lundi 9 juillet 2012
Depuis des années, nous avions chevillé au coeur le rêve de mettre nos pas dans ceux de Louis-Ferdinand Céline, de son épouse Lucette et du chat Bébert, lors de leur exil... S'il n'avait pas fui, Céline aurait été assassiné – car il s'agit bien de cela...
Merci aux Danois d'avoir sauvé sa peau et de lui avoir permis d'écrire encore quelques beaux livres.
On a reproché bien des choses à Céline, cela ne cessera jamais, j'en suis consciente. Il suffit de mesurer les prudences avec lesquelles s'avouent les passions céliniennes. Oublions ce fat et imbécile (les deux mots ne sont pas synonymes et, de toute façon un seul adjectif ne serait pas suffisant pour contenir toute sa bêtise) garçon coiffeur, Luchini, qui n'épate que les plus sots que lui, crache sur le verbe célinien et salit tout ce qu'il touche (Nietzsche aussi). Il n'a jamais rien compris. Tout ce qu'il chie verbalement lui passe à des miles au-dessus du cerveau. Et pourtant je l'ai aimé, autrefois, avant qu'il ne dise que Céline était un « salaud » à la fin d'un spectacle. Hormis Christophe Malavoy, parmi de rares autres, je n'ai jamais entendu quelqu'un dire son amour et son admiration pour Céline sans user de précautions, afin que l'on ne le qualifie pas d'antisémite – par exemple, ce n'est qu'un exemple. Céline fait peur. Il me suffit de prononcer son nom au cours d'une conversation, y compris la plus amicale des conversations, pour qu'un silence gêné naisse instantanément. C'est miraculeux ! Le soupçon naît dans le coeur de votre interlocuteur. Cela m'amuse, je le confesse. Jadis, cela me blessait. Je n'ai, cependant, jamais eu peur de dire que j'aime Céline. Cela m'a nui, je le sais. Universitairement parlant. Mais j'en ai rajouté une couche, plusieurs couches. Aucun courage à cela. Je n'ai jamais eu envie de faire partie de cette clique. J'aime Céline, jusqu'à la moelle. J'aime tout. Je ne trie pas. La merde et l'or. Je suis comme cela. Qui m'aime me suive. Et je ne m'en excuse pas, ni me justifie. Il n'y a rien à expliquer ni à pardonner, simplement à comprendre – si on a assez de cervelle et de coeur, et c'est bien rare d'avoir les deux en même temps – le génie d'un écrivain, son passé, son pacifisme, son humanisme et son profond désespoir. Et sa bonté. Oui, sa bonté. J'aime autant l'homme que l'écrivain, y compris dans ses injustices (il avait parfois la reconnaissance vengeresse, je ne le nie pas, mais ce côté sale gosse m'a toujours séduite). Je l'ai élu à 16 ans et rien, jamais, ne me détournera de lui. Il y Céline, Rabelais, Shakespeare et Proust, le reste est très loin derrière. À des années lumière. Vous voyez, il suffit de peu dans la vie pour être immensément riche, riche de cette liberté qui rend vraiment fort.
Merci aux Danois d'avoir sauvé sa peau et de lui avoir permis d'écrire encore quelques beaux livres.
On a reproché bien des choses à Céline, cela ne cessera jamais, j'en suis consciente. Il suffit de mesurer les prudences avec lesquelles s'avouent les passions céliniennes. Oublions ce fat et imbécile (les deux mots ne sont pas synonymes et, de toute façon un seul adjectif ne serait pas suffisant pour contenir toute sa bêtise) garçon coiffeur, Luchini, qui n'épate que les plus sots que lui, crache sur le verbe célinien et salit tout ce qu'il touche (Nietzsche aussi). Il n'a jamais rien compris. Tout ce qu'il chie verbalement lui passe à des miles au-dessus du cerveau. Et pourtant je l'ai aimé, autrefois, avant qu'il ne dise que Céline était un « salaud » à la fin d'un spectacle. Hormis Christophe Malavoy, parmi de rares autres, je n'ai jamais entendu quelqu'un dire son amour et son admiration pour Céline sans user de précautions, afin que l'on ne le qualifie pas d'antisémite – par exemple, ce n'est qu'un exemple. Céline fait peur. Il me suffit de prononcer son nom au cours d'une conversation, y compris la plus amicale des conversations, pour qu'un silence gêné naisse instantanément. C'est miraculeux ! Le soupçon naît dans le coeur de votre interlocuteur. Cela m'amuse, je le confesse. Jadis, cela me blessait. Je n'ai, cependant, jamais eu peur de dire que j'aime Céline. Cela m'a nui, je le sais. Universitairement parlant. Mais j'en ai rajouté une couche, plusieurs couches. Aucun courage à cela. Je n'ai jamais eu envie de faire partie de cette clique. J'aime Céline, jusqu'à la moelle. J'aime tout. Je ne trie pas. La merde et l'or. Je suis comme cela. Qui m'aime me suive. Et je ne m'en excuse pas, ni me justifie. Il n'y a rien à expliquer ni à pardonner, simplement à comprendre – si on a assez de cervelle et de coeur, et c'est bien rare d'avoir les deux en même temps – le génie d'un écrivain, son passé, son pacifisme, son humanisme et son profond désespoir. Et sa bonté. Oui, sa bonté. J'aime autant l'homme que l'écrivain, y compris dans ses injustices (il avait parfois la reconnaissance vengeresse, je ne le nie pas, mais ce côté sale gosse m'a toujours séduite). Je l'ai élu à 16 ans et rien, jamais, ne me détournera de lui. Il y Céline, Rabelais, Shakespeare et Proust, le reste est très loin derrière. À des années lumière. Vous voyez, il suffit de peu dans la vie pour être immensément riche, riche de cette liberté qui rend vraiment fort.
Nous avons séjourné il y a quelques années à Baden Baden, à l'hôtel Brenner, et nous irons un jour prochain à Sigmaringen. Passages obligés pour tout célinien. Il faut voir tout cela avant de crever. Extase. Et relire Céline à l'aune des lieux enfin vécus. Je sais que je vais goûter certains de ses livres différemment, à présent. Promesse.
L'an dernier, pour l'anniversaire de sa mort, nous nous étions rendus, une fois de plus, sur sa tombe, à Meudon (la seule raison d'être de mes Roses de décembre I, c'est de conserver des traces de beaux moments, ou de moments plus douloureux, de manière un peu organisée). Cette année, nous sommes donc allés au Danemark pendant une petite semaine. Uniquement pour lui. Par amour. En pèlerinage. Le pèlerinage littéraire est aussi intense que le pèlerinage religieux ; c'est la même chose, disons-le. Ne suis-je pas venue à Dieu, moi l'athée, par la littérature (Barrie) ?
Un homme aux yeux clairs et au coeur d'or – bien meilleur connaisseur de l'oeuvre célinienne que moi –, un bel enfant et Holly Golightly, Holly Guimauve, tous les trois, ils sont donc partis un beau matin, Copenhague et Korsør en tête. Ce n'est pas rien. Il paraît que les voyages forment la jeunesse, espérons donc que notre enfant de 19 mois gardera trace de tout cela dans son inconscient, à défaut d'être imprimé dans sa mémoire. En creux. Une bosse à l'envers. La bosse célinienne. Espérons. En tout cas, pas un jour sans elle. Pas un voyage sans elle, même si prendre soin d'un enfant en voyage est parfois très compliqué. Mais le bel enfant n'a pas failli.
Mon projet initial était un séjour à l'hôtel d'Angleterre, puisque ce fut le premier point de chute de Céline, lors de son arrivée à Copenhague, et accessoirement le plus bel hôtel de la ville (pourquoi voyager petit, lorsque l'on peut voyager en cinémascope ? Peu importe si on n'a pas le premier kopeck, il faut rêver grand.). Hélas, le célèbre hôtel subit en ce moment une cure de jeunesse qui devrait se prolonger jusqu'en 2013.
J'ai donc jeté mon dévolu sur le Nimb
et ce choix se révéla excellent (le personnel est particulièrement accueillant ; d'ailleurs, tous les Danois que j'ai croisés ont été adorables avec nous, nous aidant au mieux dans notre quête célinienne). Au sein des Jardins de Tivoli (créés au milieu du XIXe siècle), le Nimb est un petit hôtel (14 chambres) de luxe ; notre suite nous offrit une splendide vue sur les Jardins
J'ai donc jeté mon dévolu sur le Nimb
et ce choix se révéla excellent (le personnel est particulièrement accueillant ; d'ailleurs, tous les Danois que j'ai croisés ont été adorables avec nous, nous aidant au mieux dans notre quête célinienne). Au sein des Jardins de Tivoli (créés au milieu du XIXe siècle), le Nimb est un petit hôtel (14 chambres) de luxe ; notre suite nous offrit une splendide vue sur les Jardins
et les paons qu'il abrite – paons qui se promènent parfois très naturellement dans les couloirs de l'hôtel...
Notre enfant profita de diverses attractions adaptées à son jeune âge... Et je contemplai avec inquiétude et fascination cette immense fête foraine (des dizaines et des dizaines d'attractions, charmantes ou kitsch), en songeant, je ne sais pour quelle exacte raison, au clown de Stephen King, dans Ça.
Et puis j'ai ressenti un délicieux frisson en imaginant que Hook, une fois de plus, m'avait mis le grappin dessus...
Lors de notre voyage imaginaire, celui qui précéda le voyage réel, nous ont accompagnés quelques livres essentiels sur cette période célinienne. Puisque nous leur sommes redevables à divers égards, nous les citons avec respect et amitié :
Nous n'oublions pas non plus l'excellent site Le Petit Célinien, dont le travail quasi quotidien est aussi remarquable (cf. notamment la série d'articles sur Bente Johansen-Karild) qu'essentiel.
Nous adressons également tous nos remerciements à la jolie danoise, fort blonde et fort aimable (elle nous offrit de l'eau, des fruits et appela un taxi pour notre retour à la gare de Korsør), qui nous reçut au centre de conférence de Klarskovgaard et qui s'est révélée être amie avec François Marchetti – nom connu de tous les céliniens...
Par un étrange hasard (est-ce que cela existe vraiment ?), le Danemark prit également un instant la couleur d'Andersen, puisque je travaille sur l'un de ses contes pour le théâtre... Hélas, je n'ai pas pu me rendre à Odense et, d'une certaine manière, la lecture de Renaud Camus (encore un être d'exception qu'il n'est pas de très bon ton d'apprécier en ce moment...) m'en avait un peu dissuadée.
Mais je suis allée sur sa tombe, à Copenhague (le cimetière, Assistens Kirkegaard, où il est hébergé, est l'un des plus beaux que j'aie jamais vus). Et j'ai également salué ce cher Kierkegaard.
Mais je suis allée sur sa tombe, à Copenhague (le cimetière, Assistens Kirkegaard, où il est hébergé, est l'un des plus beaux que j'aie jamais vus). Et j'ai également salué ce cher Kierkegaard.
Je vais tâcher de vous raconter, en images et en vidéos, ce petit séjour de manière très maladroite, mais sans retouches, brutalement, exactement de la manière un peu vertigineuse dont j'ai vécu ces instants. Sachez simplement, pour l'heure, que j'ai évité de justesse l'hôpital et la prison... J'ai également rencontré un quasi-sosie d'Ernest Hemingway et je l'ai embrassé sur la joue gauche. Il portait le deuil avec noblesse et je n'ai jamais pu résister à cela.
Plus tard, peut-être, un véritable texte naîtra de cette expérience danoise... Je le sens croître en moi.
Bon voyage !
Plus tard, peut-être, un véritable texte naîtra de cette expérience danoise... Je le sens croître en moi.
Bon voyage !
À suivre...
Libellés :Copenhague,exil,Louis-Ferdinand Céline
Quelques chapitres...
Les roses du Pays d'Hiver
Retrouvez une nouvelle floraison des Roses de décembre ici-même.
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- Dilettante. Pirate à seize heures, bien que n'ayant pas le pied marin. En devenir de qui j'ose être. Docteur en philosophie de la Sorbonne. Amie de James Matthew Barrie et de Cary Grant. Traducteur littéraire. Parfois dramaturge et biographe. Créature qui écrit sans cesse. Je suis ce que j'écris. Je ne serai jamais moins que ce que mes rêves osent dire.
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