vendredi 2 décembre 2005

Sordide affaire que cette bataille judiciaire autour des écrits de Cioran. Voici qui a le don de me mettre en rogne. J'imagine les choses grinçantes que pourrait écrire Cioran à ce sujet. En attendant, je préfère me délecter de ses écrits :


"Pourquoi nous retirer et abandonner la partie, quand il nous reste tant d'êtres à décevoir."
"Lorsqu'on n'a pas eu la chance d'avoir des parents alcooliques, il faut s'intoxiquer toute sa vie pour compenser la lourde hérédité de leurs vertus."
"Le désir de mourir fut mon seul et unique souci, je lui ai tout sacrifié, même la mort."
"Les médecins n'ont pas l'oreille assez fine : car lorsqu'on sait que dans chaque auscultation, on peut découvrir une marche funèbre…"
"L'amour montre jusqu'où nous pouvons être malades dans les limites de la santé : l'état amoureux n'est pas une intoxication organique, mais métaphysique."
"Quand on doit prendre une décision capitale, la chose la plus dangereuse est de consulter autrui, vu qu'à l'exception de quelques égarés, il n'est personne qui veuille sincèrement notre bien."
"Le meilleur moyen de se débarrasser d'un ennemi est d'en dire partout du bien. On le lui répétera, et il n'aura plus la force de vous nuire : vous avez brisé son ressort… Il mènera toujours campagne contre vous mais sans vigueur ni suite, car inconsciemment il aura cessé de vous haïr. Il est vaincu tout en ignorant sa défaite."
" "Je suis un lâche, je ne puis supporter la souffrance d'être heureux"
Pour pénétrer quelqu'un, pour le connaître vraiment, il me suffit de voir comment il réagit à cet aveu de Keats. S'il ne comprend pas tout de suite, inutile de continuer."
"Se débarrasser de la vie, c'est se priver du bonheur de s'en moquer.
Unique réponse possible à quelqu'un qui vous annonce son intention d'en finir."
"Ce n'est pas la peine de se tuer, puisqu'on se tue toujours trop tard."
"Celui à qui tout réussit est nécessairement superficiel. L'échec est la version moderne du néant. Toute ma vie j'ai été fasciné par l'échec. Un minimum de déséquilibre s'impose. A l'être parfaitement sain psychiquement et physiquement manque un savoir essentiel."
"Un livre est un suicide différé."
"On tourne, on recommence la même scène nombre de fois. Un passant, un provincial visiblement , n'en revient pas : "Après ça, je n'irai plus jamais au cinéma."
On pourrait réagir de la même manière à l'égard de n'importe quoi dont on a entrevu les dessous et saisi le secret. Cependant, par une obnubilation qui tient du prodige, des gynécologues s'entichent de leurs clientes, des fossoyeurs font des enfants, des incurables abondent en projet, des sceptiques écrivent…"

Vladimir Jankélévitch a peut-être écrit là son plus beau livre, le plus important. Personne, à mon sens, n'a mieux écrit sur cet impensable.

« Mourir est la condition même de l’existence (…) c’est la mort qui donne un sens à la vie tout en lui retirant ce sens. » (Jankélévitch, Penser la mort ? )
A partir de ces propos, Vladimir Jankélévitch, philosophe de l’évanescent et de l’indicible, nous donne à penser la vie de manière pondérée. Ce poids ou cette inflexion lui étant apportés par la mort, qui nous présente la vie sous un jour nouveau, éclairée par le sérieux. La mort rend la vie sérieuse.
En effet, le sérieux peut être défini comme il suit : « (…) le sérieux est l’attitude d’un homme qui cherche à se totaliser dans chaque expérience » (Jankélévitch, l’Aventure, l’Ennui, le Sérieux, Ed. Aubier). Se « totaliser » dans chaque expérience signifie ainsi se réaliser, se déployer, s’inscrire de toutes ses forces, de tout son être, dans le réel : faire en sorte que chaque acte contienne le sujet tout entier, avec ses puissances et virtualités. Le sérieux se distingue du frivole et du tragique. Du premier, comme l’étourdissement du scrupule, du second comme le souci de l’angoisse (Cf. la distinction entre ces deux termes chez Heidegger). Le rapport au temps est révélateur de ces différences. Le sérieux tend à durer ou à s’étirer, le frivole survole l’instant et le tragique creuse le temps, chaque instant. Le tragique est horizontal et le sérieux vertical, quand le frivole n’est que pointillisme à l’horizontal.
Le sérieux est engagement dans la durée et le réel, respect du réel. Le frivole est flirt avec cette même réalité et le tragique (dés)espoir quant à ce qui est. Rien n’empêche que ces différentes profondeurs du réel ne subsistent et se juxtaposent. Le frivole cache en lui l’angoisse de la mort et fuit ce qui lui rappelle cette angoisse, le sérieux de l’existence. Le frivole se définit peut-être contre la prise de conscience sérieuse, mais ils sont moins indifférents l’un à l’autre qu’il n’y paraît.
La frivolité est conscience d’autre chose qu’elle-même ; le sérieux également, et si ce dernier tend parfois vers la frivolité, il est avant tout conscience du tragique de l’existence humaine, de même que le frivole est conscience de son sérieux. Le tragique, par excellence, est la mort, ou plutôt la pensée de la mort. La mort surplombe la frivolité et le sérieux n’est peut-être, dès lors, que l’intermédiaire entre la douloureuse conscience du tragique et l’ivresse de la frivolité. Le sérieux, c’est la mort devenue problématique à l’homme. Le sérieux est la conscience amoindrie du tragique, de notre mort. Paradoxalement, le sérieux et le frivole ont un rôle identique, nous distraire de cette pensée : l’un en nous obligeant à nous étendre sur la durée, en agissant, l’autre en nous occupant. La frivolité a intériorisé le sérieux et le sérieux a assimilé le tragique.
La totalisation du sérieux doit s’établir « sur un plan intermédiaire entre la tragédie de notre mortalité et la drôlerie de notre existence superficielle [c’est-à-dire frivole]. » En d’autres termes, « quand on parle de Sérieux, c’est que la possibilité de la mort est donnée, mais c’est aussi qu’il y a encore quelque chose à faire », le sérieux n’est pas tout à fait désespéré, c’est pourquoi il agit encore, et diffère en ce sens du tragique. La frivolité a un arrière-goût de sérieux et le sérieux un avant goût de tragique, de mort. En ce sens, ils sont à la fois contraires et doubles.
Entre le frivole et le sérieux, il y a toute la profondeur du tragique. Le frivole a l’illusion perpétuelle du nouveau, il préfère l’être au devenir, car tout ce qui se déploie dans le temps finit par s’user, vieillir, pourrir et puis mourir. Il y a désolidarisation du réel…
Le sérieux est l’attitude du sage, voie moyenne entre le frivole et le tragique .

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