mercredi 25 janvier 2006
... le film commence avec l'image d'une femme qui écoute un disque, puis se souvient... D'autres disques lui rappellent les moments de son existence jusqu'à un jour trop triste.
Penny Serenade, La chanson du passé est un film de 1941, réalisé par George Stevens (avec qui Cary Grant tournera plusieurs fois). Un homme et une femme se rencontrent dans un magasin de disques ; ils se marient ; la femme perd son enfant non encore né ; ils en adoptent un, qui mourra lui aussi. Ils s'éloignent l'un de l'autre, ne pouvant surmonter à deux cette douleur. Mais... vous devinez qu'ils finiront in extremis par se retrouver, autour d'un autre orphelin en quête de parents, car, décidément, la vie n'est pas chienne jusqu'au bout. Du moins, dans la fiction, qui recouvre des trésors de consolations pour le genre humain.
Ma passion brutale pour Cary Grant n'est plus un secret. J'ai revu Penny Serenade. Par bribes. Ce n'est pas un très bon film, c'est certain (sûrement qu'il dépasse la dose non mortelle de guimauve et il est un tantinet invraisemblable), mais il y a quelques jolis instants, pris à la volée.
Être embrassée pour la première fois par Cary Grant doit être une expérience mémorable.
Un homme si grand et une femme si petite. Ils ont de l'allure, n'est-ce pas ? J'aime la manière dont il tient le carton de disques sous son bras. J'aime son allure dégingangée et malgré tout gracieuse. Il y a dans ce geste quelque chose qui m'émeut. Certes, je pleure souvent.
J'aime au-delà du dicible les délicates rides au coin des yeux de Cary. Ne me demandez pas ce qui me prend. J'ai toujours été amoureuse de lui. Avoir le coup de foudre pour un type mort lorsque j'avais douze ans n'est pas commun ! Cela ferait un bon livre. Peut-être.
Mon cher Cary, je vous aime.
Les ours en peluche sont une de mes grandes passions.
Ne me demandez pas pourquoi. N'essayez même pas de trouver une raison psychanalytique à la chose (je sais le symbolisme fumeux de l'ours en lieu et place du sexe de la mère). Je trouve simplement une indéniable source de poésie en ce mamifère de mohair (lorsqu'il vit confortablement, sinon il se vêt de fibres moins coûteuses). J'en ai toute une collection. Je n'ai pas commencé de collection. Je me suis simplement rendue compte, un jour, que je les aimais et qu'ils avaient commencé à envahir la maison où je vis. Il y a en dans chaque pièce. Parfois, ce sont des pièces uniques (faites par les doigts de fées d'une dame), parfois ils sont plus modestes, voire très abîmés, mais je les aime tous à égalité, bien que différemment. La plupart d'entre eux m'ont été offerts par une seule et unique personne.
Pour la petite histoire :
Le teddy bear, est associé au président Theodore Roosevelt (1858–1919). En effet, celui–ci était parti à une chasse à l’ours mais, après trois jours de marche, il était sur le point de revenir bredouille. Les organisateurs de la chasse trouvèrent finalement un très vieil ours qu’ils acculèrent et ligotèrent, après avoir lancé les chiens sur lui, afin que le Président pût le tuer sans peine. Roosevelt, peut–être attendri par le pauvre animal, refusa de tirer. Mais la bête était blessée grièvement et l’on dut l’achever… Une variante plus optimiste de l’histoire dit que l’ours fut relâché. Un caricaturiste politique, Clifford Berryman, eut vent de cette histoire et fit un dessin pour l’illustrer dans la presse. C’est ainsi que cet ours fut associé au nom de Roosevelt. Ensuite, un marchand (Morris Michtom) eut une idée de génie : il prit un ours en peluche fabriqué par sa femme et l’exposa en vitrine. Il demanda au Président l’autorisation de le nommer Teddy Bear. L’homme créa une entreprise fructueuse. Mais l’ours fut popularisé par Margarete Steiff, une allemande, créatrice de jouets. Le Teddy Bear originel était doté d’un museau proéminent et allongé.
Cioran manifeste par sa pensée le remède à une angoisse existentielle, à la peur de vivre, tout simplement. Que peut-il arriver de mal à quelqu’un qui est déjà mort, du moins théoriquement ? En effet, la « logique du pire », pour reprendre une expression de Clément Rosset est exclusive et, en cela, elle est soumise aux mêmes critiques que l’optimisme. Sur ce point, il appert que les idées de Rosset soient tout aussi critiquables que celles qu’il remet en cause avec brio. Que tout tende au pire ou au mieux, cela revient au même : il y a un ordre, une armature au monde, qui le maintient dans un état d’où est exclu le risque ou le possible. N’est plus un risque ce qui est prévu et désinvesti. Le risque est celui du hasard, du non justifié. La pensée du hasard n’est pas tragique si le hasard est subordonné à une justification rationnelle. Le pire ou le mieux est toujours une hiérarchie des faits soumis à un principe approuvé par la raison- par son aspect rationnel, sinon raisonnable.
Une anecdote avant de poursuivre. Une jeune personne avait l’intention de se suicider, une idée réelle, ni un fantasme romantique d’enfant ni l’amour éphémère d’une idée. Une envie solidement harnachée dans son ventre et sa tête. Un projet gratuit. Son pied buta dans la rue sur un objet sale. Elle ramassa sur un trottoir un livre écorné et abîmé qui devait être tombé d’une poche. Il s’agissait d’un livre de Cioran, qu’elle parcourut par curiosité. Elle s’arrêta un peu et elle se mit à rire en lisant les propos diffamatoires du philosophe. Un authentique rire. Ni gai ni triste. Ni méchant ni bienveillant. Sans complaisance d’aucune sorte. Elle ne se suicida pas ce soir-là, ni les suivants. Peut-être une autre fois… Probablement. Qu’importe ? Est-ce que ce fait ne vaut pas une démonstration ? L’idée du suicide permet d’éviter le suicide ; le suicide, lui-même, est une manière d’éviter la mort, ceci expliquant pourquoi Schopenhauer n’était pas dupe de la volonté de vivre qui se cachait en lui : "Bien loin d’être une négation de Volonté, le suicide est une marque intense d’affirmation de la Volonté [Il est à se demander si, par paradoxe, le suicide n’est pas une des plus hautes affirmations de la Volonté]. Car la négation de la Volonté consiste non pas en ce qu’on a horreur des maux de la vie [celui qui les déteste est celui qui est attaché aux douceurs que la vie peut offrir et qui, très prosaïquement, a envie de vivre], mais en ce qu’on en déteste les jouissances [ce qui serait alors une marque d’indifférence]. Celui qui se donne la mort voudrait vivre ; il n’est mécontent que des conditions dans lesquelles la vie lui est échue. Par suite, en détruisant son corps, ce n’est pas au vouloir-vivre, c’est simplement à la vie qu’il renonce. Il voudrait la vie, il voudrait que sa volonté existât et s’affirmât sans obstacle ; mais les conjonctures présentes ne lui permettent point et il en ressent une grande douleur."
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