mercredi 4 août 2010
C'est vrai, il y a bien longtemps que je ne vous avais donné de nouvelles. Toutefois, il n'a jamais été question d'un manque d'envie. J'écris, je jouis et je promène ailleurs la dernière moitié de ma vie. C'est tout.
J'ai achevé la traduction et les corrections du prochain livre (très illustré celui-ci), qui sortira en septembre, et je prépare d'autres surprises barriennes... qui vont éclore l'année prochaine et la suivante. Bien sûr, je ne manquerai pas de vous faire part de tout cela en temps et en heure. Sachez simplement que je prévois, l'année prochaine, un voyage aux États-Unis, voyage nécessaire à l'écriture de ma biographie de Barrie. J'ai pris beaucoup de retard dans mes projets personnels et la page consacrée aux 150 ans de Barrie sur mon site n'est pas encore mise en ligne, mais je m'y emploie. Les derniers mois furent exaltants, fatigants, riches en surprises et placés sous le signe de l'Aventure. James Matthew Barrie, avec l'humour particulier qui est le sien (non, il me semble qu'il s'agit plutôt d'ironie) m'a convaincue que je n'étais pas un émule du Capitaine W. (le héros du Petit Oiseau blanc) mais bien davantage une Mary A., quoi que je dise et quoi que je fasse...
Comprenne qui pourra.
Mon existence a pris d'autres chemins et je crois enfin avoir atteint le point de déséquilibre (ou d'équilibre) parfait.
Je me suis beaucoup promenée ces derniers mois. Je me suis beaucoup promenée : dans des livres, dans des lieux, dans des films, dans des visages et, surtout, dans mes rêves et dans mes souvenirs (fictifs ou non). Non sans terreur. Non sans jouissance.
Ces balades, réelles ou imaginaires (mais il n'est rien de plus réel que l'imaginaire), passent par Nohant, car c'est mon pays, celui de la petite fille que l'on appelait "la champi" à l'école primaire... Pourtant, je n'ai jamais aimé George Sand, et ce, malgré tous mes efforts. Je juge l'écrivain médiocre et la femme (ainsi que la mère) plus que détestable, mais j'aime infiniment son domaine, sa maison, à laquelle je ne cesse de revenir.
Lors des fêtes romantiques de Nohant, nous avons pu vivre une très belle soirée en compagnie de Renaud Capuçon et de Nicholas Angelich (mais aussi de Brahms et de Schumann).
Cela me ramène à un ancien séjour à Baden Baden... sur les traces de Brahms que j'aime tant... J'ai toujours eu un faible pour les possédés. Brahms est le fil conducteur de cet été qui est le dernier été de ma prime enfance et presque le premier de ma seconde enfance...
Venise est la douleur exquise de ceux qui vivent au coeur du songe et Juillet ne serait pas juillet pour moi sans Venise et sa fête du Redentore,
que nous ne manquons jamais depuis près de quinze ans ! Et, même si mon état physique ne m'a point permis d'explorer la Sérénissime, comme de coutume, j'ai tout de même pris le temps de suivre, ici et là, les pas de ce cher Ruskin et de Henry James,
et de contempler ce qui est, à mes yeux, l'une des plus belles vues de Venise,
sans manquer de venir saluer Gianni Basso et de prendre commande auprès de lui d'un nouveau stock de cartes...
Venise se ressemble toujours, année après année, et je me ressemble encore assez pour ne point trembler en songeant à cette fin de mon être qui est aussi un début, celui d'une aventure. J'étreins l'inconnu. Je suis en paix.
Et, quoi que l'on fasse, pas plus qu'il n'est de première fois à Venise, il ne peut y avoir de dernière fois, car Venise ne vous quitte jamais si elle vous élit. Peut-être en est-il de même de l'être humain : il ne cesse d'osciller vers ce moment parfait qu'il a cru entrevoir un jour, il y a longtemps ; et, à cause de cette illusion, il ne peut se perdre tout à fait ou se métamorphoser complètement...
"Je le répète : l'Eau est égale au temps et procure à la beauté son double. En partie eau, nous servons la beauté de la même manière. En se frottant à l'eau, cette ville améliore l'allure du temps, embellit l'avenir. Tel est son rôle dans l'univers. Parce que cette ville est immobile alors que nous sommes en mouvement. La larme en est la preuve. Parce que nous allons et que la beauté reste. Parce que nous sommes tournés vers l'avenir alors que la beauté est un éternel présent. La larme est une tentative pour demeurer, rester en arrière, se fondre avec la ville. Mais c'est contre les règles. La larme est un retour, un hommage de l'avenir au passé. Ou bien c'est ce que l'on obtient quand on soustrait le plus grand du plus petit : la beauté de l'homme. Il en va de même de l'amour parce que notre amour, lui aussi, est plus grand que nous."
Dernières lignes d'Acqua Alta de J. Brodsky (trad. B. Coeuré et V. Schiltz), Paris, Gallimard, 1993.
Libellés :Allemagne,Baden Baden,Brahms,Nohant,Renaud Capuçon,Venise
Je ne suis pas morte ; je cuve seulement mon enfance. Je suis heureuse. Encore un peu fatiguée, peut-être, mais certainement pas lasse. Tant de choses adviennent et je ne veux en ignorer aucune.
Je vous écrirai prochainement.
Les émotions sont comme des échardes, j'ai ôté celle-ci.
Jacques Debronckart (comme Tachan d'ailleurs) n'est pas assez connu. M. Golightly, lui qui rêve encore d'Adélaïde, me l'a fait découvrir...
Un jour, nous irons à Adélaïde, mais aussi aux îles Samoa, tu verras !
Un jour, nous irons à Adélaïde, mais aussi aux îles Samoa, tu verras !
Je prends la liberté de mettre en ligne ces deux chansons dans l'espoir que vous croiserez le chemin de ce désespéré – n'est-ce pas le mot dont usent les gens tranquilles afin de désigner les trop lucides ? J'aime particulièrement cette chanson qui me donne la chair de poule, Écoutez, Vous N'M'Écoutez Pas...
Il faut avoir souvent le mal de vivre pour avoir quelquefois le goût de vivre.
Il faut branler l'idée de la mort pour jouir de l'instant friable, puis broyer et laisser tomber en poudre toute notre fausse solidité d'être fait. Il faut la conscience de l'abîme, se piquer à la quenouille de Clotho, pour toucher, jusqu'à l'effroi, le velours de l'être et la peau des autres, leur surface. La frivolité du moment* n'a de sens que par l'existence du tragique, de cet instant crucial, de cette toupie qui dessine l'espace mental au sein duquel se déploie cette apparente inconsistance et inconstance de l'esprit. Le tragique donne son aristocratie à la frivolité de l'instant ; la frivolité rend beau l'abîme qu'elle dissimule ; et cette béance temporelle s'ouvre sur l'aventure, sur la rencontre. Mais il n'y a rien d'autre à trouver que l'inconnu – soi ! L'espace tragique est défini, reconnu et limité par l’aventure intérieure de l’homme, par les tiraillements de sa volonté face à ses impuissances et ses faiblesses. Celles-ci sont les fruits et les esclaves d’un savoir qui nous entrave et assèche en nous la source vive de l'émotion. Le savoir commande notre agir mais détruit tout autant la spontanéité, le goût de l’aventure et de l’invention. Mais sans savoir il n'est que silence... Notre spontanéité s'affirme contre (malgré) le savoir. Le but de la vie devrait être d’apprendre à vivre dans l’inconnu. Ce devrait être le but de toute existence. Aussi l’audace est-elle la qualité essentielle ; mais le conformisme prudent, la raison tyrannique, la lâcheté banale nous poussent à mettre le mors à cette audace qui devrait nous conduire aux confins de nous-mêmes – là où nous sommes sans le savoir. C’est une force aveugle et spontanée, un moment abstinent de toute raison, qui nous persuade de persévérer dans l'existence, et c'est cette même force vive qui enseigne le mieux l’art de vivre ; c’est le vécu intense de l’instant ou du moment qui est la moelle de la pensée. Le reste n'est que construction et camouflage.
*Étymologie on ne peut plus révélatrice : "Du latin momentum, contracté de movimentum, mouvement (voy. ce mot). Mouvement passe au sens de moment, parce que moment veut dire le temps d'un simple mouvement." {Émile Littré}
Il faut branler l'idée de la mort pour jouir de l'instant friable, puis broyer et laisser tomber en poudre toute notre fausse solidité d'être fait. Il faut la conscience de l'abîme, se piquer à la quenouille de Clotho, pour toucher, jusqu'à l'effroi, le velours de l'être et la peau des autres, leur surface. La frivolité du moment* n'a de sens que par l'existence du tragique, de cet instant crucial, de cette toupie qui dessine l'espace mental au sein duquel se déploie cette apparente inconsistance et inconstance de l'esprit. Le tragique donne son aristocratie à la frivolité de l'instant ; la frivolité rend beau l'abîme qu'elle dissimule ; et cette béance temporelle s'ouvre sur l'aventure, sur la rencontre. Mais il n'y a rien d'autre à trouver que l'inconnu – soi ! L'espace tragique est défini, reconnu et limité par l’aventure intérieure de l’homme, par les tiraillements de sa volonté face à ses impuissances et ses faiblesses. Celles-ci sont les fruits et les esclaves d’un savoir qui nous entrave et assèche en nous la source vive de l'émotion. Le savoir commande notre agir mais détruit tout autant la spontanéité, le goût de l’aventure et de l’invention. Mais sans savoir il n'est que silence... Notre spontanéité s'affirme contre (malgré) le savoir. Le but de la vie devrait être d’apprendre à vivre dans l’inconnu. Ce devrait être le but de toute existence. Aussi l’audace est-elle la qualité essentielle ; mais le conformisme prudent, la raison tyrannique, la lâcheté banale nous poussent à mettre le mors à cette audace qui devrait nous conduire aux confins de nous-mêmes – là où nous sommes sans le savoir. C’est une force aveugle et spontanée, un moment abstinent de toute raison, qui nous persuade de persévérer dans l'existence, et c'est cette même force vive qui enseigne le mieux l’art de vivre ; c’est le vécu intense de l’instant ou du moment qui est la moelle de la pensée. Le reste n'est que construction et camouflage.
*Étymologie on ne peut plus révélatrice : "Du latin momentum, contracté de movimentum, mouvement (voy. ce mot). Mouvement passe au sens de moment, parce que moment veut dire le temps d'un simple mouvement." {Émile Littré}
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