mercredi 7 juin 2006
... bientôt dans la boîte aux lettres de Letizia, si elle le veut toujours... et dans celle de tous ceux qui seront intéressés (Mariel ?)... cette charmante petite pièce de théâtre. Lorsqu'elle sera peaufinée, j'aurai des projets pour elle... Premières pages : La vieille dame montre ses médailles James Matthew Barrie Trois adorables vieilles dames et une criminelle, qui est encore plus gentille qu’elles, discutent de la guerre par-dessus une tasse de thé. La criminelle, qui est en vérité l’hôtesse des trois autres, appelle cela un «plat de thé », ce qui prouve qu’elle vient de Calédonie ; mais, en ceci, ne réside pas son crime. Elles exercent toutes les trois l’emploi de femme de ménage, y compris l’hôtesse, et elles travaillent à Londres. Mais elles sont ce qu’elles nomment professionnellement des femmes de ménage et cætera ou simplement « et cætera ». Et ce « et cætera » comprend également la fonction de concierge quand cela est nécessaire. Son nom est inscrit à l’encre sous cette dénomination dans un registre ; des considérations financières entrent en ligne de compte entre cette femme et le signataire du livre ; une personne du genre de Mrs Haggerty, qui est une femme de ménage mais qui ne possède pas d’autres prérogatives, est d’une condition sociale très différente. Mrs Haggerty, bien qu’elle soit présente, ne l’est pas parce qu’elle a été invitée. Elle a aperçu Mrs Dowey, pendant qu’elle achetait des bigorneaux, puis elle l’a suivie en bas. Enfin, elle est entrée dans la pièce en traînant les pieds et s’est assise ici, contre notre gré. Nous pourrions l’enlever par la force, ou pour le moins imprimer son nom en petits caractères d’imprimerie, si elle ne s’offensait pas aussi promptement et ne prétendait pas que personne ne lui témoigne du respect. Ainsi, puisque vous vous êtes glissée ici, vous pouvez vous asseoir là, Mrs Haggerty… Mais demeurez silencieuse ! Actuellement, Mrs Dowey, notre hôtesse, n’a pas d’occupation de gardiennage mais cela ne la décourage pas, car cette activité n’est qu’un extra financier et une contenance qu’elle se donne en société. Si elle avait l’honneur d’être soumise à l’impôt sur le revenu, elle remplirait sûrement l’une de ces vilaines cases comme il suit. « Activité : femme de ménage - Profession (si existante) : concierge.» Cette maison est la sienne. Elle la délaisse, occasionnellement, afin de prendre soin de la vôtre. Elle la quitte en grandes pompes, à la suite d’une brouette. La maison se situe dans une-de-ces-rues-que-je-surveille et que vous rencontrez uniquement lorsque vous avez perdu votre chemin. En découvrant de telles rues, votre devoir est de les signaler aux autorités, qui les ajouteront immédiatement sur la carte de Londres. C’est pourquoi, en ce moment même, nous informons qui de droit de l’existence de la rue Vendredi. Nous l’appellerons, sur le schéma brut, qui sera imprimé dans l’édition de demain, «La rue où habite la criminelle ». Alors, vous trouverez la maison où vit Mrs Dowey : c’est celle qui marquée d’un X. Sa demeure est composée d’une chambre, mais elle soutient qu’il y en a deux. En conséquence, plutôt que d’argumenter, admettons d’emblée qu’il y en a deux. L’autre n’a pas de fenêtre et elle ne peut y faire bruisser ses vieilles jupes sans se cogner au plafond. Sa plus glorieuse exposition consiste en une exhibition de casseroles en étain et de vaisselle sur le haut d’un buffet, qui est fait d’un simple couvercle. Vous devez simplement ôter les ustensiles et soulever le couvercle, avant de contempler une baignoire avec l’eau chaude et l’eau froide. Mrs Dowey est très fière de sa possession. Quand elle la fait admirer - une de ses fréquentes habitudes -, elle vous fait d’abord signe avec les poings fermés (quelle drôle de vieille dame est-elle !) de vous approcher doucement. Puis, elle se dirige sur la pointe des pieds en direction du buffet et enlève le couvercle, comme si elle voulait prendre la baignoire au dépourvu. Alors, elle suce ses lèvres et prend un air modeste si vous avez le bon goût de vous exclamer. Dans la véritable chambre, il y a un lit, bien que ce soit une façon de présenter les choses trop brièvement. Le bon début, si vous aimez Mrs Dowey, est de lui dire qu’il est dommage qu’elle n’ait pas de lit. Si elle est au mieux de sa forme, elle gloussera et acquiescera en disant que le désir d’un lit la tenaille. Elle vous tiendra aussi longtemps que possible entre ses griffes, si je puis m’exprimer ainsi, et puis, à nouveau, avec le mouvement de souris qui la caractérise, elle vous annoncera soudainement la présence de ce lit ! [...]
mardi 6 juin 2006

L'Oiseau bleu de Maeterlinck (adapté en dessin animé !) est apparenté au Petit oiseau blanc de Barrie. En tout cas, c'est de cette façon que l'entendait Maeterlinck et qu'il présenta la chose à Barrie, lorsqu'il écrivit sur un des lambris de sa bibliothèque : « Hommage au père de Peter Pan, grand-père de l’Oiseau Bleu » Il me paraît indispensable d'écrire quelque chose à ce sujet prochainement... En attendant, j'ai reçu ce bel album : L'oeuvre et la naissance de Peter Pan (mais pas seulement, loin de là !) à travers un album qui recueille des documents iconographiques en rapport. Il est édité, en partie, par la Beinecke Library - qui possède une colection barrienne très importante de livres, de manuscrits, de documents rares. La plus grande part de la collection de Cynthia Asquith a été acquise par leurs soins. Cet album ou catalogue contient des reproductions de documents épatants, tels les carnets de Barrie, par exemple, ou des photographies peu vues. Indispensable ! Petits extraits en photos : Télégramme du Roi et de la Reine à Peter Davies à l'occasion de la mort de Barrie, où est exprimé leur profond regret.
Exemplaire d'un des fameux journaux plus ou moins intimes de Barrie.
Carnets de notes pour une pièce féerique, qui deviendra... Peter Pan !
Suite de la série de billets commencée ici. [Bientôt, je reprends la correspondance Barrie / Stevenson...]
L’aventure des deux collaborateurs
James Matthew Barrie

[écrite sur la page de garde d’une Fenêtre à Thrums, parodie publiée pour la première fois dans l’Autobiographie de Conan Doyle]
En mettant fin aux aventures de mon ami Sherlock Holmes, je suis contraint de me souvenir qu’il n’avait jamais abandonné sa singulière activité de plein gré, excepté en cette occasion, dont vous entendrez bientôt tous les détails, car il a toujours refusé d’apporter son assistance à des gens dont la plume est le gagne-pain. « Je ne suis pas exigeant quant au choix des gens avec lesquels j’entretiens des relations d’affaires, mais les littérateurs dépassent les bornes de ma compréhension.»

Suite : ici.

Meurtre par décret un film de Bob Clark (1979)
Peut-être l’un des films holmésiens que je préfère, avant même celui de Billy Wilder, certes plus versé dans l’ironie. Sherlock Holmes se devait d’affronter Jack l’Eventreur. Ne sont-ils pas les deux génies antagonistes de l’ère victorienne ? Il a livré plusieurs fois ce combat, livresquement et cinématographiquement. J’aime au-delà du raisonnable cette réalisation-ci. L’œil pimpant et séducteur de Plummer n’y est pas pour rien… Certes, Basil Rathborne ou Jeremy Brett sont de grandes pointures mais leur mâchoire serrée crispe, de temps à autre, mon nerf optique. Le tandem Christopher Plummer / James Mason est du plus bel effet. Sherlock Holmes est enfin un homme séduisant, du moins si l’on se fie à mes goûts personnels… James Mason est noble et sage dans son rôle de compagnon du Prince des Détectives alors que, trop souvent, il n’est qu’un sous-fifre lourdingue. Ce film est raffiné jusque dans les plus petits détails. L'humour est pince-sans-rire. Sa nationalité ne fait pas de doute. Le fog est épais comme une barbe à papa décolorée. Il y a du sang et du désespoir. Je recueillerai les larmes de Holmes, dans un tremblement mélodramatique, si ému par le triste amour et sort d’Annie Crook. L’histoire reprend la théorie du complot royal (Cf. par exemple le superbe roman graphique d’Alan Moore, From Hell qui explore une voie similaire) et la fin, qui se referme sur le silence méprisant de Holmes, est dramatiquement calculée au plus noble. Il me semble avoir déjà évoqué ce livre-ci, qui est divin, troublant, inquiétant, sophistiqué : Jack l’Eventreur par Robert Desnos aux Editions ALLIA.
lundi 5 juin 2006

Sofia Coppola a gagné depuis Lost in translation, qui m’émut peut-être encore davantage que son pourtant magnifique Virgin suicides, le paradoxal droit de me décevoir. Ce ne fut pas le cas. Brisons là le suspense ! J’ai adoré ce film sucré, haut en couleurs,
et en pyramides de petits fours (Ladurée, of course). Sofia Coppola est un excellent réalisateur– je crois qu’il me paraît difficile d’affirmer le contraire sans une sacrée dose de mauvaise foi, que l’on aime ou que l’on déteste son film. Car, j’ai le sentiment à lire les critiques, ici ou là, que l’on n’étreint guère son film que dans la passion amoureuse ou homicide. Pourquoi donc ? Tout d’abord parce que c’est un film psychologique, qui fait appel à nos seuls sentiments immédiats pour juges, à des émotions qui maîtrisent foncièrement notre intellect et ne le laissent se déployer qu’après coup. Et quel coup de maître ! Ce long métrage est voué tout entier à l’exhibition d’une intimité, celle d’une très jeune personne de sexe féminin. Qu’il s’agisse d’une version possible d’un personnage historique n’a, finalement, aucune importance. Se focaliser sur l’idée que cette Marie-Antoinette n’est pas conforme aux pages pleines d’enluminures ou aux portraits lacérés des historiens serait une erreur, de même que crier scandale pour une basket ou s’offusquer des brillants anachronismes, qui ont le don de mettre en perspective. La musique en décalage (et pas tant que cela, étonnamment !), pour ne citer qu’elle, est terriblement judicieuse. J’avais déjà remarqué dans ses deux précédents films une façon de montrer et de dire, qui est le style de Sofia Coppola ou une composante de ce dernier : le direct indirect et vice-versa. Nous regardons de front, mais derrière une vitre. L’image est donnée derrière une transparence trouble. Peut-être s’agit-il de nous placer à la périphérie de la conscience de la jeune fille en question. Nous sommes placés au bord de ses émois, de son ennui, de ses joies champêtres et rousseauistes, de son innocente frivolité, de sa fragilité immense. Elle n’est qu’une petite fille et c’est, pour son malheur, une reine. Mais n’est-ce pas, à un moment ou à un autre, le destin de toutes les femmes ? Sauf que dans le cas présent, cette Marie-Antoinette n’est aimée que tardivement et furtivement. C’est une reine sans couronne. Je me souviens de cette phrase qui initie le roman d’Andrew Sean Greer : « Nous sommes tous le grand amour de quelqu’un. » Et le grand amour d’un homme, c’est souvent une très jeune fille, une petite reine, quand la femme rêve peut-être plus aisément de chevaliers bien faits et un peu plus vieux, de futurs maîtres (je ne crois pas une seconde au féminisme, qui ne tient pas deux rounds contre le viscéral romantisme de notre sexe). Marie-Antoinette a-t-elle été le grand amour de quelqu’un ? En tout cas, elle connaîtra l’amour, mais celui qui se décline sous les auspices de la philia. L’évolution des sentiments du couple royal est fort bien éprouvée sur la pellicule. On est ému par cette main honnête qui se dépose sur un bras las, par cette fidélité aristocratique du devoir. Le narrateur de Virgin suicides disait des jeunes filles qu’elles savaient tout des hommes mais qu’elles ne laissaient rien transparaître d’elles-mêmes.

« Nous savions que les jeunes filles étaient des femmes sous leur déguisement, qui pouvaient comprendre l’amour et même la mort. Notre travail consistait simplement à faire le bruit qui semblait les fasciner. »

Sofia Coppola nous offre la possibilité de nous glisser dans la peau d’une jeune fille. Cela en apprendra beaucoup aux hommes qui en savent si peu sur le beau sexe et rafraîchira la mémoire des plus vieilles d’entre nous, qui n’ont pourtant cessé d’être des jeunes filles… Il suffit de gratter un peu la peau de la mémoire. Et tout est là, frais, intact, inviolé. Offert !
Comme cette Marie-Antoinette trop frivole pour n’être pas un jour ou l’autre tragique. On a reproché à Sofia de se soucier des pauvres petites filles riches (l’héroïne de Lost in translation est pourvue de tous les dons mais elle s’emmerde ferme et ne possède pas la flamme vitale) et on a voulu à tout crin politiser ce film, qui, à mon sens, n’a rien de politique ou d’historique (je connais des historiens qui s’étrangleraient s’il fallait juger le film à partir de ce critère). On la vilipende d’être à la mode, d’être « flashy »
(d’où le titre du présent billet), c’est encore une erreur selon moi. Sofia Coppola est de tous les temps et elle le prouve puisqu’elle ne parle que de l’éternel problème du bonheur. Et son absence doit être aveuglante ! D’où les feux d’artifices, les fringues, et les bals. Le chagrin est pantagruélique, sinon c’est la mort intime, chaque jour renouvelée. Pour moi, dans la lignée des deux autres films, celui-ci est un portrait de jeune fille, plutôt subtile et ombragé. On ne pardonne jamais aux jeunes filles d’être douées par la nature : belle, riche, puissante. « Tu seras une salope, ma fille ! » dit la bonne fée marraine. Et si tel n’était pas le cas ? Marie-Antoinette était jeune et peut-être frivole. Et alors ? N’était-ce pas son droit ? On ne choisit pas sa naissance. Il est plus aisé de défendre le peuple, les miséreux, quand on a poussé dans ce terreau malodorant, ou sur le bas-côté des réellements riches. Je sais de quoi je parle. A votre bon cœur, messieurs-dames. Elle ne se souciait guère du peuple, dit-on, qui crevait sous son nez à quelques kilomètres ? Mais que faisons de plus qu’elle, confortablement installés derrière notre royal écran d’ordinateur, reliés à une somptueuse connexion ADSL pour les mieux lotis d’entre nous, à discutailler de choses vaines au regard de l’urgence vitale, alors que le monde est partout à feu et à sang, alors que la petite vieille d’en bas est en train de crever, alors que l’on oublie régulièrement de téléphoner à sa propre grand-mère qui s’ennuie à cinq cents kilomètres ? Nous ne valons pas mieux qu’elle. Nous sommes tous, à notre échelle, des ordures. La réalité est la suivante, s’il faut à tout prix rejuger Marie-Antoinette (celle-ci et l’autre tant qu’à faire) : nous vivons dans une circonférence assez peu étendue, assez peu large, dont le centre est notre moi, affamé de plaisirs, de caresses et de vertiges, d’éphémère. De bonheur ! Nous sommes tous bons et généreux, comme M. Jourdain, et tant que cela ne dérange pas notre ordre ; nous sommes tous à l’image d’Emmanuelle Béart (une brave fille, j’en suis convaincue), qui nous ferait chialer sur le sort des petits africains, et qui le lendemain se pavane à Cannes en robe Dior ou autre. Et alors ? Est-ce que cela l’empêche d’être authentiquement généreuse à ses (seize) heures ? Est-ce que le chagrin d’amour ou les petits problèmes existentiels d’une jeune et belle héritière pèsent moins lourd que celui d’une cul-terreuse ? Est-ce que l’on doit mesurer les peines des pauvres et des faibles sur des plateaux d’or et ceux des bien-nés sur des plateaux d’airain ? Ne sommes-nous pas tous égaux face à la déréliction de ce monde qui ne nous entend pas ? Nous ne voyons pas plus loin que notre ombre et ce n’est criminel que de très loin, car nous vivons dans un si petit trou qu’il est presque impossible de prendre de la hauteur. Lorsque nous soufflons une bonne révolte, c’est là que, peut-être, nous sommes le plus faux. Le sublime est involontaire, car la pureté n’existe pas. Je ne crois ni aux saints ni aux salauds ; je crois aux circonstances. Sofia est une fille à papa et on ne lui pardonnera jamais quand bien même elle serait une très grande artiste. Ce n’est guère plus juste que la Révolution, qui n’est qu’un crime de plus à ajouter à la longue liste de ceux de l’humanité. Tout n’est que perspective. Il suffit de changer d’échelle pour atteindre tels ou tels cieux. Ils sont toujours assez bleus ou noirs.
Quand je relis (rarement, heureusement !) des anciens billets de ce JIACO, je tombe fatalement sur des fautes de frappe, des erreurs d'étourderie, qui m'angoissent (mes lecteurs vont penser que je suis une imbécile inculte !) et salissent mon regard (mon amour propre). Or, je ne peux modifier que mes 300 derniers messages, par un caprice propre à Blogger. J'ai essayé d'ajouter une option de modification rapide des messages. Que nenni ! Je ne parviens pas à faire apparaître le petit sigle (un crayon) magique. J'invoque la force des plus doués que moi pour m'aider à résoudre ce problème. Merci par avance à ces bonnes âmes. En attendant, j'ai simplement trouvé cette astuce :
ajouter le code &selNumPosts=XXX à la fin de l'URL, où XXX correspond au nombre de messages blog que vous souhaitez afficher.
dimanche 4 juin 2006
Petite note introductive aux parodies bariennes de Sherlock Holmes :
James Barrie est l’un de mes plus vieux amis au sein du milieu littéraire. Je l’ai connu l’année même – ou la suivante – où nous nous sommes tous les deux installés à Londres. Il venait juste de mettre le point final à sa Fenêtre à Thrums et, à l’instar du monde entier, j’acclamai ce livre. Quand je donnai des conférences en Ecosse, en 1893, il m’invita à Kirriemuir, où je restai quelques jours avec sa famille – le type même de ces gens magnifiques qui ont fait de l’Ecosse ce qu’elle est. Son père était un brave homme, mais sa mère incarnait l’alliance merveilleuse du cœur et de l’esprit, une combinaison rare qui l’élevait aussi haut que ma propre mère. Suite ici.
vendredi 2 juin 2006

Chose promise, chose due. Créature éthérée, je me dissous dans les vapeurs de la fièvre, mais j'ai tout de même terminé la traduction à main levée (je l'améliorerai par la suite) de ce premier pastiche.
Le style est d'une sobriété blanche. Barrie n'use absolument pas de son petit délire habituel, bien que l'on perçoive ici et là un sourire coincé sous la moustache... Enfin, moi, je le vois très distinctement se dessiner avec la même férocité que celui du chat de Cheshire. L'amitié franche et pleine - l'amitié est un trésor et je ne cite pas assez fréquemment Aristote à ce sujet - de Doyle et de Barrie fait plaisir à lire. Je traduirai sous peu la préface de Doyle. C'est le seul intérêt de ce texte, qui ne comporte guère de mérites littéraires et n'emporte pas l'enthousiasme suscité par certains excellents pastiches holmésiens. De plus, il s'agit davantage d'une petite parodie, écrite sans prétention réelle, sur un coin de table, que d'un pastiche. Et question métalepse(s), on est gâtés !

Arrestation sensationnelle ! Watson accusé du crime ! (Par nos propres reporters encore plus spéciaux que les autres) Minuit et demi. Tôt ce matin, M. W. W. Watson, docteur en médecine (Edimbourg), a été arrêté à son domicile – 12a Tennison road, St John’s wood-, accusé d’être impliqué dans la mort de Sherlock Holmes, l’ancien résident de Baker Street. L’arrestation s’est effectuée sans difficultés. Le prisonnier a été – ainsi que nous avons pu le comprendre - confondu par la police alors qu’il prenait le petit-déjeuner en compagnie de sa femme. Informé du motif de cette intrusion, il n’a exprimé aucun étonnement et a simplement demandé à voir le mandat d’arrêt. Celui-ci lui a été présenté et il s’est calmement mis à la disposition de la police. Cette dernière, semble-t-il, avait reçu des instructions et lui a laissé la liberté de prendre des arrangements pour son cabinet médical durant son absence, avant qu’il ne les accompagnât à Bow-Street. Le prisonnier a souri à la proposition qui fut émise et a répliqué que nul accommodement n’était nécessaire, puisque son unique patient avait quitté la région. Averti que tout ce qu’il dirait pourrait être retenu contre lui, il se refusa à faire d’autres commentaires. Il fut alors promptement transféré à Bow Street. La femme du prévenu assista à son départ en faisant preuve de beaucoup de cran.
Pour lire la suite : c'est par ici.
Prochainement, le second pastiche et les commentaires de Conan Doyle.
Je suis trop malade ce matin pour me réjouir pleinement de ce bonheur-ci. [Je suis assez fière d'avoir mis la main sur un des vingt-cinq exemplaires de ce livre... Je vais pouvoir en faire profiter tout le monde.] Je vous laisse en compagnie de Pauline Chase le temps de me rétablir. Je suis amoureuse de cette photographie. Je m'imagine un peu sous cet aspect dans mes demi-rêves.
mercredi 31 mai 2006

Lorsque je traduisis Barrie, je constatai qu'il parlait du cimetière des chiens,
dans les Jardins de Kensington (à Hyde park en vérité, pour être tout à fait précis, car la Serpentine les coupe en deux), j'ignorais s'il s'agissait d'une invention ou d'un lieu réel. Me fait défaut un livre solide sur l'historique des Jardins. Je l'ai peut-être trouvé grâce au révérend W. J. Loftie... Après quelques recherches, j'ai découvert que ce cimetière avait bel et existé. J'ai trouvé un article dans des archives que je restitue dans une traduction rapide :

Les animaux enterrés dans les cimetières
On dit qu’un membre de la famille Champneys d’Orchardleigh, Somerset, fut sauvé de la noyade par un chien, sur les côtes du Danemark. Pendant la restauration de l’église d’Orchardleigh en 1879 et 1880, le squelette d’un chien fut trouvé dans la chapelle des Champneys. L’évêque de Bath et Wells ordonna que l’on retirât la dépouille du chien. Personne ne sait si la requête fut ou non suivie d’effets. Néanmoins, une pierre tombale fut érigée près du lac en mémoire du chien. Les derniers vestiges de cette pierre disparurent au cours de l'année 1942 mais le seul mot qui y avait été gravé était « Fidèle ».
Feu Sir Henry Newbolt (1862 - 1938) raconte cette histoire dans son poème Fidele’s grassy tomb, qui fut publié dans The Spectator, à Londres (vol. 80, p. 271, le 19 février 1898). Le poème apparaît dans le recueil de Newbolt intitulé Collected poems, 1897-1907.
Il y a plusieurs cimetières d’animaux en terre non consacrée, le plus connu est le Cimetière des chiens à Hyde Park. Ce cimetière fut créé en 1880 par le Duc de Cambridge, en souvenir d’un de ses chiens. Il y a environ deux cents tombes d’animaux de compagnie. Il est abandonné de nos jours.
A Oatlands (Weybridge), la Duchesse d’York a fait enterrer soixante ou soixante-dix chiens.
Dans son livre, Dogs and Men, l'épouse de Barrie, Mary, raconte des anecdotes très émouvantes sur les chiens (et sur Barrie et les chiens).
mardi 30 mai 2006

J’avais lu ce roman à sa sortie,
il y a déjà un moment [j’aime beaucoup la sonorité de métronome du mot moment et les possibilités de dérapage de la langue : môman, par exemple], à savoir quatre ans, si je ne m’abuse. Nous sommes en présence d’un roman animé et voluptueux. Une histoire d'amour violente et passionnée, écrite avec maîtrise et sensibilité. Difficile de ne pas appeler à la rescousse Autant en emporte le vent,
bien que les péripéties soient davantage quantifiées et l’ardeur hystérique moindre. Il s’agit d’un premier roman. Il mérite donc certains égards. Il faut célébrer les naissances, nous qui sommes en deuil si souvent de tant de choses... A l’époque, je m’étais demandée si la jeune personne qui en est l’auteur ferait carrière, aurait le souffle pour enfanter d’autres histoires. Force est de constater qu’elle n’a rien publié de neuf depuis ce premier essai. Je souhaite qu’elle n’ait pas renoncé. Comme le précise Tournier, dans l’essai chroniqué plus bas, la précocité est le fait de l’animal ; lui-même, il publia son premier roman à quarante-deux ans ; certains écrivains ont besoin de faire mûrir leurs livres ; personne ne vit sur un rythme unique ; il ne faut se comparer à personne d’autre qu’à soi-même. Je l’oublie souvent. Ce roman, ce baptême du feu, n’évite pas certains écueils (une légère grandiloquence, une imperceptible claudication entre les chapitres) mais sa fougue répare toutes les maladresses éventuelles. Y compris la convention de l’histoire. Je ne prétends pas, vous l’avez compris, qu’il s’agisse ici d’une grande œuvre stylistique mais simplement d’un livre captivant, qui vous ordonne à chaque instant de tourner les pages ; captivant, il faut qu’il le soit pour se rappeler périodiquement à ma mémoire, alors que je ne l’ai lu qu’une fois, il y a quelques années. Il constitue un bonheur de lecture, peut-être un peu primaire, innocent, mais réel, aussi véritable que celui induit par les livres de l’enfance que l’on dévore, à l’abri d’un paradis secret (dans un petit coin du monde, sous les couvertures, lampe de poche en main ou dans n’importe quel autre cliché dont est friande la mémoire). Il est des livres comme des hommes et des femmes : certains sont faits uniquement pour le plaisir de la peau, d’autres pour l’hypoderme. Celui-ci est épidermique et cela n’est guère offensant de le reconnaître. La caresse est un art voisin de la chirurgie. Résumé : Arabella est une jeune fille de bonne famille. Elle écosse des jours monotones dans une petite ville de l'Etat de New York. 1860. Il faut se glisser dans cette idée d’une autre époque. Arabella est intelligente, fiévreuse et heureuse. Elle est invitée à une séance de spiritisme. L’escroquerie l’indigne. Elle se rebiffe et se fait une ennemie en la personne de la spirite, qui prétend être une voyante de grand talent. Or, cette colère, légitime, va fracasser son statut social. On ne peut à la fois dénoncer l'hypocrisie et appartenir à la classe sociale qui la génère... Voici en résumé le petit drame d'Arabella. Sa révolte la conduira loin. Trop loin. Jusqu’à l’asile. Mais elle rencontrera Bree, l’amour de sa vie, hélas métis (bien que blanc de peau). Dans la bonne société, américaine ou anglaise, cela ne présage rien de bon. L’enjeu est pleinement romanesque, qualité plutôt rare dans nos contrées, à notre époque. Dieu merci, la littérature américaine existe et les morts d’hier et d’avant-hier demeurent vivants. C’est en me souvenant de ce livre, samedi, que j’ai acheté celui-ci, dont les premières pages m’ont enlevée.


Quatrième de couverture :
Tennessee, 1894. Fragile silhouette vêtue de noir, celle que l'on surnomme La Veuve du sud avance pensivement parmi les tombes de 1500 soldats tués à la bataille de Franklin trente ans auparavant, et qu'elle a fait inhumer sur sa plantation. Certains d'entre eux sont morts entre ses bras. Elle n'a jamais oublié l'homme qui la surprend ce jour-là : elle l'avait soigné, sauvé, et surtout aimé avant de le laisser partir. Aujourd'hui, il revient lui demander s'il reste une place pour lui dans son cimetière. Et tout à coup, l'immense folie de la guerre resurgit à sa mémoire, aussi inoubliable que leur passion.
Premières lignes :
Elles cheminaient parmi les morts. Les rangées innombrables, précises et ordonnées de rebelles morts trente ans plus tôt, tombés à un mile de là au pied des fortifications ennemies.
Lien sur la Guerre de Sécession : ici.
Depuis un moment, je m'amuse à écrire l'arbre généalogique de mes goûts et je sais, instantanément, que mon goût pour ces deux livres est la conséquence de mon amour d'enfant pour deux livres :


et celui-ci :

Ces deux éditions, je les ai rachetées d'occasion, il y a peu.
Dans le même ordre d'idées, je fus en mon temps, fort impressionnée par le film de Don Siegel avec mon Clint Eastwood (le prototype de l'homme idéal, mais le premier est Cary Grant pour des raisons opposées...), Les Proies.
En 1890, Barrie avait en tête une drôle d'histoire, dans la veine qui est la sienne :

un homme, qui tombe amoureux d'Emily Brontë, par le seul fait de la lecture de Wuthering heights.
Il se rend à Haworth et arrive à temps... pour l'enterrement de son aimée !
Emily Brontë était pour Barrie un immense écrivain, qu'il célèbre dans un de ses discours in M'Connachie and J.M.B., Speeches [M'Connachie, répétons-le, est le double fictif que s'est attribué Barrie]. Lorsqu'il lira Shirley, le roman de sa soeur, Charlotte, il le jugera très inférieur (à juste titre). George Eliot était également un écrivain qu'il admirait. Il disait d'elle ces mots :
"George Eliot polit ses phrases et retient ainsi le lecteur en arrière afin qu'il les ramasse - comme si chacune de ses phrases était pour lui, sur son chemin, une pierre qu'il lui faudrait escalader."
lundi 29 mai 2006
Je remplis à la petite cuillère le site de Barrie.
Premiers mots jetés à la hâte sur Mary Rose ici.
Joli rideau de scène du théâtre où fut joué Peter Pan, que l'on peut contempler ici. Il était brodé !
Petit plan pour la section Peter Pan.
Pélerinage à Kirriemuir...
Présentation du roman à paraître...
Illustrations de F.D. Bedford.
Coupure de presse.
Parodie du style de Barrie, etc.
La forme est parfaite selon mon coeur mais le contenu laisse à désirer. Je n'en vois pas le bout ! Il y a tant à faire. Surtout des traductions, car il est hors de question de laisser des choses non traduites sur ce site, qui est le seul consacré à Barrie dans la langue de Molière. Par conséquent, vous l'avez peut-être constaté, je délaisse un peu mon JIACO. Si seulement les journées pouvaient se dédoubler !


Les roses du Pays d'Hiver

Retrouvez une nouvelle floraison des Roses de décembre ici-même.

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Never Never Never Land, au plus près du Paradis, with Cary Grant, France
Dilettante. Pirate à seize heures, bien que n'ayant pas le pied marin. En devenir de qui j'ose être. Docteur en philosophie de la Sorbonne. Amie de James Matthew Barrie et de Cary Grant. Traducteur littéraire. Parfois dramaturge et biographe. Créature qui écrit sans cesse. Je suis ce que j'écris. Je ne serai jamais moins que ce que mes rêves osent dire.
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