lundi 19 février 2007
Une belle journée est une journée où l'on sent que le monde entier tient dans la main ou dans la pupille. J'ai lu mon amie Fauna et je me sens belle, éclaboussée par la grandeur de son univers. Alors, mon esprit se met en marche, j'écris quelques lignes et je pense à certaines images qui alimentent mon esprit et lui donnent du combustible. Je suis heureuse. Sinatra me susurre sa mélancolie à l'oreille et je viens déposer deux ou trois images que je porte en moi.

Margaret Julia Cameron n'est pas absente de ce JIACO. Pour autant, l'importance qu'elle a dans mon existence est assez mal reflétée en ce lieu imaginaire et très victorien - plus que vous ne pourriez le penser. Je suis fascinée par son travail et par son existence. Je crois bien que c'est elle qui m'a ouvert l'appétit pour les images. Bien sûr, je n'aime pas que les photographes victoriens même si certains d'eux m'obsèdent : Lewis Carroll et Henry Peach Robinson


[Elaine Watching the Shield of Lancelot - 1859. Première incursion de Robinson dans l'univers arthurien. En écho aux travaux de Rossetti à la même époque. ]



[The Lady of Shalott, 1860-1861. Photographie composée de trois clichés. ]





[Henry Peach Robinson (1830-1901) - Fading Away, sa photographie la plus célèbre peut-être, qui m' a toujours beaucoup troublée puisqu'il évoque ici la mort d'une jeune fille. Le personnage qui m'intrigue le plus est cet homme à la fenêtre, éternellement de dos, qui regarde peut-être la mort emporter l'enfance de sa fille pour lui laisser en échange ce corps blanchi par les fantômes du passé. La photographie est composée de cinq clichés réunis. C'est une composition au même titre qu'une peinture, selon sa perception de son art. On aperçoit même les "raccords" sur un grand modèle, mais cela ne constitue pas un défaut à mes yeux, au contraire. Une illusion ou un tour de magie expliqués sont incapables de me désenvoûter. Tel n'était pas l'avis du très bizarre Sir William Crookes, à la fois scientifique et spirite... Robinson était à sa manière un authentique préraphaélite, d'où mon attention exacerbée. On retrouve l'influence de Ruskin dans son oeuvre. Mais c'est surtout le suédois Oscar Gustav Rejlander qui fut en quelque sorte son maître. A 34 ans, il arrêta la photographie, intoxiqué par les produits chimiques.]

puis quelques autres.

Margaret Cameron a commencé sa carrière de photographe à l'âge de 49 ans ! Elle est née en 1815 à Calculta et a été élevée en France, à Versailles, avec ses nombreuses soeurs, après la mort de ses parents. Son autobiographie inachevée s'appelle Annals Of My Glass House. Elle y explique que son "âme entière est dévouée à [son] devoir envers les hommes qui se présentent devant son appareil, en enregistrant fidèlement la grandeur de leur intériorité aussi bien que les aspects extérieurs de leur être." Elle ajoute que "La photographie ainsi prise est presque l'incarnation d'une prière."
Personne ne pourrait en douter en admirant son oeuvre.
Premier-né. 1865. Archie Cameron, le premier petit-fils de Julia Margaret Cameron et le fils de son fils aîné, Eugene Hay Cameron, et de sa femme, Carolyn Catherine Browne. Cette photographie fait partie d'une série d'études, réalisée à l'île de Wight, la mystérieuse île de Wight. La femme qui se penche sur l'enfant est Mary Ryan, une servante de Madame Cameron. L'enfant lui servira de sujet, dans des mises en scène biblique par exemple. Mais ses parents ne l'inspireront guère.






Un ange sans ailes (Le jeune Endymion). 1872. Endymion, célébré, ô combien, par Keats, est dans la mythologie grecque un homme, un mortel, qui tombe amoureux de Séléné, la déesse de la lune. Pour lui conserver sa jeunesse, Séléné, envoie un charme à Endymion qui le met dans un état de sommeil éternel... Je ne sais pas comment on doit interpréter cette perception de Cameron. Les ailes de l'enfant ont disparu mais leur présence est suggérée par cette bouffée de brume, un peu en retrait.


A mettre, peut-être, en rapport avec la peinture de Girodet.



Cameron a réalisé toute une série d'études mettant en scène des enfants, qui rappellent les anges dans la peinture de la Renaissance.


Est-ce que ce cliché ne vous rappelle pas un détail de la Sistine Madonna de Raphaël ?





Julia Margaret Cameron aime représenter des enfants ailés. Ils ont une allure d'enfer et de paradis, de bouderie et d'irréalité. Elle leur attachait des ailes de cygne dans le dos. C'est alors que me revient en mémoire un conte d'Andersen, mon adoré. Et puis je ne peux m'empêcher de songer à Barrie et aux enfants, qui furent d'abord des oiseaux. Un de ces enfants dit à ce sujet : " Nos rôles n'étaient ni plus ni moins que ceux des deux anges de la Nativité. Et, pour nous maintenir dans ces rôles, nous étions très peu vêtus et nous avions une paire de lourdes ailes fixée à nos épaules, pendant que Tante Julia , sans délicatesse, ébouriffait nos cheveux pour les débarrasser de leur aspect un peu guindé, celui de la nursery."



(Trad. Holly aka C.-A. F.)


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