mardi 31 janvier 2006
Harvey est un lapin imaginaire... ou pas.
Qu'est-ce qu'un pooka, me direz-vous ?
Vous le saurez en regardant ce charmant film d'Henry Koster où le grand et magnifique James Stewart est en vedette, dans le rôle d'un doux rêveur, dont on ne sait s'il est fou ou très sage (ce qui revient au même, parfois), aux côtés de Josephine Hull (une des vieilles dames d'Arsenic and old laces). Le film est une adaptation d'une pièce de Mary Chase.
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"Puck :
In medieval English folklore, a malicious fairy or demon. In Elizabethan lore he was a mischievous, brownielike fairy also called Robin Goodfellow, or Hobgoblin. As one of the leading characters in William Shakespeare's Midsummer Night's Dream, Puck boasts of his pranks of changing shapes, misleading travelers at night, spoiling milk, frightening young girls, and tripping venerable old dames. The Irish pooka, or púca, and the Welsh pwcca are similar household spirits."
Encyclopædia Britannica
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En parlant d'Henry Koster, me vient à l'esprit un autre film de lui que j'affectionne particulièrement, The Bishop's wife (Honni soit qui mal y pense) où Cary Grant
(toujours lui !) interprète le rôle d'un ange pour le moins facétieux qui surgit dans la vie d'un couple en difficulté.
Loretta Young me semble sur le point de succomber à cet ange peu orthodoxe. Je l'y encouragerais presque...
La représentation et le double :
A la manière de la croûte terrestre constituée de plaques, ou à la manière dont un texte peut être tissé, nous aimerions fournir une palette de couleurs possibles pour rendre les sentiments et les idées de l’âme humaine aux prises avec le réel. Cette palette pourra constituer en quelque sorte une grille de lecture pour les textes philosophiques ou littéraires qui seront soumis à notre étude. Bien sûr, elle n’a rien de scientifique, et ne repose que sur notre manière propre d’appréhender le champ lexical du tragique et du philosophique. Le contact que l’homme a avec la réalité passe par la « représentation placentaire » qui permet les échanges entre lui et le monde. Cette représentation peut être d’ordre rationnel, fantasmatique (imaginative) ou sentimentale. Ou encore tout à la fois.
L’homme s’approprie donc le monde par :
- la représentation qu’il s’en est fait
- l’interprétation qu’il en donne
- l’action qu’il exerce sur lui
Ces trois moments principaux se conditionnent réciproquement les uns des autres. En tout cas, ils ne sont pas juxtaposés mais coordonnés. La représentation est l’élément central de sa relation au monde et la condition sine qua non de son appropriation.
1) L’homme interprète avec sa raison et avec les catégories que cette faculté sécrète :
- le sensé / l’absurde
- le raisonnable / le déraisonnable
- le rationnel / l’irrationnel
- dramatique (théâtral) / mécanique
Trois couples de catégories qui reflètent l’ordre que la raison impose au monde.
Il peut aussi l’interpréter en fonction de ses croyances, de ses désirs, de ses besoins, mais il a besoin de sa raison pour justifier et étayer cette interprétation. L’interprétation donne le sens du monde.
2) L’homme (se) représente avec sa raison, ses sens et ses sentiments, et le monde lui apparaît :
- comique / tragique
- risible / attristant
- ridicule / grand – respectable
La représentation donne le ton du monde, qui sera de nature à engendrer en l’homme l’optimisme, le pessimisme, le pathétique ou le tragique.
3) L’homme agit avec :
- gravité
- sérieux
- frivolité
- dérision
- tragique
conformément à sa représentation et à son interprétation de l’univers. L’action donne la valeur et la profondeur que l’acteur attribue au monde.
Avant d’expliciter ces différents aspects, posons le schéma suivant qui nous permettra de commenter et d’expliquer chacun des concepts :
L’abscisse symbolise l’échelle où se positionnent les critères (subjectifs) qui servent à nous représenter le monde. L’ordonnée supporte les catégories (censées être objectives) qui nous aident à construire une interprétation raisonnée du monde. L’abscisse et l’ordonnée nous permettent de distinguer des couples de notions, le mot et son contraire, qui se font face, comme dans un miroir. Les deux diagonales donnent une image de notre champ d’action, notre manière d’arpenter, de couper et d’utiliser le réel. Elles se coupent en un point qui correspond à la position de la notion de « grave », centre de gravitation du réel, sorte de tare dans notre balance imaginaire. Le frivole, le sérieux, le tragique et le dérisoire sont un peu les points cardinaux qui orientent notre action. L’intersection de l’abscisse, et de l’ordonnée dessinent quatre rectangles qui désignent quatre tons ou « goûts » du réel. Les quatre tons se font face, soit en vis à vis, soit en diagonale. Le pathétique est le refus du combat, l’écrasement d’un sujet, à la différence du tragique qui, bien que sans espoir, entretient la lutte. Le pathétique et le tragique sont toujours le fait d’un sujet. Le pathétique et le tragique ont cette autre chose en commun, qu’ils sont du côté déraisonnable de la représentation, tandis que l’optimisme et le pessimisme sont du côté de ce qui peut être dit ou expliqué par la raison. Le pessimisme serait un tragique qui aurait cessé de l’être, dont la tension aurait été apaisée par la raison. L’optimisme pourrait être perçu comme un pathétique ayant bien (mal ?) tourné. Le pessimisme et l’optimisme sont des contraires, des perspectives qui gouvernent en ordre inverse de l’autre, Le pathétique n’est pas de manière aussi parfaite ou flagrante le contraire du tragique. Le pessimisme et l’optimisme, vassalisés à la raison, font front contre le tragique et le pathétique, non domestiqués par cette même raison. Mais l’optimisme et le pathétique vont de pair contre le pessimisme et le tragique, dans la mesure où le premier couple se situe du côté du rire, d’une certaine joie, tandis que le second est du côté des larmes ou de la tristesse. Précisons que le rire ou les larmes n’ont pas la même qualité en haut et en bas, en fonction de leur rapport positif ou négatif à la raison : le rire appuyé par la raison est un rire sans arrière-pensée, un rire franc bien que, peut-être, un brin dramatique, c’est le rire de l’optimiste qui se réjouit de tout ce qui chatouille son imagination. Ses rires sont appelés par des situations comiques et risibles. Le rire délaissé par la raison est pathétique, parce que mécanique, et on peut le qualifier de jaune : on rit pour ne pas pleurer. Est pathétique l’homme qui, à la différence de celui qui incarne le tragique, fait pitié ou rire par sa petitesse. Son rire est associé au ridicule d’une situation. De même la différence de qualité des larmes du pessimiste et du tragique. Le pessimiste a encore et toujours la raison pour lui, dans son malheur même, tandis que le tragique est seul. Les larmes du pessimiste sont des larmes de dépit ou de rage, de quelqu’un qui pleure sur soi, tandis que celles du tragique sont des pleurs d’épuisement et des larmes offertes au monde, pour rien. L’homme, en fonction du goût ou du ton qu’il trouve à l’univers, agit plus ou moins profondément dans ou sur le réel. La gravité est au centre de notre schéma, car c’est la seule manière possible d’aborder le monde, en tout cas immédiatement ; elle en est le premier niveau, car le monde doit peser ne serait-ce qu’un gramme pour exister à mes yeux.
Le sérieux est le fait de l’homme optimiste qui croit au réel raisonné, ordonné, rationalisé ou rationalisable. Cet homme-là vit dans un monde où les choses, les êtres et les événements sont à leur juste place. Le sérieux adhère aux choses et leur ajoute du poids. Le monde de l’homme sérieux est un bloc de granit dans lequel il taille
La frivolité est l’attitude de l’homme pathétique, qui palpite à la surface du monde et de son moi. L’univers du frivole est léger et superficiel.
Le pessimiste est un être qui a beau jeu d’être cynique et d’user de dérision (il suffit de penser à Schopenhauer ou Cioran). De même que dans le cas du sérieux, la raison permet à l’homme de s’enkyster dans le monde, de même la raison permet de s’en détacher et de le traiter avec dérision. La parenté du terme avec l’illusion et sa signification de « trop insignifiant pour être pris en considération » illustre notre idée selon laquelle, dans le pessimisme le monde est tenu pour « moins que rien » (puisqu’il n’est pas en faveur de l’homme), l’on peut donc se jouer de lui. A voir le rectangle en bas à gauche, on s’aperçoit de la triple présence du tragique. S’agit-il du même ? Oui et non. Le tragique comme un certain type d’action et de profondeur du réel, le tragique comme représentation du monde et le tragique comme ton. C’est l’action qui détermine la profondeur du réel qui, en lui-même n’a ni poids ni couches, et le dédouble en quelque sorte.
Le tragique comme représentation correspond à une certaine configuration de ma représentation, de mon interprétation et de mon action. Cette configuration est unique : celle d’un être singulier alourdi par une expérience, un vécu face à des circonstances tout aussi singulières et inimitables. La métaphore théâtrale, avec sa scène, sa mise en scène, et surtout ses éclairages est propice à nous faire comprendre cette configuration qui, telle la configuration céleste désigne la place de chaque astre. La configuration de l’univers a comme équivalent la complexion de l’individu, entendue dans le sens où l’entendaient les anciens.
Siegfried Kracauer conclut son essai sur le roman policier en affirmant : « La fin du roman policier est la victoire incontestée de la ratio – une fin sans tragique mais teintée de cette sentimentalité qui est l’un des constituants esthétiques du kitsch. » Le philosophe a raison pour une part, mais pour une part seulement. En effet, il suffit de lire les romans policiers de William Irish pour se convaincre que, si la raison remet en ordre le monde, les ombres ne disparaissent pas complètement pour autant. On pourrait nous objecter que les romans d’Irish sont moins des policiers, des hard boiled ou des polars, que des romans noirs ou blêmes, mais la structure en est néanmoins celle de l’enquête et de la résolution finale du ou des problèmes initiaux. En outre, une fin sans tragique n’implique pas pour autant que le tragique ne soit pas diffus dans le reste de l’œuvre, et demeure en suspension, une fois le livre achevé. Même dans le roman policier type – s’il en est – ce qui a été cassé ou détruit n’est jamais réellement remis en place ou replacé : rien ne sera plus comme avant.
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