vendredi 4 août 2006
Le titre rappelle la chanson de Cole Porter, interprétée par Ella Fitzgerald,
Sarah Vaughn ou encore plus récemment par Robbie Williams
dans un nouveau film autour de la vie d’un homme remarquable, après le Night and day de Michael Curtiz, De-Lovely, qui narre la vie de l’immense Cole Porter.
Les ayants-droit de Cole Porter ont d’ailleurs demandé à ce que le titre du film soit modifié.
Robin Wright, dans la première partie, semble avoir perdu les rondeurs des contes de fées, qu’ils soient parodiques (The Princess Bride,
délicieux livre et film) ou bien plus vraisemblablement ridicules (Santa Barbara, un soap des années 80), mais dans la seconde partie, nous retrouvons celle que le petit écran avait cru phagocyter.
Sean Penn n’est jamais aussi bon que dans les rôles de suppliciés, de personnages dérangés, en marge de la marche du monde (21 grammes, Mystic river, L’interprète…). La torture de son esprit ou de son âme se lit dans son regard. Ici, il est un peu fou, ou peut-être bien qu’il voit des choses que nous n’apercevons pas. Il donne l'impression d'un enfant pris sans cesse en faute, qui sent le sol se dérober sous lui.
Il est interné pour un acte de violence : il a tiré, accidentellement, sur un ambulancier. Alors que, dans la première partie du film, nous sommes conduits à penser que le personnage (singulièrement absent, dont le vide est dessiné par la présence contradictoire de ce monstre d'acteur qu'est James Gandolfini aka Anthony Soprano, par le désarroi d'une femme déséquilibrée, au propre et au figuré) est un petit malfrat, adepte de la brutalité facile, et que nous craignons pour la fragile Maureen, son épouse enceinte, nous nous apercevons peu à peu que la réalité est tout à fait autre.
Maureen et Eddie Quinn s’aiment.
Nous sommes sceptiques face à ce sentiment qui ne s'exprime presque que par l'absurde et par la distance, dans une quasi impossibilité. Pourtant, lorsqu'ils se mettent à danser
on ressent intensément le lien fusionnel. Mais, là encore, on imagine qu'il ne s'agit que d'une passion destructrice, peut-être simplement sexuelle, qui ne possède pas d'autre ressort qu'une inflammation des sens. Ce malentendu, qui porte bien son nom puisque nous sommes inaptes à écouter ce qui se dit et s'écrit dans leur relation, s'estompe quelque peu lors de l'internement d'Eddie. Nous découvrons qu'Eddie est différent. Le personnage de Sean Penn est-il inadapté ? Oui, probablement qu’il ne vit pas comme chacun de nous (les plus normaux d’entre nous), avec les limites que nous imposent la vie en société et notre lâcheté également de ne pas oser davantage. Eddie est fêlé. Le son qu'il rend n'est pas celui que l'on attend.
Il est potentiellement dangereux. Le feu réchauffe ou brûle, c'est selon. Il dépend du monde qui l'entoure. Il est un objet entre les mains des autres tout à coup.
Trois mois, avait-elle dit. Pas davantage. Il sortirait dans trois mois, le temps de guérir. Elle l'attendrait.
Dix ans ont passé. Elle est remariée à un homme (John Travolta, nerveux et bedonnant, qui aime pragmatiquement quoiqu'il devienne presque fou à la fin du film mais la démence ne sied pas à son tempérament), qui est le contraire de son grand amour, et a trois enfants (dont celui d'Eddie).
L'imcompréhension du spectateur subsiste. Il y a trahison. Pourtant, n'a-t-elle pas dit à celui qui l'avait prise pour femme qu'elle aimerait davantage l'autre ? Et, ce, toujours.
Eddie n'est pas mort. Il s'éveille dans l'idée que trois mois se sont écoulés. Quand il comprend la réalité qui est désormais la sienne : vivre sans Maureen, il ne peut s'y résoudre. Lorsque Maureen apprend la sortie de son ex-mari, elle sait qu'elle n'aura aucun choix sinon celui de le suivre. Deux moitiés d'enfant font peut-être un adulte viable. Qui sait ? Une scène exprime cette immaturité partielle d'Eddie : lorsque le mari de son ex-femme lui amène sa fille, afin qu'il en fasse la connaissance puisqu'elle est née pendant son internement, il découpe des poupées dans un journal et explique qu'il "fabrique des jouets" pour elle.
Le film était le projet de John Cassavetes qui mourut avant d’avoir le temps nécessaire pour réaliser le film. Le fils reprit le flambeau avec élégance et sensibilité. On imagine aisément que le père eût filmé cette hsitoire avec moins de "désinvolture" - bien que cette dernière soit apparente.
C’est quoi l’amour ? Cette question essentielle est posée. La fin, qui n'est qu'à demi morale (tant mieux !), puisque Maureen laisse ses enfants derrière elle, apporte une réponse précise. L'amour consiste en une impossibilité : n'avoir pas le choix, à un certain moment de son existence. L'amour est une fuite vers ce que Platon appelait un inconditionné, même si pour lui l'Amour ne l'était pas. Eddie a besoin de Maureen mais cette dernière a tout autant besoin de son besoin à lui.
L'amour, c'est tout plaquer, devenir léger, plus léger que son passé et son avenir, n'être qu'instant, présence à l'autre.
Un absolu.
Personne ne demande à ceux qui n'aiment pas de comprendre.
Quelques chapitres...
Les roses du Pays d'Hiver
Retrouvez une nouvelle floraison des Roses de décembre ici-même.
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