jeudi 12 janvier 2012
Belphegor, l'étonnante revue internationale, a enfin publié, parmi d'autres articles que je n'ai pas encore eu le temps de véritablement lire, deux de mes contributions (dont une traduction d'un texte inédit de Barrie en français, Hook à Eton), rédigées l'an dernier, juste après la naissance de mon enfant. Cette traduction et ce petit essai en forme de commentaire de ce merveilleux texte de Barrie ont une saveur particulière pour moi. Je les ai écrits auprès du berceau de mon enfant endormi, pendant ces jours d'hiver où nous faisions connaissance, où nous nous découvrions... Jamais je n'oublierai ces heures-là et ces deux textes témoignent probablement, en creux, de cette émotion. 
Vous pouvez les lire ici et .  
L'illustration du sommaire de la revue est un collage de ma très précieuse amie, Virginia Ledoux, dont je ne parle que très peu ici, car je l'aime bien trop pour la partager avec vous... En un mot, elle est le talent et la modestie incarnés, et une amie rêvée depuis plusieurs années. Ce collage sur toile vit désormais dans mon musée Barrie et je le reproduis ici, parce que j'estime que l'illustration de la revue est trop petite pour lui rendre hommage. 


Virginia a créé ce collage avec la douce fulgurance que je lui connais depuis le premier jour, après lecture de ma double contribution. Je ne pouvais espérer plus belle expression barrienne de mes pensées. Lorsque ma biographie de Barrie paraîtra, j'espère avoir la chance que l'une de ses oeuvres en orne la couverture (si j'en suis digne). 

Un  des articles de la revue me cite en mauvaise part, je me permets donc de répondre ici, en reproduisant la lettre que j'ai adressée à son auteur, François Fièvre – qui devrait peut-être prendre un peu de paracétamol afin de calmer ses ardeurs...

Cher Monsieur,
Je viens de parcourir votre article. Je prends la liberté de vous écrire ce courriel, puisque votre adresse figure dans le message commun que nous avons reçu ce matin.
Puisque vous me citez publiquement, vous m'autoriserez certainement à vous répondre, sinon à vous contredire, sur mes sites barriens... En effet, j'ai l'intention de vous répondre, au moins quant aux deux points "litigieux" qui suivent.
Vous écrivez : "(...) rien ne semble montrer que celui-ci ait vu les aquarelles de Rackham pour Rip Van Winkle, contrairement à ce que moi ou Céline-Albin Faivre (« Le péan de Pan », in James Matthew Barrie, Peter Pan dans les Jardins de Kensington, trad. Céline-Albin Faivre, Rennes, Terre de Brume, 2010, p. 10) avons pu noter sur le sujet, ni a fortiori que ce soit lui qui ait eu l’initiative de cette collaboration."  Vous auriez pu très simplement me demander d'où je tirais cette information ou conclusion, au lieu de présupposer que, comme vous, j'écrivais sans réelle preuve ou raison, et donc sans sérieux !!!
De même, je crains que vous n'ayez pas tout à fait compris mon propos, dans ma préface à Peter Pan dans les Jardins de Kensington, concernant le rapport que j'établis entre les Jardins et Never Never Never Land et leur "irréalité". Cette préface est une préface destinée au grand public et non pas à mes collègues docteurs en philosophie ; mais, si vous tenez à ce que j'en appelle à une étude ontologique des lieux barriens, j'y consentirai volontiers...
Très cordialement,
Céline-Albin Faivre


L'une des preuves que Barrie a vu l'exposition et a donné son impulsion au projet d'illustration de Peter Pan dans les Jardins de Kensington se situe dans au moins une des lettres d'Edward Verrall Lucas à Rackham... Je laisse à M. Fièvre le soin de la trouver lui-même, mais je la tiens à la disposition de mes lecteurs !

De plus, lorsque j'écris que les Jardins de Kensington ne sont pas plus "réels" ou familiers au lecteur (quand bien même il serait londonien et élirait domicile dans lesdits Jardins) que Never Never Never Land (ce que semble me reprocher l'auteur, quand moi je me féliciterais plutôt de ne pas me trouver en accord avec lui) je veux signifier par là que, pour tout créateur, pour tout poète, rien n'est réel, dès lors que le regard de l'artiste se pose en un lieu, sur un être ou un objet, quand bien même ceux-ci auraient une correspondance objectivement réelle, une existence prosaïque, dans le monde extérieur. L'artiste travestit jusqu'à la moindre once de réel, par son seul regard. Il en est conscient et inconscient, car tout artiste est double. L'artiste ne vit pas à l'extérieur, dans notre monde, mais toujours comme si son for intérieur lui servait de peau, d'une peau retournée, pour vivre dans le monde extérieur... C'est pourquoi, dans un autre registre, il n'existe pas de biographie possible, encore moins d'autobiographie, lorsque l'écrivain écrit en artiste. Ce principe de distorsion du réel est inévitable. Les Jardins de Kensington ne sont pas plus réels que Never Never Never Land, je le répète, et ils le sont, paradoxalement, encore moins que le Pays du Jamais, qui nous est immédiatement intime si nous ne nous prenons pas au sérieux au point d'oublier que nous ne sommes que des humains, toujours défaits, en quête d'une âme... Mais les Jardins de Kensington semblent plus réels ou "habitables" au lecteur du commun, par définition insensible au latent, et le danger est là... Le lecteur ordinaire ne voit pas... et le lecteur enchanté, lui, ne voit déjà que trop, tout comme l'artiste... Il ferme alors les yeux. Barrie écrit pour l'aveugle et pour celui qui a les yeux brûlés d'avoir trop vu. 
Et lorsque M. Fièvre me reproche d'avoir écrit ceci : "Il ne s’agit pas ici d’habiter dans les jardins (personne n’y habite d’ailleurs, si ce n’est Peter et les fées), ni même de les imaginer, mais bien de les voir, justement pour que puisse s’opérer la conversion du regard (l’« enchantement ») qui fait advenir la merveille à la lisière de la réalité quotidienne  : modalité du merveilleux bien différente de celle à l’oeuvre dans Peter and Wendy", il semble ne pas comprendre que celui qui peut habiter est, bien entendu, le lecteur... et que je ne suis pas stupide au point de laisser entendre que l'on puisse y habiter littéralement ; on habite toujours en poète, comme je l'écrivais ici, et le lecteur n'habite que son songe, celui provoqué par un réel vu au travers d'un double regard artiste, celui de Barrie et celui de Rackham...
Quant au jeu de Barrie avec le lecteur, je n'ose répondre... 
Je n'ai, de toute façon, guère de leçons d'ontologie à recevoir et, si je ne craignais d'abuser d'armes de destruction massive, je ferais appel à Sartre, Platon ou Heidegger, afin qu'ils me rendent raison, mais cela ne vaut vraiment pas le temps gâché... 

Je vous propose une version pdf, plus aisée à lire, de mes deux contributions sur mon site Barrie.
Et, d'ores et déjà, je joins une notice biographique de votre servante, puisque Belphegor m'a tout simplement oubliée dans la liste des auteurs ! 

***

Ce billet en forme d'annonce est l'occasion pour moi de vous informer aussi que l'un de mes "essais", écrit en anglais, cette fois-ci, paraîtra prochainement dans un livre publié par l'éditeur  Cambridge Scholars Publishing. Ce livre est né du colloque qui a eu lieu à Madrid l'an passé, où je devais me rendre. Je n'ai malheureusement pas pu y participer, car mon enfant était malade, mais mon texte a tout de même été retenu. 



Je vous en livre le titre et le résumé (j'ai fait semblant d'être sérieuse et de me plier aux règles de la bienséance universitaire, pour une fois, chose que j'exècre – j'ai horreur des listes d'articles et des C.V. bien polis) : 

The legacy of the phantoms, or death as a ghost-writer in Peter and Wendy

Abstract:

For each human being, reality is nothing but memory. Our identity is also created by our memory, which is a mirror for each one of us. Winnicott wrote that our first mirror is our mother’s face; a mother is also the memory of, and the witness to, the first years of her child, because we all experience childhood amnesia. As Barrie revealed it in Margaret Ogilvy, her mother literally didn’t look at him, so he had to write fictional memories, and, finally, his fiction became and replaced his life. Peter Pan is one of these fictions. Peter Pan’s shadow is the symbol of the absent reflection of his Self in his mother’s face. If you don’t have a shadow firmly stuck to you, you are probably a ghost. But Peter Pan is a ghost of one kind. And more than a ghost, he is a sort of phantom, as Abraham and Torok define them in their book, The Shell and the Kernel

Et je joins un extrait, en avant-première : 


I remember an old couple. This old couple who haunt my memory were at the last chapter of their life. They lived the life of millions of people satisfied with the same simple pleasures and frightened by the same injuries: abandonment, failure and death. Only one thing set them apart from others: a terrible lack, an unbearable absence, which had almost imperceptibly hollowed out each day of this shared and closed life: a child. The shadow of that child, the real shadow of the child who never was, came to greet them each hour of the day and the most painful of those hours was the one that rang the dusk. The child did not come, they ceased to hope, but paradoxically they never gave upon waiting for him because he already had his place. He had his place even before they realized that he never would take it. This place was symbolized by the presence of a pram in the entrance of their house. Till their death, the pram never left this place, even when, by necessity, they understood that it would not be filled. Nobody, nothing– except dust – ever disturbed this pool of absence, but this place or no-place, this utopia, this island, this hole, this dark spot in space, embodied a no-time that is called “Never”. Thus, in the life of this old couple, the empty pram symbolized a possibility never realized. And someone haunted this unoccupied place. Thus ghosts and legends were born from “Never” and “Nevermore” (Barrie, 1937: 128), from an impossibility and a limit, from the lack and the desire. Well, nothing can better explain the meaning of Peter and Wendy than this simple story. “Never” is the reverse side of memory, the blank space where time writes our lives, the vacant place without which nothing can be thought or lived.
Let me quote from Derrida's Memoires for Paul de Man (Derrida, 2001: 11) to anchor my thoughts on mourning and memory: “Upon the death of the other we are given to memory, and thus to interiorization, since the other, outside us, is now nothing. And with the dark light of this nothing, we learn that the other resists the closure of our interiorizing memory […]”. Grief is impossible and this failure is paradoxically a success: one is preserved as other in its otherness. The Other is not devoured or absorbed by the memory. When the mourning is successful, the other does not remain in me, his trace disappears, my memory is not his grave. The work of the artist is a work of an impossible mourning, it is a work of memory on the blanks of the memory. There is no remembrance. Derrida explains that memory is, in essence, plunged into mourning. The work of writing is never more than this: interlacing the absence, death, and the presence of words. Memory is a cenotaph. 



À bientôt ici-même, et surtout et encore ... et, peut-être, dans un livre cette année...

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Dilettante. Pirate à seize heures, bien que n'ayant pas le pied marin. En devenir de qui j'ose être. Docteur en philosophie de la Sorbonne. Amie de James Matthew Barrie et de Cary Grant. Traducteur littéraire. Parfois dramaturge et biographe. Créature qui écrit sans cesse. Je suis ce que j'écris. Je ne serai jamais moins que ce que mes rêves osent dire.
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