vendredi 30 mars 2007
Here is my heart and I give it to you Take me with you across this land These are my dreams, so simple and few Dreams we hold in the palm of our hands Never-ending Road Loreena McKennitt  

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A thing of beauty is a joy for ever John Keats

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J'écris ces lignes en écoutant, avec mon sourire crochu et de travers, mon sourire en coin (my crooked smile, celui de Grizel et de Sylvia Llewelyn Davies) sur la tronche, Tom Waits et Loreena Mckennitt. La mère ou la soeur de ma petite fée personnelle, celle qui loge dans la poche gauche, m'a envoyé un coffre au trésor par la poste. Je suis un peu tremblante de découvir ton écriture, tes mots, ces choses trop belles, qui me font et me feront vivre encore plus fort. Mon enfant sauvage, mon amie de contes de fées, je ne sais pas remercier. Cela va au-delà des mots et de la pensée. Reste près de moi, toujours ; je serai là aussi pour toi autant que je le puis, tant que tu le voudras. Tu n'es pas comme ces gens qui n'ont rien compris et qui font pleurer les vieux enfants, parce que ce sont des brutaux, parce que les pleurs de ces petites personnes sont des perles qu'ils gobent. Croient-ils sonner moins creux du ventre et du crâne ensuite ? Le filament dans les yeux de ces barbares est grillé et leurs larmes à eux sont molles, sans vie à l'intérieur, alors que dans les tiennes il y a mille univers qui grouillent ; leurs poches sont percées et leurs mains vides car ils ne peuvent rien attraper de ce qui appartient à ton monde, ils ne peuvent que s'agripper à la pierre, à la roche dure et coupante, qui est leur linceul de vie. Mais la blessure ne tire aucun sang véritable de leurs plaies. Les pires, oh oui, sont encore ceux qui font semblant de savoir le chemin du terrier ou du château, du Repère dirait Barrie, et qui sont perdus dans l'entrelacs de leurs pathétiques imitations. Ce sont des voleurs et des imposteurs, mais ils ne trompent que leur enfance, ils ne font de tort qu'à l'once de vérité que nous conservons jusqu'à la mort et qui souvent dort en nous du sommeil de l'insensibilité et non de celui des sorts jetés. Claquons la porte au nez de ces gens, des infâmes, les adultes infantiles et les adultes convaincus, les inconscients, les fourbes et les êtres en toc ! Laissons vivre l'enfance, noble, fière et aveugle à ce qui la souille.
Toi, tu es inaccessible pour ces malheureux, perfides pathétiques de tout acabit, et tu rayonnes haut et loin. Continue d'éclairer le chemin pour les enfants perdus. Je vais me réchauffer dans ta lumière.
Beatrix Potter était autrefois comme toi. Mais tu ne ressembles décidément à personne.
Tu es originale.

Tout le monde, ne serait-ce que par la pléthore de produits dérivés (mais Beatrix Potter elle-même déposa le brevet d'une poupée de Peter Lapin en 1903 qu'elle fabriqua elle-même) connaît ses personnages (Jemima Puddle-Duck, Jeremy Fisher, Peter Rabbit, Mrs Tittlemouse et tant d'autres)

mais la vie de leur auteur est plus obscure pour les français, si peu intéressés, me semble-t-il (disons qu'ils ne sont pas aussi obsédés par cette époque que moi), par la littérature et l'art victoriens. Je la connais depuis longtemps et mon antre recèle ses livres et des ombres de lapins, de grenouilles, des canes... sont tapies ici et là, jusque dans le grenier. Beatrix Potter (Cf. ce mini-billet de votre Holly en sucre et en cristal) est née en 1866, à Londres, à South Kensington (je pense que vous pouvez visualiser un peu l'endroit grâce à mes petits films), mais son coeur appartient à la campagne anglaise, à l'Ecosse. Son enfance fut assez solitaire, auprès de parents plus ou moins oisifs (son père était membre du barreau mais ne travaillait guère), et entourée d'animaux (des lapins, des grenouilles et même d'une chauve-souris). Dès l'âge de quinze ans, elle commence à rédiger un journal intime codé, qui ne sera décrypté (de quel droit, au fait ? Même s'il est toujours profitable de vivre dans l'intimité d'artistes, il n'en demeure pas moins que c'est peut-être un procédé constestable) que des décennies après sa mort. Elle manifeste un goût profond pour la nature, qui est la source d'inspiration première de son univers, scientifique, littéraire et pictural. Son oncle appuiera sa demande afin d'être admise aux Royal Botanical Gardens. En vain, car elle est une femme et l'époque n'est pas propice à cette émancipation intellectuelle. Cette rebuffade ne la dissuadera pas de faire, par elle-même, des études et des recherches sur la faune et la flore, manifestant en ce domaine une intelligence certaine. Elle devint un mycologue respecté et des découvertes seront ajoutées à son crédit. Henry Enfield Roscoe, son oncle, essaiera de proposer à la publication ses travaux mais la Royal Society refusera d'accepter, en vertu du sexe de leur auteur. Elle commence à écrire et à illustrer des histoires, qui mettent en scène des animaux aux propriétés anthropomorphiques. Elle attendra d'avoir 36 ans avant de trouver un éditeur en la personne de Norman Warne. Le succès est alors instantanément au rendez-vous et elle devient très vite indépendante financièrement. Elle se fiance en secret à Norman car ses (stupides) parents s'opposent à son mariage, puis la mort lui ravit son amour avant même que le mariage puisse être prononcé. Elle écrivit 23 petits (par la taille) livres. Sa vue baissa peu à peu et elle cessa de sacrifier à la fiction. Ses histoires sont à la fois extrêmement simples et, néanmoins, témoignent et d'une cruauté innocente, passagère, mais bien réelle :
They lived with their mother in a sand-bank, underneath the root of a very big fir tree. "Now, my dears," said old Mrs. Rabbit one morning, "You may go into the fields or down the lane, but don't go into Mr. McGregor's garden. Your father had an accident there; he was put in a pie by Mrs. McGregor."
Le père de Benjamin Lapin finit en tourte (moins bonne j'en suis sûre que celles de Mrs Lovett)
Once upon a time there was an old cat, called Mrs. Tabitha Twitchit, who was an anxious parent. She used to lose her kittens continually, and whenever they were lost they were always in mischief ! On baking day she determined to shut them up in a cupboard.
Et les enfants sont parfois enfermés dans un placard, à moins d'être perdus par leur mère (tiens, tiens...) !
Ses personnages sont adorables mais j'ai toujours pensé qu'ils dissimulaient une froideur...
Vous pouvez vous délecter en ligne en cliquant sur les liens que je joins ici :
The Story of Miss Moppet The Tailor of Gloucester The Tale of Benjamin Bunny The Tale of Ginger and Pickles The Tale of Jemima Puddle-Duck The Tale of Johnny Town-Mouse The Tale of Mr. Jeremy Fisher The Tale of Mrs. Tiggy-Winkle The Tale of Mrs. Tittlemouse The Tale of Mr. Tod The Tale of Peter Rabbit The Tale of Samuel Whiskers The Roly-Poly Pudding The Tale of Squirrel Nutkin The Tale of the Flopsy Bunnies The Tale of the Pie and the Patty Pan The Tale of Timmy Tiptoes The Tale of Tom Kitten

 Avec son argent, elle acheta de grandes parcelles de la terre qu'elle aimait tant. Et, puisque rares sont ceux qui meurent de chagrin, elle épousa à l'âge de 47 ans William Heelis, son notaire. Le couple n'eut pas d'enfants mais une ménagerie - ce qui revient peut-être au même. C'est ainsi qu'elle devint une fermière solide et heureuse - on peut visiter sa maison et ses terres - puis elle mourut en 1947 ; sans autre préambule, j'abrège maintenant son existence. Le cinéma, après s'être emparé de la vie de mon Jamie, avec l'inconséquence certaine que l'on sait - même si certains de ses admirateurs les plus sincères ont vu, certainement à juste titre, je l'admets à contrecoeur, une manière de permettre une rencontre avec le véritable Barrie -, s'attaque à celle de Beatrix Potter. Le film est sur nos écrans et je vais prendre le risque d'aller le voir samedi ou dimanche. Je vous en reparlerai. Je m'attends au pire ; je ne saurais donc être déçue. J'espère qu'ils sauront la montrer dans sa force, dans la vigueur qu'elle transmet à son oeuvre. Galerie de portraits. Le plus remarquable sur toutes les photos d'elle que j'ai contemplées est son sourire pincé qu'elle possède déjà enfant et qu'elle conservera jusqu'à la fin. Que signifie-t-il ?


Une photographie très célèbre de Beatrix, âgée de 15 ans, avec Spot ("tache" in French), l'épagneul adopté pendant des vacances en Ecosse (où je me rends bientôt ; je me le répète pour solidement m'installer dans cette croyance). Beatrix, à 25 ans, avec le lapin Benjamin (septembre 1891) en laisse.


  A la fin de sa vie ou peu s'en faut... Les livres que je vous recommande personnellement : La biographie peut-être la plus précise bien qu'ancienne, mais elle fait autorité : Les travaux de Judy Taylor, qui a fait paraître plusieurs ouvrages en rapport avec Beatrix Potter. Une petite biographie, très bien illustrée, qui est un excellent point de départ : Des lettres adressés à des enfants, qui ne manquent pas de nous la faire rapprocher de Barrie ou de Lewis Carroll :


  "Je me souviens : j'avais l'habitude de croire à moitié mais de jouer sans retenue avec les fées quand j'étais une enfant. Qu'est-ce qui, mon Dieu, peut être plus réel que de conserver l'esprit qui est celui du monde de l'enfance, celui-ci étant tempéré et équilibré par la connaissance et le sens commun ?"

Beatrix Potter, son Journal, le 17 Novembre 1896 (National Trust collection). Rien ne saurait mieux dire le secret de son oeuvre, qui demeure d'une ambiguïté certaine, entre un réalisme exacerbé dans la description du monde animal et un anthropomorphisme de contes pour enfants. Derrière le charme et la joliesse, le sourire pincé de l'adulte en devenir, blessé d'avoir perdu le vert paradis, malgré tout.

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