mardi 3 janvier 2006
Calderon l'écrivait : La vie est songe. Shakespeare n'était pas en reste : "Nous sommes de l'étoffe dont on tisse les rêves" (La tempête).
Voici un cauchemar :
Un rêve. Sens caché. Un escabeau ? Non, malheureusement. Une échelle. Une incroyable et immense échelle couleur de rouille bleue et de caramel brûlé, unijambiste de surcroît, accotée à l’une de mes parois, s’élevait vers le ciel et reliait deux mondes, deux réalités ordinaires, injustifiées et satisfaites. A un bout de l’échelle du géant nommé Excalibur, une porte battante qui évente tantôt un jardin tantôt une salle d’examen ; à l’autre extrémité, une fenêtre qui pend dans le vide et qui barricade une poche de viscères poisseuses. Derrière cette fenêtre-là, je ne veux pas regarder. Quand je le désirerais, je ne le pourrais. Elle n’est pas à portée de ma main et la longueur de mon corps ne suffirait pour l’atteindre. Il y a l’échelle… Oui, mais j’ai le vertige. Cette fenêtre lointaine, blanche, propre à l’excès, sûrement dérobée à la façade d’un hôpital, baille dans le plafond des Dieux. Je la contemple et l’effroi suggère des idées folles à ma tête malade. Je suis ivre. Endormie, encore. Peut-être. Comme un soupçon face à une réalité double, incertaine, je navigue. Je m’entortille aux barreaux du lit. A quelques mètres du sol, en plein espace, trois barreaux de l’échelle sont rongés. Ce ne sont pas les dents du géant Excalibur qui les ont dévorés. Son appétit est autre. Ces dégâts-là sont ceux de l’acide. L’acide d’un estomac troué ou la bave d’un animal monstrueux. Je suis préoccupée par un motif qui se dérobe sans cesse à mon attention vacillante. La mémoire est oublieuse et ma conscience caquette comme une machine à coudre. Assourdissante ! La ferme ! Ça me revient. Comment le chat fera-t-il pour revenir vers moi ? C’est alors que je me suis souvenu. Ce matin, à mon réveil, le chat noir et bientôt vieux s’est métamorphosé en ma grand-mère. A moins que ce ne fût l’inverse. A moins que ce chat n’eût jamais été qu’une métaphore de ma vieille. J’aurais été assez bête pour ne pas m’en apercevoir et assez incrédule pour n’y pas croire. Pourtant, si je me sens si affreusement coupable, ce n’est pas sans raison : j’aurais dû le savoir. Une voix me l’affirme. Je suis horrifiée. J’ai voulu ce qui est arrivé. J’ai dansé sur sa tombe. L’explication est simple, quand on y songe avec fermeté. Le bout de jardin broussailleux, crasseux, sans intérêt, ce coin de pourriture s’est révélé être le chemin qui mène à un champ en friche, pleins de rosiers morts, et d’herbes desséchées. Je n’en ai pas été surprise. Le champ n’a cependant pas poussé en une nuit ! La terre s’est ouverte en cet endroit, mince sillon blond cendré, qui m’évoque un pubis adolescent à peine chevelu. Une actrice sans emploi, autrefois belle et jeune, est passée devant le mur qui ficelle ce morceau de terre, qui endigue cette fosse à purin. Elle portait sur son dos, à califourchon, une vieille, une folle, qui arborait un sourire sans dents. Elles me désapprouvaient, m’accusaient d’un crime dont j’étais bien convaincue être innocente. Si j’étais innocente, ainsi que je le prétendais, pourquoi cette haine de ma personne, cette envie de m’affliger une peine mortelle, d’échanger nos vies, la mienne contre la sienne. Je suis impardonnable et celui ou celle qui me pardonnerait serait le plus coupable de nous deux. Je les aie suivies. Je les ai devancées lorsque je l’ai vue au milieu de ce champ, attablée à une mauvaise table en fer, autrefois blanche, qui pleurait et se dépouillait de son lustre. La décrépitude de l’objet aurait pu m’évoquer la maigreur de la vieille assise. J’appréhendais sa silhouette. Rassurée, je la regarde – feint-elle de ne pas me voir ou n’est-ce qu’une cécité temporaire ? ses yeux en ont-ils trop vu ou n’ont-ils plus de courage pour moi ? – et, non, elle n’est pas maigre, ni émaciée, ni laide. Au contraire. La laideur de ceux qu’on aime est une telle habitude qu’elle devient beauté, dans la plupart des cas, mais je suis objective : elle est belle. J’ai remarqué sans y accorder le poids qu’il convient ses deux jambes, rondes, galbées, porcines et sous leur enveloppe de peau trois filaments rouge, deux vers de sang. Elle était attablée avec sa fille et elles mangeaient. Je m’approchais. J’affirmais à l’actrice et à la naine accrochée à son dos comme une bosse que je ne savais pas. Ignorante ! Elles rirent d’un ton mauvais, sous-entendant que ce n’était pas possible. Quand votre propre grand-mère couche dans un bout de jardin dégueulasse et qu’elle se nourrit des boîtes déposées pour le chat, on ne peut pas ne pas savoir. Je suis convaincue, maintenant, qu’elles sont obligées d’avoir raison. Je le savais. Et si le chat noir n’est pas revenu, c’est parce que la vieille femme, affamée, l’a mangé ! Elle rit, la grand-mère en dévorant les boîtes de pâtée. Elle se lèche les babines. Je pleure. Elle ne me voit pas, elle ne me parle pas, elle gazouille avec sa fille, une femme en noir, de la tête aux pieds, à la frange courte et aux yeux gais, avec des paupières vertes, veloutées, et des cils granuleux, des pattes d’araignée accrochées aux paupières. Je m’enfuis, essayant d’éviter les mots de l’actrice et de la naine qui m’écorchent. Entre leurs mains, je suis un morceau de fromage qu’elles râpent.
On peut toujours réclamer les lumières de Freud pour l'interpréter, encore que l'exercice soit périlleux et davantage révélateur de la complexion de l'interprète. Rien de tel, dans ce carnet des songes, bien heureusement.
Tout d'abord, il faut savoir que c'est une chèvre imaginaire, qui lui a été offerte en cadeau par une petite fille pas très sage ! Vous n'en trouverez nulle trace dans le roman ou la pièce Peter Pan, car Peter Pan est né pour la première fois, dans un autre roman, inédit en France.
Bien sûr, la chèvre de Peter Pan ne va pas disparaître de la page d'accueil de mon futur site sur Barrie ! On a essayé de me faire entendre raison mais que nenni ! Et ça me plaît beaucoup.
La chèvre de Peter Pan ?
Il faut que je vous parle de sa chèvre !
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