dimanche 21 mai 2006

Le film de Christian Vincent ne porte pas tout à fait bien son nom. Je ne donnerai pas quatre étoiles à ce film, trois peut-être, tout au plus. De toute façon, en matière de palace, je préfère le Gritti. My heart belongs to Venezia. J'ai une réticence opiniâtre face aux comédies françaises qui sont, en général, et à mon goût, de très mauvais films ou des films vaguement médiocres, possédant à peine les moyens de leurs basses ambitions. Rares sont celles qui provoquent en moi le rire franc, profond, salvateur, contagieux dans son impertinence. Car il s'agit de cela : je ne vais pas au cinéma pour vulgairement me distraire, plonger dans l'oubli de mon existence personnelle ; le cinéma ou la lecture ne sont pas simplement une giclée de morphine ; je suis attentive aux échos, au ton. Mon esprit fait une partie de squash avec les personnages ; l'écran est l'un des quatres pans de la salle où se projette mon âme. Je suis très méfiante lorsqu'il s'agit de José Garcia, que j'imagine, avec une immense injustice très certainement, en trublion sans profondeur. Il m'évoquait trop un vilain sergent... J'ai tort. J'aime que l'on me contredise. Il le fit, hier. Je suis habituée aux screwball comedies (comédies loufoques in French), à Lubitsch, à Wilder et à quelques autres. Nécessairement, je suis très difficile et exigeante en cette matière. Mon rire ressemble au dernier baiser de Mrs. Darling. Il faut aller le décrocher. Comme la lune. Autant s'y prendre de bonne heure et viser haut. Alléchée par la supposition émise, ici et là, que ce film était une comédie dans le style de celles que j'afffectionne, je me suis rendue d'un pas légèrement précipité à cette invitation de la salle obscure. Que nenni ! Dire de ce film qu'il a un esprit lubitschien serait se moquer. Ou penser que le spectateur est idiot et inculte. Je me souviens que l'on avait dit une chose comparable - les critiques sont des paresseux qui s'engouffrent dans n'importe quel raccourci même s'il y a une impasse au bout - en parlant d'Intolérable cruauté,
l'un des mauvais films de Frères Coen (ils ont réalisé d'excellents films, dont The Barber, par exemple). J'avais détesté ce film sans surprise et sans culot. On remarquera la parenté entre les deux affiches... "Epatez-moi !", ai-je envie de créer aux artistes ! Malgré un scénario qui tient en une ligne, sans vigule ni point-virgule, il s'agit d'un film doué d'une écriture assez précise et nerveuse. Le film ne manque pas de rythme et les acteurs débordent d'allant. Isabelle Carré est belle, enfantine, mutine. Garcia est presque délicat, malgré sa désinvolture, ou peut-être à cause d'elle. François Cluzet n'a pas le beau rôle, mais il est émouvant dans cet emploi de "Belle au bois dormant", éveillé par la luminosité de cet escroc en robe décolletée. Garcia et Carré. Un couple qui ne ressemble pas aux modèles. Ils dorment ensemble une nuit ; il ne se passe rien. Mais vous savez que "rien", c'est pire que tout. Et meilleur. J'ai pris grand plaisir à déguster cette friandise délicieuse. Dans le numéro de Mai de Positif,
Isabelle Carré explique dans un entretien comment elle s'est préparée pour ce film, les improvisations qu'elle s'est permises avec son complice, José Garcia, et les références qu'elle avait en tête. Lorsqu'elle descend l'escalier du palace, pour la première fois, elle chantonnait intérieurement à la manière de Marilyn Monroe. Je crois bien qu'elle a intercepté le secret de ce film joyeux : il donne moyen, un instant, d'être un autre, un personnage. Les clients intermittents des palaces savent cette vérité : on prend plus de plaisir à jouer qu'à se frotter aux dorures. Il restera toujours quelques paillettes collés dans la prunelle, au bout des doigts... Voir le billet de Siréneau sur le même sujet.

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Dilettante. Pirate à seize heures, bien que n'ayant pas le pied marin. En devenir de qui j'ose être. Docteur en philosophie de la Sorbonne. Amie de James Matthew Barrie et de Cary Grant. Traducteur littéraire. Parfois dramaturge et biographe. Créature qui écrit sans cesse. Je suis ce que j'écris. Je ne serai jamais moins que ce que mes rêves osent dire.
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