samedi 18 novembre 2006
Après Barrie et Carroll, je vous présente mon troisième grand amour. Et ce n'est pas sans raison. Dans mon univers, tout est lié. Aucun risque de se perdre quand on tient en main la carte majeure. Je sais que vous le connaissez tous. Il disait de lui, à juste titre je crois, que sa vie était un conte de fées. Dieu sait qu'Andersen avait eu une enfance des plus tristes et je suis persuadée que cette longue estafilade, d'où perlent sang et larmes irrigue chacun de ses contes tendres et cruels. Barrie lui doit beaucoup. D'autres également. On ne le sait pas assez. D'un vague revers de main, on repousse souvent Andersen du côté des auteurs pour enfants, comme Barrie et Carroll, sans comprendre ce qui se trame dans leur oeuvre. Du trio que j'ai nommé, Andersen était sans conteste le plus cruel. Les happy ends sont rares. Mais, ma foi, pas plus rares que dans nos existences. Malgré tout la foi permet des miracles à l'échelle humaine. Certaines visions sont cauchemardesques et presque surréalistes :
"Ils traversèrent une longue allée dont les murs étincelaient d’une façon bizarre : c’étaient mille araignées enflammées qui montaient et descendaient rapidement. Ils arrivèrent ensuite dans une grande salle construite d’or et d’argent ; des fleurs larges comme des soleils, rouges et bleues, luisaient sur les murs ; mais personne ne pouvait les cueillir, car leurs tiges n’étaient que de vilains serpents venimeux, et les fleurs elles-mêmes n’étaient que le feu exhalé de leurs gueules. Tout le plafond était parsemé de vers luisants, et des chauves-souris couleur bleu de ciel y battaient des ailes. Que tout cela était étrange ! Au milieu du plancher s’élevait un trône porté par quatre squelettes de chevaux dont les harnais se composaient de ces araignées étincelantes. Le trône lui-même était de verre blanc comme du lait, et les coussins n’étaient que de petites souris noires qui se mordaient la queue. Au-dessus était un toit formé d’une toile d’araignée rouge, garnie de charmantes petites mouches vertes qui brillaient comme des diamants. Au milieu du trône était assis un vieux sorcier avec une couronne sur sa vilaine tête et un sceptre à la main. Il baisa la princesse au front, l’invita à s’asseoir à côté de lui sur le précieux trône, et la musique commença. De grandes sauterelles noires jouaient.... et le hibou, faute de tambour, se battait le ventre. En vérité, c’était un bizarre concert. De petits fantômes noirs, avec un feu follet sur leur bonnet, dansaient en rond dans la salle. Personne ne put voir le compagnon de voyage ; il s’était placé derrière le trône, d’où il écoutait et voyait tout ce qui se passait. Bientôt entrèrent les courtisans ; ils étaient richement vêtus et prenaient de grands airs ; mais qui aurait vu tant soit peu clair les eût vite appréciés à leur juste valeur. Ce n’étaient que des manches à balais, avec des têtes de choux au bout, auxquels le sorcier avait insufflé la vie et donné des habits brodés. Il n’en fallait pas plus pour parader comme ils faisaient." (Le compagnon de voyage)
Elles vous brûlent les yeux. Longtemps, Andersen a souffert de mauvaises traductions qui simplifiaient à outrance ses textes, car les traducteurs anglais ne connaissaient pas toujours le danois comme il se doit... Et de l'anglais d'autres le traduisirent. Beaucoup d'intermédiaires qui consumèrent ces merveilleux contes, dont le cousinage avec Dickens est flagrant. Chez l'un comme chez l'autre, il y a une capacité étrange et belle à faire vivre des scènes domestiques derrière le voile de la magie, de la fantaisie, entre deux larmes. Les objets s'animent pendant que nous avons le dos tourné et la tragédie se vit dans le silence de nos coeurs sourds. Le beau sapin est brûlé, la petite sirène se meurt, le juste est quelquefois récompensé et la vanité est souvent punie. N'y cherchez pas pour autant de morale (de moraline dirait qui j'aime beaucoup), car Andersen y est réfractaire ; il n'y a rien qu'un coeur pur qui rétrécit, peu à peu, mais continue à battre. Le premier volume de la Pléiade, qui lui est consacré, permet de retrouver tous ses contes et textes apparentés, dans une version non abrégée. Des gravures illustrent les histoires. La traduction du danois est certainement très bonne, car la Pléiade ne déçoit jamais. *
"La petite sirène écarta le rideau de pourpre de la tente, elle vit la douce épousée dormant la tête appuyée sur l'épaule du prince. Alors elle se pencha et posa un baiser sur le beau front du jeune homme. Son regard chercha le ciel de plus en plus envahi par l'aurore, puis le poignard pointu, puis à nouveau le prince, lequel, dans son sommeil, murmurait le nom de son épouse qui occupait seule ses pensées, et le couteau trembla dans sa main. Alors, tout à coup, elle le lança au loin dans les vagues qui rougirent à l'endroit où il toucha les flots comme si des gouttes de sang jaillissaient à la surface. Une dernière fois, les yeux voilés, elle contempla le prince et se jeta dans la mer où elle sentit son corps se dissoudre en écume. " (La petite sirène)
[photographie d'Andersen de Franz Hanfstaengl] ----------- Extrait du Roi et l'oiseau de Grimault et Prévert d'après La bergère et le ramoneur d'Andersen : C'est une merveille de poésie, dont il n'existe aucun équivalent. Le grand Hayao Miyazaki s'est beaucoup inspiré de cette oeuvre. Un coup d'oeil vous suffira pour retrouver les références évidentes. Si vous n'avez jamais vu ce dessin animé, c'est l'une des dix choses que vous devez faire avant de mourir. Quelles sont les neuf autres ? Ce n'est pas de mon ressort.

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Dilettante. Pirate à seize heures, bien que n'ayant pas le pied marin. En devenir de qui j'ose être. Docteur en philosophie de la Sorbonne. Amie de James Matthew Barrie et de Cary Grant. Traducteur littéraire. Parfois dramaturge et biographe. Créature qui écrit sans cesse. Je suis ce que j'écris. Je ne serai jamais moins que ce que mes rêves osent dire.
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