jeudi 1 décembre 2005
Gaslight ou Hantise en version française est un film, qui est dans la lignée de certaines réalisations d'Hitchcock, comme Rebecca par exemple, ou à l'instar du Secret derrière la porte (Secret beyond the door) de Fritz Lang. En effet, il s'agit d'un duel couvert, d'un affrontement psychologique, entre une femme et son mari. Le thème du mari qui rend folle sa femme n'est pas un refrain original, mais le traitement, ici, se double d'une enquête policière. L'histoire m'a rappelé une nouvelle de William Irish, mais il s'agit en vérité d'une histoire originale de Patrick Hamilton (une pièce de théâtre). En 1939, Thorold Dickinson avait réalisé une adaptation de cette pièce, mais la MGM (quelle déception !) ordonna la destruction des négatifs afin de pouvoir en proposer la version de Cukor. Toutefois, le film de Dickinson n'a pas disparu de la circulation et eut un grand succès. A la même époque (en 1944), précédant de quelques mois Cukor, Tourneur tournait une excellente adaptation de la pièce, Angoisse (Experiment perilous).
Les deux films de Wolf Rilla, Le village des damnés et Les enfants des damnés, sont des classiques de l'étrange, de la science-fiction, au même titre que L'invasion des profanateurs de sépultures. Je cite volontiers ce que dit Stephen King*, dans sa brillante Anatomie de l'horreur**, au sujet du roman de Finney, L'invasion des profanateurs et qui peut convenir à tous les films dits d’horreur : « Peut-être que Finney n’avait besoin d’écrire qu’un seul roman d’horreur ; ça lui a suffit pour construire le moule où s’est coulé ce que nous appelons « le roman d’horreur moderne ». Si un tel genre existe bien, il ne fait aucun doute que Finney est un de ses créateurs. J’ai évoqué un peu plus haut l’idée de discordance, et c’est à mon avis un terme qui définit la méthode de Finney dans l’écriture de ce roman ; une note discordante, puis deux, puis un bouquet, puis un déluge. Et la mélodie de l’horreur finit par étouffer celle du bonheur. Mais Finney comprend parfaitement qu’il n’y a pas d’horreur sans beauté ; pas de discordance sans mélodie ; pas de méchanceté sans gentillesse. » (je souligne)
Je rapproche cette idée de discordance de ce que Freud nomme« l’inquiétante étrangeté » - « unheimlich » en Allemand et « uncanny » en Anglais. Cette expression désigne ce qui est, à la fois, et paradoxalement, familier et étranger, étranger dans la familiarité que nous ressentons face à une chose ou une situation. « L’inquiétante étrangeté » est à la fois une chose et son contraire. Le terme allemand, das Unheimlich est plus éloquent que la traduction française de ce terme. Il dit la bi-univocité du terme et comporte les deux acceptions de «familier» et de «dissimulé» ; das Unheimlich serait tout ce qui aurait dû rester caché, secret, mais qui se manifeste. Hoffmann est un des écrivains de l’inquiétante étrangeté, au même titre que Hawthorne dans certains de ses contes étranges. On retrouve ce sentiment identique lorsqu’on perd pied dans la réalité, que cette inquiétante étrangeté soit produite par un fait réel ou fictionnel. Cet événement se produit lorsque la conscience se détache d’un fait, comme si elle se dédoublait et qu’elle reste collée aux faits et d’autre part soit ailleurs, décollée d’elle-même et des faits, pour observer ces faits. Le décollement de rétine que l’on observe chez certains sujets pourrait servir de métaphore à ce décollement psychologique. L’homme doit sentir que le réel (ou la fiction) où il s’engage manifeste une stabilité, une fermeté, et qu’une armature le soutient. Or, tout ceci, que nous nommons cohérence, est le fait de la raison qui trouve ou plutôt établit des repères dans la réalité en question. Elle jette des ancres qui lui permettent d’assurer une stabilité au sujet. La manière dont nous abordons une œuvre de fiction nous paraît représentative de la manière dont nous abordons la réalité. Nous avons besoin que rien ne heurte la logique mise en œuvre dans les divers éléments de la réalité qu’elle cimente entre eux, et qu’elles assemblent selon un ordre ou un plan qui ne nous apparaît ni artificiel ni faux.
Cette édition de la Guerre des Mondes (le film original, nous n'avons pas vu le remake sorti dernièrement) a le mérite de comporter en guise de bonus (non sous-titré), la célèbre émission radiophonique d'Orson Welles !!!! En 1938, en effet, Welles diffusa une adaptation de son faux homonyme. L'émission radiophonique apparut tellement vraisemblable, car elle était entrecoupée de flash d'information, qu'elle engendra une folle panique parmi les auditeurs ! On peut en lire une retranscription en français ici.
Quant à L'affaire Thomas Crown, il faut préciser que c’était le film préféré de Steve McQueen pami tous ceux qu'il a tournés. Michel Legrand contribua beaucoup au film, et pas seulement d’un point de vue musical. En effet, le réalisateur (Norman Jewison) avait, comme l'explique le musicien, beaucoup de difficulté à monter son film et il avait décidé de le faire en fonction de la musique de Legrand. Ce dernier lui avait suggéré cette brillante idée. C'est ainsi qu'une partie d'échecs dura plus de sept minutes dans le film ! Le plus long baiser du monde serait dû à la musique de Legrand. Je pensais que c'était le baiser d'Ingrid Bergman et de Cary Grant dans Notorious qui détenait ce record torride ! Je vais chronométrer pour vérifier, mais je crains que Michel Legrand n’ait raison !
* Je reparlerai bientôt de Stephen King, auteur trop souvent décrié par un certain microcosme littéraire parisien et par certains « intellectuels », qui ne se sont jamais arrêtés devant la profondeur de certaines de ses œuvres.
** Essai en deux tomes, Ed. J'ai lu, où Stephen King analyse les raisons d'un genre littéraire, et s'interroge sur sa propre création, avec humour, voire ironie et dérision, le tout parfaitement documenté.
Quelques chapitres...
Les roses du Pays d'Hiver
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