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lundi 9 juillet 2012
                             





Maison de la famille Johansen, dans le quartier de Frederiksberg. 
Lucette y fut hébergée, ainsi que Bébert, après avoir été libérée de prison. Ensuite, elle s'installa dans l'appartement de Karen Marie Jensen, en compagnie de la fille des Johansen, Bente.

Un taxi nous déposa dans ce quartier assez éloigné de notre hôtel et, prise d'un vertige ou d'une certaine ivresse (l'émotion est ma came), je chutai assez violemment en sortant de la voiture, ayant malheureusement notre enfant dans les bras. J'eus la présence d'esprit,  cependant, bien que cela fût trop soudain pour être réfléchi, de le protéger lors de cette chute commune. Dieu merci, rien de grave. À peine quelques gouttes de sang – pour teinter les nervures de la mémoire. 
Nous avons évité de justesse un drame. Mais l'incident fit assez de bruit pour qu'un riverain sorte de sa maison et nous demande si nous avions besoin d'aide. 
Providence ! 
En effet, cet homme était le voisin du propriétaire de la maison sise au 19, maison que mon appareil photo convoitait. Lorsque je lui indiquai le but de notre visite dans ce quartier résidentiel, il alla sonner chez ledit voisin pour lui annoncer que "des gens venus de France" voulait voir sa maison ! Je n'avais rien demandé de tel ! L'homme, en peignoir bleu électrique, mal réveillé, nimbé de tristesse, nous fit signe de pénétrer dans sa maison ! Il ignorait tout de Céline, bien entendu. Pour lui, cette maison était simplement le sanctuaire d'une vie de bonheur qui s'était interrompue en février dernier, par la perte de sa "beautiful wife" (les Danois, dans leur immense majorité, parlent, Dieu merci, l'anglais). 
Il nous a parlé, nous en disant plus que, souvent, il ne se dit en une vie d'amitié. Privilège du passant, qui ne fait que passer, et à qui l'on peut confier tout son fardeau. 
Il avait besoin d'étancher sa tristesse. Je n'ai rien su dire. Je m'en veux. Mais, ce soir, je ne serais pas capable de mieux. Seulement poser ma main sur son épaule et un baiser sur sa joue. Langage universel. Les mots sont quelquefois à bannir. J'étais gelée dans sa peine. Mais, dans sa peine, en vérité je lisais ma propre peine et j'en avais bien conscience. 

Et c'est ainsi que nous avons visité cette magnifique maison...

Mais, étrangement, j'ai oublié en une fraction de seconde le but de notre visite dès que cet homme nous a parlé. Et je ne me souviendrai que de lui, plus tard, bien plus tard, lorsqu'il ne me restera que des bribes – filaments de ces heures dorées, qui ne sont dorées que parce qu'elles nous échappent a dit Barrie – de ce séjour.  

Cet homme, triste et bon, ressemblait à cet autre homme :



Cela m'a fait un choc. J'ai eu la sensation que tout cela avait été orchestré par une volonté, disons, divine. Ces instants étaient parfaits, comme s'ils avaient été écrits par un scénariste assez doué, qui aurait eu la malice de retourner mon âme comme un gant, de l'intérieur vers l'extérieur, pour me donner quelque chose à contempler.


***


Notre voyage danois (célinien) s'achève ici. Le temps a fait défaut et nous avons renoncé à aller voir l'hôpital qui a accueilli Céline. Grâce à cette lacune et à quelques autres oublis, j'ai l'espoir de revenir, un jour, dans ce pays. 

J'aimerais mentionner ce site admirable en guise de conclusion et, en particulier, cette page

La prison où Céline fut incarcéré.
Ne jamais oublier que, si l'on voulait la peau de Céline en France, c'était peut-être moins à cause des fameux pamphlets que des communistes, dont il avait dénoncé les agissements dans Mea Culpa...
Il est interdit, pour des raisons évidentes, de prendre des photographies. Mais j'ai bravé le danger ! Le taxi attendait, prêt à redémarrer en trombe, en cas de problèmes... Je n'en publie que deux, n'ayant pas trop le goût de tâter de la geôle... 


Lucette et Louis ont séjourné ici, Kronprinsessegade 8, pendant environ un an, dans l'appartement prêté par Else et Henning Jensen. Ce dernier était un gardien de prison peu ordinaire, exerçant sa profession à la Vestre Faengsel (littéralement "prison de l'Ouest" – nous nous y sommes également rendus et des images vont suivre...) et il sympathisa avec Céline... 

          



Le beau parc, en face, est Kongens Have, littéralement "le jardin du roi". 
Une somptueuse statue d'Andersen y est érigée. Je ne l'ai hélas pas vue...

                         
                         
                         ***
                         
                         
                         

Loulou et Lucette vécurent trois ans à Klaskovgaard – situé à 17 km de Korsør (elle-même à environ une heure de Copenhague en train), d'après mes deux chauffeurs de taxi, et à 5 / 7 km de Korsør d'après divers céliniens... 
Trois longues années. 
Interminables. 
Thorvald Mikkelsen, l'avocat danois de Céline, leur offrit l'hospitalité dans ces deux "chaumières" que nous étions venues débusquer.
En vérité, Fanehuset appartient au centre de conférence mentionné dans l'un des précédents billets danois (et les deux maisons, peu éloignées l'une de l'autre, sont situées très près de celui-ci), mais elle n'est pas (plus ?) louée, car son état ne le permet pas. La maison est extrêmement délabrée. J'ai jeté un oeil à travers les vitres crasseuses et la maison semble avoir été abandonnée depuis plusieurs années. Le temps la ronge peu à peu. Je n'ai pas osé demander pourquoi elle n'était pas restaurée. J'avoue que je la louerais avec plaisir, l'été, si elle était remise en état. L'hiver, il me semble que cela doit s'avérer redoutable de vivre dans cette petite maison perchée sur une falaise. D'ailleurs, Louis et Lucette ne l'habitaient que l'été. Mais, l'été, il me semble que le bois qui l'entoure est infesté de bestioles prêtes à vous faire la peau ; des myriades d'insectes prompts à vous dévorer y pullulent. J'en frisonne rétrospectivement. 
Quant à Skovly, la maison d'hiver des Destouches, plus grande et plus cossue que Fanehuset, elle appartient à des particuliers qui, selon toute évidence, l'habitent et l'entretiennent soigneusement. Un discret panneau "privé" et une boîte aux lettres indiquent cela de façon on ne peut plus claire. Je me suis pourtant aventurée assez près, au point de caresser les murs extérieurs de cette maison. J'ai besoin de ce contact avec les lieux où ont vécu les morts. (Suis-je fétichiste ?) J'espère que les propriétaires de ce lieu magique ne m'en voudront pas. Savent-ils que l'ombre d'un génial écrivain y demeure attachée ?


                        Voir également ce lien.
Voici l'appartement de Karen Marie Jensen, la "duchesse" (Elizabeth Craig était l'"Impératrice") où vécurent Louis et Lucette avant qu'ils ne fussent arrêtés.
Karen Marie Jensen était une très belle danseuse (on sait la passion de Céline pour les danseuses), qui eut une fin pitoyable, hélas...
Louis et Karen ne se revirent pas après l'épisode danois. Quelque chose était brisé entre eux.

            






Depuis des années, nous avions chevillé au coeur le rêve de mettre nos pas dans ceux de Louis-Ferdinand Céline, de son épouse Lucette et du chat Bébert, lors de leur exil... S'il n'avait pas fui, Céline aurait été assassiné – car il s'agit bien de cela... 
Merci aux Danois d'avoir sauvé sa peau et de lui avoir permis d'écrire encore quelques beaux livres. 
On a  reproché bien des choses à Céline, cela ne cessera jamais, j'en suis consciente. Il suffit de mesurer les prudences avec lesquelles s'avouent les passions céliniennes. Oublions ce fat et imbécile (les deux mots ne sont pas synonymes et, de toute façon un seul adjectif  ne serait pas suffisant pour contenir toute sa bêtise) garçon coiffeur, Luchini, qui n'épate que les plus sots que lui, crache sur le verbe célinien et salit tout ce qu'il touche (Nietzsche aussi). Il n'a jamais rien compris. Tout ce qu'il chie verbalement lui passe à des miles au-dessus du cerveau. Et pourtant je l'ai aimé, autrefois, avant qu'il ne dise que Céline était un « salaud » à la fin d'un spectacle. Hormis Christophe Malavoy, parmi de rares autres, je n'ai jamais entendu quelqu'un dire son amour et son admiration pour Céline sans user de précautions, afin que l'on ne le qualifie pas d'antisémite – par exemple, ce n'est qu'un exemple. Céline fait peur. Il me suffit de prononcer son nom au cours d'une conversation, y compris la plus amicale des conversations, pour qu'un silence gêné naisse instantanément. C'est miraculeux ! Le soupçon naît dans le coeur de votre interlocuteur. Cela m'amuse, je le confesse. Jadis, cela me blessait. Je n'ai, cependant, jamais eu peur de dire que j'aime Céline. Cela m'a nui, je le sais. Universitairement parlant.  Mais j'en ai rajouté une couche, plusieurs couches. Aucun courage à cela. Je n'ai jamais eu envie de faire partie de cette clique. J'aime Céline, jusqu'à la moelle. J'aime tout. Je ne trie pas. La merde et l'or. Je suis comme cela. Qui m'aime me suive. Et je ne m'en excuse pas, ni me justifie. Il n'y a rien à expliquer ni à pardonner, simplement à comprendre – si on a assez de cervelle et de coeur, et c'est bien rare d'avoir les deux en même temps – le génie d'un écrivain, son passé, son pacifisme, son humanisme et son profond désespoir. Et sa bonté. Oui, sa bonté. J'aime autant l'homme que l'écrivain, y compris dans ses injustices (il avait parfois la reconnaissance vengeresse, je ne le nie pas, mais ce côté sale gosse m'a toujours séduite). Je l'ai élu à 16 ans et rien, jamais, ne me détournera de lui. Il y Céline, Rabelais, Shakespeare et Proust, le reste est très loin derrière. À des années lumière. Vous voyez, il suffit de peu dans la vie pour être immensément riche, riche de cette liberté qui rend vraiment fort. 
Nous avons séjourné il y a quelques années à Baden Baden, à l'hôtel Brenner, et nous irons un jour prochain à Sigmaringen. Passages obligés pour tout célinien. Il faut voir tout cela avant de crever. Extase. Et relire Céline à l'aune des lieux enfin vécus. Je sais que je vais goûter certains de ses livres différemment, à présent. Promesse.
L'an dernier, pour l'anniversaire de sa mort, nous nous étions rendus, une fois de plus, sur sa tombe, à Meudon (la seule raison d'être de mes Roses de décembre I, c'est de conserver des traces de beaux moments, ou de moments plus douloureux, de manière un peu organisée). Cette année, nous sommes donc allés au Danemark pendant une petite semaine. Uniquement pour lui. Par amour. En pèlerinage. Le pèlerinage littéraire est aussi intense que le pèlerinage religieux ; c'est la même chose, disons-le. Ne suis-je pas venue à Dieu, moi l'athée, par la littérature (Barrie) ?
Un homme aux yeux clairs et au coeur d'or – bien meilleur connaisseur de l'oeuvre célinienne que moi –, un bel enfant et Holly Golightly, Holly Guimauve, tous les trois, ils sont donc partis un beau matin, Copenhague et Korsør en tête. Ce n'est pas rien. Il paraît que les voyages forment la jeunesse, espérons donc que notre enfant de 19 mois gardera trace de tout cela dans son inconscient, à défaut d'être imprimé dans sa mémoire. En creux. Une bosse à l'envers. La bosse célinienne. Espérons. En tout cas, pas un jour sans elle. Pas un voyage sans elle, même si prendre soin d'un enfant en voyage est parfois très compliqué. Mais le bel enfant n'a pas failli.
Mon projet initial était un séjour à l'hôtel d'Angleterre, puisque ce fut le premier point de chute de Céline, lors de son arrivée à Copenhague, et accessoirement le plus bel hôtel de la ville (pourquoi voyager petit, lorsque l'on peut voyager en cinémascope ? Peu importe si on n'a pas le premier kopeck, il faut rêver grand.). Hélas, le célèbre hôtel subit en ce moment une cure de jeunesse qui devrait se prolonger jusqu'en 2013. 
            
J'ai donc jeté mon dévolu sur le Nimb 

et ce choix se révéla excellent (le personnel est particulièrement accueillant ; d'ailleurs, tous les Danois que j'ai croisés ont été adorables avec nous, nous aidant au mieux dans notre quête célinienne). Au sein des Jardins de Tivoli (créés au milieu du XIXe siècle), le Nimb est un petit hôtel (14 chambres) de luxe ; notre suite nous offrit une splendide vue sur les Jardins 
et les paons qu'il abrite – paons qui se promènent parfois très naturellement dans les couloirs de l'hôtel... 


Notre enfant profita de diverses attractions adaptées à son jeune âge... Et je contemplai avec  inquiétude et fascination cette immense fête foraine (des dizaines et des dizaines d'attractions, charmantes ou kitsch), en songeant, je ne sais pour quelle exacte raison, au clown de Stephen King, dans Ça.

Et puis j'ai ressenti un délicieux frisson en imaginant que Hook, une fois de plus, m'avait mis le grappin dessus...


Lors de notre voyage imaginaire, celui qui précéda le voyage réel, nous ont accompagnés quelques livres essentiels sur cette période célinienne. Puisque nous leur sommes redevables à divers égards, nous les citons avec respect et amitié :





Nous n'oublions pas non plus l'excellent site Le Petit Célinien, dont le travail quasi quotidien est aussi remarquable (cf. notamment la série d'articles sur Bente Johansen-Karild) qu'essentiel.
Nous adressons également tous nos remerciements à la jolie danoise, fort blonde et fort aimable (elle nous offrit de l'eau, des fruits et appela un taxi pour notre retour à la gare de Korsør), qui nous reçut au centre de conférence de Klarskovgaard et qui s'est révélée être amie avec François Marchetti – nom connu de tous les céliniens...
Par un étrange hasard (est-ce que cela existe vraiment ?), le Danemark prit également un instant la couleur d'Andersen, puisque je travaille sur l'un de ses contes pour le théâtre... Hélas, je n'ai pas pu me rendre à Odense et, d'une certaine manière, la lecture de Renaud Camus (encore un être d'exception qu'il n'est pas de très bon ton d'apprécier en ce moment...) m'en avait un peu dissuadée. 

Mais je suis allée sur sa tombe, à Copenhague (le cimetière, Assistens Kirkegaard, où il est hébergé, est l'un des plus beaux que j'aie jamais vus). Et j'ai également salué ce cher Kierkegaard.
Je vais tâcher de vous raconter, en images et en vidéos, ce petit séjour de manière très maladroite, mais sans retouches, brutalement, exactement de la manière un peu vertigineuse dont j'ai vécu ces instants. Sachez simplement, pour l'heure, que j'ai évité de justesse l'hôpital et la prison... J'ai également rencontré un quasi-sosie d'Ernest Hemingway et je l'ai embrassé sur la joue gauche. Il portait le deuil avec noblesse et je n'ai jamais pu résister à cela. 
Plus tard, peut-être, un véritable texte naîtra de cette expérience danoise... Je le sens croître en moi.
Bon voyage ! 
À suivre... 

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Dilettante. Pirate à seize heures, bien que n'ayant pas le pied marin. En devenir de qui j'ose être. Docteur en philosophie de la Sorbonne. Amie de James Matthew Barrie et de Cary Grant. Traducteur littéraire. Parfois dramaturge et biographe. Créature qui écrit sans cesse. Je suis ce que j'écris. Je ne serai jamais moins que ce que mes rêves osent dire.
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