vendredi 3 mars 2006

Michel Tournier

est un immense écrivain. Cette assertion dans ma bouche est un cri, car je n'ai guère d'admiration pour les auteurs français contemporains, qui ne savent pas écrire d'histoires. Aucun risque que je me prosterne devant ces idoles en toc. Moins de cinq font peut-être exception à cette haine de la fiction, à cette gangrène généralisée. Moins de cinq qui ferment son clapet aux éructations d'un vermisseau, qui renversent les émois d'un tyran que l'on nomme le Moi. Mais Tournier... Il faut que je me débrouille pour le rencontrer ou, faute de mieux, lui écrire. C'est urgent. Je l'adorais de mémoire, l'ayant lu il y a longtemps. A trente ans, "longtemps" veut dire au moins dix ans. J'étais petite, sotte, inculte. Je ne comprenais rien. Ou si peu. J'ai une dette envers Simonne. J'en parlais ici. En effet, il y a d'étonnants échos en lui de Barrie ; pourtant, je suis presque sûre qu'il ne l'a pas lu. Je ne saurais dire d'où me vient cette certitude ; peut-être parce que j'y verrai à coup sûr un signe du destin, à moi destiné. Quelle prétention ! Ce livre était dans ma bibliothèque et il ne provient pas de mon inspiration, ne s'accorde a priori pas avec la ligne éditoriale des mes achats. Une édition originale qui attendait que je l'ouvre, que je la défigure par mes notes et mes pensées. Étrange. A l'instar d'Abel Tiffauges, je vais déchiffrer le monde. Je ne serai pas la première. Je relève au cours de ma lecture des indices barriens :

"Je suis ainsi pourvu de deux écritures, l'une adroite, aimable, sociale, commerciale, reflétant le personnage masqué que je feins d'être aux yeux de la société, l'autre sinistre, déformée par toutes les gaucheries du génie, pleine d'éclairs et de cris, habitée en un mot par l'esprit de Nestor." (souligné par l'auteur) Inutile que je radote. Cf. ici et ici. "Je me suis arrêté à l'âge de douze ans, âge de l'enfant par excellence [vérité d'il y a 30 ans, moins authentique dans notre société décadente], ayant atteint en quelque sorte sa pleine maturité enfantine, parvenu à son bel épanouissement et aussi hélas au seuil de la catastrophe pubertaire." Barrie exprime autrement cette idée en affirmant qu'après douze ans il ne se passe rien d'important. "Comme si les enfants étaient des brutes épaisses, aussi peu intelligentes et sensibles que possible, que seules des histoires abominables - véritables tord-boyaux littéraires - peuvent réussir à émouvoir ! Perrault, Carroll, Busch, des sadiques auxquels le divin marquis n'aurait rien à apprendre."
James Matthew B. semble avoir compris la nature de l'enfant. J'y reviendrai bientôt...

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Dilettante. Pirate à seize heures, bien que n'ayant pas le pied marin. En devenir de qui j'ose être. Docteur en philosophie de la Sorbonne. Amie de James Matthew Barrie et de Cary Grant. Traducteur littéraire. Parfois dramaturge et biographe. Créature qui écrit sans cesse. Je suis ce que j'écris. Je ne serai jamais moins que ce que mes rêves osent dire.
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