L'histoire se déroule dans un pays qui se veut imaginaire, même s'il a les traits de la Belgique et de la Hollande. Une jeune femme, Colette (Vanessa Paradis) est désespérée. Elle est en manque d'enfant. On l'imagine dans la trentaine, ce minuit de la féminité (le temps ne cesse de filer dans ce film ; la plupart des plans montrent une horloge ou un réveil, et Colette devient un double du Capitaine Crochet qui a peur de ce temps qui le grignote à chaque instant et va le révéler à la lumière de son échec), ce moment fatidique où le ventre réclame trop fort et s'impatiente dans l'attente d'une immense floraison - il y a un livre à faire sur le ventre des femmes, croyez-moi -, où la vieillesse cligne de l'oeil au reflet de la femme, si celle-ci est suffisamment mature (flétrie peut-être aussi... Il est remarquable à quel point Vanessa Paradis est fatiguée et vieillie dans ce film, elle qui était une nymphe autrefois. Bien sûr, elle est toujours sublime, à mes yeux en tout cas, mais elle semble porter ses enfants sur son visage tendu et prêt à pleurer...) pour avoir envie de tendre le relais à un enfant.
Je ne suis pas une amie des mères. J'ai de solides raisons. Je me méfie d'elles autant que je puis les aimer quelquefois, leur reconnaissant de temps en temps un rare mérite, qui est celui de l'inconditionné. Il est simplement dommage que la majorité d'entre elles confondent cet enfant intérieur dont je parle souvent, caché ou non, derrière l'ombre de Barrie, avec celui auquel elles donnent vie. L'erreur est là, très aisée à commettre, voire tentante. Je me demande souvent, en regardant Colette / Vanessa, si elle ne se trompe pas de cible et si elle n'embrasse pas son propre manque, le confondant avec l'amour d'un enfant rêvé, à la manière de Charles Lamb. Elle a peur que son tour ne soit bientôt passé, comme elle le dit joliment. On songe au manège des enfants et au ticket supplémentaire qui permet une dernière danse sur le dos d'un cheval en bois. On ne sait rien de cette femme, qui est déjà mère dans son âme et dans son désespoir, à qui il ne manque qu'un petit pour la combler. Du moins le croit-elle fermement, jusqu'à se rompre. Elle essaie, dans sa tendre folie, de trouver un homme, n'importe lequel, qui puisse lui faire un enfant, avant de retrouver celui qu'elle aime, afin qu'il prenne soin d'elle et lui donne une maison pour les jours de pluie. L'enfant serait un cadeau qu'il ne pourrait refuser. Cette naïveté charmante est coupable, mais on ne peut lui en vouloir, n'est-ce pas ?
On sait très bien, d'emblée, que son amoureux l'a laissé tomber. On se doute que tout est fichu et qu'elle n'est qu'une môme qui mime avec des jouets grandeur nature le rôle de la maman et de la putain.
Elle remplace une amie dans une vitrine et fait la pute, avec beaucoup d'innocence et de tendresse, lorsque le coup de fil d'une étrangère lui demande d'aller chercher son fils dans un institut pédo-psychiatrique et de l'attendre à la gare où un train devrait la conduire. L'enfant possède la clef d'une consigne, où toutes les économies que sa mère-pute a dérobées à son maquereau sont cachées. Elle raccroche brusquement et Colette, malgré elle, se rend à ce rendez-vous. Colette ne cesse de faire ce qu'elle prétend ne pas vouloir faire. Elle ne peut affirmer sa volonté que dans le refus de l'évidence. Elle dit "non" et cela signifie "oui". Les femmes sont des êtres compliqués. Elles ont une bombe dans le corps. Le compte à rebours débute à leur naissance.
Colette se rend quelque part. On dirait une prison. Est-elle une bonne fée ou bien Gretel ? C'est l'une des plus belles scènes de ce film, finalement plus étrange qu'il n'y paraît. On a le sentiment de se retrouver quelques instants chez Dickens, lorsque tous ses visages d'enfants mangent des yeux cette hypothétique mère qui vient chercher l'un d'entre eux. Cela me rappelle aussi certaine scène coupée de la pièce Peter Pan - pardon, je suis obsédée, mais je ne compte pas me soigner - où prend place une farandole de Beautiful Mothers qui viennent chercher un bambin, un des enfants perdus, et sont... auditionnées par Wendy !
Elle rencontre pour la première fois un jeune garçon, Billy (Vincent Rottiers). Il est plus âgé qu'on ne peut le penser tout d'abord. Mais il semble déficient, un peu simple d'esprit, mais il ne souffre pas de ce manque que seuls les autres lui imputent ; à moins qu'il n'ait compris ce que les gens intelligents ont tant de mal à saisir, car c'est un peu une fable que ce film, en plus d'être un conte.
Il sera son Hansel, très rapidement. Ils traverseront une forêt, symbolisée ici par une fuite et un voyage. L'un doit échapper à l'assassin de sa mère, l'autre veut rejoindre son pâle amoureux.
Vanessa Paradis est de ces femmes-enfants qui m'ont toujours fascinée et émue. J'ai déjà livré deux mots sur ces créatures presque mythologiques. Il y a du sang de sirène en elles, à condition de bien se souvenir de la triste et sublime fin de celle d'Andersen. Ce n'est peut-être pas un hasard si Serge Frydman a utilisé quelques chansons de Tom Waits (allez voir le billet de mon amie Fauna sur cet artiste singulier) pour ce premier film qu'il offre en tant que réalisateur (et scénariste et dialoguiste) et qui n'est autre qu'un conte sur l'enfance. Venant de moi, cela ne vous étonnera puisque l'enfance est le monde où je m'ébats. Tom Waits est le chanteur qui convenait car sa seule voix est déjà une histoire à elle seule. Elvis Presley donne aussi, grâce à sa voix divine, une idée d'un certain paradis, celui des rêves... Sans oublier la présence décalée de Thomas Fersen, en père gardien d'une voiture de pompier, dans un café... Cela lui va très bien.
J'en ai presque trop dit sur ce film qui n'attend que vous pour être adopté, tel un enfant.
Quelques chapitres...
Les roses du Pays d'Hiver
Retrouvez une nouvelle floraison des Roses de décembre ici-même.
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- Dilettante. Pirate à seize heures, bien que n'ayant pas le pied marin. En devenir de qui j'ose être. Docteur en philosophie de la Sorbonne. Amie de James Matthew Barrie et de Cary Grant. Traducteur littéraire. Parfois dramaturge et biographe. Créature qui écrit sans cesse. Je suis ce que j'écris. Je ne serai jamais moins que ce que mes rêves osent dire.
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