vendredi 8 mai 2009
... de ne pas avoir eu le temps de rendre hommage, à Édimbourg, à Greyfriars Bobby.
TO BE CONTINUED...
J.M. Barrie fut étudiant à l'université d'Édimbourg. Ce ne fut pas une période particulièrement heureuse de son existence. Il se nourrissait presque exclusivement de pommes de terre qu'il conservait dans un sac, dans sa chambre (au 3 Great King Street)... (Cf. la description de Cynthia Asquith dans son Portrait of Barrie.)
Il n'alla à l'université que pour satisfaire les ambitions de sa mère, alors qu'il savait que son seul et unique désir était de devenir écrivain (bien qu'à mon sens l'un ne soit pas incompatible avec l'autre, à son époque en tout cas, car aujourd'hui l'université est souvent une indigne Alma Mater, tant du côté de ses maîtres que de ses élèves... Qui enseigne encore pour exalter chez les jeunes gens autant la vertu et l'audace d'être soi-même que l'émulation et le savoir ? Qui étudie afin de tirer de soi le meilleur et non pas dans l'idée de se faire une misérable place à la table du banquet des lâches orgueilleux ? Il en reste trop peu de ces gens-là qui n'ont que le désir de la connaissance et la féroce joie de la transmission...). Il souffrit donc de la faim à Édimbourg et de solitude, car les autres semblaient étonnés en présence de ce jeune homme de la taille d'un enfant. Ou peut-être était-ce déjà son regard qui les inquiétait...
Il n'alla à l'université que pour satisfaire les ambitions de sa mère, alors qu'il savait que son seul et unique désir était de devenir écrivain (bien qu'à mon sens l'un ne soit pas incompatible avec l'autre, à son époque en tout cas, car aujourd'hui l'université est souvent une indigne Alma Mater, tant du côté de ses maîtres que de ses élèves... Qui enseigne encore pour exalter chez les jeunes gens autant la vertu et l'audace d'être soi-même que l'émulation et le savoir ? Qui étudie afin de tirer de soi le meilleur et non pas dans l'idée de se faire une misérable place à la table du banquet des lâches orgueilleux ? Il en reste trop peu de ces gens-là qui n'ont que le désir de la connaissance et la féroce joie de la transmission...). Il souffrit donc de la faim à Édimbourg et de solitude, car les autres semblaient étonnés en présence de ce jeune homme de la taille d'un enfant. Ou peut-être était-ce déjà son regard qui les inquiétait...
Plus tard, par l'ironie des choses, par une justice qu'il me plaît de croire liée à son destin de génie littéraire - destin fabriqué et non subi -, il devient "Chancellor" de cette université. À l'occasion de cette cérémonie, il délivra un vibrant discours, The Entrancing Life [que l'on peut traduire par "La vie enchanteresse" - mais une vie que l'on enchante soi-même, une vie qui a un charme au sens magique presque...], en 1930.
J.M. Barrie avait un talent inouï pour les discours, distillant autant l'humour un peu cruel qu'un sens profondément humain de l'essentiel dans l'existence de tout homme. Tout le monde connaît d'instinct cet essentiel, même les moins intelligents d'entre nous, mais cette vérité semble tellement simple que nous l'abandonnons souvent pour des idées que nous croyons plus promptes à nous mettre en valeur et en position de force face aux autres. Une erreur, bien entendu.
Je vous traduis, trop rapidement hélas, un petit extrait significatif, je le crois, de l'état d'âme de J.M. Barrie. Ne croyez pas, et il le dit lui-même à la fin du discours qu'il s'agisse d'une "prêche".
"Ce que vous avez appris vous a-t-il enseigné que la Jalousie est l'un des vices qui consume et détruit le plus, mais incarne également le plus grand pouvoir au monde ? Êtes-vous un peu plus modéré dans vos idées ? Possédez-vous davantage de charité ? Suivez-vous un peu mieux - et ceci vaut autant pour le reste d'entre nous que pour vous - les préceptes de la gentillesse et de la vérité ? Il se peut que vous soyez très intelligents, destinés à recevoir les lauriers, et il est possible que vous ayez ri des malchanceux qui se battirent pour une bourse d'étude ou pour réussir, puis qui échouèrent et durent abandonner là les ambitions qui leur étaient chères. Mais si cet échec leur a appris ces leçons-là, il se peut bien qu'ils aient reçu un meilleur enseignement que le vôtre.
Il est possible que vous découvriez, à la fin, que votre vie n'est pas si différente d'une pièce en trois actes dont le deuxième serait omis. Dans l'agencement soigneux de la pièce, sur scène, chaque acte conduit doucement au suivant ; ils s'expliquent l'un l'autre ; mais il se peut que cela ne soit pas le cas dans votre pièce, et c'est ce qui advient pour beaucoup d'entre nous. En moins de temps qu'il ne m'en faut pour l'espérer - car je souhaite que vous soyez joyeux, en ce matin qui est celui de la remise de vos diplômes -, il vous semble possible, dans l'acte final, d'être loin devant. Il y a eu un deuxième acte, le plus long de vos actes, mais vous avez probablement gardé peu de souvenir de celui-ci. Tout ce que vous savez, c'est simplement que cet homme ou cette femme que vous êtes devenu n'est pas celui ou celle que vous aviez pour but de devenir en ces jours passés sur les rivages du Firth of Forth. Il est même possible que cela n'ait pas calmé vos ambitions, si la prospérité vous a permis de satisfaire de vieilles aspirations. Il est possible que vous ne soyez pas conscients de l'heure ni de la façon dont le voleur s'est introduit, une nuit, ni même que vous sachiez que c'est vous qui lui avez ouvert la porte. Mais quelque chose de mauvais vous a pénétré pendant le deuxième acte et cette chose est demeurée calme en vous jusqu'à ce qu'elle soit devenue votre démon intime. Lentement, furtivement, elle vous a poussé ; elle n'a jamais cessé de vous pousser doucement, car elle ne se fatigue jamais, jusqu'à ce qu'elle vous ait fait sortir de vous-même et ait pris votre place. Vous pouvez quelquefois faire le tour du logement terrestre qui, jadis, vous contenait, essayant de le regagner. Peut-être y parviendrez-vous. Cela arrive parfois. Cependant, nous pouvons espérer que, par la grâce de Dieu, ce qui vous a pénétré était bon. Tout ce que je puis vous assurer c'est que, pendant ce deuxième acte sur le point de débuter, quelque chose pénétrera en vous : cette chose vous fera ou vous détruira. (...) Tenez-vous à savoir ce que je crois être une vie enchanteresse ? Cette conjecture résume tout ce que j'ai essayé de vous dire aujourd'hui. Carlyle tenait le génie pour un don infini à se donner du mal. Je ne sais rien du génie, mais la vie enchanteresse, je le pense, doit être l'amour infini que l'on éprouve à se donner du mal. Faites-en l'expérience. "
Le fantôme de la Grande Guerre hante ce discours ; l'ombre de la suivante le traverse.
Barrie prononça ces mots sept ans avant sa mort devant des étudiants et des professeurs.
C'est à ce discours auquel j'ai songé en pénétrant dans la cour de cette université.
Il le prononça le 25 octobre 1930.
TO BE CONTINUED...
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