jeudi 10 novembre 2005


Ce film de Clifford Odets est un des plus beaux films de Cary Grant, parce qu'il y donne, comme dans Soupçons d'Hitchcock, une autre dimension de son jeu d'acteur. Cary Grant excelle dans la comédie mais, contrairement à un James Stewart par exemple, il est capable d'interpréter avec force conviction des personnages ambigus, noirs, ou désespérés.

Ici, il incarne un homme qui aspire à devenir meilleur, mais qui n'en a pas la force morale, figé dans une inertie de l'âme et du coeur, prêt à la chute dans le crime, mais qui connaîtra une forme de rédemption, lorsque sa mère tombera gravement malade.
Cary Grant fut nommé pour l'Oscar, mais il ne l'obtint pas - à tort !
Ce message fait suite au précédent. Ne pas lire ce qui suit, si vous n'avez pas vu ou lu les oeuvres, dont il est question : Witness for the prosecution (Témoin à charge) de Billy Wilder, Beyond a reasonnable doubt (L'invraisemblable vérité) de Fritz Lang, The stage fright (Le grand alibi) d'Hitchcock, The strange affair of uncle Harry de Robert Siodmak, Le meurtre de Roger Ackroyd d'Agatha Christie. Certains auteurs de polars usent de ce crédit que nous accordons à ce qui nous paraît vrai, à ce dont nous ne pensons pas douter. Ce procédé est magistralement mis en œuvre dans certains films d’Hitchcock (Le grand alibi -Stage fright, par exemple où l’innocent apparemment accusé à tort se révèle bel et bien coupable à la fin, procédé repris dans L’invraisemblable véritéBeyond a reasonnable doubt de Fritz Lang) ou dans le film de Billy Wilder intitulé Témoin à charge (Witness for prosecution). Dans les deux cas, « nous nous faisons avoir » (et nous sommes à la fois furieux et ravis du procédé, puisqu’il nous surprend). En effet, si nous pensons à Témoin à charge, un homme, encore jeune, est accusé du meurtre d’une vieille femme avec qui il se serait conduit en séducteur. Il hérite de sa fortune. Or, selon toutes apparences, il n’est pas coupable. Son épouse détient un alibi ; mais voici qu’au lieu de le défendre, elle l’enfonce, donne toutes les preuves de sa culpabilité ; parallèlement, on découvre le passé sordide de cette femme (qui est déjà mariée à un autre et qui a un amant). L’avocat de l’accusé (interprété par le savoureux Charles Laugthon) parvient à innocenter l’homme en enquêtant sur le passé de sa femme, sur la foi de qui reposent l’accusation. L’homme est acquitté et, très vite, nous comprenons qu’il est réellement coupable, et que sa femme et lui ont imaginé ce plan afin de le faire innocenter. En effet, quelle meilleure preuve de son innocence que de se faire accuser à tort, apparemment, par une femme vile et adultère ? Idée vicieuse mais efficace. L’avocat de la défense s’exclame : « J’avais pensé à tout, sauf à ça ! » La logique n’a pas été épuisée… Or, il se produit alors un autre retournement de situation : l’homme a une maîtresse (qui vient narguer l’épouse au tribunal, après le verdict) et s’est joué de sa femme ! Cette dernière, qui va être jugée pour parjure et est abandonnée, l’assassine aussitôt avec un coupe-papier qui traîne opportunément dans le tribunal ; justice est faite, finalement ! La troublante Marlene Dietrich joue également un rôle de premier plan dans le film d’Hitchcock susnommé. Le vrai-faux meurtrier, là encore, paie à la fin, par la chute providentielle d’un rideau de fer du théâtre. Le film est remarquable par la « tricherie » du cinéaste : l’histoire nous est racontée par le meurtrier sous la forme d’un flash-back mensonger et nous sommes incités à croire ce que nous voyons (les images du film justifient le propos de l’homme). C’est le deuxième élément, après l’épuisement de la logique, que nous souhaitions mettre en évidence : l’envie de croire. Le film de Siodmak repose malgré la valonté du cinéaste sur un procédé comparable (les studios lui ont imposé cette fin décevante), et le héros interprété par George Sanders (encore lui ! Mais je l'adore !) se réveille à la fin de cette aventure meurtrière. Nous nous sommes faits piéger dans et par son rêve. Le meurtre de Roger Ackroyd constitue sûrement la plus éclatante réussite du genre. Agatha Christie fut accusée de trahison, tout comme Hitchcock, ce dont elle se défendit dans son autobiographie[1]. La lecture de l’essai de Pierre Bayard[2], bien que très contestable dans le fond et la forme, se révèle fort plaisante et agréablement stimulante du point de vue intellectuel. [1] « Là [dans Le Meurtre de Roger Ackroyd ] j'avais trouvé une bonne formule, et je la dois en partie à mon beau-frère James qui avait dit d'un air maussade, quelques années auparavant : - Maintenant, tout le monde peut se révéler coupable, dans un roman policier, même le détective. Moi, ce que j'aimerais, c'est un Watson coupable. C'était une idée fort originale, et j'y repensai souvent. Il se trouva qu'une suggestion très similaire me fut faite par celui qui était alors Lord Louis Mountbatten. Il m'écrivit pour me demander si je ne pourrais pas envisager une histoire racontée à la première personne par quelqu'un qui se montrerait ensuite être l'assassin. (…) L'idée me paraissait ingénieuse, et j'y réfléchis longuement. Elle présentait d'énormes difficultés, bien sûr. Mon esprit rechignait à imaginer que Hastings pût tuer qui que ce soit, et de toute façon, il ne serait pas facile de monter une telle histoire sans tricher. Certes, beaucoup prétendent que Le Meurtre de Roger Ackroyd est une tricherie. Mais qu'ils le lisent avec attention, et ils verront qu'ils se trompent. Une phrase ambiguë permet de dissimuler les inévitables sauts dans le temps. Quand au Docteur Sheppard, il éprouve un malin plaisir à n'écrire que la vérité : pas toute la vérité, mais la vérité tout de même. » Agatha Christie, Une autobiographie, Ed. Le Masque, Paris, 2002, p. 413-414, je souligne. [2] Qui a tué Roger Ackroyd ?, Ed. de Minuit, « Paradoxe », Paris, 2001

Dans Les Entretiens d'Hitchcock et Truffaut (que tout cinéphile se doit d'avoir lu et de conserver dans sa mémoire et, à défaut dans sa bibliothèque), Hitch nous livre cette définition du MacGuffin :



Alfred Hitchcock : Oui, il faut que nous parlions du MacGuffin!

François Truffaut : Le MacGuffin, c’est le prétexte, c’est ça?
A. H. : C’est un biais, un truc, une combine, on appelle cela un « gimmick ». Alors, voilà toute l’histoire du MacGuffin. Vous savez que Kipling écrivait fréquemment sur les Indes et les Britanniques qui luttaient contre les indigènes sur la frontière de l’Afghanistan. Dans toutes les histoires d’espionnage écrites dans cette atmosphère, il s’agissait invariablement du vol des plans de la forteresse. Cela, c’était le MacGuffin. MacGuffin est donc le nom que l’on donne à ce genre d’action voler.., les papiers, voler… les documents, voler... un secret. Cela n’a pas d’importance en réalité et les logiciens ont tort de chercher la vérité dans le MacGuffin. Dans mon travail, j’ai toujours pensé que les « papiers », ou les « documents », ou les « secrets » de construction de la forteresse doivent être extrêmement importants pour les personnages du film mais sans aucune importance pour moi, le narrateur.Maintenant, d’où vient le terme MacGuffin ? Cela évoque un nom écossais et l’on peut imaginer une conversation entre deux hommes dans un train. L’un dit à l’autre :« Qu’est-ce que c’est que ce paquet que vous avez placé dans le filet ? » L’autre: « Ah ça ! C’est un MacGuffin. » Alors le premier: « Qu’est-ce que c’est, un MacGuffin ? » L’autre: « Eh bien! C’est un appareil pour attraper les lions dans les montagnes Adirondak. » Le premier: « Mais il n’y a pas de lions dans les Adirondak. » Alors l’autre conclut: « Dans ce cas, ce n’est pas un MacGuffin. »Cette anecdote vous montre le vide du MacGuffin... le néant du MacGuffin.
F. T. : Très intéressant !
A. H. : Un phénomène curieux se produit invariablement lorsque je travaille pour la première fois avec un scénariste, il a tendance à porter toute son attention au MacGuffin et je dois lui expliquer que cela n’a aucune importance. Prenons l’exemple des Trente-neuf Marches : que cherchent les espions ? L’homme à qui il manque un doigt ?... Et la femme au début, qu’est-ce qu’elle cherche ?... S’est-elle approchée à ce point du grand secret qu’il a fallu la poignarder dans le dos à l’intérieur de l’appartement de quelqu’un d’autre ? Lorsque nous construisions le scénario des Trente-neuf Marches, nous nous sommes dit, complètement à tort, qu’il nous fallait un prétexte très grand parce qu’il s’agissait d’une histoire de vie et de mort. A ce moment, nous pensions que le MacGuffin devait être grandiose. Mais plus nous réfléchissions, plus nous abandonnions chacune de ces idées au profit de quelque chose de beaucoup plus simple.
F.T. : On pourrait dire que, non seulement le MacGuffin n’a pas besoin d’être sérieux, mais encore qu’il gagne à être dérisoire, comme la petite chanson d’Une femme disparaît ?
A.H. : Certainement Finalement le MacGuffin des Trente-neuf Marches est une formule mathématique en rapport avec la construction d’un moteur d’avion, et cette formule n’existait pas sur le papier puisque les espions se servaient du cerveau de Mister Memory pour véhiculer ce secret et l’exporter à la faveur d’une tournée de music-hall.
F.T. : C’est qu’il doit y avoir une espèce de loi dramatique quand le personnage est réellement en danger, en cours de route, la survie de personnage principal devient tellement préoccupante que l’on oublie complètement le MacGuffin. Mais il y avoir tout de même un danger, car, dans certains films, lorsqu’on arrive à la scène d’explication, à la fin, donc lorsqu’on dévoile le Mac Guffin, les spectateurs ricanent, sifflent ou rouspètent. Mais je crois que l'une de vos astuces est de révéler le MacGuffin, non pas tout à la fin du mais à la fin du deuxième tiers troisième quart, ce qui vous permet d’éviter un final explicatif?
A .H. : C’est juste, en général, mais la chose importante que j’ai apprise cours des années, c’est que le Mac Guffin n’est rien. J’en ai la conviction mais je sais par expérience qu’il très difficile d’en persuader les autres.Mon meilleur MacGuffin (et, par meilleur, je veux dire le plus vide, le plus inexistant, le plus dérisoire) est celui de North by Northwest. C’est un film d’espionnage et la seule question posée par le scénario est : « Que cherchent ces espions? » Or, au cours de la scène sur le champ d’aviation de Chicago, l’homme de L’Agence Centrale d’Intelligence (C.I.A.) explique tout à Cary Grant, qui lui demande en parlant du personnage de James Mason : « Qu’est-ce qu’il fait? ».L’autre répond: « Disons que c’est un type qui fait de l’export import. - Mais qu’est-ce qu’il vend?- Oh !... juste des secrets du gouvernement! » Vous voyez que, là, nous avions réduit le MacGuffin à sa plus pure expression : rien.
F. T. : Rien de concret, oui, et cela prouve évidemment que vous êtes très conscient de ce que vous faites et que vous dominez parfaitement votre travail. Ce genre de films, construits sur le MacGuffin, fait dire à certains critiques : Hitchcock n’a rien à dire et, à ce moment-là, je crois que la seule réponse serait: « Un cinéaste n’a rien à dire, il a à montrer ».
A. H. : Exact !


Je crois que le Maître veut dire que le cinéma - et l'on pourrait appliquer cela à la littérature - est avant tout le style avec lequel on entraîne le spectateur (ou le lecteur) dans une aventure, une manière de captation de l'esprit et de l'imaginaire. Ce but implique une certaine ruse ou rouerie de la part de l'auteur.
Il existe quelques films et oeuvres qui exploitent parfaitement cette conception de l'histoire, filmée ou narrée.



Colin Dexter est fort connu par les amateurs de la très bonne série policière L'Inspecteur Morse. Mais les livres qui relatent ses aventures, et qui sont au nombre de 13, sont encore bien plus savoureux.


Le dernier bus pour Woodstock
Les enquêtes de l'inspecteur Morse - Tome 1

Portée disparue
Les enquêtes de l'inspecteur Morse - Tome 2

Les silences du professeur
Les enquêtes de l'inspecteur Morse - Tome 3

Service funèbre
Les enquêtes de l'inspecteur Morse - Tome 4

Mort à Jericho
Les enquêtes de l'inspecteur Morse - Tome 5

Casse-tête en trois temps
Les enquêtes de l'inspecteur Morse - Tome 6

Le secret de l'annexe 3
Les enquêtes de l'inspecteur Morse - Tome 7

Mort d'une garce
Les enquêtes de l'inspecteur Morse - Tome 8

Bijoux de famille
Les enquêtes de l'inspecteur Morse - Tome 9

À travers bois
Les enquêtes de l'inspecteur Morse - Tome 10


Les filles de Caïn
Les enquêtes de l'inspecteur Morse - Tome 11


La mort pour voisine

Les enquêtes de l'inspecteur Morse - Tome 12 – nous apprenons ici le prénom de l’inspecteur Morse. Surlignez ce qui suit, pour le savoir. Endeavour.

Remords secrets

Les enquêtes de l'inspecteur Morse - Tome 13 --- Lire celui-ci en dernier et, surtout, NE PAS LIRE la quatrième de couverture.
Malheureusement les livres sont épuisés, mais on peut les trouver d’occasion – ce que j’ai entrepris de faire, avec succès. 10 / 18 ne prévoit pas de les rééditer pour le moment, si je me fie à la réponse qu’ils ont adressé à mon message électronique…

Colin Dexter est né en 1930 en Angleterre. Il a été professeur de Latin / Grec et il a dû abandonner ce travail car il est devenu sourd. Il s'est contenté par la suite de corriger les copies d'examen.
C'est un très grand cruciverbiste et il adore le bridge. C'est un homme plutôt cérébral. Son personnage fétiche lui ressemble beaucoup.
Morse, est un homme d'une cinquantaine d'années, amateur de bière(s), pas très bien de sa personne, un peu sourd, petit, gros, et célibataire. Il est extrêmement intelligent et très cultivé. Il aime la poésie et les mots croisés. Il est très irascible. Bizarrement, les femmes semblent lui trouver quelque chose ...

Le style est très soigné, empreint à la fois de délicatesse et de fermeté. L'écriture est précise et soucieuse d'elle-même. Il y a beaucoup de références littéraires de bon aloi, mais rien de pesant. La structure des romans est classique, à savoir celle d'un whodun(n)it. Le charme principal réside dans l'atmosphère, dans la peinture du personnage principal et celle des autres protagonistes. Les intrigues sont intelligentes et bien menées. Il y a une réelle originalité dans cette série. C'est une oeuvre de qualité, qui représente ce qui s'écrit de mieux dans ce genre.

Impossible de ne pas imaginer Morse avec la dégaine de John Thaw, qui l’a incarné à l’écran. http://www.tmaw.co.uk/johnt.html
http://www.inspectormorse.co.uk/


Sa femme a écrit un livre plutôt bien senti sur son compagnon et l’homme présenté nous paraît vraiment illustrer cette citation de Fitzgerald : « Toute vie est un processus de démolition. » (in La Fêlure)

Les roses du Pays d'Hiver

Retrouvez une nouvelle floraison des Roses de décembre ici-même.

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Dilettante. Pirate à seize heures, bien que n'ayant pas le pied marin. En devenir de qui j'ose être. Docteur en philosophie de la Sorbonne. Amie de James Matthew Barrie et de Cary Grant. Traducteur littéraire. Parfois dramaturge et biographe. Créature qui écrit sans cesse. Je suis ce que j'écris. Je ne serai jamais moins que ce que mes rêves osent dire.
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