant pour nous maintenir en vie. Discret et invisible, comme ce sang, comme cette eau et cet oxygène en nous ; oui, la mort est en nous et Dieu n'existe peut-être que parce que tout cela insupportable. Pourtant, c'est de foi que je veux parler, de cette foi extraordinaire dont je suis traversée malgré moi, depuis cette enfance dickensienne jusqu'à cet acmé de l'amour conjugal et maternel. Je me souviens des mots que j'avais écrits pour notre mariage :
À mesure que nous
vieillissons, nous tombons, goutte à goutte, chaque jour davantage, dans le
grand puits de l’oubli, attirés par une tache de lumière tout au fond. Le
Royaume des Cieux est ce puits. Là, en nous. Bien, bien caché.
Ce qu’il faut, tout
de même, de don de soi pour en finir. Oui, finir. À peine cette longue journée
d’été s’était-elle ouverte sous nos pas, alors que nous prenions grand plaisir à
nous attarder dans ce vaste jardin odorant, là où nous avions étrenné ces
parures cousues à même la peau et taillées dans l’or de notre jeunesse, puis
revêtu la traîne de nos rêves d’enfant, qu’il fallait déjà se hâter, partir,
poussés par je ne sais quel irrésistible besoin de nous dissoudre dans l’eau
persistante des songes – jusqu’à la dernière goutte de couleur. L’oiseau
s’agitait. On pressentait qu’il s’envolerait bientôt – à jamais. Non pas par
manque de foi. Bien au
contraire.
Le puits déborde un
peu. À cloche-pied, nous nous avançons vers lui.
Trois sorcières ont fait un voeu au-dessus de mon lit-cage, celui dans lequel je
dormis jusqu'à l'âge de huit ans ou davantage, alors que le ce lit était bien
trop petit pour moi et que je devais recroqueviller mes jambes pour m'y
allonger. Et c'est par le voeu fatal, qui fit de moi un être gourd, que « le miracle Jean Valjean » advint dans ma vie : à l'orée de la forêt, un homme est
venu porter mon seau trop lourd et a déchiré la nuit autour de moi. Et c'est
par ce miracle, à la fois ordinaire et incroyable, que la jeune fille est sortie
de l'enfant et inventa, sans savoir qu'il existait déjà, un filtre et un philtre
: le romantisme nu. Il fut une femme, qui n'est plus. Elle fut mon bourreau, autant par ce qu'elle fit que par ce qu'elle ne fit pas. C'était un être insaisissable. Aujourd'hui, je puis affirmer que je ne sus et ne sais rien d'elle. Elle était la plus cruelle des trois sorcières. Si l'on devait peser l'âme des morts, je ne pourrais, selon toute évidence, rien déposer dans la balance pour la faire entrer au Royaume des Cieux. Il me faudrait inventer cette once de bonté que tout être possède certainement et que je n'ai pas vue. Elle fut l'Innommée et je ne la reverrai plus jamais. Je lui ai pardonné à la fin, peut-être même avant, malgré tout, malgré moi et, surtout, contre elle. Mais je ne l’aime pas encore et ne l'aimerai probablement jamais, car la haine s'est nourrie de tout le sucre de mon enfance. Le pardon n'est jamais qu'un pis-aller et l'aube d'un soleil qui ne verra jamais le jour. L'amour, c'est le don pur toujours inentamé, qui se régénère de lui-même. La morale n'est que par défaut d'amour. Je ferai donc jouer la morale contre l'absence.
Elle
ne reviendra plus danser au bord de mes cils, dans les franges de mon existence
ou grimacer dans mon
dos — La Noire, comme je la nommais.
La femme toute en cul et en con, comme je l'écrivais ailleurs, celle que je redoutais toujours de croiser en ville, est donc
morte et il ne reste rien d'elle, pas même une tombe ou une poignée de cendre.
Elle est inscrite en moi in absentia. Comme la lettre disparue dans le roman de
Perec, elle sera toujours là, en moi, précisément parce qu'elle a refusé de s'incarner dans un
espace-temps
limité, dans les contours de mon existence.
Dans
un rêve, il y a trois jours, elle a tenté de me voler celle que je chéris et de
la noyer ; alors, je l’ai tuée d'un cri. Elle ne franchira plus jamais la porte
de mes songes, car je suis persuadée que nous ne rêvons que de ceux auxquels
nous avons donné une permission, même aux pires de nos croquemitaines. Adieu,
ombre fine de mon enfance ! Farewell. Mon coeur n'est plus en cloque de
toi. Tu es morte. Mais je pleure. Je ne sais pas pourquoi, mais je te pleure encore et suis condamnée à te pleurer toujours, bien plus que si nous nous étions aimées. Tu es ma Folcoche. Non, tu es bien pire.
Tu es cette silhouette encombrée de petits fantômes cliquetants et pesants comme les
clochettes des lépreux, cette femme à pas devenus lents et plombés par la
fatigue d’une vie infamante pour le corps et l’esprit, avec ce dos légèrement courbé, marquée d'un vertex en fer à cheval que tu m'as transmis sous
forme d’un épi que je déteste et qui est pire qu'une lettre écarlate. Tu es ce rouge à lèvres si épais qu’il celait ta
bouche, tu es ces cils pollinisés par des couches de mascara invraisemblables, tu cette
manière de parler faussement enfantine où l'on devinait la courtisane en
embuscade, tu es cette vulgarité tout à fait décomplexée, tu es ce pouce de la main gauche
en forme d’orteil. Tu es tout ce qui ne sera jamais plus et ne sera pas. Je ne pourrai plus écrire cet
essai de tératologie dont tu étais la figure centrale.
Et,
en un jour devenu éternel, tous les témoins de ta pitoyable existence seront également
morts et tu seras morte pour de bon, cette fois. Et personne ne pleurera
plus. Mais tous ces signes ne sont que des mots que j'aligne et je mens. Écrire, c'est mentir, c'est apprêter les sentiments, les souvenirs, trahir le temps et les intentions. La vérité, c'est que tu n'étais rien, pas plus ni moins que moi. Et, de ce rien, je ne peux rien dire. Seul Dieu sait et peut.
On
m'a dit qu'elle avait certainement vécu quelque chose de terrible pour être si
indifférente et dure — effroyable. Le mal est-il toujours enfanté par lui-même ?
Je n'y crois pas, parce que j'ai une trop haute opinion de la liberté humaine,
je viens de le dire, oui, cette liberté sans laquelle tout serait vraiment pardonnable, puisque
subi et non désiré. Il faut bien qu'elle soit coupable pour que je sois victime.
Il faut bien qu'elle ait consenti si le pardon, le mien, doit tout effacer. Le
monde doit renaître de cette amnistie de l'imprescriptible. J'ai fait acte de foi.
La dernière fois où son image heurta ma pupille, elle marchait sur le trottoir d’en face, faisant mine, avec un sourire gêné en coin, de ne pas me voir. Nous étions l’une pour l’autre une part honteuse et nous évitions l'affrontement du passé et du présent. Moi, ne pouvant accepter d’être fruit de cet arbre pourri, je serrais les dents. Elle, ne pouvant se soumettre à la volonté étrangère qui l'avait contrainte à porter cette pomme qu'elle avait voulu arracher lorsqu'elle était fleur de printemps, détournait le regard. C’était il y a deux ans, je crois, quand je l’ai aperçue pour la dernière fois. J’ignorais alors que mes yeux ne goberaient plus jamais une miette d’elle. Je n’imaginais pas qu’une fois la mort annoncée, je la chercherais partout dans cette ville qui me retient prisonnière depuis l’enfance et que je n’ai jamais pu aimer ni quitter. Je n’aurais pas pu croire que la reconnaissance de la chair soit si tragique et qu'elle aille à ce point contre le chant de l'esprit et de l'âme. La nouvelle me fut délivrée en trois ou quatre mots, froidement, sur un écran. J'ai vomi un cri dans la rue ; le sanglot m'a emportée sans que je comprenne ou puisse me défendre contre cette noyade. Je suis tombée. On m'accouchait de ma mère en m'annonçant sa mort. Ma mère est morte d’un cancer du rein foudroyant le 11 mai 2017 à 14 h 30, à la Pitié-Salpêtrière. Elle se savait condamnée, mais elle n’a pas laissé une seule ligne pour moi, et à présent je ne la reverrai jamais. Il ne me reste rien d'elle. Rien. Ni lettre, ni photographie, ni objet et encore moins des souvenirs, sinon cette moisissure qui recouvre tous les éclats cachés de mon enfance.
De son corps, elle ne faisait guère de cas, puisqu'elle le donnait ou le prêtait au plus offrant. Et voici qu'elle l'a jeté sous les scalpels, afin qu'il soit amputé et sectionné, dispersé aux quatre vents des facultés de médecine. On m'a dit que c'était un acte rédempteur. Peut-être. Le fin mot de l'histoire de cette femme est caché dans un repli de son corps. Et l'âme ?
La dernière fois où son image heurta ma pupille, elle marchait sur le trottoir d’en face, faisant mine, avec un sourire gêné en coin, de ne pas me voir. Nous étions l’une pour l’autre une part honteuse et nous évitions l'affrontement du passé et du présent. Moi, ne pouvant accepter d’être fruit de cet arbre pourri, je serrais les dents. Elle, ne pouvant se soumettre à la volonté étrangère qui l'avait contrainte à porter cette pomme qu'elle avait voulu arracher lorsqu'elle était fleur de printemps, détournait le regard. C’était il y a deux ans, je crois, quand je l’ai aperçue pour la dernière fois. J’ignorais alors que mes yeux ne goberaient plus jamais une miette d’elle. Je n’imaginais pas qu’une fois la mort annoncée, je la chercherais partout dans cette ville qui me retient prisonnière depuis l’enfance et que je n’ai jamais pu aimer ni quitter. Je n’aurais pas pu croire que la reconnaissance de la chair soit si tragique et qu'elle aille à ce point contre le chant de l'esprit et de l'âme. La nouvelle me fut délivrée en trois ou quatre mots, froidement, sur un écran. J'ai vomi un cri dans la rue ; le sanglot m'a emportée sans que je comprenne ou puisse me défendre contre cette noyade. Je suis tombée. On m'accouchait de ma mère en m'annonçant sa mort. Ma mère est morte d’un cancer du rein foudroyant le 11 mai 2017 à 14 h 30, à la Pitié-Salpêtrière. Elle se savait condamnée, mais elle n’a pas laissé une seule ligne pour moi, et à présent je ne la reverrai jamais. Il ne me reste rien d'elle. Rien. Ni lettre, ni photographie, ni objet et encore moins des souvenirs, sinon cette moisissure qui recouvre tous les éclats cachés de mon enfance.
De son corps, elle ne faisait guère de cas, puisqu'elle le donnait ou le prêtait au plus offrant. Et voici qu'elle l'a jeté sous les scalpels, afin qu'il soit amputé et sectionné, dispersé aux quatre vents des facultés de médecine. On m'a dit que c'était un acte rédempteur. Peut-être. Le fin mot de l'histoire de cette femme est caché dans un repli de son corps. Et l'âme ?
Bien
sûr, je lui ai donné l'absolution. Par conséquent, il m'apparaît, contre
Jankélévitch, que l'on peut pardonner à celui qui ne vous l'a pas demandé et
c'est peut-être le plus grand tort qu'on lui fasse et le plus grand bien que
l'on s'accorde. La mort vous contraint à genoux et à la grâce , puis vous
avalez cette hostie du pardon, malgré vous. Mais celui qui en bénéficie est piégé
à jamais par votre (fausse) grandeur. Elle m’a donc mise en demeure de lui pardonner, en m’ôtant toute
possibilité de me révolter contre elle, soustrayant même son propre corps à mon
emprise et à ma colère, puisqu’elle l’a offert à la science. Elle m’a réduite à
l'accompli, à quia ; et les faits ont toujours la raison pour eux, car ils sont
incontestables. Pour l'éternité, elle fut et est un corps absent et je dois me
contenter de cela. Une lacune propre et nette. Un mystère, celui du mal, du
silence et de l'indifférence. Le négatif est plus positif que son contraire.
Je sais aujourd'hui, au milieu du chemin de ma vie, ce
qu'est la souffrance irrémissible de l'irréversible et je n'ai plus
peur de la beauté insolite du Minotaure. Je me rends compte qu’il n’est plus
qu’un épouvantail et qu’il ne tient qu’à moi de le
transpercer. Je n'ai plus besoin de croire qu'il est aux aguets, au fond de moi.
Aux autres, je
demande toujours, à un moment ou à un autre de notre relation, s'ils aiment leur
mère ou s'ils l'ont aimée ; la réponse est très souvent embarrassée. Je cherche dans leurs affirmations
et doutes à trouver l'image en miroir de la mienne, de celle que j'aurais pu
avoir, car je n'ai pas eu de mère et je fus et serai toujours ma propre mère, en
éternelle fuite de l'autre, qui ne voulut et ne put l'être. Mais je suis bien
née d'un ventre, celui de la génitrice au noir, prodige en soi, puisque monstre,
de toutes les façons qu'on pût la prendre. Monstre par manque absolu de
conscience. L'enfant du monstre est-il lui aussi un monstre ? Telle fut, telle
sera encore un moment, la question sous-jacente à mon
existence. Non, bien sûr. Mais l'enfant
du monstre doit prouver sans cesse ce qu'il est, à lui-même en premier
lieu.
Les pères, eux, sont une autre catégorie de personnages. Je ne fraie pas avec eux. Je suis née de père inconnu et c'est un autre corps absent, mais il est tout à fait muet celui-là.
Les pères, eux, sont une autre catégorie de personnages. Je ne fraie pas avec eux. Je suis née de père inconnu et c'est un autre corps absent, mais il est tout à fait muet celui-là.
J'ai
toujours été assez ordurière en parlant d'elle, avant de recevoir son coup de
grâce ; le coup était son fait, mais la grâce était offerte par la circonstance
nue et circonflexe… ou par Dieu — n’est-ce pas la même chose ? Dieu existe tant
qu’il comble un vide en moi. Dieu — ou le sucre, autrefois, ce fut la même
chose. Le glucose est un calmant. C'est le miel qu'elle ne m'a pas laissé sucer
sur ses doigts jaunis par la nicotine. La folie ou la gangrène, voilà à quoi on m'a acculée. Je ne peux
accueillir la mort ou, plus exactement, je ne puis faire mienne l’idée que l’âme
ne soit pas ou qu’elle soit corruptible, soumise à la déchéance du corps.
L’ordure s’est remisée. Le trou est resté. Un petit cratère au fond doux et
rose. L'âme ?
Avant
sa mort, rien ne me paraissait assez sale pour elle. Sa disparition rend tout
cela inutile. Je n’ai plus besoin de me protéger d’elle : il n'y a plus aucune
nécessité de mettre la haine entre elle et moi pour me garder de la tendresse
que je pourrais ressentir, malgré moi, en dépit de tout. À présent , mes mots
ont perdu leurs crocs et le venin demeure intransmissible, retranché dans les
pleins et les déliés ou les interstices.
Ils sont venus la chercher, m’a-t-on dit. Ils l'ont mise toute nue dans une housse et l'ont emportée, froids et sans paroles. Je repense, soudain, à cette chanson Hôtel-Dieu de Guy Béart, reprise par Henri Tachan, qui ne manque jamais de percer mes paupières.
Je me souviens tout à coup, sans pouvoir en donner la raison, de l’une des rares phrases qu’elle ait jamais prononcées en ma présence, alors qu'elle venait racketter celle à qui je dois la vie, ma grand-mère : « Tu te regardes dans le miroir pour te faire pleurer, hein ? Petite salope ! » Le plaisir des larmes. Le miroir sale de l'enfant est devenu une page.
Peut-être.
Mais le réel n’est jamais aussi clinique et sublime dans sa sobriété. Elle n’est pas morte de froid, elle est morte d’indifférence : de la mienne, autant que de la sienne. Cancer du rein métastasé. Elle est morte, parce qu'elle pas tourné son regard vers moi. J'aurais pu la sauver, repêcher son âme maudite au bord du Léthé, car j'ai encore la foi de l'enfant et du miracle. Si elle avait pensé à moi, je n’aurais jamais reçu cette lettre anonyme si sale. Non, elle n’a pas pris la peine de m’écrire, mais elle a organisé une petite saloperie posthume, sans même s’en rendre compte, simplement en mentant, à l'une de ses rares amies. Tout cela la déshonore. Elle n’a pas compris qu’en fait de vengeance, elle m’offrait la paix du Christ. Contre toute attente, elle a réussi à fuir C., cette ville d’où je suis ensorcelée comme Kafka le fut de Prague, et elle m'y a laissée crucifiée à jamais. Ma mère est défunte et c’est uniquement parce qu’elle est morte que je peux enfin dire d’elle qu’elle est ma mère, bien qu’elle ne le fût jamais. Ma mère. Je n’ai jamais pu prononcer ou écrire ces deux mots de son vivant. Il m’a fallu attendre plusieurs semaines après sa mort pour qu’ils coulent naturellement de moi et que je puisse les tolérer sans guillemets. Il m’a fallu passer le gué des 43 ans pour la reconnaître comme ma mère, car, à défaut du sang et de la mémoire, l’état civil ne ment pas. J'ai le certificat de décès sous les yeux. Elle s'est désagrégée par les puissances administratives et je suis légalement orpheline, même si j’ai passé ma vie à l’être. Elle emporte avec elle le secret de mes origines. Elle ne fut pas ma mère, mais elle l'est devenue en disparaissant, car je lui ai donné ce droit, qui ne coûte plus rien. Ma mère est morte et mon enfance est porte close. Et c’est parce que je suis désormais la seule mère au monde que je ne retournerai plus dans ce sale petit pays des amours vertes, dans ce sublime et terrible jardin de mes 8 ans. Ma peau d’enfant sauvage est tombée à mes pieds. Je vais cesser de l’arracher par lambeaux pour la dévorer. Je vais me délivrer de la peur du passé et du futur pour entrer véritablement dans la vie, dans le présent fragile, faire chauffer la chrysalide aux rayons du soleil violet. Je ne bafouerai plus la fortuna. Je ne ferai plus jamais la fine bouche devant le bonheur, parce que je crève de l'idée qu'il ne meure. Je n’en laisserai pas une miette. Je vais accepter l’encre qui coule de ma bouche et de mes doigts. Je vais hurler, chanter, jouir et tracer le sillon. D’ailleurs, écrire est tout cela. Je n’ai jamais vécu que pour cette extase malsaine et salvatrice. Le roi des orgasmes. Au début, je pensais que la grand-mère était la clef du domaine interdit, mais je me trompais. Tout le monde est parti, sauf la tante. J’espère qu’elle crèvera avant nous. J’aimerais être la survivante, le seul témoin vivant pour englober tout cela dans ma boule de verre, dans mon globe de sorcière. Je veux avoir le dernier mot et les enfermer dans un cercueil de papier, tout comme Barrie a enfermé sa mère dans un livre terrible et doux. Reste la troisième sorcière. Mais, au fond, sa domination sur moi n'est plus et elle le sait bien, puisque les derniers pouvoirs — dont le plus cruel — étaient concentrés dans les mains de la morte. Ma mère est enfin mère et elle m’a délivrée de son fatal enchantement en expirant : je peux à nouveau écrire. Je peux faire sortir de moi le sucre et le pus. Le sucre qui cache ce gros trou qu’elle m’a fait. Ma mère me voyait comme une truie, elle l'a souvent dit, et je suis presque devenue porcine pour lui plaire. La haine est partie avec le sucre et le pus. Je ne veux plus être cet animal. La grâce du pardon me couronne, mais cet acte de pur abandon n’implique pas que l’on doive s'accommoder avec ce qui fut. Il n’y a jamais aucun arrangement raisonnable avec le réel. Ma mère était empoisonnée. Toutes les femmes de la famille l’étaient : par le ventre et la bouche ; et j’ai longtemps cru être moi-même une excroissance de leur maladie. La peur du monstre en moi m’a empêchée de me laisser aller au succès et à la griserie. Plus on m’adorait, plus je me sentais coupable de donner l’illusion que j’étais aimable et d'être un imposteur. Je me haïssais à propension de leur amour.
J’ai un problème ; je suis fermement attachée à la croyance que notre voyage est circulaire et que l’on finit toujours par retourner à la source, au point de départ. Or, je ne veux pour rien au monde retomber en enfance. Si je dois, malgré tout, retourner là-bas, ce sera au bout d'un chemin de papier et d'encre et je les tuerai tous.
Je désire simplement tirer, ici, ce dernier portrait d'elle pour dire au monde qu'elle a existé. Je ne sais rien d'elle, mais je me rappelle qu'elle fumait des Marlboro et aimait lire Picsou Magazine et le Journal de Mickey, ainsi que Nous Deux, Intimité et Confidences, rêvant du prince charmant, alors qu'elle passait d'homme en homme, souvent pour de l'argent, parfois pour le plaisir. Son credo, face à ma grand-mère épouvantée, étant que les prostituées étaient des femmes qui avaient le respect d'elles-mêmes. Je n'ai jamais compris sa formule. C’était une femme fatale, mais pas au sens où vous pourriez l’entendre. Elle portait son destin comme ses fards et c’est parce qu’elle a pris toute la sanie qu’il n’en restait plus une goutte pour moi. Elle m’a sauvée en me rejetant, en me haïssant, en me dégoûtant à jamais d’elle. Rien n’est passé d’elle à moi. Sauf la béance qui permet la circulation permanente des fluides et des mots.
Étrangement, mais seulement de loin, c’est par le manque ou le négatif que l’on en arrive toujours au plein, au transcendant, à l’absolu. À Dieu. Présence in absentia. J’écoute Nantes chantée par Depardieu. Je me retrouve beaucoup dans la persona de ce monstre magnifique. Ma fille, qui admire beaucoup Gérard, dit que je lui ressemble, l'une de mes meilleures amies aussi, et ce n'est pas faux : je suis craquelée comme lui et brutale, parfois, jusqu'à la violence. Je suis ce genre d'ogre, mais je ne dévore que les adultes faits. Je n'aime pour de vrai, dans le fond, que les vieux, les enfants et les animaux.
Ils sont venus la chercher, m’a-t-on dit. Ils l'ont mise toute nue dans une housse et l'ont emportée, froids et sans paroles. Je repense, soudain, à cette chanson Hôtel-Dieu de Guy Béart, reprise par Henri Tachan, qui ne manque jamais de percer mes paupières.
Je me souviens tout à coup, sans pouvoir en donner la raison, de l’une des rares phrases qu’elle ait jamais prononcées en ma présence, alors qu'elle venait racketter celle à qui je dois la vie, ma grand-mère : « Tu te regardes dans le miroir pour te faire pleurer, hein ? Petite salope ! » Le plaisir des larmes. Le miroir sale de l'enfant est devenu une page.
Peut-être.
Mais le réel n’est jamais aussi clinique et sublime dans sa sobriété. Elle n’est pas morte de froid, elle est morte d’indifférence : de la mienne, autant que de la sienne. Cancer du rein métastasé. Elle est morte, parce qu'elle pas tourné son regard vers moi. J'aurais pu la sauver, repêcher son âme maudite au bord du Léthé, car j'ai encore la foi de l'enfant et du miracle. Si elle avait pensé à moi, je n’aurais jamais reçu cette lettre anonyme si sale. Non, elle n’a pas pris la peine de m’écrire, mais elle a organisé une petite saloperie posthume, sans même s’en rendre compte, simplement en mentant, à l'une de ses rares amies. Tout cela la déshonore. Elle n’a pas compris qu’en fait de vengeance, elle m’offrait la paix du Christ. Contre toute attente, elle a réussi à fuir C., cette ville d’où je suis ensorcelée comme Kafka le fut de Prague, et elle m'y a laissée crucifiée à jamais. Ma mère est défunte et c’est uniquement parce qu’elle est morte que je peux enfin dire d’elle qu’elle est ma mère, bien qu’elle ne le fût jamais. Ma mère. Je n’ai jamais pu prononcer ou écrire ces deux mots de son vivant. Il m’a fallu attendre plusieurs semaines après sa mort pour qu’ils coulent naturellement de moi et que je puisse les tolérer sans guillemets. Il m’a fallu passer le gué des 43 ans pour la reconnaître comme ma mère, car, à défaut du sang et de la mémoire, l’état civil ne ment pas. J'ai le certificat de décès sous les yeux. Elle s'est désagrégée par les puissances administratives et je suis légalement orpheline, même si j’ai passé ma vie à l’être. Elle emporte avec elle le secret de mes origines. Elle ne fut pas ma mère, mais elle l'est devenue en disparaissant, car je lui ai donné ce droit, qui ne coûte plus rien. Ma mère est morte et mon enfance est porte close. Et c’est parce que je suis désormais la seule mère au monde que je ne retournerai plus dans ce sale petit pays des amours vertes, dans ce sublime et terrible jardin de mes 8 ans. Ma peau d’enfant sauvage est tombée à mes pieds. Je vais cesser de l’arracher par lambeaux pour la dévorer. Je vais me délivrer de la peur du passé et du futur pour entrer véritablement dans la vie, dans le présent fragile, faire chauffer la chrysalide aux rayons du soleil violet. Je ne bafouerai plus la fortuna. Je ne ferai plus jamais la fine bouche devant le bonheur, parce que je crève de l'idée qu'il ne meure. Je n’en laisserai pas une miette. Je vais accepter l’encre qui coule de ma bouche et de mes doigts. Je vais hurler, chanter, jouir et tracer le sillon. D’ailleurs, écrire est tout cela. Je n’ai jamais vécu que pour cette extase malsaine et salvatrice. Le roi des orgasmes. Au début, je pensais que la grand-mère était la clef du domaine interdit, mais je me trompais. Tout le monde est parti, sauf la tante. J’espère qu’elle crèvera avant nous. J’aimerais être la survivante, le seul témoin vivant pour englober tout cela dans ma boule de verre, dans mon globe de sorcière. Je veux avoir le dernier mot et les enfermer dans un cercueil de papier, tout comme Barrie a enfermé sa mère dans un livre terrible et doux. Reste la troisième sorcière. Mais, au fond, sa domination sur moi n'est plus et elle le sait bien, puisque les derniers pouvoirs — dont le plus cruel — étaient concentrés dans les mains de la morte. Ma mère est enfin mère et elle m’a délivrée de son fatal enchantement en expirant : je peux à nouveau écrire. Je peux faire sortir de moi le sucre et le pus. Le sucre qui cache ce gros trou qu’elle m’a fait. Ma mère me voyait comme une truie, elle l'a souvent dit, et je suis presque devenue porcine pour lui plaire. La haine est partie avec le sucre et le pus. Je ne veux plus être cet animal. La grâce du pardon me couronne, mais cet acte de pur abandon n’implique pas que l’on doive s'accommoder avec ce qui fut. Il n’y a jamais aucun arrangement raisonnable avec le réel. Ma mère était empoisonnée. Toutes les femmes de la famille l’étaient : par le ventre et la bouche ; et j’ai longtemps cru être moi-même une excroissance de leur maladie. La peur du monstre en moi m’a empêchée de me laisser aller au succès et à la griserie. Plus on m’adorait, plus je me sentais coupable de donner l’illusion que j’étais aimable et d'être un imposteur. Je me haïssais à propension de leur amour.
J’ai un problème ; je suis fermement attachée à la croyance que notre voyage est circulaire et que l’on finit toujours par retourner à la source, au point de départ. Or, je ne veux pour rien au monde retomber en enfance. Si je dois, malgré tout, retourner là-bas, ce sera au bout d'un chemin de papier et d'encre et je les tuerai tous.
Je désire simplement tirer, ici, ce dernier portrait d'elle pour dire au monde qu'elle a existé. Je ne sais rien d'elle, mais je me rappelle qu'elle fumait des Marlboro et aimait lire Picsou Magazine et le Journal de Mickey, ainsi que Nous Deux, Intimité et Confidences, rêvant du prince charmant, alors qu'elle passait d'homme en homme, souvent pour de l'argent, parfois pour le plaisir. Son credo, face à ma grand-mère épouvantée, étant que les prostituées étaient des femmes qui avaient le respect d'elles-mêmes. Je n'ai jamais compris sa formule. C’était une femme fatale, mais pas au sens où vous pourriez l’entendre. Elle portait son destin comme ses fards et c’est parce qu’elle a pris toute la sanie qu’il n’en restait plus une goutte pour moi. Elle m’a sauvée en me rejetant, en me haïssant, en me dégoûtant à jamais d’elle. Rien n’est passé d’elle à moi. Sauf la béance qui permet la circulation permanente des fluides et des mots.
Étrangement, mais seulement de loin, c’est par le manque ou le négatif que l’on en arrive toujours au plein, au transcendant, à l’absolu. À Dieu. Présence in absentia. J’écoute Nantes chantée par Depardieu. Je me retrouve beaucoup dans la persona de ce monstre magnifique. Ma fille, qui admire beaucoup Gérard, dit que je lui ressemble, l'une de mes meilleures amies aussi, et ce n'est pas faux : je suis craquelée comme lui et brutale, parfois, jusqu'à la violence. Je suis ce genre d'ogre, mais je ne dévore que les adultes faits. Je n'aime pour de vrai, dans le fond, que les vieux, les enfants et les animaux.
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- Dilettante. Pirate à seize heures, bien que n'ayant pas le pied marin. En devenir de qui j'ose être. Docteur en philosophie de la Sorbonne. Amie de James Matthew Barrie et de Cary Grant. Traducteur littéraire. Parfois dramaturge et biographe. Créature qui écrit sans cesse. Je suis ce que j'écris. Je ne serai jamais moins que ce que mes rêves osent dire.
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