lundi 15 septembre 2008
J'avais promis de revenir en septembre.
J'ai à moitié dit la vérité, à moitié menti - malgré moi. Je fais rarement ce que je prévois. Du moins ai-je un sens du temps qui n'est pas celui du commun.
Le monstre de papier est mort, mais il remue encore. Il a bien failli avoir ma peau, ce salaud.
J'ai attendu une quinzaine de jours avant de revenir écrire ces quelques lignes, ces petits billets, ici, apprenant à écrire ailleurs...
Il ne faudra plus trop compter sur moi. Un peu, tout de même.
Je vais bien. Je suis hésitante comme un enfant qui apprend à marcher et s'étonne à moitié de ce prodige.
Je ne sais pas ce que me réservent les prochains mois, mais je sais que beaucoup de changements s'annoncent à l'horizon. J'ai décidé de prendre certains risques et de me donner les moyens de mes rêves les plus fous mais aussi d'être indulgente avec les plus sages.
Impossible n'existe pas... Je n'ai enfin plus un seul prétexte en réserve pour ne pas traverser le miroir.
Je risque de m'éloigner peu à peu des Roses de décembre (je ne les abandonne pas, toutefois), mais deux autres sites sont en construction : l'un lié à Barrie (un autre site que celui que vous connaissez, dédié à la Société), l'autre consacré à quelqu'un qui compte presque autant que Barrie dans ma vie... Un gentleman.
Je vous en informerai. J'espère que les jours auront plus de vingt-quatre heures.
Il est temps de tourner la page, afin de lire la suite, et surtout de l'écrire, noir sur blanc, blanc contre noir.
De plus, j'ai décidé de reprendre chacun des 919 et des poussières pétales, afin d'en éliminer toutes les imperfections, de les corriger en somme. En effet, j'ai relu dernièrement mes premiers billets et j'ai cru mourir de honte : j'y ai trouvé tout ce que je méprise hautement chez les autres (des facilités, des coquilles, des maladresses, du vide...). Bref, je n'aime plus mon JIACO., si je l'ai jamais aimé. Et c'est peut-être mieux ainsi.
De Barrie, il sera beaucoup question, plus tard, ici et ailleurs.
N'oubliez pas que la vie...

******


Je crois bien que peu de gens lisent encore Elizabeth Taylor (celle-ci) et encore moins Marie Corelli. Si la première est encore connue dans notre contrée, la seconde est assez peu citée en France. Je ne suis même pas certaine qu'il existe beaucoup de traductions dans notre langue de ses oeuvres.
Il y a quelques semaines ou quelques mois - j'ai perdu la notion du temps, après cet été frondeur et épuisant - que j'avais envie de parler de ce film d'Ozon, adapté d'un roman d'Elizabeth Taylor, qui met en scène une jeune femme écrivain, inspirée de la vie de Marie Corelli.
Au cinéma, le mélodrame eut ses maîtres incontestés, comme Douglas Sirk que j'aime infiniment (Carlotta nous avait offert un sublime coffret de quelques-uns de ses plus beaux films, agrémentés de bonus tout à fait époustouflants, que je vous recommande, 


et en prépare un second pour novembre) 




et Vincente Minnelli, pour ne citer que les deux plus grands, peut-être. Le mélodrame suppose une certaine flamboyance des sentiments, un brasier, un aimable taureau de Phalaris dans lequel sont plongés vivants les personnages principaux.

Ozon est un cinéaste qui m’a toujours fascinée, depuis son étrange Sitcom, aux accents pasoliniens. Certains de ses films furent un peu décevants mais, dans l’ensemble, c’est un cinéaste digne de ce nom, un cinéaste auquel je me suis attachée.
Mais la différence entre un Ozon et un Sirk, par exemple, c’est que le premier est ironique, à la limite du cynisme – limite, qu’il ne franchit pas vraiment, malgré des scènes grotesques, sinon le film serait tout à fait détestable -, tandis que le second œuvrait avec innocence mais intelligence dans ce genre, assumant ses conventions et sublimant, dans ce ferme élan d’honnêteté, le genre même. Douglas Sirk s'exprime parfaitement à ce sujet, comme à d'autres dans un livre d'entretiens : "Il faut faire de son mieux pour détester ça - et pour l'aime!"
Ozon est plus ou moins parodique, parce qu’il n’a pas, peut-être, complètement le courage que requiert le genre dans lequel ce film s’inscrit. Il a trop peur d’être mièvre pour oser, complètement, être mélodramatique. Et, si son film n’en demeure pas moins très beau, s’il contient des scènes bouleversantes, et ce malgré leur ton convenu (on sait par avance ce qui va se passer et comment – mais c’est aussi le propre du genre), il n’atteint pas la grandeur humaine de Todd Haynes, par exemple, dans Far from Heaven

lui aussi dans le sillage de Fassbinder, comme ce tout dernier se tenait dans la voie tracée, avec tant d'élégance, par Douglas Sirk.
Ozon, lui, demeure en retrait du génie d’un Fassbinder ou de la grandeur sincère et cruelle d’un Todd Haynes. Mais il est, cependant, intéressant, y compris dans ce genre qu'il pastiche un peu.

Angel nous narre l'histoire d'une jeune fille, une fin d'adolescente, qui rejette le milieu modeste (et la médiocrité du milieu) dans lequel elle est née, qui le méprise d'être trop étroit pour y loger tous ses vastes songes, toutes ses ambitions, et qui rêve d'un autre destin, rêve symbolisé par une vaste demeure, Paradise, devant laquelle elle se prosterne en pensée. Elle se promet, un jour, de conquérir la demeure. Elle s'invente une vie là-bas, une vie en laquelle elle croit et qui n'a rien d'un mensonge pour elle.
Angel écrit comme si sa vie tout entière en dépendait. Sans répit, sans patience, avec violence. Elle a la fièvre. Mais loin de la consumer, cette maladie d'écrire la fait exister intensément, à chaque instant. Elle est habitée par la démesure. Elle ne doute jamais qu'elle puisse échouer. C'est cette innocence, cette inconscience, la foi ardente qu'elle dépose en sa propre valeur qui lui permet de séduire un éditeur avec son premier roman. Elle refuse toutes les corrections suggérées, même les plus légitimes. Ce sera tout ou rien. Rien à voir avec ces écrivaillons qui sont prêts à n'importe quoi pour obtenir une publication, qui n'ont aucun sens de l'honneur... Elle a de l'audace à revendre et elle a raison. On ne mégote pas avec le destin. Et ce destin, c'est elle qui l'écrit. On n'est jamais si bien servi que par soi-même.
On ne peut qu'être subjugué par Angel ou bien, à l'instar de la femme de l'éditeur, fuir cette petite brute qui apprivoise le bonheur à coup de cravache et le fait valser devant elle. Angel a le sens de la mise en scène. C'est une arrogante que l'on ne peut s'empêcher d'admirer, jusque que le ridicule consommé dont elle fait preuve. Elle a décidé que la vie lui remboursera la honte, le déshonneur d'une naissance qu'elle juge indigne de sa trempe.
On reconnaît, en divers endroit, la théorie freudienne du "roman familial des névrosés", que Marthe Robert a exposée avec une grande intelligence dans son oeuvre célèbre. On pourrait d'ailleurs analyser le film , avec profit, à l'aune des réflexions de Marthe Robert. Mais ceci est une autre histoire que je ne vous conterai pas.

Les romans d'Angel ne sont pas de bons romans ; ce sont peut-être de bonnes histoires, des récits palpitants qui donnent soif et empêchent de dormir. Ce n'est pas si mal et Angel est honnête, dans la mesure où elle croit en ses histoires, où elle les nourrit de ses fantasmes, parfois naïfs, mais jamais petits.
Ces livres possèdent une passion qui fascine les foules, parce que les foules sont constituées par les faibles, par les gens qui ne possèdent aucun univers intérieur et qui sont prompts à adopter ceux des autres, pour peu que ceux-ci en proposent d'assez séduisants ou divertissants.
Et, bientôt, Angel devient célèbre, fatalement, et elle va rencontrer l'homme, l'image de l'homme qu'elle brodera sur son propre destin, lui faisant prendre la forme de l'histoire qu'elle est en train d'écrire, celle de sa vie.
L'homme élu est un peintre sans succès, dont l'art n'est qu'exigence, rétif à toute forme de séduction du public, à l'inverse d'Angel. Et la morale de ceci est celle, bien facile à deviner, que les gloires artistiques éclatantes sont souvent éphémères et que les artistes véritables, qui demeurent dans l'obscurité, travaillent pour la postérité, contre l'aveuglement du présent. Et l'on songe à Henry James... Angel est bouleversée comme ses héroïnes emportées par la passion, lorsque son regard devient amoureux. Le peintre, lui, sait mieux qu'Angel ce qu'elle est en elle-même. Il prononce cette vérité, à laquelle se soumet d'instinct Angel, sans la rationaliser : dans ses livres, elle ne communique qu'avec elle-même, pas avec le public, c'est là son secret. Et le public est avide d'entendre cette musique qu'elle crée pour elle-même, parce qu'il n'en possède pas lui-même de plus belle. Il s'approprie la sienne, s'y réchauffe, mais seul Angel s'y brûle sans s'y blesser, cependant. Du moins, dans l'immédiat.
Le temps passe et Angel a conquis son royaume: Paradise. Mais son mari la fuit, s'engage pour combattre au front, revient amputé et aigri. Il finira par se suicider et Angel deviendra une caricature d'elle-même. Elle vit l’instant de la démesure où l’on devient un peu laid, lorsque les traits du visage se mettent à bouger à contretemps du désir et de la peur.
Sa cour va rétrécir, lui demeureront fidèle sa belle-soeur, amoureuse d'elle, dévouée comme seul un amour non payé de retour peut l'être, et son éditeur, lui aussi amoureux d'Angel - ou peut-être de sa foi invincible en l'idée que l'on a la vie que l'on mérite. Angel, avant de mourir, découvrira que son bel amour perdu, davantage imaginé que vécu, entretenait une liaison avec l'ancienne propriétaire, déchue, de Paradise et que de cette union est né un enfant, qui ressemble terriblement à son père. L'enfant qu'elle avait, plus ou moins volontairement, refusé à son mari, écoeurée par la maternité, ne pouvant se résoudre à un enfantement réel, elle qui ne pouvait donner vie qu'à des livres, pressentant que ces deux créations ne peuvent se s'entrecroiser sans risque.

Le contraste entre l'épouse - à bout de souffle, presque délirante - et la maîtresse, douce, apaisée, une belle âme, est saisissant. Mais je ne peux m'empêcher de préférer le destin d'Angel, qui a tout perdu, mais qui a tout vécu, tout vu, tout aimé... Angel ne trouve rien à dire à cette femme. Le passé lui échappe, le présent aussi et il ne reste rien que la cendre des premiers songes en guise de futur. Angel se laisse mourir et la belle maison est abandonnée, recouverte avec un linceul de neige.
Malgré les faiblesses que je pourrais trouver à ce film, je n’ai aucune volonté, vous le comprenez, de m’y attarder, tant j’ai été emportée par le tourbillon du destin d’Angel.
En un mot, Angel incarne ma vision du monde : elle jouit et souffre plus que les autres et elle est vivante, même si elle vit davantage dans ses rêves que dans la réalité. Ses rêves sont le négatif de sa vie. Et le tirage n'est pas toujours à la hauteur du négatif, surtout à la fin, mais qu'importe si l'on peut vivre quelques instants réellement flamboyants ! Tant pis si on crève comme un chien ensuite.
Et même si la vie reprend tout à la fin, cela en vaut la peine, malgré tout. Sentir la morsure du réel, être pris de rage, mourir dans un orgasme.
Vivre. Vivre. Vivre. Hurler plutôt que chanter. Saigner plutôt qu’avoir simplement les larmes aux yeux.

[Toutes les captures d'écran extraites du DVD qui illustraient jadis ce billet ont été perdues et je n'ai pu les restaurer]

Les roses du Pays d'Hiver

Retrouvez une nouvelle floraison des Roses de décembre ici-même.

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Dilettante. Pirate à seize heures, bien que n'ayant pas le pied marin. En devenir de qui j'ose être. Docteur en philosophie de la Sorbonne. Amie de James Matthew Barrie et de Cary Grant. Traducteur littéraire. Parfois dramaturge et biographe. Créature qui écrit sans cesse. Je suis ce que j'écris. Je ne serai jamais moins que ce que mes rêves osent dire.
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