Affichage des articles dont le libellé est Théâtre. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Théâtre. Afficher tous les articles
mardi 15 décembre 2015
Ceci est un petit cadeau de Noël destiné à mes amis barriens.
*
Virginia Woolf écrivit le petit essai (grossièrement) traduit ci-dessous en 1941 – l'année de son suicide. Elle confie alors à son journal à quel point ces pages lui paraissent impossibles à écrire et aspirent toute sa force vitale (« Épuisée après cette longue lutte pour écrire 2000 mots sur Ellen Terry... »), car elle ne parvient pas à définir ou à cerner tout à fait cette chose mystérieuse et évanescente qu'est le style d'Ellen Terry – métaphore probable de son propre style, de son secret ou de la tache aveugle caractéristique de tout artiste véritable. Harper's Bazaar refusera cet essai, ainsi qu'une nouvelle qu'elle avait jointe à l'envoi. Néanmoins, l'essai paraîtra en février 1941 dans le New Statesman and Nation puis, à titre posthume, dans The Moment and Other Essays (1947). Ce camouflet participera peut-être pour une faible part à l'effondrement psychique de Virginia Woolf (« Je lutte contre le découragement. Harper’s a refusé ma nouvelle et mon Ellen Terry (…) Ce puits de désespoir ne va pas, je le jure, m’engloutir. La solitude est grande. »). Vita Sackville-West essaiera même de lui remonter le moral en lui proposant une visite à Smallhythe, mais Woolf se suicidera trois semaines plus tard.
*
Virginia Woolf écrivit le petit essai (grossièrement) traduit ci-dessous en 1941 – l'année de son suicide. Elle confie alors à son journal à quel point ces pages lui paraissent impossibles à écrire et aspirent toute sa force vitale (« Épuisée après cette longue lutte pour écrire 2000 mots sur Ellen Terry... »), car elle ne parvient pas à définir ou à cerner tout à fait cette chose mystérieuse et évanescente qu'est le style d'Ellen Terry – métaphore probable de son propre style, de son secret ou de la tache aveugle caractéristique de tout artiste véritable. Harper's Bazaar refusera cet essai, ainsi qu'une nouvelle qu'elle avait jointe à l'envoi. Néanmoins, l'essai paraîtra en février 1941 dans le New Statesman and Nation puis, à titre posthume, dans The Moment and Other Essays (1947). Ce camouflet participera peut-être pour une faible part à l'effondrement psychique de Virginia Woolf (« Je lutte contre le découragement. Harper’s a refusé ma nouvelle et mon Ellen Terry (…) Ce puits de désespoir ne va pas, je le jure, m’engloutir. La solitude est grande. »). Vita Sackville-West essaiera même de lui remonter le moral en lui proposant une visite à Smallhythe, mais Woolf se suicidera trois semaines plus tard.
{Sadness, photographie de Julia Margaret Cameron — grand-tante de Virginia Woolf — mettant en scène Ellen Terry à l'âge de 16 ans.}
***
Ellen Terry
Virginia Woolf
Ellen Terry
Virginia Woolf
Lorsqu’elle fit son entrée sur scène interprétant le rôle de Lady Cicely dans La Conversion du Capitaine Brassbound,
{ Ellen Terry dans le rôle de Lady Cicely }
la scène s’effondra comme un château de cartes et tous les feux de la rampe furent éteints. Au moment où sa voix s’éleva, on eût dit qu’une main virtuose avait donné un coup d’archet sur un violoncelle généreux : il grinçait, il grésillait et il grondait. Puis elle s’arrêta de parler. Elle mit ses lunettes. L’air absorbé, elle fixa le dos d’un canapé. Elle avait oublié son texte. Mais cela avait-il de l’importance ? Qu’elle parlât ou demeurât silencieuse, elle était Lady Cicely — ou bien était-ce Ellen Terry ? En tout cas, elle inondait la scène de sa présence et tous les autres acteurs étaient éclipsés, de même que le soleil congédie tout éclairage artificiel.
Pourtant, cette interruption, au cours de laquelle elle avait oublié les répliques de Lady Cicely, était révélatrice. Ce n’était pas le signe d’une perte de mémoire ni la preuve qu’elle était sur le retour, comme le dirent certains. C’était le signe que le rôle de Lady Cicely ne lui convenait pas. Son fils, Gordon Craig, affirme qu’elle oubliait ses répliques seulement si les mots ne coulaient pas de source, lorsqu’un grain de sable grippait la merveilleuse machinerie mise en mouvement par son génie. Si le rôle lui était naturel, lorsqu’elle était la Portia
Pourtant, cette interruption, au cours de laquelle elle avait oublié les répliques de Lady Cicely, était révélatrice. Ce n’était pas le signe d’une perte de mémoire ni la preuve qu’elle était sur le retour, comme le dirent certains. C’était le signe que le rôle de Lady Cicely ne lui convenait pas. Son fils, Gordon Craig, affirme qu’elle oubliait ses répliques seulement si les mots ne coulaient pas de source, lorsqu’un grain de sable grippait la merveilleuse machinerie mise en mouvement par son génie. Si le rôle lui était naturel, lorsqu’elle était la Portia
de Shakespeare,
Desdémone ou Ophélie, par exemple,
{ Dessin de Bernard Partridge, qui illustra des œuvres de J. M. Barrie. }
elle faisait siens chaque mot, chaque virgule. Elle jouait jusqu’au bout des cils. Son corps s'allégeait. Son fils, qui n'était qu'un petit garçon, pouvait la soulever dans ses bras. « Je ne suis pas moi-même », disait-elle. « Quelque chose s’empare de moi… Je m’envole, légère et immatérielle. » Nous, qui ne nous souvenons d’elle que dans le rôle de Lady Cicely sur la petite scène du Court Theatre, n’avons pour tout souvenir — si l’on songe à son Ophélie ou à sa Portia — qu’une image de carte postale comparée à la grande toile de Vélasquez dans le musée.
Munie de son stylo, à ses moments perdus, elle a dessiné son autoportrait. Ce n’est pas un portrait académique, sous verre, encadré, achevé. C’est plutôt un paquet de feuilles volantes et sur chacune d’elles elle a crayonné en vitesse une esquisse en guise de portrait : ici, un nez ; ici, un bras ; ici, un pied et, là, un simple gribouillage dans la marge. Les esquisses exécutées sous l'effet d'humeurs diverses et de points de vue différents se contredisent parfois. Ce nez ne va pas avec ces yeux ; ce bras est disproportionné par rapport à ce pied. Il est difficile de les assembler. Et il y a également des pages vierges. Des traits fondamentaux sont laissés de côté. Il y avait en elle un soi inconnu, une lacune qu’elle ne pouvait combler. N’avait-elle pas tiré sa devise de Walt Whitman ? « Voyons, moi-même, j’ai souvent le sentiment de ne savoir que peu de choses, pour ne pas dire rien du tout, de ma vraie vie. À peine quelques suggestions... Quelques vagues, diffus et déroutants points de repères... je cherche à tracer ici… »[1]
Les deux esquisses sont contradictoires, mais elles représentent la même femme. Elle hait la scène ; mais elle l’adore. Elle voue un culte à ses enfants ; mais elle les abandonne. Elle voudrait bien vivre pour toujours au milieu des cochons et des canards, au grand air ; mais elle passe le restant de sa vie parmi les acteurs et les actrices sous les feux de la rampe. Elle tente d'expliquer cet écart entre ces deux femmes et a bien du mal à convaincre. « J’ai toujours été davantage une femme qu’une artiste », dit-elle. Irving, lui, fait passer le théâtre en premier. « Il ne possédait aucune de ce que je peux appeler mes "qualités bourgeoises" : l’amour de l’amour, l’amour d’un foyer, une aversion pour la solitude. » Elle essaie de nous persuader qu’elle était une femme plutôt ordinaire : un tour de main assez exceptionnel, il est vrai, pour la pâtisserie, une femme d’intérieur compétente, dotée d'un sens inné des couleurs et d'un goût très sûr pour choisir des meubles, toujours encline à shampouiner les enfants avec un indéniable enthousiasme... Si elle était revenue à la scène, c’était parce que… Eh bien, que pouvait-elle faire d’autre, alors que les huissiers étaient dans la maison ?
C’est là le sort des acteurs de ne laisser que des images de cartes postales derrière eux. Chaque soir, au baisser de rideau, la toile de fond aux belles couleurs est effacée. Ne demeure dans le meilleur des cas qu’un fantôme vacillant, une chimère : une vie de mots sur les lèvres des vivants. Ellen Terry en était parfaitement consciente. Envoûtée par la noblesse d’Irving dans son incarnation d’Hamlet
et indignée par les caricatures dressées par ses critiques, elle s’essaya à l’écriture, afin d’exposer ses souvenirs. Mais en vain ! Elle laissa tomber son stylo de désespoir. « Mon Dieu, que ne suis-je un écrivain ! » s’écria-t-elle. « Tout de même, un écrivain n’enfilerait pas ainsi les mots pour parler du Hamlet de Henry Irving et n’en dire rien, mais oui, absolument rien ! » Il ne lui vint jamais à l’idée, modeste comme elle l’était et obsédée par son manque de connaissances livresques, qu’elle était, entre autres, un écrivain. Il ne lui traversa pas l’esprit, alors qu’elle écrivait son autobiographie ou qu’elle griffonnait sans relâche des lettres à Bernard Shaw,
tard le soir, morte de fatigue après une répétition, qu’elle « écrivait ». Guidés par sa belle main véloce, les mots jaillissaient à gros bouillons de son stylo. Avec des tirets et des points d’exclamation, elle tentait de leur restituer la sonorité et l’accentuation propres à la parole. Il est vrai qu’elle ne pouvait pas construire une maison avec des mots : une pièce ouvrant sur l’autre et un escalier reliant l'ensemble. Mais, quelle que fût la chose dont elle se saisissait, cela devenait, entre ses mains chaleureuses et sensibles, un outil. S’il s’agissait d’un rouleau à pâtisserie, elle confectionnait de parfaites tartes. S’il s’agissait d’un couteau à viande, de parfaites tranches tombaient du gigot. S’il s’agissait d’un crayon, les mots se décollaient de la mine – certains brisés, d’autres suspendus en vol, mais tous bien plus expressifs que ceux produits par les tapotements d'une main professionnelle sur une machine à écrire.
Néanmoins, la première esquisse est assez précise. C’est l’esquisse de son enfance. Elle était née à la scène. La scène était son berceau, sa chambre d’enfant. Quand les autres petites filles apprenaient à faire des additions ou des pleins et des déliés, on lui enseignait son métier avec force claques et bourrades. On lui chauffait les oreilles et ses muscles étaient assouplis du plat de la main... Toute la journée, elle s’escrimait sur les planches. Tard dans la nuit, quand les autres enfants étaient bordés dans leur lit, elle trébuchait de fatigue dans les rues obscures, enveloppée dans la cape de son père. Et la rue obscure, où les rideaux aux fenêtres étaient tirés, n’était qu'un simulacre pour la petite actrice professionnelle ; et la dure existence sur les planches était son foyer, sa réalité. « Là-bas tout est tellement faux », écrivait-elle, signifiant par ce « là-bas » ce qu’elle appelait « la vie dans les maisons » : «… le faux, le froid, le dur… le feint. Ce n’est pas faux, ici, dans notre théâtre : ici, tout est réel, chaud et aimable… Ici, nous faisons l’expérience d’une merveilleuse vie spirituelle. »
C’était la première esquisse. Mais tournez la page ! L’enfant né pour la scène est devenue une femme. Elle est mariée à seize ans à un peintre célèbre et âgé[2]. Le théâtre a disparu ; ses lumières se sont éteintes et, à sa place, se tient un atelier planté dans un jardin. À sa place se tient un monde rempli d’images et de « nobles artistes avec des voix posées et des manières raffinées ». Elle s’assoit, silencieuse, dans son coin, pendant que ces personnes âgées et célèbres discutent d'une voix posée de choses auxquelles elle ne comprend goutte. Elle est heureuse de nettoyer les pinceaux de son mari, de s’asseoir auprès de lui, de lui jouer quelques airs simples au piano pendant qu’il peint. Le soir, elle se promène dans les Dunes avec le grand poète Tennyson. « J’étais au paradis », écrivit-elle. « Je n’ai jamais éprouvé la moindre pointe de regret en abandonnant le théâtre. » Si seulement les choses avaient pu demeurer en l'état ! Mais, d’une manière ou d’une autre – ici, une page blanche s’intercale –, elle était une pièce rapportée au cœur de ce calme atelier. Elle était trop jeune, trop vive, trop débordante de vie peut-être. Quoi qu’il en fût, le mariage était un échec.
Puis, sautant une page ou deux, nous arrivons à l’esquisse suivante. Elle est mère, à présent.
Deux adorables enfants requièrent tout son dévouement. Elle vit au fin fond de la campagne, gardienne du foyer. Elle se lève à six heures du matin. Elle récure, elle cuisine et elle coud. Elle instruit ses enfants. Elle selle le poney. Elle va chercher le lait. Et, à nouveau, elle est parfaitement heureuse. Vivre avec deux enfants dans un cottage, conduire sa petite carriole au gré des chemins, aller à l’église le dimanche toute de bleu et de blanc vêtue : voilà la vie rêvée ! Elle ne demande rien de plus, sinon que tout demeure ainsi, à jamais. Mais, un jour, une roue de sa carriole se détache. Des chasseurs en veste rose[3] sautent par-dessus la haie. L’un d’eux met pied à terre et offre son aide. Il regarde la fille en robe bleue et s’exclame : « Bon Dieu ! C’est Nelly ! » Elle regarde le chasseur à la veste rose et s’écrie : « Charles Reade ! »[4] Et, ainsi, en un clin d’œil, la voilà de retour sur scène, pour quarante livres par semaine. Parce que – c’est la raison qu’elle invoque – les huissiers étaient dans la maison. Elle devait gagner de l’argent.
Arrivés à ce moment de l’histoire, nous sommes en présence d'une page tout à fait vierge. Il y a un fossé que nous pouvons seulement franchir au petit bonheur la chance. Deux esquisses se font face : Ellen Terry dans sa robe de coton bleu au milieu des poules et Ellen Terry parée de la tenue et de la couronne de Lady Macbeth sur la scène du Lyceum.
Munie de son stylo, à ses moments perdus, elle a dessiné son autoportrait. Ce n’est pas un portrait académique, sous verre, encadré, achevé. C’est plutôt un paquet de feuilles volantes et sur chacune d’elles elle a crayonné en vitesse une esquisse en guise de portrait : ici, un nez ; ici, un bras ; ici, un pied et, là, un simple gribouillage dans la marge. Les esquisses exécutées sous l'effet d'humeurs diverses et de points de vue différents se contredisent parfois. Ce nez ne va pas avec ces yeux ; ce bras est disproportionné par rapport à ce pied. Il est difficile de les assembler. Et il y a également des pages vierges. Des traits fondamentaux sont laissés de côté. Il y avait en elle un soi inconnu, une lacune qu’elle ne pouvait combler. N’avait-elle pas tiré sa devise de Walt Whitman ? « Voyons, moi-même, j’ai souvent le sentiment de ne savoir que peu de choses, pour ne pas dire rien du tout, de ma vraie vie. À peine quelques suggestions... Quelques vagues, diffus et déroutants points de repères... je cherche à tracer ici… »[1]
Les deux esquisses sont contradictoires, mais elles représentent la même femme. Elle hait la scène ; mais elle l’adore. Elle voue un culte à ses enfants ; mais elle les abandonne. Elle voudrait bien vivre pour toujours au milieu des cochons et des canards, au grand air ; mais elle passe le restant de sa vie parmi les acteurs et les actrices sous les feux de la rampe. Elle tente d'expliquer cet écart entre ces deux femmes et a bien du mal à convaincre. « J’ai toujours été davantage une femme qu’une artiste », dit-elle. Irving, lui, fait passer le théâtre en premier. « Il ne possédait aucune de ce que je peux appeler mes "qualités bourgeoises" : l’amour de l’amour, l’amour d’un foyer, une aversion pour la solitude. » Elle essaie de nous persuader qu’elle était une femme plutôt ordinaire : un tour de main assez exceptionnel, il est vrai, pour la pâtisserie, une femme d’intérieur compétente, dotée d'un sens inné des couleurs et d'un goût très sûr pour choisir des meubles, toujours encline à shampouiner les enfants avec un indéniable enthousiasme... Si elle était revenue à la scène, c’était parce que… Eh bien, que pouvait-elle faire d’autre, alors que les huissiers étaient dans la maison ?
C’est là le sort des acteurs de ne laisser que des images de cartes postales derrière eux. Chaque soir, au baisser de rideau, la toile de fond aux belles couleurs est effacée. Ne demeure dans le meilleur des cas qu’un fantôme vacillant, une chimère : une vie de mots sur les lèvres des vivants. Ellen Terry en était parfaitement consciente. Envoûtée par la noblesse d’Irving dans son incarnation d’Hamlet
{Ellen Terry et Henry Irving dans Hamlet}
{Photographie de James Craig Annan.}
Néanmoins, la première esquisse est assez précise. C’est l’esquisse de son enfance. Elle était née à la scène. La scène était son berceau, sa chambre d’enfant. Quand les autres petites filles apprenaient à faire des additions ou des pleins et des déliés, on lui enseignait son métier avec force claques et bourrades. On lui chauffait les oreilles et ses muscles étaient assouplis du plat de la main... Toute la journée, elle s’escrimait sur les planches. Tard dans la nuit, quand les autres enfants étaient bordés dans leur lit, elle trébuchait de fatigue dans les rues obscures, enveloppée dans la cape de son père. Et la rue obscure, où les rideaux aux fenêtres étaient tirés, n’était qu'un simulacre pour la petite actrice professionnelle ; et la dure existence sur les planches était son foyer, sa réalité. « Là-bas tout est tellement faux », écrivait-elle, signifiant par ce « là-bas » ce qu’elle appelait « la vie dans les maisons » : «… le faux, le froid, le dur… le feint. Ce n’est pas faux, ici, dans notre théâtre : ici, tout est réel, chaud et aimable… Ici, nous faisons l’expérience d’une merveilleuse vie spirituelle. »
{Charles Kean et Ellen Terry,
lors des débuts sur scène de cette dernière, en 1856 — elle avait 8 ans —
dans Le Conte d'hiver.}
lors des débuts sur scène de cette dernière, en 1856 — elle avait 8 ans —
dans Le Conte d'hiver.}
Puis, sautant une page ou deux, nous arrivons à l’esquisse suivante. Elle est mère, à présent.
{Ellen Terry et ses enfants, Edith and Edward Gordon
/ photographie de Frederick Hollyer (1837-1933)}
/ photographie de Frederick Hollyer (1837-1933)}
Deux adorables enfants requièrent tout son dévouement. Elle vit au fin fond de la campagne, gardienne du foyer. Elle se lève à six heures du matin. Elle récure, elle cuisine et elle coud. Elle instruit ses enfants. Elle selle le poney. Elle va chercher le lait. Et, à nouveau, elle est parfaitement heureuse. Vivre avec deux enfants dans un cottage, conduire sa petite carriole au gré des chemins, aller à l’église le dimanche toute de bleu et de blanc vêtue : voilà la vie rêvée ! Elle ne demande rien de plus, sinon que tout demeure ainsi, à jamais. Mais, un jour, une roue de sa carriole se détache. Des chasseurs en veste rose[3] sautent par-dessus la haie. L’un d’eux met pied à terre et offre son aide. Il regarde la fille en robe bleue et s’exclame : « Bon Dieu ! C’est Nelly ! » Elle regarde le chasseur à la veste rose et s’écrie : « Charles Reade ! »[4] Et, ainsi, en un clin d’œil, la voilà de retour sur scène, pour quarante livres par semaine. Parce que – c’est la raison qu’elle invoque – les huissiers étaient dans la maison. Elle devait gagner de l’argent.
Arrivés à ce moment de l’histoire, nous sommes en présence d'une page tout à fait vierge. Il y a un fossé que nous pouvons seulement franchir au petit bonheur la chance. Deux esquisses se font face : Ellen Terry dans sa robe de coton bleu au milieu des poules et Ellen Terry parée de la tenue et de la couronne de Lady Macbeth sur la scène du Lyceum.
{Portait d'Ellen Terry en Lady Macbeth par John Singer Sargent.}
C’est la petite esquisse qu’elle nous offre pour combler ce qui sépare les deux Ellen Terry : Ellen la mère et Ellen l’actrice. Mais, à ce moment-là, nous nous souvenons de son avertissement : « Voyons, moi-même, je sais si peu de choses, pour ne pas dire rien du tout, de ma vraie vie. » Quelque chose en elle échappait à sa compréhension, ce quelque chose qui surgissait des profondeurs et l’emportait entre ses griffes. La voix qu’elle entendit sur le chemin n’était pas celle de Charles Reade, pas plus que la voix des huissiers. C’était la voix de son génie : l’appel pressant de ce quelque chose d'indéfinissable, auquel on ne peut intimer le silence ; elle devait obéir. Alors, elle quitta ses enfants et suivit la voix qui la ramena sur scène, au Lyceum, et l’attacha à une longue vie de labeur, d’angoisse et de gloire.
Mais, après avoir fixé le portrait en pied d’Ellen Terry tel que Sargent la peignit, vêtue et couronnée en Lady Macbeth, tournez la page suivante ! Nous la voyons sous un autre angle. Le stylo à la main, elle est assise à son bureau. Un volume de Shakespeare est ouvert devant elle. C’est une page de Cymbeline ; elle prend des notes prudentes dans la marge. Le rôle d’Imogène lui pose d’immenses problèmes.
Elle est, dit-elle, « au supplice » quant à l’interprétation qu’elle doit en donner. Bernard Shaw est peut-être capable de jeter quelque lumière sur le problème ? Une lettre du jeune et brillant critique du Saturday Review est posée près du Shakespeare. Elle ne l’a jamais rencontré, mais ils s’écrivent depuis des années : des lettres intimes, ardentes, passionnées, polémiques — des lettres qui sont parmi les meilleures lettres jamais écrites dans cette langue.
Il lui dit les choses les plus scandaleuses qui soient. Il compare ce cher Henry à un ogre et Ellen à une prisonnière enchaînée dans sa geôle. Mais Ellen Terry est tout à fait capable de tenir tête à Bernard Shaw. Elle le réprimande, se moque de lui, le cajole et le contredit. Elle éprouve une étrange affinité avec les idées progressistes que Henry Irving abhorre. Mais quelles suggestions le brillant critique formule-t-il au sujet d’Imogène ? Aucune qu’elle n’ait déjà conçue elle-même, visiblement. Elle étudie Shakespeare aussi près du texte que Shaw et avec un œil aussi critique que le sien.
{Où l'on découvre qu'Ellen Terry mérite la considération – non, l'admiration ! – de Virginia Woolf...}
Elle a étudié chaque vers, pesé le sens de chaque mot, s’est colletée avec chaque geste. Chacun de ces moments prodigieux où elle n’était plus elle-même est le fruit de mois de travail minutieux et attentif. « L’art, cite-t-elle, se nourrit de ce que nous lui offrons. » En vérité, cette femme en mouvement permanent, toute en instinct et sensation, est une étudiante aussi appliquée et aussi soucieuse de la dignité de son art que Flaubert lui-même.
Mais, une fois encore, l’expression de ce visage grave change. Elle travaille comme un forçat – personne plus qu’elle ! Mais elle s’empresse de dire à M. Shaw que son cerveau n’est pas le seul à travailler. Elle n’a pas une once d’intelligence. En effet, elle est heureuse, dit-elle, de « ne pas être intelligente ». Son stylo souligne cette déclaration d’un trait appuyé. « Vous, gens intelligents », c’est là sa façon de s’adresser à lui et à ses amis, « vous passez à côté de tant de choses, vous gâchez tant de choses. » Car, en matière d’éducation, elle n’est jamais allée à l’école un seul jour de son existence. Autant qu’elle soit en mesure d’en juger, mais le problème la dépasse, le ressort principal de son art est l’imagination. Si cela vous chante, visitez donc des asiles d’aliénés ; prenez des notes, observez, étudiez sans répit. Mais, d’abord, imaginez ! Alors, elle s’en va dans les bois avec son rôle sous le bras. Tout en flânant le long de quelques layons moussus, elle vit son rôle jusqu’à ce qu’elle se confonde avec lui. Si un mot détonne ou grince, elle doit le repenser, le réécrire. Chaque réplique devient alors sienne et chaque geste est spontané, puis elle fait son entrée en scène et est Imogène, Ophélie ou Desdémone…
Mais est-elle, même dans ses instants de grâce, une grande actrice ? Elle en doute. « L’amour et la vie m’importent davantage », dit-elle. Son visage ne lui est d’aucune aide, lui non plus. Elle ne peut contenir l’émotion. Elle n’est assurément pas une grande tragédienne. À l’occasion, il est possible qu’elle ait joué à la perfection quelque rôle comique. En pleine introspection – clin d’œil d’un artiste à un autre –, le soleil darde ses rayons à l’oblique sur une vieille chaise de cuisine. « Merci, Seigneur, de m’avoir donné ces yeux ! » s’exclame-t-elle. Quel monde de joies lui ont-ils offert ! Le temps de s'abîmer dans la contemplation de cette vieille chaise « à la capucine et aux pieds épais »[5], la scène a disparu, les feux de la rampe sont éteints et l’actrice célèbre est oubliée.
De toutes ces femmes, qui est la véritable Ellen Terry ? Comment pouvons-nous rassembler ces diverses esquisses pour ne former qu'un seul portrait ? Est-elle la mère, la cuisinière, la critique, l’actrice ou bien, après tout, aurait-elle été un peintre ? Chaque rôle semble être le sien jusqu’à ce qu’elle le repousse et en endosse un autre. Il semble qu'une parcelle de la véritable d'Ellen Terry affleurait à la surface de chaque rôle sans pour autant prendre part à son jeu. Que ce fût Shakespeare ou Ibsen ou Shaw, aucun n’était à sa taille. La scène ne pouvait l'endiguer, pas plus que la chambre d’enfants. Mais, somme toute, il est un plus grand dramaturge que Shakespeare, Ibsen ou Shaw : Mère Nature. C’est une scène immense et sa troupe comporte un nombre indéfinissable d’acteurs, dont elle se débarrasse avec une ou deux lignes de dialogue. Ils vont et viennent sans rompre les rangs. Mais, sans relâche, Mère Nature crée un nouveau rôle, un rôle inédit. Les acteurs qui incarnent ce rôle défient nos tentatives pour leur donner un nom. Ils n’incarneront pas des personnages types : ils oublient des répliques et en improvisent d’autres. Mais, quand ils entrent en scène, cette dernière s’effondre comme un château de cartes et les feux de la rampe sont éteints. C’était là le destin d’Ellen Terry : incarner un nouveau rôle. Et, tandis que d’autres actrices demeurent dans les mémoires, parce qu’elles incarnèrent Hamlet, Phèdre ou Cléopâtre, Ellen Terry demeure dans les mémoires parce qu’elle était Ellen Terry.
Mais, une fois encore, l’expression de ce visage grave change. Elle travaille comme un forçat – personne plus qu’elle ! Mais elle s’empresse de dire à M. Shaw que son cerveau n’est pas le seul à travailler. Elle n’a pas une once d’intelligence. En effet, elle est heureuse, dit-elle, de « ne pas être intelligente ». Son stylo souligne cette déclaration d’un trait appuyé. « Vous, gens intelligents », c’est là sa façon de s’adresser à lui et à ses amis, « vous passez à côté de tant de choses, vous gâchez tant de choses. » Car, en matière d’éducation, elle n’est jamais allée à l’école un seul jour de son existence. Autant qu’elle soit en mesure d’en juger, mais le problème la dépasse, le ressort principal de son art est l’imagination. Si cela vous chante, visitez donc des asiles d’aliénés ; prenez des notes, observez, étudiez sans répit. Mais, d’abord, imaginez ! Alors, elle s’en va dans les bois avec son rôle sous le bras. Tout en flânant le long de quelques layons moussus, elle vit son rôle jusqu’à ce qu’elle se confonde avec lui. Si un mot détonne ou grince, elle doit le repenser, le réécrire. Chaque réplique devient alors sienne et chaque geste est spontané, puis elle fait son entrée en scène et est Imogène, Ophélie ou Desdémone…
Mais est-elle, même dans ses instants de grâce, une grande actrice ? Elle en doute. « L’amour et la vie m’importent davantage », dit-elle. Son visage ne lui est d’aucune aide, lui non plus. Elle ne peut contenir l’émotion. Elle n’est assurément pas une grande tragédienne. À l’occasion, il est possible qu’elle ait joué à la perfection quelque rôle comique. En pleine introspection – clin d’œil d’un artiste à un autre –, le soleil darde ses rayons à l’oblique sur une vieille chaise de cuisine. « Merci, Seigneur, de m’avoir donné ces yeux ! » s’exclame-t-elle. Quel monde de joies lui ont-ils offert ! Le temps de s'abîmer dans la contemplation de cette vieille chaise « à la capucine et aux pieds épais »[5], la scène a disparu, les feux de la rampe sont éteints et l’actrice célèbre est oubliée.
De toutes ces femmes, qui est la véritable Ellen Terry ? Comment pouvons-nous rassembler ces diverses esquisses pour ne former qu'un seul portrait ? Est-elle la mère, la cuisinière, la critique, l’actrice ou bien, après tout, aurait-elle été un peintre ? Chaque rôle semble être le sien jusqu’à ce qu’elle le repousse et en endosse un autre. Il semble qu'une parcelle de la véritable d'Ellen Terry affleurait à la surface de chaque rôle sans pour autant prendre part à son jeu. Que ce fût Shakespeare ou Ibsen ou Shaw, aucun n’était à sa taille. La scène ne pouvait l'endiguer, pas plus que la chambre d’enfants. Mais, somme toute, il est un plus grand dramaturge que Shakespeare, Ibsen ou Shaw : Mère Nature. C’est une scène immense et sa troupe comporte un nombre indéfinissable d’acteurs, dont elle se débarrasse avec une ou deux lignes de dialogue. Ils vont et viennent sans rompre les rangs. Mais, sans relâche, Mère Nature crée un nouveau rôle, un rôle inédit. Les acteurs qui incarnent ce rôle défient nos tentatives pour leur donner un nom. Ils n’incarneront pas des personnages types : ils oublient des répliques et en improvisent d’autres. Mais, quand ils entrent en scène, cette dernière s’effondre comme un château de cartes et les feux de la rampe sont éteints. C’était là le destin d’Ellen Terry : incarner un nouveau rôle. Et, tandis que d’autres actrices demeurent dans les mémoires, parce qu’elles incarnèrent Hamlet, Phèdre ou Cléopâtre, Ellen Terry demeure dans les mémoires parce qu’elle était Ellen Terry.
***
[1]« When I read the book » in Leaves of Grass.
[2]George Frederic Watts (1817-1904) avait 30 ans de plus qu’elle. Ils se séparèrent après un an de mariage.
[2]George Frederic Watts (1817-1904) avait 30 ans de plus qu’elle. Ils se séparèrent après un an de mariage.
[3]Tenue pour la
chasse à courre.
[4]Charles Reade
(1814-1884), romancier et dramaturge anglais, célèbre notamment pour son roman Le Cloître et le foyer. Il a adapté sous
forme théâtrale L’Assommoir de Zola.
Ellen Terry a interprété un certain nombre de rôles qu'il a créés.
[5]Woolf fait référence à une lettre d’Ellen Terry à G. B. Shaw, en date du 10 novembre 1896. Vraisemblablement, Woolf utilise cette description pour suggérer au lecteur le pouvoir d’incantation de l’actrice. Allusion, en outre, à la perte d’acuité visuelle subie par l’actrice.
Traduction rapide de C.-A. Faivre ; merci de ne pas reproduire cette traduction sans le consentement de l'intéressée.
***
En guise de petits présents supplémentaires, un enregistrement très rare de la grande Ellen Terry :
***
En guise de petits présents supplémentaires, un enregistrement très rare de la grande Ellen Terry :
et une très belle photographie de l'actrice dans un autre rôle shakespearien, celui de Volumnia :
(Source de l'image : ici.)
lundi 15 juin 2015
Je pensais être tout simplement malchanceuse.
Il y a aussi quelque chose qui relève de la "névrose de destinée", peut-être. Mais l'explication est probablement plus simple !
Il s'avère que ma dernière mésaventure en date avec un metteur en scène est une chose courante, jouée et rejouée sur le même thème avec des variations. Si vous voulez vous en convaincre, lisez ceci ou cela...
Il y a aussi quelque chose qui relève de la "névrose de destinée", peut-être. Mais l'explication est probablement plus simple !
Il s'avère que ma dernière mésaventure en date avec un metteur en scène est une chose courante, jouée et rejouée sur le même thème avec des variations. Si vous voulez vous en convaincre, lisez ceci ou cela...
Les metteurs en scène, lorsqu'ils ne sont pas d'immenses créateurs (parfois aussi dans le cas où ils sont géniaux, mais alors on leur pardonne davantage – à tort, selon moi), ont tous tendance à vampiriser le texte qu'ils devraient servir et leurs comédiens. Par exemple, plus un metteur en scène fait improviser ses comédiens, au lieu de les diriger et de les faire avancer au plus près de sa vision esthétique, plus il est susceptible de leur emprunter des idées qu'il fera siennes par la suite, tant il les aime (cela s'entend). Il y a presque une bonne foi de la mauvaise foi. Une auto persuasion. J'ai expérimenté cette vérité plusieurs fois, en maints lieux, avec des personnalités très diverses. C'est une loi du genre. C'est arrivé à de meilleurs et de bien plus grands que moi.
Une loi...
Je ne suis pas obligée de l'accepter. Je n'accepte que la Loi rendue par la Justice de mon pays.
Une autre loi du genre : un metteur en scène qui n'écrit pas ses textes est toujours soumis à la tentation de tuer celui auquel il emprunte : meurtre symbolique, en tout cas...
Je vous renvoie à ce précédent message publié par mes soins, ici même, afin de relater avec détails le début de ma petite affaire.
La suite ? La voici !
Une loi...
Je ne suis pas obligée de l'accepter. Je n'accepte que la Loi rendue par la Justice de mon pays.
Une autre loi du genre : un metteur en scène qui n'écrit pas ses textes est toujours soumis à la tentation de tuer celui auquel il emprunte : meurtre symbolique, en tout cas...
Je vous renvoie à ce précédent message publié par mes soins, ici même, afin de relater avec détails le début de ma petite affaire.
La suite ? La voici !
Mon avocate avait adressé, via un huissier, la missive suivante au metteur en scène ici en cause, M. Rémi Prin :
Vous remarquerez peut-être qu'il ne répond aucunement à nos demandes (précises), mais se contente de dire que je ne serai en aucun cas lésée. Je l'espère bien ! Sauf que le sieur a fait effacer mon nom des représentations déjà données, lesquelles utilisaient ma pièce, qui n'est pas, je le rappelle, simplement une adaptation du roman de Barrie – d'ailleurs traduit par mes soins, redisons-le – mais aussi une création personnelle... M. Prin a engagé la responsabilité des théâtres en faisant effacer mon nom des représentations et des sorties de résidences passées, lesquelles ont présenté mon texte. AJOUT DU 18 JUIN 2015 : Il semblerait que, suite à une seconde lettre de mon avocate, il ait fait effacer, à présent, les pages qui parlaient des représentations passées, afin de ne pas avoir à rétablir mon nom sur lesdites pages ! Mieux, il a demandé à Brian Garofolin, le très talentueux peintre, qui a créé l'affiche et les décors du spectacle, d'effacer mon nom de SES sites et des affiches... Cette censure est révélatrice, me semble-t-il, d'un état d'esprit bien particulier et d'une stratégie que des plus qualifiés que moi définiront. Pourquoi vouloir effacer ou réécrire le passé ?
Il est tout à fait faux que M. Prin m'ait passé une commande quelconque. Où est le contrat ? Où est mon salaire ? Je n'ai jamais reçu un centime de sa part pour une commande. J'ai travaillé bénévolement, pendant plusieurs années, parce que je pensais que M. Prin respecterait les engagements pris à mon endroit. Et j'ai commencé à travailler pour lui dès... 2010 ! 4 ans et demi de correspondance en ma possession l'attestent. Ma traduction du Petit Oiseau blanc remonte, je le rappelle, à 2006... et je suis celle qui lui a fait connaître ce roman, puisque, à l'époque, il m'avait contactée pour monter un nouveau Peter Pan et c'est moi qui l'ai convaincu de s'intéresser au premier Peter Pan. Je n'ai donc jamais produit la moindre traduction pour M. Prin et c'est bien en ma qualité de dramaturge que M. Prin m'a demandé de l'aide, une aide pressante et sans limites. J'ai donc écrit une pièce. Soyons précis ! Et j'ai toujours dit que, si M. Prin modifiait ma pièce ou faisait une mise en scène que je jugeais irrecevable, je ne lui donnerais pas le droit de la jouer. C'est ce qui s'est produit. Le contrat moral fut dit et répété pendant 4 ans et demi. Il était libre de ne point l'accepter. Après, j'ai le regret de le dire, moult mensonges de la part de M. Prin, j'ai donc refusé d'assister à la première, à Paris, au théâtre de Ménilmontant, puisque je savais que mes demandes n'étaient pas prises en compte. Quant aux conciliations avec la SACD, elles étaient inacceptables, puisque M. Prin a menti et rompu le contrat moral qui nous liait depuis 2010. J'étais et suis dans mon droit, au sens légal et moral, de refuser l'exploitation de ma pièce par M. Prin ou quiconque. Ce texte m'appartient.
M. Prin aurait pris la décision d'engager un autre traducteur fin février ? Mais pourquoi avoir, en avril, appelé mon éditeur, M. Dominique Poisson, aux éditions Terre de Brume, à deux reprises, pour essayer d'acheter ma traduction du roman de Barrie, sans mon accord, et mieux, sachant sans l'ombre d'un doute que j'y étais fermement opposée ? M. Poisson est prêt à en témoigner au tribunal. Il y a de quoi trouver cela étrange, pour ne pas dire inquiétant, lorsque la réalité se trouve à ce point déformée.
En outre, M. Prin a contacté la SACD, à la même période, pour les informer qu'il avait écrit un nouveau texte et que je n'avais donc pas à m'inquiéter. Je possède le courriel.
Il est tout à fait faux que M. Prin m'ait passé une commande quelconque. Où est le contrat ? Où est mon salaire ? Je n'ai jamais reçu un centime de sa part pour une commande. J'ai travaillé bénévolement, pendant plusieurs années, parce que je pensais que M. Prin respecterait les engagements pris à mon endroit. Et j'ai commencé à travailler pour lui dès... 2010 ! 4 ans et demi de correspondance en ma possession l'attestent. Ma traduction du Petit Oiseau blanc remonte, je le rappelle, à 2006... et je suis celle qui lui a fait connaître ce roman, puisque, à l'époque, il m'avait contactée pour monter un nouveau Peter Pan et c'est moi qui l'ai convaincu de s'intéresser au premier Peter Pan. Je n'ai donc jamais produit la moindre traduction pour M. Prin et c'est bien en ma qualité de dramaturge que M. Prin m'a demandé de l'aide, une aide pressante et sans limites. J'ai donc écrit une pièce. Soyons précis ! Et j'ai toujours dit que, si M. Prin modifiait ma pièce ou faisait une mise en scène que je jugeais irrecevable, je ne lui donnerais pas le droit de la jouer. C'est ce qui s'est produit. Le contrat moral fut dit et répété pendant 4 ans et demi. Il était libre de ne point l'accepter. Après, j'ai le regret de le dire, moult mensonges de la part de M. Prin, j'ai donc refusé d'assister à la première, à Paris, au théâtre de Ménilmontant, puisque je savais que mes demandes n'étaient pas prises en compte. Quant aux conciliations avec la SACD, elles étaient inacceptables, puisque M. Prin a menti et rompu le contrat moral qui nous liait depuis 2010. J'étais et suis dans mon droit, au sens légal et moral, de refuser l'exploitation de ma pièce par M. Prin ou quiconque. Ce texte m'appartient.
M. Prin aurait pris la décision d'engager un autre traducteur fin février ? Mais pourquoi avoir, en avril, appelé mon éditeur, M. Dominique Poisson, aux éditions Terre de Brume, à deux reprises, pour essayer d'acheter ma traduction du roman de Barrie, sans mon accord, et mieux, sachant sans l'ombre d'un doute que j'y étais fermement opposée ? M. Poisson est prêt à en témoigner au tribunal. Il y a de quoi trouver cela étrange, pour ne pas dire inquiétant, lorsque la réalité se trouve à ce point déformée.
En outre, M. Prin a contacté la SACD, à la même période, pour les informer qu'il avait écrit un nouveau texte et que je n'avais donc pas à m'inquiéter. Je possède le courriel.
Pourquoi M. Prin a-t-il donc fait effacer mon nom des représentations passées et réécrit la malheureuse histoire qui nous lie ? Je laisse le lecteur juge et le renvoie aux captures d'écran publiées précédemment. Voici, cependant, mon hypothèse : pour laisser croire aux futurs spectateurs, encore innocents de la genèse du spectacle, que je n'ai jamais existé et qu'il ne me doit rien !
Pouvoir réécrire les événements passés, avec un tel décalage, me laisse pantoise... Et je ne suis pas la seule !
Les éléments qui constituent la structure du spectacle (les Limbes, les développements sur le personnage de Timothy auquel j'ai attribué le nom de "White", par exemple) sont déjà présents dans l'essai que j'ai écrit en 2011 et publié ici:
Et ce n'est pas le seul endroit où je fais état de ces interprétations. Je vois mal comment, très objectivement, on pourrait dire le contraire... Je demande donc à M. Prin de ne pas réutiliser certains thèmes ou interprétations que j'ai développés et qu'il a utilisés dans sa mise en scène et scénographie passées. Cela me paraît juste et très logique.
M. Prin n'ayant pas répondu à nos demandes répétées, sinon en biaisant, je ferai saisir le juge des référés avant toute représentation, afin d'obtenir le texte qu'il escompte jouer, puisqu'il refuse de nous l'adresser ; et, s'il s'avère qu'il use de ma traduction ou d'éléments de ma pièce, ou encore des idées que je lui ai fournies pour sa mise en scène (parce qu'elles étaient dans la version finale ou les diverses moutures de ma pièce – tels la cage à oiseaux ou les Limbes), la chose se réglera au tribunal, devant un juge. J'en fais une affaire de principe, de morale. Lorsque l'on me connaît un peu, on sait que je vais jusqu'au bout du bout.
Il est évident que je ne désire en aucun cas être associée à son nouveau spectacle et que tout un chacun peut retraduire le roman de ce cher James Matthew Barrie et en écrire une adaptation, mais il est inacceptable que l'on se serve, en guise de bande-annonce de prochaines représentations, de mon texte ou de mes idées. Il serait également inacceptable, par exemple, de décalquer ma traduction et cela serait très facile à prouver. Il existe même des logiciels pour déterminer le pourcentage d'emprunts d'un texte à un autre.
Je ne pense pas réécrire quoi que ce soit à sujet, mais je désire que mes lecteurs, mes amis, ceux de Barrie, ou les inconnus de passage s'intéressant à ce projet, soient au courant de la situation, et ce, avec précision, clarté et vérité.
Il est évident que je ne désire en aucun cas être associée à son nouveau spectacle et que tout un chacun peut retraduire le roman de ce cher James Matthew Barrie et en écrire une adaptation, mais il est inacceptable que l'on se serve, en guise de bande-annonce de prochaines représentations, de mon texte ou de mes idées. Il serait également inacceptable, par exemple, de décalquer ma traduction et cela serait très facile à prouver. Il existe même des logiciels pour déterminer le pourcentage d'emprunts d'un texte à un autre.
Je ne pense pas réécrire quoi que ce soit à sujet, mais je désire que mes lecteurs, mes amis, ceux de Barrie, ou les inconnus de passage s'intéressant à ce projet, soient au courant de la situation, et ce, avec précision, clarté et vérité.
dimanche 7 juin 2015
Message originellement publié le 22 avril 2015 à 10:03 et corrigé en rouge le 7 juin 2015.
Alors que je suis engagée dans une procédure judiciaire contre M. Rémi Prin de la Compagnie le Tambour des Limbes, et ce, afin de protéger le travail que j'ai fourni pour lui pendant 4 ans et demi, j'aimerais, pour l'information du public, pour celle de mes lecteurs, mettre côte à côte des captures d'écran, qui sont très révélatrices, il me semble... La première est issue du site du Théâtre 13, où une sortie de résidence avait été programmée, l'an passé (avril 2014). Le texte est signé de M. Prin, il avoue publiquement, à l'époque, avoir découvert Le Petit Oiseau blanc grâce à mon travail et à mes conseils... Il reconnaît ce qu'il me doit... Les deux autres sont issues de son site internet, hier, où mon nom est gommé (mais le site présente encore de textes que j'ai écrits, des citations qui m'appartiennent, et des concepts qui sont les miens... Suite à une première lettre recommandée, M. Prin a effacé beaucoup de choses, comme demandé, mais pas tout...) et la genèse du spectacle réécrite (il a, à présent, dit-il, découvert Le Petit Oiseau blanc tout seul, et a eu une révélation). N'est-ce pas édifiant ? Je dois ajouter que l'éditeur de ma traduction du Petit Oiseau blanc m'a prévenue (en avril) que M. Prin avait essayé, dans mon dos, SANS MON CONSENTEMENT, d'obtenir les droits de cette traduction, alors qu'il écrivait en même temps à la SACD (en février à la SACD et en juin à mon avocate) qu'il avait réécrit une pièce qui ne me devait RIEN (que ce soit à ma traduction, à la pièce que j'avais écrite ou encore à tout mon travail passé) – je le cite. Je laisse mes lecteurs tirer leurs propres conclusions. Je ne fais que relater des faits que chacun peut vérifier... Bien sûr, j'ai des tas d'autres preuves. 4 ans et demi de correspondance, mais pas uniquement. J'ai tout conservé, déposé, sauvegardé... Seuls les écrits demeurent, n'est-ce pas ? Pour l'heure, j'ai mis en demeure M. Prin de retirer de son site et de sa page Facebook et Youtube tout ce qui m'appartient. Le 7 juin 2015, une bande-annonce du spectacle, une vidéo, reprenait encore mes textes et certaines de mes idées dans la mise en scène et la scénographie et ne me citait aucunement. On peut encore la visionner sur Youtube et la page Facebook de la Compagnie. En effet, si mon nom a été gommé, mes textes de présentation, eux, sont toujours là, en totalité ou en partie, de face, de profil, en creux... Que M. Prin fasse le spectacle qu'il veut, mais sans utiliser le moindre fragment de mon travail. Je ne demande rien d'autre. La justice, en somme !
Alors que je suis engagée dans une procédure judiciaire contre M. Rémi Prin de la Compagnie le Tambour des Limbes, et ce, afin de protéger le travail que j'ai fourni pour lui pendant 4 ans et demi, j'aimerais, pour l'information du public, pour celle de mes lecteurs, mettre côte à côte des captures d'écran, qui sont très révélatrices, il me semble... La première est issue du site du Théâtre 13, où une sortie de résidence avait été programmée, l'an passé (avril 2014). Le texte est signé de M. Prin, il avoue publiquement, à l'époque, avoir découvert Le Petit Oiseau blanc grâce à mon travail et à mes conseils... Il reconnaît ce qu'il me doit... Les deux autres sont issues de son site internet, hier, où mon nom est gommé (mais le site présente encore de textes que j'ai écrits, des citations qui m'appartiennent, et des concepts qui sont les miens... Suite à une première lettre recommandée, M. Prin a effacé beaucoup de choses, comme demandé, mais pas tout...) et la genèse du spectacle réécrite (il a, à présent, dit-il, découvert Le Petit Oiseau blanc tout seul, et a eu une révélation). N'est-ce pas édifiant ? Je dois ajouter que l'éditeur de ma traduction du Petit Oiseau blanc m'a prévenue (en avril) que M. Prin avait essayé, dans mon dos, SANS MON CONSENTEMENT, d'obtenir les droits de cette traduction, alors qu'il écrivait en même temps à la SACD (en février à la SACD et en juin à mon avocate) qu'il avait réécrit une pièce qui ne me devait RIEN (que ce soit à ma traduction, à la pièce que j'avais écrite ou encore à tout mon travail passé) – je le cite. Je laisse mes lecteurs tirer leurs propres conclusions. Je ne fais que relater des faits que chacun peut vérifier... Bien sûr, j'ai des tas d'autres preuves. 4 ans et demi de correspondance, mais pas uniquement. J'ai tout conservé, déposé, sauvegardé... Seuls les écrits demeurent, n'est-ce pas ? Pour l'heure, j'ai mis en demeure M. Prin de retirer de son site et de sa page Facebook et Youtube tout ce qui m'appartient. Le 7 juin 2015, une bande-annonce du spectacle, une vidéo, reprenait encore mes textes et certaines de mes idées dans la mise en scène et la scénographie et ne me citait aucunement. On peut encore la visionner sur Youtube et la page Facebook de la Compagnie. En effet, si mon nom a été gommé, mes textes de présentation, eux, sont toujours là, en totalité ou en partie, de face, de profil, en creux... Que M. Prin fasse le spectacle qu'il veut, mais sans utiliser le moindre fragment de mon travail. Je ne demande rien d'autre. La justice, en somme !
Cliquez sur les images pour les agrandir, afin de confronter ce qu'elles disent. Vous pouvez aller sur le site du Théâtre 13, ainsi que sur celui du Théâtre de Ménilmontant, et partout ailleurs (Théâtre de Bouxwiller, Maison de la Culture de Nevers...), et vous constaterez que M. Prin a fait effacer mon nom de toutes les représentations et sorties de résidence déjà données... Pourquoi agir de la sorte, à votre avis ?
mercredi 15 octobre 2014
Je suis très heureuse de vous annoncer cette nouvelle...
Feel free to spread the news!!!!
N’hésitez pas à republier cette affiche !
The Little White Bird in Paris next February!
Feel free to spread the news!!!!
N’hésitez pas à republier cette affiche !
The Little White Bird in Paris next February!
{Cliquez sur l'image pour l'agrandir.}
***
***
Ne manquez pas de visiter la page de Brian Garofolin, qui a créé l'affiche et les décors peints. C'est un grand artiste, croyez-moi !
Modification en date de mai 2015 : j'ai interdit l'exploitation de ma pièce, mais aussi de ma traduction du roman de J. M. Barrie, suite à d'irrémédiables désaccords avec le metteur en scène.
mercredi 17 septembre 2014
{Cliquez sur l'image pour l'agrandir.}
Couverture : Leo Bates
Traduction et (très longue) postface : votre servante
Parution : Octobre 2015
jeudi 11 septembre 2014
Quelques images des répétitions du Petit Oiseau blanc ou La Naissance de Peter Pan et de la sortie de résidence de Nevers (samedi dernier)... Je vous en dirai davantage dès que possible, car pour l'heure je suis très occupée avec divers travaux littéraires et avec les épreuves de Mary Rose – qui sortira en octobre... (Source des images : ici.)
mercredi 14 mai 2014
{Détail d'un tableau de Brian T. Garofolin}
Pour soutenir le travail de la Compagnie le Tambour des Limbes, qui va donner naissance à l'adaptation que j'ai écrite à partir de l'oeuvre, magnifique, de J. M. Barrie, vous pouvez faire une donation ici... Pour que cette oeuvre très peu connue de Barrie soit enfin connue en France, s'il vous plaît, aidez-les ! Merci pour eux, par avance. (Je précise que je ne perçois aucun centime et ne fais que jouer les messagers !)
vendredi 2 mai 2014
Quelques photos de nos comédiens pour l'adaptation du Petit Oiseau blanc à contempler ici. Je suis très enthousiaste et c'est peu dire !!!
{Merci à Avril Dunoyer pour les portraits.}
samedi 12 avril 2014
Thibault Truffert dans le rôle de Barrie / le Capitaine W— (je n'aurais pas pu mieux choisir moi-même !)
au Théâtre 13, lors de la sortie de résidence. Pierre Boucher et Garance Silve,
dans les rôles de L'Homme et de La Femme qui attendent l'enfant qui ne viendra jamais, devant le berceau-cercueil. Photographies d'Avril Dunoyer. Source : ici.
au Théâtre 13, lors de la sortie de résidence. Pierre Boucher et Garance Silve,
dans les rôles de L'Homme et de La Femme qui attendent l'enfant qui ne viendra jamais, devant le berceau-cercueil. Photographies d'Avril Dunoyer. Source : ici.
mercredi 26 mars 2014
Tout cela commence à devenir réel... Rendez-vous ici.
jeudi 20 mars 2014
Fragment (mis à la poubelle) d'un texte écrit pour la présentation de l'adaptation du Petit Oiseau blanc au Théâtre 13, à Paris, le 10 avril, à 15h.
Cher Jamie… Mon cher James…
Pardonnez-moi de vous réveiller… (Un temps.) Pardonnez-nous de venir fouiller cette Morgue, ces Limbes, ces blancs du texte… Là où vous avez rangé tous vos remords et nos regrets, tous les glorieux personnages que nous aurions pu être si… Tous les personnages auxquels vous n’avez pas trouvé de rôles, sans pouvoir vous résigner à les supprimer… Toutes ces peaux qui auraient pu être la vôtre… Ces Ombres adorées qui se détachaient de vous, sans cesse… et tombaient en gerbe comme des larmes…
Voilà près de dix ans que je vous ai rencontré à la faveur d’un délicieux hasard. Mais il n’est pas de hasard pour celui qui écrit de solides histoires, n’est-ce pas ? Je ne sais lequel de nous deux a rêvé de l’autre le plus fort, mais nous nous sommes finalement rencontrés, jouant tous les deux les funambules sur la ligne du temps – celle qui transperce les âmes des vivants et des morts ! Je suis née trente-sept ans après votre mort, mais j’ose croire que j’ai simplement chu de l’un de vos rêves. Je suis une modeste rognure de songe, tout juste utile à donner, ici et là, un peu d’écho français à votre écossaise voix. (Soupir.) Ailleurs, vous dites qu’il n’est JAMAIS de seconde chance dans l’existence. Pourtant, vous m’en avez offert une et il me semble que vous n’avez cessé de donner des secondes chances, saisies ou non au vol, à vos personnages, rétablissant ainsi, dans la fiction, les droits et les devoirs d’une justice terrestre un peu défaillante… Comme si les Limbes de la fiction étaient la patrie de tous les exilés de l’Enfance, de tous les blessés de la Mère ! Comme si chaque homme ou femme qui pleure nourrissait de ses larmes le glorieux enfant du Jadis. Vous ne tirez de nous que de nobles larmes. Dois-je le préciser ? (Un temps.) À cela, on reconnaît l’écrivain de génie : lorsqu’il se prend un peu pour une petite main de Dieu. Vous avez appris à ceux qui vous aiment assez pour le comprendre que les enfants sont les porteurs de songes de l’humanité et que, réels ou rêvés, la royauté est à eux – sans partage ! Ils éclairent notre légende d’êtres faits ; et l’homme, à la fin, tient plus aux mythes qu’au pain. Il revient chercher, en arrière, l’enfant qu’il a laissé sur le bord des vertes années, sur la frange qui sépare le Jamais Plus du Jamais. L’enfant qu’il fut, l’enfant dont il rêva et qu’il n’eut pas – c’est-à-dire tous les possibles manqués, faute de seconde chance. La porte qui mène au Jardin est fermé à double tour, les barreaux sont mis à la fenêtre. Mais il nous reste des histoires… À foison !
Peter Pan ne retrouvera jamais sa mère et nous pouvons, de notre côté, dire adieu à nos secrets espoirs, à la gloire d’être aimé sans condition… Vous dites votre secret et nous jouons en tremblant Le Petit Oiseau blanc, tout en feignant de croire qu’il ne s’agit, au fond, que de Peter Pan… alors que tout ne parle que de vous… (Rageuse.) Et donc de NOUS !
J’ai fait un rêve l’autre jour : il y avait là, devant moi, une brochette de petits orphelins fort mignons, très propres, la langue pendante comme des chiots quémandant le jeu, qui attendaient en file indienne, donnant presque l’impression de communiants prêts à recevoir l’hostie. Tout à coup, comme si ces Enfants Perdus répondaient à un signal d’eux seuls entendu, ils se mirent en grappe autour d’un petit homme qui venait d’arriver (il vous ressemblait trop pour n’être pas vous ou l’une de vos ombres) et tous ensemble ils le frôlèrent, d’abord des yeux, puis de la main, avec de plus en plus d’insistance, comme s’ils le suppliaient du bout de l’âme, chacun en silence, en imitant les gestes de son plus proche voisin, et cachant cette muette prière personnelle dans la reproduction du geste commun. Ils avaient tous faim de cet homme. Une faim de loup cachée dans leur allure mignonne de petits agneaux. Vous ne sembliez pas effrayé ni même gêné par ces petits cannibales. Vous donniez plutôt l’impression de faire votre choix, de prendre tout votre temps, pour ne pas vous tromper, dans un souci d’équité. Les écrivains sont des êtres compliqués. Comme les mères, ils ont une bombe dans le ventre et toujours, à la fin, les mains tachées de sang et d’encre. Finalement, vous avez pris la main de l’un des enfants, un petit garçon qui avait de la terre sous les ongles parce qu’il venait d’enterrer quelqu’un, et êtes reparti avec lui, en baissant les yeux. La joie coupable, probablement. Les autres, d’avance résignés, vous ont laissé passer sans un mot ni un mouvement de protestation. Ils ont l’habitude. Ils savent que vous finissez toujours par choisir Peter Pan. Mais je ne m’y trompe pas : en le choisissant, c’est nous que vous choisissez à chaque fois…
Veuillez croire, mon cher James…
Cher Jamie… Mon cher James…
Pardonnez-moi de vous réveiller… (Un temps.) Pardonnez-nous de venir fouiller cette Morgue, ces Limbes, ces blancs du texte… Là où vous avez rangé tous vos remords et nos regrets, tous les glorieux personnages que nous aurions pu être si… Tous les personnages auxquels vous n’avez pas trouvé de rôles, sans pouvoir vous résigner à les supprimer… Toutes ces peaux qui auraient pu être la vôtre… Ces Ombres adorées qui se détachaient de vous, sans cesse… et tombaient en gerbe comme des larmes…
Voilà près de dix ans que je vous ai rencontré à la faveur d’un délicieux hasard. Mais il n’est pas de hasard pour celui qui écrit de solides histoires, n’est-ce pas ? Je ne sais lequel de nous deux a rêvé de l’autre le plus fort, mais nous nous sommes finalement rencontrés, jouant tous les deux les funambules sur la ligne du temps – celle qui transperce les âmes des vivants et des morts ! Je suis née trente-sept ans après votre mort, mais j’ose croire que j’ai simplement chu de l’un de vos rêves. Je suis une modeste rognure de songe, tout juste utile à donner, ici et là, un peu d’écho français à votre écossaise voix. (Soupir.) Ailleurs, vous dites qu’il n’est JAMAIS de seconde chance dans l’existence. Pourtant, vous m’en avez offert une et il me semble que vous n’avez cessé de donner des secondes chances, saisies ou non au vol, à vos personnages, rétablissant ainsi, dans la fiction, les droits et les devoirs d’une justice terrestre un peu défaillante… Comme si les Limbes de la fiction étaient la patrie de tous les exilés de l’Enfance, de tous les blessés de la Mère ! Comme si chaque homme ou femme qui pleure nourrissait de ses larmes le glorieux enfant du Jadis. Vous ne tirez de nous que de nobles larmes. Dois-je le préciser ? (Un temps.) À cela, on reconnaît l’écrivain de génie : lorsqu’il se prend un peu pour une petite main de Dieu. Vous avez appris à ceux qui vous aiment assez pour le comprendre que les enfants sont les porteurs de songes de l’humanité et que, réels ou rêvés, la royauté est à eux – sans partage ! Ils éclairent notre légende d’êtres faits ; et l’homme, à la fin, tient plus aux mythes qu’au pain. Il revient chercher, en arrière, l’enfant qu’il a laissé sur le bord des vertes années, sur la frange qui sépare le Jamais Plus du Jamais. L’enfant qu’il fut, l’enfant dont il rêva et qu’il n’eut pas – c’est-à-dire tous les possibles manqués, faute de seconde chance. La porte qui mène au Jardin est fermé à double tour, les barreaux sont mis à la fenêtre. Mais il nous reste des histoires… À foison !
Peter Pan ne retrouvera jamais sa mère et nous pouvons, de notre côté, dire adieu à nos secrets espoirs, à la gloire d’être aimé sans condition… Vous dites votre secret et nous jouons en tremblant Le Petit Oiseau blanc, tout en feignant de croire qu’il ne s’agit, au fond, que de Peter Pan… alors que tout ne parle que de vous… (Rageuse.) Et donc de NOUS !
J’ai fait un rêve l’autre jour : il y avait là, devant moi, une brochette de petits orphelins fort mignons, très propres, la langue pendante comme des chiots quémandant le jeu, qui attendaient en file indienne, donnant presque l’impression de communiants prêts à recevoir l’hostie. Tout à coup, comme si ces Enfants Perdus répondaient à un signal d’eux seuls entendu, ils se mirent en grappe autour d’un petit homme qui venait d’arriver (il vous ressemblait trop pour n’être pas vous ou l’une de vos ombres) et tous ensemble ils le frôlèrent, d’abord des yeux, puis de la main, avec de plus en plus d’insistance, comme s’ils le suppliaient du bout de l’âme, chacun en silence, en imitant les gestes de son plus proche voisin, et cachant cette muette prière personnelle dans la reproduction du geste commun. Ils avaient tous faim de cet homme. Une faim de loup cachée dans leur allure mignonne de petits agneaux. Vous ne sembliez pas effrayé ni même gêné par ces petits cannibales. Vous donniez plutôt l’impression de faire votre choix, de prendre tout votre temps, pour ne pas vous tromper, dans un souci d’équité. Les écrivains sont des êtres compliqués. Comme les mères, ils ont une bombe dans le ventre et toujours, à la fin, les mains tachées de sang et d’encre. Finalement, vous avez pris la main de l’un des enfants, un petit garçon qui avait de la terre sous les ongles parce qu’il venait d’enterrer quelqu’un, et êtes reparti avec lui, en baissant les yeux. La joie coupable, probablement. Les autres, d’avance résignés, vous ont laissé passer sans un mot ni un mouvement de protestation. Ils ont l’habitude. Ils savent que vous finissez toujours par choisir Peter Pan. Mais je ne m’y trompe pas : en le choisissant, c’est nous que vous choisissez à chaque fois…
Veuillez croire, mon cher James…
Inscription à :
Articles
(Atom)
Quelques chapitres...
Les roses du Pays d'Hiver
Retrouvez une nouvelle floraison des Roses de décembre ici-même.
Rechercher sur mon JIACO
Qui suis-je ?
- Holly Golightly
- Never Never Never Land, au plus près du Paradis, with Cary Grant, France
- Dilettante. Pirate à seize heures, bien que n'ayant pas le pied marin. En devenir de qui j'ose être. Docteur en philosophie de la Sorbonne. Amie de James Matthew Barrie et de Cary Grant. Traducteur littéraire. Parfois dramaturge et biographe. Créature qui écrit sans cesse. Je suis ce que j'écris. Je ne serai jamais moins que ce que mes rêves osent dire.
Almanach barrien
Rendez-vous sur cette page.
En librairie

Où Peter Pan rencontre son double féminin...


Oeuvre de Céline Lavail


Lettres
Voyages
Écosse
Kirriemuir
Angleterre
Londres
Haworth
Allemagne
Venise
New York
Liens personnels
Le site de référence de J.M. Barrie par Andrew Birkin (anglais)
Mon site consacré à J.M. Barrie (français ; en évolution permanente)
Site de la Société des amis de J.M.Barrie (français ; en construction)
Liens affiliés à ce JIACO
"Une fée est cachée en tout ce que tu vois." (Victor Hugo)
Blog Archive
- 2020 (1)
- 2019 (1)
- 2018 (4)
- 2017 (8)
- 2016 (1)
- 2015 (22)
- 2014 (15)
- 2013 (22)
- 2012 (34)
- 2011 (20)
- 2010 (34)
- 2009 (66)
- 2008 (74)
- 2007 (143)
-
2006
(447)
- décembre(21)
- novembre(19)
- octobre(20)
- septembre(21)
- août(33)
- juillet(23)
- juin(43)
- mai(44)
- avril(62)
- mars(50)
- février(51)
-
janvier(60)
- janv. 31(3)
- janv. 30(3)
- janv. 27(1)
- janv. 26(1)
- janv. 25(4)
- janv. 24(3)
- janv. 23(3)
- janv. 22(1)
- janv. 20(2)
- janv. 19(3)
- janv. 18(2)
- janv. 17(1)
- janv. 16(2)
- janv. 15(1)
- janv. 13(5)
- janv. 12(2)
- janv. 11(2)
- janv. 10(3)
- janv. 09(1)
- janv. 08(1)
- janv. 07(2)
- janv. 05(4)
- janv. 04(2)
- janv. 03(2)
- janv. 02(2)
- janv. 01(4)
- 2005 (217)
Archives
-
►
2018
(4)
- ► juillet 2018 (1)
- ► avril 2018 (1)
- ► février 2018 (1)
-
►
2017
(8)
- ► juillet 2017 (6)
- ► avril 2017 (1)
-
►
2015
(22)
- ► décembre 2015 (3)
- ► octobre 2015 (1)
- ► avril 2015 (1)
-
►
2014
(15)
- ► juillet 2014 (3)
- ► janvier 2014 (1)
-
►
2013
(22)
- ► novembre 2013 (1)
-
►
2012
(34)
- ► novembre 2012 (1)
- ► juillet 2012 (12)
- ► avril 2012 (1)
-
►
2011
(20)
- ► décembre 2011 (1)
- ► octobre 2011 (1)
- ► septembre 2011 (1)
- ► janvier 2011 (1)
-
►
2010
(34)
- ► novembre 2010 (1)
-
►
2009
(66)
- ► juillet 2009 (11)
- ► avril 2009 (8)
-
►
2008
(74)
- ► novembre 2008 (1)
- ► septembre 2008 (4)
- ► juillet 2008 (17)
- ► avril 2008 (11)
-
►
2007
(143)
- ► décembre 2007 (8)
- ► novembre 2007 (6)
- ► juillet 2007 (14)
- ► avril 2007 (18)
- ► février 2007 (16)
-
►
2006
(447)
- ► décembre 2006 (21)
- ► novembre 2006 (19)
- ► octobre 2006 (20)
- ► septembre 2006 (21)
- ► juillet 2006 (23)
- ► avril 2006 (62)
- ► février 2006 (51)
- ► janvier 2006 (60)
-
►
2005
(217)
- ► décembre 2005 (62)
- ► novembre 2005 (98)
- ► octobre 2005 (49)