lundi 30 janvier 2006

Lorsque je vais à Paris, je déambule en priorité dans les librairies. Je me soûle de livres, à défaut d'enfiler whiskies et compagnie. Je fais ma tournée des librairies. J'ai une bien mauvaise nouvelle pour les non-parisiens, qui ne lisent pas la presse, peut-être : l'ancienne lirairie des P.U.F - qui ne portait déjà plus ce nom et qui avait été sauvée une première fois - a rendu l'âme. Elle va fermer ses portes très prochainement pour laisser la place à une boutique de fringues. En plein cœur de la place de la Sorbonne, ma chère Sorbonne. Je tremble pour VRIN, la célèbre librairie philosophique. Que de tristesse d'entrer dans une librairie désertés par les livres. Je ne sais qui nous devons blâmer. Sûrement sommes-nous tous coupables... J'ai ramené plein de livres dans ma valise, dont le Sherlock Holmes des Moutons électriques.
Quel beau livre !!! Je l'ai à peine feuilleté mais je vais le caresser et le dévorer, ce soir, dans mon lit. J'ai également trouvé un recueil de nouvelles de Conan Doyle ayant trait au monde médical auquel il appartenait. J'ai lu quelques nouvelles dans le train et je suis sous le charme. La lampe rouge désignait l'enseigne des médecins généralistes à l'époque victorienne.

Je suis une lectrice assidue et admirative de Jane Austen. Je me languis toujours du second volume de la Pléiade, qui se fait très attendre... Les livres de la Pléiade sont des coquets. Espérons qu'il sortira avant ma mort. Je ne suis pas la seule, il faut croire, à priser fort le style de Jane A. ! J'ai commandé le DVD du téléfilm produit par la BBC. Je n'ai pas encore eu le temps de le visionner, mais mon préjugé est favorable si j'en crois les éloges de certains. Il me semblait naturel de voir le film de Joe Wright. Encore un cinéaste que je n'ai pas le plaisir de mieux connaitre. L'affiche du film attire l'oeil et n'est pas mensongère : elle dit l'esprit élégant du film. Contrairement à la dernière adaptation d'un classique anglais que j'ai eu l'heur de voir, ce film est parfait. Rien de moins. La mise en scène est intelligente, la réalisation somptueuse : il y a des plans continus d'une hardiesse à couper le souffle. Que dire de la scène du bal qui représente à elle seule des difficultés sans nombre pour la caméra ? Le travail de la photographie est impressionnant. J'ignore comment l'on peut donner naissance à un tel prodige. Les décors sont magnifiques, aucun acteur n'est déplacé dans ce jeu subtile de l'amour et de l'intelligence ; l'esprit austenien est respecté. Il y a une puissance joyeuse dans ce film qui sourd et pourtant ce monde-là n'a rien d'idyllique. Se marier pour une femme, à l'époque, était la seule ambition raisonnable. Et, si possible, avec un homme ayant une fortune... Difficile d'être romantique dans ces conditions. Et pourtant... Avec la meilleure volonté du monde, je ne saurais faire grise mine. Keira Knightley est une Elizabeth Bennet presque trop belle (j'imaginais l'héroïne d'Austen bien moins gracieuse) mais elle porte le film avec l'élan de sa jeunesse. Son charme réside, entre autres, dans le petit défaut de la numéro 22 (entendez sa dent numéro 22, en léger décalage avec les autres). M. Darcy, quant à lui, est sûrement une image possible de l'homme idéal : un homme qui ne sait dire les mots d'amour que la mâchoire crispée ; un homme loyal, généreux et sensible à l'extrême ; un homme qui ne sentimentalise pas pour rien mais néanmoins un homme romantique. Que le goût de l'amour d'antan devait être doux ! Que l'amour donnât de l'esprit et de la noblesse me paraît la moindre des choses. Ma scène préférée : le baiser que dépose Elizabeth sur la main de M. Darcy, lorsqu'il la demande en mariage pour la seconde fois.
Et que dire de ce baiser non épanoui lorsque leurs deux front se touchent et que la pudeur les retient ? Je suis une néo-romantique. Je n'y puis rien. Nous touchons au sublime dans ces instants.

Je dédie ce billet à Guérine, sans qui je ne serais peut-être pas allée voir ce film. Tout choix est un deuil et il y a tant à découvrir en ce bas monde... Mille mercis à elle pour sa suggestion qui a atteint sa cible, au-delà de ses espérances. Je suis heureuse qu'elle ait pensé que ce film me ferait de l'effet, cet effet : cela signifie que j'exprime assez justement ce que je suis ou crois être, dans ce JIACO. Je suis allée le voir, samedi, au MK2 Odeon, à la séance de 16h15.
Dieu merci, il était en V.O. Depuis cette date très précise, les personnages me tannent. J'ai la gorge serrée. J'ai très peur d'en mal parler, car je suis incapable de restituer l'émotion qui fut mienne. A trop y penser, je n'ai qu'une envie : pleurer. Je me suis sentie très nouille, avec mon visage boursouflé de larmes à la fin de la séance. Ce n'est pas très classe de se moucher dans son écharpe, vous me l'accorderez. Et puis il y a cette honte : que les autres voient votre faiblesse... De plus, le film ne se prête pas à ce dégoulinage.

D'abord une nouvelle que je n'ai pas encore lue mais achetée. Une nouvelle écrite par une inconnue (pour moi), E. Annie Proulx. Je suis impatiente de découvrir si le film d'Ang Lee est conforme à l'oeuvre originale et si je vais y découvrir d'autres secrets de ces deux héros, Heath Ledger dans le rôle d'Ennis Del Mar et Jake Gyllenhaal interprétant l'impétueux Jack Twist. Le film nous montre une histoire d'amour qui s'exprime sur une vingtaine d'années. Les deux amants se retrouvent une semaine deux ou trois fois par an. Entretemps, ils vivent en sourdine. Cela suffit à la plupart des gens, dans le fond. Hélas. Deux hommes, un peu cow-boys, très paumés et fauchés : l'un est orphelin, l'autre est incompris de ses parents. Cela revient au même. Ils sont frères de solitude. Une rencontre au coeur de la nature et de l'oubli du monde. Ils gardent des troupeaux de moutons. Mille bêtes. Un geste, une nuit. Refusé par l'autre, puis finalement consenti, dans une certaine brutalité. Mais ne vous y fiez pas : le geste violent n'est qu'un bâillon pour ne pas dire ce qui est à l'oeuvre entre les deux hommes. De l'amour. Comme ça, qui vous tombe dessus. Dégringolade. Celui qui se défend (Ennis) lutte contre une révélation sur lui-même, qui met en péril ce qu'il imaginait être son identité. L'autre, Jack, sait déjà et accepte. Personne n'a tout à fait le choix de ses passions. L'un plus solitaire et peu loquace donne l'impression que ses sentiments sont coincés dans sa poitrine et ne peuvent jamais franchir le barrage des dents et de la bouche. Alors, il cogne quand il a trop mal de ne pas dire ce qui le meut à l'intérieur. L'autre, plus honnête avec lui-même, plus à l'aise avec ce qu'il est, le bouscule, mais avec délicatesse. Cette disharmonie entre les deux est le secret de leur entente. Deux hommes qui s'aiment en 1963, c'est le risque d'être lynché et pire. L'atrocité est évoquée et montrée en une simple image. L'homme émasculé fait pendant au mouton éviscéré dans le cours du film. La sauvagerie des hommes est moins acceptable que celle des bêtes. Truisme. Un homme tué parce qu'il aimait, autrefois. Ennis pense que leur destin pourrait être le sien.

D'ailleurs rien ne nous dit que l'un d'entre eux n'adoptera pas cette destinée... L'amour est beauté. La dernière scène du film, lorsque Ennis touche la chemise de Jack, enfin sa chemise que Jack lui avait dérobée, me brise. Que de gâchis ! Ennis n'a pas eu la force d'assumer leur amour ou peut-être n'a-t-il simplement pas eu le courage de s'avouer ce qu'il ressentait. Cet amour me semble lui apparaître tout entier lorsqu'il est trop tard. Paradoxe d'un amour qui est né complet une nuit. L'amour n'est ici pas construction, jeu des petits pas, tentatives d'approches. Il est d'un coup. Je crois savoir que, parfois, il vaut mieux ne pas savoir à quel point l'on aime l'autre. Devant le risque de se perdre, il convient de temps en temps d'adopter une forme de cécité. L'un des passages que je conserve en mémoire immédiate est la rencontre entre Ennis et les parents de Jack. La mère de ce dernier, petite femme sans importance, est peut-être l'un des personnages les plus émouvants du film. Son rôle est minime mais l'amour qu'elle exprime est troublant. De même pour la femme d'Ennis qui sait et ne dit rien, souffrant en silence. Longtemps. Son mutisme est remarquable. Il est évident que l'amour de son mari, sa passion pour un autre homme, la heurte mais il semble que son amour à elle pour lui ne soit pas atteint pour autant. Au-delà de la rupture demeure une attente de cette femme face au silence de l'homme. La principale qualité de ce film réside justement dans son silence. La mise en scène, la réalisation suggèrent au spectateur des faits qui ne sont ni montrés ni évoqués, mais que les personnages portent en eux. Il y a un remarquable sens de l'ellipse qui contre toute velléité de pathos. Un exemple fort : la carte postale qu'Ennis envoie à Jack et qui lui est retourné avec une atroce balafre : un coup de tampon qui lui signifie son "décès". Ce refus d'un exutoire par des images trop fortes ou sentimentales nous contraint à exprimer plus violemment nos propres affects face à cette histoire belle et triste.

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Dilettante. Pirate à seize heures, bien que n'ayant pas le pied marin. En devenir de qui j'ose être. Docteur en philosophie de la Sorbonne. Amie de James Matthew Barrie et de Cary Grant. Traducteur littéraire. Parfois dramaturge et biographe. Créature qui écrit sans cesse. Je suis ce que j'écris. Je ne serai jamais moins que ce que mes rêves osent dire.
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