lundi 27 février 2006

San Michele est une île vénitienne, où j'aime me rendre. Il n'y a rien de morbide dans cet attrait. Ceux qui fréquentent le Père-Lachaise me comprendront. En vérité, il est question d'un cimetière à l'image de Venise, un endroit très particulier entouré de briques de couleur rose et/ou orange. Je n'en connais pas de plus beaux, de plus reposants et de plus poétiques. Il est fragmenté en plusieurs parties : une ancienne, un peu à l'abandon et en friche,
et l'une plus récente. Dans cette dernière partie, il y a un lieu très émouvant, celui où l'on enterre les enfants.

Je gage que Barrie aurait été inspiré par la mélancolie et la tristesse de cet arpent. Je passerai mon éternité là-bas, c'est décidé.
Ces clichés datent d'il y a deux étés.
Une tombe émouvante :

Ezra Pound est enterré là-bas également, ainsi que d'autres artistes.

Enfin ! Les Parerga et Paralipomena sont édités pour la première fois in extenso en France. Souvent, ont été découpés de petits essais dans cette somme. Aujourd'hui, il est possible d'apprécier l'intégralité des pensées de Schopenhauer sur des sujets très variés. Si Le monde comme volonté et comme représentation est sa grande oeuvre et l'un des plus grands livres de la philosophie occidentale, ce pavé contient peut-être les meilleures pensées et développements d'Arthur.

Le dernier film de Claude Chabrol m'a déplu et irritée au plus haut point. Je suis pourtant une afficionado du réalisateur. Il a mis au monde plusieurs chef-d'oeuvre, trois ou quatre films en demi-teinte et, probablement, a connu l'échec avec quelques longs-métrages. Il le reconnaît lui-même dans une interview récente : "Il m'est arrivé de sortir un film et de dire : c'est une merde !" Je ne serai pas aussi sévère que lui, car Chabrol est un grand cinéaste ; je suis d'ailleurs persuadée que les films auxquels il songe ici sont des films que j'aime... et je ne puis croire qu'il ait fait un film totalement raté. Chabrol, à l'instar d'un Woody Allen dans un autre registre, fait preuve d'une constance et d'un souffle qui ne peuvent que susciter le respect. Ce sont les briques du mur d'enceinte qu'il construit patiemment depuis 55 films. "L'ambition est de fabriquer le mur, mais je ne suis pas certain d'arriver exactement à ce que je voulais." Et pourquoi ne pas faire le mur au lieu de l'ériger ? Ce film-ci eût été une bonne occasion. Sa constance et sa fidélité s'éprouvent d'abord par le choix de ses comédiens, que l'on retrouve souvent d'un film à l'autre Isabelle Huppert est l'une de ces privilégiées. C'est une créature très étonnante. Elle est froide de la tête aux pieds. Elle peut s'investir dans n'importe quel rôle. Cette femme provoque en moi à la fois le dépit et l'extase, les deux en même temps. Je suis admirative par la force qu'elle dégage, par sa capacité à incarner tout entière le personnage qui lui est destiné. Je demeure cependant en retrait lorsqu'elle joue, car elle me semble à l'image de ce personnage de L'ivresse du pouvoir, à qui il manque quelque chose. Son mari lui dit cela très précisément. Il est évident qu'il parle d'un coeur. L'actrice Huppert n'émeut pas. Excès de pudeur qui la confine dans l'expression forte des sentiments les plus simples et qui la condamne à toujours les dire dans une violence sourde ? Isabelle Huppert ne s'efface jamais tout à fait devant les femmes auxquelles elle insuffle de la réalité. Là est son drame et son talent, peut-être. Dans Madame Bovary, je l'avais haïe. Elle n'avait rien de l'Emma de Flaubert. Tel n'était pas le but, il me semble. La passion qu'elle doit vivre, à chaque fois, derrière la caméra, est fausse, se donne à ressentir comme fallacieuse, à cause de sa brutalité - sauf peut-être dans Une histoire de femmes, lorsqu'elle récite un "Je vous salue Marie" blasphématoire. J'aimerais voir Isabelle Huppert se fissurer, être moins monolitique ; on dirait un nerf tendu jusqu'à la rupture. Malheureusement, lorsqu'il claque, il ne se produit rien. Huppert est une courbe ascendante mais sans montée ni descente. Un paradoxe. Il est très remarquable de l'observer lorsqu'elle rit - ce qui, finalement, arrive assez peu dans ses rôles : le rire est censé libérer les courbures du visage ; chez elle, l'inverse se produit. J'aimerais qu'elle soit autre lorsqu'elle est Médée, Emma ou le juge Charmant Killman. L'ivresse du pouvoir est une caricature de l'affaire ELF et la mention obligatoire et hypocrite concernant la fortuité des coïncidences en début de film est superfétatoire et lâche. Il faut signer ses dénonciations et n'avoir peur des représailles, sinon autant s'abstenir. Le choix des acteurs et leur ressemblance grossièrement troublante avec les protagonistes de ce scandale est une des raisons qui m'ont poussée à détester ce film. Je suis parfaitement consciente que le film de Chabrol mettait moins en joue l'affaire ELF que la psychologie du juge, qui est une brute et surtout une femme qui assouvit sa libido dans la griserie de sa fonction. Le juge Charmant Killman (le nom est très bien choisi !) est une castratrice de premier ordre. Très bien. Et alors ? Et ensuite ? Nous tournons court assez rapidement. J'ai toujours suspecté les créateurs, en littérature ou au cinéma, qui s'inspirent à outrance de faits divers encore chauds de manquer d'imagination et de courage. Je ne prise guère ces faux décalques de la réalité. Cette facilité dissimule une imposture. Pourtant, malgré ma déception, je reconnais des mérites au film : il est propre. Trop, sûrement... Les dialogues sont honnêtes, parfois un peu acides. La réalisation et le scénario pépères et surdosés en ce que Nietzsche appelait la "moraline". Je retiendrai de ce film une idée, la seule qui m'ait convaincue. Une belle idée dans la réalisation. Huppert porte des gants rouges. Impossible de ne pas le remarquer, puisque les affiches la figent dans ce port. Est-ce une métaphore du sang ? Je suis encline à le croire. Ces gants rouges ne seraient rien sans le sac assorti qu'elle trimbale toujours en compagnie d'un autre sac, marron celui-ci. On a le sentiment que le juge Charmant Killman essaie de compartimenter sa fonction et sa vie de femme : le sac rouge et le sac marron désignant ces deux vies qu'elle porte en parallèle et dont elle ne se déssaisit à aucun moment du film, alors qu'elle devrait faire un choix. Le final de l'histoire dit ce choix mais il s'agit plus d'une défection que de l'élection d'un possible.

Les roses du Pays d'Hiver

Retrouvez une nouvelle floraison des Roses de décembre ici-même.

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Dilettante. Pirate à seize heures, bien que n'ayant pas le pied marin. En devenir de qui j'ose être. Docteur en philosophie de la Sorbonne. Amie de James Matthew Barrie et de Cary Grant. Traducteur littéraire. Parfois dramaturge et biographe. Créature qui écrit sans cesse. Je suis ce que j'écris. Je ne serai jamais moins que ce que mes rêves osent dire.
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