mardi 15 décembre 2015
Ceci est un petit cadeau de Noël destiné à mes amis barriens. 
*

Virginia Woolf écrivit le petit essai (grossièrement) traduit ci-dessous en 1941 – l'année de son suicide. Elle confie alors à son journal à quel point ces pages lui paraissent impossibles à écrire et aspirent toute sa force vitale (« Épuisée après cette longue lutte pour écrire 2000 mots sur Ellen Terry... »), car elle ne parvient pas à définir ou à cerner tout à fait cette chose mystérieuse et évanescente qu'est le style d'Ellen Terry – métaphore probable de son propre style, de son secret ou de la tache aveugle caractéristique de tout artiste véritable. Harper's Bazaar refusera cet essai, ainsi qu'une nouvelle qu'elle avait jointe à l'envoi. Néanmoins, l'essai paraîtra en février 1941 dans le New Statesman and Nation puis, à titre posthume, dans  The Moment and Other Essays (1947). Ce camouflet participera peut-être pour une faible part à l'effondrement psychique de Virginia Woolf (« Je lutte contre le découragement. Harper’s a refusé ma nouvelle et mon Ellen Terry (…) Ce puits de désespoir ne va pas, je le jure, m’engloutir. La solitude est grande. »). Vita Sackville-West essaiera même de lui remonter le moral en lui proposant une visite à Smallhythe, mais Woolf se suicidera trois semaines plus tard. 



{Sadness, photographie de Julia Margaret Cameron — grand-tante de Virginia Woolf — mettant en scène Ellen Terry à l'âge de 16 ans.}


***
Ellen Terry 
Virginia Woolf



Lorsqu’elle fit son entrée sur scène interprétant le rôle de Lady Cicely dans La Conversion du Capitaine Brassbound

Ellen Terry dans le rôle de Lady Cicely }

la scène s’effondra comme un château de cartes et tous les feux de la rampe furent éteints. Au moment où sa voix s’éleva, on eût dit qu’une main virtuose avait donné un coup d’archet sur un violoncelle généreux : il grinçait, il grésillait et il grondait. Puis elle s’arrêta de parler. Elle mit ses lunettes. L’air absorbé, elle fixa le dos d’un canapé. Elle avait oublié son texte. Mais cela avait-il de l’importance ? Qu’elle parlât ou demeurât silencieuse, elle était Lady Cicely — ou bien était-ce Ellen Terry ? En tout cas, elle inondait la scène de sa présence et tous les autres acteurs étaient éclipsés, de même que le soleil congédie tout éclairage artificiel. 
Pourtant, cette interruption, au cours de laquelle elle avait oublié les répliques de Lady Cicely, était révélatrice. Ce n’était pas le signe d’une perte de mémoire ni la preuve qu’elle était sur le retour, comme le dirent certains. C’était le signe que le rôle de Lady Cicely ne lui convenait pas. Son fils, Gordon Craig, affirme qu’elle oubliait ses répliques seulement si les mots ne coulaient pas de source, lorsqu’un grain de sable grippait la merveilleuse machinerie mise en mouvement par son génie. Si le rôle lui était naturel, lorsqu’elle était la Portia 

de Shakespeare, Desdémone ou Ophélie, par exemple,


{ Dessin de Bernard Partridge, qui illustra des œuvres de J. M. Barrie. }

elle faisait siens chaque mot, chaque virgule. Elle jouait jusqu’au bout des cils. Son corps s'allégeait. Son fils, qui n'était qu'un petit garçon, pouvait la soulever dans ses bras. « Je ne suis pas moi-même », disait-elle. « Quelque chose s’empare de moi… Je m’envole, légère et immatérielle. » Nous, qui ne nous souvenons d’elle que dans le rôle de Lady Cicely sur la petite scène du Court Theatre, n’avons pour tout souvenir — si l’on songe à son Ophélie ou à sa Portia — qu’une image de carte postale comparée à la grande toile de Vélasquez dans le musée. 

Munie de son stylo, à ses moments perdus, elle a dessiné son autoportrait. Ce n’est pas un portrait académique, sous verre, encadré, achevé. C’est plutôt un paquet de feuilles volantes et sur chacune d’elles elle a crayonné en vitesse une esquisse en guise de portrait : ici, un nez ; ici, un bras ; ici, un pied et, là, un simple gribouillage dans la marge. Les esquisses exécutées sous l'effet d'humeurs diverses et de points de vue différents se contredisent parfois. Ce nez ne va pas avec ces yeux ; ce bras est disproportionné par rapport à ce pied. Il est difficile de les assembler. Et il y a également des pages vierges. Des traits fondamentaux sont laissés de côté. Il y avait en elle un soi inconnu, une lacune qu’elle ne pouvait combler. N’avait-elle pas tiré sa devise de Walt Whitman ? « Voyons, moi-même, j’ai souvent le sentiment de ne savoir que peu de choses, pour ne pas dire rien du tout, de ma vraie vie. À peine quelques suggestions... Quelques vagues, diffus et déroutants points de repères... je cherche à tracer ici… »[1]

Les deux esquisses sont contradictoires, mais elles représentent la même femme. Elle hait la scène ; mais elle l’adore. Elle voue un culte à ses enfants ; mais elle les abandonne. Elle voudrait bien vivre pour toujours au milieu des cochons et des canards, au grand air ; mais elle passe le restant de sa vie parmi les acteurs et les actrices sous les feux de la rampe. Elle tente d'expliquer cet écart entre ces deux femmes et a bien du mal à convaincre. « J’ai toujours été davantage une femme qu’une artiste », dit-elle. Irving, lui, fait passer le théâtre en premier. « Il ne possédait aucune de ce que je peux appeler mes "qualités bourgeoises" : l’amour de l’amour, l’amour d’un foyer, une aversion pour la solitude. » Elle essaie de nous persuader qu’elle était une femme plutôt ordinaire : un tour de main assez exceptionnel, il est vrai, pour la pâtisserie, une femme d’intérieur compétente, dotée d'un sens inné des couleurs et d'un goût très sûr pour choisir des meubles, toujours encline à shampouiner les enfants avec un indéniable enthousiasme... Si elle était revenue à la scène, c’était parce que… Eh bien, que pouvait-elle faire d’autre, alors que les huissiers étaient dans la maison ?

C’est là le sort des acteurs de ne laisser que des images de cartes postales derrière eux. Chaque soir, au baisser de rideau, la toile de fond aux belles couleurs est effacée. Ne demeure dans le meilleur des cas qu’un fantôme vacillant, une chimère : une vie de mots sur les lèvres des vivants. Ellen Terry en était parfaitement consciente. Envoûtée par la noblesse d’Irving dans son incarnation d’Hamlet 


{Ellen Terry et Henry Irving dans Hamlet}

et indignée par les caricatures dressées par ses critiques, elle s’essaya à l’écriture, afin d’exposer ses souvenirs. Mais en vain ! Elle laissa tomber son stylo de désespoir. « Mon Dieu, que ne suis-je un écrivain ! » s’écria-t-elle. « Tout de même, un écrivain n’enfilerait pas ainsi les mots pour parler du Hamlet de Henry Irving et n’en dire rien, mais oui, absolument rien ! »  Il ne lui vint jamais à l’idée, modeste comme elle l’était et obsédée par son manque de connaissances livresques, qu’elle était, entre autres, un écrivain. Il ne lui traversa pas l’esprit, alors qu’elle écrivait son autobiographie ou qu’elle griffonnait sans relâche des lettres à Bernard Shaw,

{Photographie de James Craig Annan.}

tard le soir, morte de fatigue après une répétition, qu’elle « écrivait ». Guidés par sa belle main véloce, les mots jaillissaient à gros bouillons de son stylo. Avec des tirets et des points d’exclamation, elle tentait de leur restituer la sonorité et l’accentuation propres à la parole. Il est vrai qu’elle ne pouvait pas construire une maison avec des mots : une pièce ouvrant sur l’autre et un escalier reliant l'ensemble. Mais, quelle que fût la chose dont elle se saisissait, cela devenait, entre ses mains chaleureuses et sensibles, un outil. S’il s’agissait d’un rouleau à pâtisserie, elle confectionnait de parfaites tartes. S’il s’agissait d’un couteau à viande, de parfaites tranches  tombaient du gigot. S’il s’agissait d’un crayon, les mots se décollaient de la mine – certains brisés, d’autres suspendus en vol, mais tous bien plus expressifs que ceux produits par les tapotements d'une main professionnelle sur une machine à écrire. 

Néanmoins, la première esquisse est assez précise. C’est l’esquisse de son enfance. Elle était née à la scène. La scène était son berceau, sa chambre d’enfant. Quand les autres petites filles apprenaient à faire des additions ou des pleins et des déliés, on lui enseignait son métier avec force claques et bourrades. On lui chauffait les oreilles et ses muscles étaient assouplis du plat de la main... Toute la journée, elle s’escrimait sur les planches. Tard dans la nuit, quand les autres enfants étaient bordés dans leur lit, elle trébuchait de fatigue dans les rues obscures, enveloppée dans la cape de son père. Et la rue obscure, où les rideaux aux fenêtres étaient tirés, n’était qu'un simulacre pour la petite actrice professionnelle ; et la dure existence sur les planches était son foyer, sa réalité. « Là-bas tout est tellement faux », écrivait-elle, signifiant par ce « là-bas » ce qu’elle appelait « la vie dans les maisons » : «… le faux, le froid, le dur… le feint. Ce n’est pas faux, ici, dans notre théâtre : ici, tout est réel, chaud et aimable… Ici, nous faisons l’expérience d’une merveilleuse vie spirituelle. »




{Charles Kean et Ellen Terry,
lors des débuts sur scène de cette dernière, en 1856 — elle avait 8 ans —
dans Le Conte d'hiver.}

C’était la première esquisse. Mais tournez la page ! L’enfant né pour la scène est devenue une femme. Elle est mariée à seize ans à un peintre célèbre et âgé[2]. Le théâtre a disparu ; ses lumières se sont éteintes et, à sa place, se tient un atelier planté dans un jardin. À sa place se tient un monde rempli d’images et de « nobles artistes avec des voix posées et des manières raffinées ». Elle s’assoit, silencieuse, dans son coin, pendant que ces personnes âgées et célèbres discutent d'une voix posée de choses auxquelles elle ne comprend goutte. Elle est heureuse de nettoyer les pinceaux de son mari, de s’asseoir auprès de lui, de lui jouer quelques airs simples au piano pendant qu’il peint. Le soir, elle se promène dans les Dunes avec le grand poète Tennyson. « J’étais au paradis », écrivit-elle. « Je n’ai jamais éprouvé la moindre pointe de regret en abandonnant le théâtre. » Si seulement les choses avaient pu demeurer en l'état ! Mais, d’une manière ou d’une autre – ici, une page blanche s’intercale –, elle était une pièce rapportée au cœur de ce calme atelier. Elle était trop jeune, trop vive, trop débordante de vie peut-être. Quoi qu’il en fût, le mariage était un échec.

Puis, sautant une page ou deux, nous arrivons à l’esquisse suivante. Elle est mère, à présent. 


{Ellen Terry et ses enfants, Edith and Edward Gordon
/ photographie de Frederick Hollyer (1837-1933)}


Deux adorables enfants requièrent tout son dévouement. Elle vit au fin fond de la campagne, gardienne du foyer. Elle se lève à six heures du matin. Elle récure, elle cuisine et elle coud. Elle instruit ses enfants. Elle selle le poney. Elle va chercher le lait. Et, à nouveau, elle est parfaitement heureuse. Vivre avec deux enfants dans un cottage, conduire sa petite carriole au gré des chemins, aller à l’église le dimanche toute de bleu et de blanc vêtue : voilà la vie rêvée ! Elle ne demande rien de plus, sinon que tout demeure ainsi, à jamais. Mais, un jour, une roue de sa carriole se détache. Des chasseurs en veste rose[3] sautent par-dessus la haie. L’un d’eux met pied à terre et offre son aide. Il regarde la fille en robe bleue et s’exclame : « Bon Dieu ! C’est Nelly ! » Elle regarde le chasseur à la veste rose et s’écrie : « Charles Reade ! »[4] Et, ainsi, en un clin d’œil, la voilà de retour sur scène, pour quarante livres par semaine. Parce que – c’est la raison qu’elle invoque – les huissiers étaient dans la maison. Elle devait gagner de l’argent.


Arrivés à ce moment de l’histoire, nous sommes en présence d'une page tout à fait vierge. Il y a un fossé que nous pouvons seulement franchir au petit bonheur la chance. Deux esquisses se font face : Ellen Terry dans sa robe de coton bleu au milieu des poules et Ellen Terry parée de la tenue et de la couronne de Lady Macbeth sur la scène du Lyceum


{Portait d'Ellen Terry en Lady Macbeth par John Singer Sargent.}


C’est la petite esquisse qu’elle nous offre pour combler ce qui sépare les deux Ellen Terry : Ellen la mère et Ellen l’actrice. Mais, à ce moment-là, nous nous souvenons de son avertissement : « Voyons, moi-même, je sais si peu de choses, pour ne pas dire rien du tout, de ma vraie vie. » Quelque chose en elle échappait à sa compréhension, ce quelque chose qui surgissait des profondeurs et l’emportait entre ses griffes. La voix qu’elle entendit sur le chemin n’était pas celle de Charles Reade, pas plus que la voix des huissiers. C’était la voix de son génie : l’appel pressant de ce quelque chose d'indéfinissable, auquel on ne peut intimer le silence ; elle devait obéir. Alors, elle quitta ses enfants et suivit la voix qui la ramena sur scène, au Lyceum, et l’attacha à une longue vie de labeur, d’angoisse et de gloire.







Mais, après avoir fixé le portrait en pied d’Ellen Terry tel que Sargent la peignit, vêtue et couronnée en Lady Macbeth, tournez la page suivante ! Nous la voyons sous un autre angle. Le stylo à la main, elle est assise à son bureau. Un volume de Shakespeare est ouvert devant elle. C’est une page de Cymbeline ; elle prend des notes prudentes dans la marge. Le rôle d’Imogène lui pose d’immenses problèmes. 




Elle est, dit-elle, « au supplice » quant à l’interprétation qu’elle doit en donner. Bernard Shaw est peut-être capable de jeter quelque lumière sur le problème ? Une lettre du jeune et brillant critique du Saturday Review est posée près du Shakespeare. Elle ne l’a jamais rencontré, mais ils s’écrivent depuis des années : des lettres intimes, ardentes, passionnées, polémiques — des lettres qui sont parmi les meilleures lettres jamais écrites dans cette langue. 


{Source de l'image : ici.}


Il lui dit les choses les plus scandaleuses qui soient. Il compare ce cher Henry à un ogre et Ellen à une prisonnière enchaînée dans sa geôle. Mais Ellen Terry est tout à fait capable de tenir tête à Bernard Shaw. Elle le réprimande, se moque de lui, le cajole et le contredit. Elle éprouve une étrange affinité avec les idées progressistes que Henry Irving abhorre. Mais quelles suggestions le brillant critique formule-t-il au sujet d’Imogène ? Aucune qu’elle n’ait déjà conçue elle-même, visiblement. Elle étudie Shakespeare aussi près du texte que Shaw et avec un œil aussi critique que le sien. 

{Où l'on découvre qu'Ellen Terry mérite la considération – non, l'admiration ! – de Virginia Woolf...}

Elle a étudié chaque vers, pesé le sens de chaque mot, s’est colletée avec chaque geste. Chacun de ces moments prodigieux où elle n’était plus elle-même est le fruit de mois de travail minutieux et attentif. « L’art, cite-t-elle, se nourrit de ce que nous lui offrons. » En vérité, cette femme en mouvement permanent, toute en instinct et sensation, est une étudiante aussi appliquée et aussi soucieuse de la dignité de son art que Flaubert lui-même.

Mais, une fois encore, l’expression de ce visage grave change. Elle travaille comme un forçat – personne plus qu’elle ! Mais elle s’empresse de dire à M. Shaw que son cerveau n’est pas le seul à travailler. Elle n’a pas une once d’intelligence. En effet, elle est heureuse, dit-elle, de « ne pas être intelligente ». Son stylo souligne cette déclaration d’un trait appuyé. « Vous,  gens intelligents », c’est là sa façon de s’adresser à lui et à ses amis, « vous passez à côté de tant de choses, vous gâchez tant de choses. » Car, en matière d’éducation, elle n’est jamais allée à l’école un seul jour de son existence. Autant qu’elle soit en mesure d’en juger, mais le problème la dépasse, le ressort principal de son art est l’imagination. Si cela vous chante, visitez donc des asiles d’aliénés ; prenez des notes, observez, étudiez sans répit. Mais, d’abord, imaginez ! Alors, elle s’en va dans les bois avec son rôle sous le bras. Tout en flânant le long de quelques layons moussus, elle vit son rôle jusqu’à ce qu’elle se confonde avec lui. Si un mot détonne ou grince, elle doit le repenser, le réécrire. Chaque réplique devient alors sienne et chaque geste est spontané, puis elle fait son entrée en scène et est Imogène, Ophélie ou Desdémone…




Mais est-elle, même dans ses instants de grâce, une grande actrice ? Elle en doute. « L’amour et la vie m’importent davantage », dit-elle. Son visage ne lui est d’aucune aide, lui non plus. Elle ne peut contenir l’émotion. Elle n’est assurément pas une grande tragédienne. À l’occasion, il est possible qu’elle ait joué à la perfection quelque rôle comique. En pleine introspection – clin d’œil d’un artiste à un autre –, le soleil darde ses rayons à l’oblique sur une vieille chaise de cuisine. « Merci, Seigneur, de m’avoir donné ces yeux ! » s’exclame-t-elle. Quel monde de joies lui ont-ils offert ! Le temps de s'abîmer dans la contemplation de cette vieille chaise « à la capucine et aux pieds épais »[5], la scène a disparu, les feux de la rampe sont éteints et l’actrice célèbre est oubliée.

De toutes ces femmes, qui est la véritable Ellen Terry ? Comment pouvons-nous rassembler ces diverses esquisses pour ne former qu'un seul portrait ? Est-elle la mère, la cuisinière, la critique, l’actrice ou bien, après tout, aurait-elle été un peintre ? Chaque rôle semble être le sien jusqu’à ce qu’elle le repousse et en endosse un autre. Il semble qu'une parcelle de la véritable d'Ellen Terry affleurait à la surface de chaque rôle sans pour autant prendre part à son jeu. Que ce fût Shakespeare ou Ibsen ou Shaw, aucun n’était à sa taille. La scène ne pouvait l'endiguer, pas plus que la chambre d’enfants. Mais, somme toute, il est un plus grand dramaturge que Shakespeare, Ibsen ou Shaw : Mère Nature. C’est une scène immense et sa troupe comporte un nombre indéfinissable d’acteurs, dont elle se débarrasse avec une ou deux lignes de dialogue. Ils vont et viennent sans rompre les rangs. Mais, sans relâche, Mère Nature crée un nouveau rôle, un rôle inédit. Les acteurs qui incarnent ce rôle défient nos tentatives pour leur donner un nom. Ils n’incarneront pas des personnages types : ils oublient des répliques et en improvisent d’autres. Mais, quand ils entrent en scène, cette dernière s’effondre comme un château de cartes et les feux de la rampe sont éteints. C’était là le destin d’Ellen Terry : incarner un nouveau rôle. Et, tandis que d’autres actrices demeurent dans les mémoires, parce qu’elles incarnèrent Hamlet, Phèdre ou Cléopâtre, Ellen Terry demeure dans les mémoires parce qu’elle était Ellen Terry.

***
[1]« When I read the book » in Leaves of Grass.
[2]George Frederic Watts (1817-1904) avait 30 ans de plus qu’elle. Ils se séparèrent après un an de mariage.
[3]Tenue pour la chasse à courre.
[4]Charles Reade (1814-1884), romancier et dramaturge anglais, célèbre notamment pour son roman Le Cloître et le foyer. Il a adapté sous forme théâtrale L’Assommoir de Zola. Ellen Terry a interprété un certain nombre de rôles qu'il a créés.
[5]Woolf fait référence à une lettre d’Ellen Terry à G. B. Shaw, en date du 10 novembre 1896. Vraisemblablement, Woolf utilise cette description pour suggérer au lecteur le pouvoir d’incantation de l’actrice. Allusion, en outre, à la perte d’acuité visuelle subie par l’actrice. 


Traduction rapide de C.-A. Faivre ; merci de ne pas reproduire cette traduction sans le consentement de l'intéressée.


***
En guise de petits présents supplémentaires, un enregistrement très rare de la grande Ellen Terry :




et une très belle photographie de l'actrice dans un autre rôle shakespearien, celui de Volumnia : 




(Source de l'image : ici.)


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Dilettante. Pirate à seize heures, bien que n'ayant pas le pied marin. En devenir de qui j'ose être. Docteur en philosophie de la Sorbonne. Amie de James Matthew Barrie et de Cary Grant. Traducteur littéraire. Parfois dramaturge et biographe. Créature qui écrit sans cesse. Je suis ce que j'écris. Je ne serai jamais moins que ce que mes rêves osent dire.
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