vendredi 24 octobre 2014
... et sur Amazon... Oui, AMAZON, tant décrié par les tenants de l'Unique Morale, alors que je pourrais écrire une véritable lettre d'amour à ce site de vente par correspondance... Amazon (américain, français, anglais et allemand) m'a sauvé la vie mille fois, et ce, depuis son ouverture : lorsque vous habitez une petite ville de province, vous pouvez toujours tenter de dégoter la perle rare, le livre épuisé, l'ouvrage en scots ou en vieux norrois de vos rêves... Sans parler des disques ou des films introuvables ailleurs... Je suis fort marrie de le dire, mais les libraires ne sont que trop souvent des vendeurs de soupe incultes ; je préfère donner mon argent à Amazon, même si je suis probablement l'une des meilleures clientes de ma librairie... Et ils geignent, sans répit, alors que, de toute la chaîne du livre, c'est l'auteur qui est le moins payé et le libraire qui palpe le plus...
Voici donc mon dernier livre publié chez Terre de Brume... Le prochain le sera chez un grand éditeur. Je n'ai pas oublié de venir vous raconter mon dernier voyage en Angleterre, mais je suis fort occupée depuis plusieurs mois à divers projets littéraires... Je vous garde, cher amis des Roses de décembre, chers amis de Barrie, dans mon cœur. Je regrette que l'éditeur ait ressenti le besoin d'ajouter ce bandeau. Peter Pan ne fait pas vendre. Il fait précisément fuir les lecteurs que j'essaie d'atteindre (ceux qui s'imaginent que l'auteur de Peter et Wendy doit être cantonné dans la nursery)... J'aurais, quant à moi, écrit cette accroche : "Hitchock en rêvait !" À très bientôt !
Libellés :James Matthew Barrie,Mary Rose,traduction
mercredi 15 octobre 2014
Je suis très heureuse de vous annoncer cette nouvelle...
Feel free to spread the news!!!!
N’hésitez pas à republier cette affiche !
The Little White Bird in Paris next February!
Feel free to spread the news!!!!
N’hésitez pas à republier cette affiche !
The Little White Bird in Paris next February!
{Cliquez sur l'image pour l'agrandir.}
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Ne manquez pas de visiter la page de Brian Garofolin, qui a créé l'affiche et les décors peints. C'est un grand artiste, croyez-moi !
Modification en date de mai 2015 : j'ai interdit l'exploitation de ma pièce, mais aussi de ma traduction du roman de J. M. Barrie, suite à d'irrémédiables désaccords avec le metteur en scène.
mercredi 17 septembre 2014
{Cliquez sur l'image pour l'agrandir.}
Couverture : Leo Bates
Traduction et (très longue) postface : votre servante
Parution : Octobre 2015
jeudi 11 septembre 2014
Quelques images des répétitions du Petit Oiseau blanc ou La Naissance de Peter Pan et de la sortie de résidence de Nevers (samedi dernier)... Je vous en dirai davantage dès que possible, car pour l'heure je suis très occupée avec divers travaux littéraires et avec les épreuves de Mary Rose – qui sortira en octobre... (Source des images : ici.)
vendredi 8 août 2014
L’une des analyses les plus intelligentes écrites sur Barrie, on la doit à un modeste écrivain (identité dévoilée dans ma postface à Mary Rose : livre à paraître en octobre; je suis trop silencieuse en ce moment, car l'esprit et les mains fort occupés par plusieurs publications...), qui, en quelques pages, révèle le secret de Sir James :
« L’évolution de Tommy – je veux dire de Barrie – est fascinante : timidement (mais avec quelle obstination !), il a œuvré et s’est avancé, à la force du poignet, vers son essence, jusqu’à ce qu’il parvienne enfin à occuper la place qui était réellement la sienne. Il est à la mode de dire qu’il « n’a jamais grandi ». Cette déclaration se veut un éloge, mais c’est un commentaire insipide face au processus à l’œuvre dans sa carrière. Ce qui est vraiment étonnant, dans son cas, c’est qu’il a effectivement grandi, et n’a cessé de grandir ; mais, au lieu de grandir en hauteur, il a grandi en s’enracinant. » Barrie est donc tout entier rhizome et Mary Rose la jolie fleur (empoisonnée) de son âme.
« L’évolution de Tommy – je veux dire de Barrie – est fascinante : timidement (mais avec quelle obstination !), il a œuvré et s’est avancé, à la force du poignet, vers son essence, jusqu’à ce qu’il parvienne enfin à occuper la place qui était réellement la sienne. Il est à la mode de dire qu’il « n’a jamais grandi ». Cette déclaration se veut un éloge, mais c’est un commentaire insipide face au processus à l’œuvre dans sa carrière. Ce qui est vraiment étonnant, dans son cas, c’est qu’il a effectivement grandi, et n’a cessé de grandir ; mais, au lieu de grandir en hauteur, il a grandi en s’enracinant. » Barrie est donc tout entier rhizome et Mary Rose la jolie fleur (empoisonnée) de son âme.
Céline-Albin Faivre
Libellés :James Matthew Barrie,Mary Rose,traduction
vendredi 25 juillet 2014
Dans l'attente de vous écrire, de vous dire l'Angleterre, Smallhythe, Ellen Terry, Venise, Barrie, ma prochaine traduction à paraître et mille autres choses...
Libellés :Angleterre,Barrie,Ellen Terry,Kent,voyage
... vole de plus en plus haut... Puisse J. M. Barrie lui donner toutes les grâces ! Photographies de Philippe Lhomel ; source : ici. Sortie de résidence, Théâtre Mega Pobec d'Evreux.
mercredi 14 mai 2014
{Détail d'un tableau de Brian T. Garofolin}
Pour soutenir le travail de la Compagnie le Tambour des Limbes, qui va donner naissance à l'adaptation que j'ai écrite à partir de l'oeuvre, magnifique, de J. M. Barrie, vous pouvez faire une donation ici... Pour que cette oeuvre très peu connue de Barrie soit enfin connue en France, s'il vous plaît, aidez-les ! Merci pour eux, par avance. (Je précise que je ne perçois aucun centime et ne fais que jouer les messagers !)
vendredi 2 mai 2014
Quelques photos de nos comédiens pour l'adaptation du Petit Oiseau blanc à contempler ici. Je suis très enthousiaste et c'est peu dire !!!
{Merci à Avril Dunoyer pour les portraits.}
samedi 12 avril 2014
Thibault Truffert dans le rôle de Barrie / le Capitaine W— (je n'aurais pas pu mieux choisir moi-même !)
au Théâtre 13, lors de la sortie de résidence. Pierre Boucher et Garance Silve,
dans les rôles de L'Homme et de La Femme qui attendent l'enfant qui ne viendra jamais, devant le berceau-cercueil. Photographies d'Avril Dunoyer. Source : ici.
au Théâtre 13, lors de la sortie de résidence. Pierre Boucher et Garance Silve,
dans les rôles de L'Homme et de La Femme qui attendent l'enfant qui ne viendra jamais, devant le berceau-cercueil. Photographies d'Avril Dunoyer. Source : ici.
vendredi 11 avril 2014
(Les premiers essais pour la maquette de Pilkington (admirez ses attributs : l'hameçon et la toise), réalisés par notre accessoiriste / marionnettiste, Cerise Guyon. Cf. page Facebook de la compagnie Le tambour des Limbes.)
***
Texte de présentation, lu hier, lors de la sortie de résidence au Théâtre 13 :
La paume du conte
Un jour, sans raison ni état d’âme particuliers, le reflet vous nargue
dans le grand miroir. Votre double glacé menace de prendre votre place. C’est
arrivé à de meilleurs que vous (à Sir James)… Une ride, un cheveu blanc, de la
bedaine, des varices, les commissures immobiles d’une bouche prenant son élan
pour s'écrier : « NON ! »… Vous vous surprenez dans une pose
crispée, celle de la grande personne – pressée et qui a déjà, sans le savoir,
dépassé de plusieurs coudées sa vie rêvée. Très sérieux, vous dites alors : « Je ne sais pas comment c'est arrivé, mais cette mythologie
qui avait occupé une place si importante dans mon enfance a cessé d'exister.
Tout du moins, je n'y ai plus pensé. » Vous parlez de tas de choses, de
Peter Pan et de bien d’autres contes qui furent importants pour vous, jadis, et,
cependant, s’évanouirent (pchitt !) du jour au lendemain, sans que vous
puissiez rendre compte de leur disparition. Soufflés comme une chandelle !
Pourtant, cela ne vous avait pas donné l’impression de changer l’ordre établi :
il semblait même qu’il faisait toujours clair autour de vous, les ombres ne
vous avaient encore pas emporté. Que Peter Pan soit mort ou vivant pour vous et
d’autres, cela a peu de poids ! Tout ce petit monde tourne et s’agite sans
discontinuer, n’est-ce pas ? Puis, tout à coup, quelque chose ou quelqu’un
finit tout de même par tirer votre manche (où vous ne cachez pas
d’atouts !) et vous vous souvenez…
Oui… Vous vous
souvenez vaguement de l’enfance sauvage, lorsque réel et fiction ne faisaient qu'un,
quand tout était possible. Et vous ouvrez un livre, au hasard, pour caresser la
paume d’un conte oublié. Son auteur est le fils d’un modeste tisserand et d’une
sorte d’ogresse. Il est né en 1860 et mort en 1937. Un Écossais. Petit et moustachu.
Un Puck ratatiné comme une vieille pomme reinette oubliée deux hivers de suite
dans un grenier. Un ancien enfant. Sur la couverture, en évidence, sur fond
vert (comme il se doit) un titre cachant bien son jeu : Le Petit Oiseau blanc. Roman publié en 1902, à Londres, et traduit
sur un coup de tête, pour la première fois, en français, en 2006. Que vous
l’ayez déjà lu ou non, vous devriez en connaître l’histoire, car les grands
romans sont toujours, nous dit Nabokov, de grands contes de fées (à condition
que l’on ne se méprenne pas sur le sens de l’expression « contes de
fées »). Vous pouvez ajouter ensuite que les grands contes de fées disent
tous la même chose…
Toutes les
histoires qui éveillent notre intérêt commencent par ces mots.
Il était une
fois…
Once upon a
time…
Quel que soit
notre âge, nous nous crispons un peu lorsque nous entendons cette antienne,
sûrs et certains que l’on va enfin parler de nous, que notre tour est venu.
Nous tendons l’oreille vers la voix qui réveille en nous cet ancien enfant que
nous n’avons pas fini d’oublier (un parmi d’autres exilés de notre mémoire).
Il était une
fois…
Once upon a
time…
Un homme de
quarante-deux ans, au milieu du gué, qui créa un mythe pour mieux dire ce qu’il
était, pour mentir vrai comme personne d’autre avant lui. Le mythe (celui de l’éternel
enfant ; Peter Pan, puisqu’il faut nommer ce meurtrier…) devait d’ailleurs
presque (oui, presque) effacer l’homme et les autres œuvres de l’auteur de la
mémoire collective. Le « Il était une fois » est la clef, car il
contient autant le début qu’il annonce déjà la fin de l’histoire – bien sûr, on
ne peut conter que ce qui est achevé.
Fini. Mort. Perdu.
« L’espoir est
une mémoire qui désire, le souvenir une mémoire qui a joui » dit Balzac.
Barrie, lui, messager des Entre-deux, écrit dans l’interstice qui sépare ces
deux continents, celui du Jamais et du Jamais-Plus, et il suture ces deux
espaces que nous traversons, bon gré mal gré. Et Peter joue les cerbères aux
portes du Jamais. Et Barrie est l’Enchanteur, mais un Enchanteur peut-être trop enchanté par sa
créature. À la fin, en tout cas…
Précisément… Barrie
diffuse un enchantement qui lui est propre, une inimitable magie. Il y a
également quelque chose d'empoisonné dans son œuvre, de dangereux pour le
lecteur ou le spectateur. Barrie est un peintre et joue en virtuose sur toute
la gamme des émotions, passant du morbide au féerique en une seule phrase. Mais,
en dépit des apparences, c’est un réaliste avant tout, comme il ne cessera de
le répéter – sans compter qu’il est un extraordinaire explorateur de sa psyché.
Le Petit Oiseau blanc est une œuvre
si mystérieuse que même son auteur n’en connaissait probablement pas tous les
secrets, mais il les exhibait – presque malgré lui. Le narrateur, le Capitaine
W–, célibataire entre deux âges, prisonnier d’une impossibilité (celle d’être
un homme entier, de tuer l’enfant en lui), joue les anges gardiens et
peut-être, dans quelque recoin de son esprit, les croque-mitaines et les
Pilkington (dont le Capitaine Hook est un avatar). Fantaisie ! Visions
douces ou amères. Il s’y perd, Barrie. Il s’enivre du jeu d’être un autre. Et
cela lui coûte son mariage. Et il tisse avec ce roman le filet qui ramène à lui
cinq délicieux orphelins, les petits Llewelyn Davies, dont il devint le très
dévoué tuteur. Et, comme dans la plupart de ses écrits, il y a là un secret
qu'il faut trouver… C’est à vous de jouer ! Roger
Lancelyn Green, un de ses biographes exprime cela parfaitement : « On
dit que chacun de nous porte un roman en soi. Barrie écrivit en pleine
conscience le sien (…). En écrivant, l’œil collé sur les enfants Davies, Barrie
a puisé en lui, inconsciemment, dans les replis les plus intimes de son âme,
avec plus de vérité et de spontanéité qu’il n’en avait l’intention. En agissant
de la sorte, il fut pris à son propre jeu, car tel est le génie : le
reflet de quelque chose de plus profond et de plus universel que l’esprit n’en
a conscience. » Tout livre s’ouvre comme une fenêtre ou… une cage :
il est porteur d’un secret qui ne se livre pas au premier venu – mal venu. Le
livre, comme la cage, est fait pour se refermer. Sur nous !
Ce qui demeure en nous, le livre refermé, ce n’est pas ce qu’il nous a
donné, mais bel et bien ce qu’il nous a dérobé, sans que l’on s’en aperçoive.
Et ce souvenir, cette impression, ce sentiment, cette marque qui subsistent en
nous des mois et des années après sont la rencontre véritable avec son auteur,
le contact établi entre l’âme du lecteur et celle de l’auteur. Ce qui a fait ricochet en nous, l’onde de
choc, c’est cela qui dit, mieux que la plus détaillée et précise des biographies,
ce que fut l’homme et ce que nous pouvons apprendre de certain sur lui. À cet
égard, Le Petit Oiseau blanc est un
roman parfait. Bien qu’étrange dans sa composition – un patchwork, des histoires
enchâssées, dont une seule parle de Peter Pan, il faut le redire –, il fait preuve
d’une cohérence souterraine plus grande qu’on ne le croit d’abord. Sa
complexité ne se découvre réellement qu’après de nombreuses lectures. Ce roman
est une sorte d’autoportrait de Barrie et un miroir pour le lecteur capable de
s’aventurer assez loin. Mais pour cela il faut avant tout se défaire du piège
d’une apparente simplicité. Et jetez au feu ou aux orties Peter Pan, car il
n’est presque pas question de lui, même s’il a, tout de même, avouons-le, sa
petite importance… Toutefois, ce n’est,
certes pas, le Peter Pan que vous connaissez, mais un de ses frères d’âme plus
ancien…
Les lecteurs, qui rencontrent pour la première fois Barrie au détour
d’un texte, sont en général très surpris, mais rétrospectivement, avec un
certain retard sur l’émotion induite. Le sang coule de la blessure, mais bien
après le coup porté. L’offrande d'un sentiment pur et clair masque le prix que
le lecteur devra payer, in fine. On ne peut comprendre et aimer pleinement
Barrie que si l'on accepte d'être « faible » à l'égard de ses propres émotions
et, bien sûr, cette faiblesse n'en est pas une, mais elle requiert un courage
que tous les lecteurs ne se savent pas posséder. Perdre la maîtrise de ses
émotions, pour les ressentir vraiment, telle est l’exigence barrienne. Être audacieux
et fou comme un enfant, en somme ! Le
Petit Oiseau blanc est cette expérience, le retour à un Ailleurs oublié.
Seuls les artistes – en particulier, les écrivains et les comédiens – ne
quittent jamais l’enfance. Seuls, ils ont en commun avec les enfants l’art du
« Faire-Semblant », le « Make-Believe ». Tôt ou tard, pour
la plupart, nous nous égarons ; et, au cœur du bois du Faire-Semblant,
nous trouvons, hélas, non pas le loup, mais l’arbre de la connaissance et tout
est fini. Le monstre, c’est nous. Le loup, c’est nous. Le Faire-Semblant est le
jeu suprême, celui qui nous permet de vivre autant de vies qu’il est de fruits
à l’arbre de la connaissance – mais tant que l’on n’en goûte aucun. Parfois,
nous revenons sur nos pas dans ce bois, de la manière dont on prend, à un
carrefour, sans y penser, un chemin jadis familier ; mais il ne mène plus
au Repaire du Jadis. Le bois disparaît lorsque l’on devient savant, dès
l'instant où on le cherche. Il demeure tant que l’on croit dur comme fer, tant
que l’on ne s’étonne pas de sa présence. Voilà l’une des vérités que nous
révèle le très écossais James Matthew Barrie dans Le Petit Oiseau blanc. Ce bois est celui de la conscience aux yeux
mi-clos et de la mémoire, bien entendu. Dans ce bois, court à perdre haleine
l’enfance. Tout ce que nous plantons et dissimulons dans ce bois dit ce que
nous serons plus tard. Barrie, lui, y apprit très vite que la seule femme qui
compte réellement, c’est la mort, que l’on tète au sein de la mère, en même temps
que les histoires et le mensonge. Il fut donc conscient dès les premières
années de la vie, avant l’arrivée de la Fée Puberté, que tout est mythique. Le
mythe est la trace du Bois désormais perdu. Le livre est le jardin de la
mémoire. Les Jardins de Kensington, cadre féerique de ces histoires, sont
peut-être, à cet égard, une métaphore du Jardin d’Éden.
Ce que Pierre Gripari écrivait au sujet de Dickens, on pourrait le proclamer
de Barrie : « Il y a, pour un romancier, deux façons d’être vrai. La
première, la moins intéressante, c’est de faire du reportage, du réalisme, du
documentaire. La seconde, c’est d’être vrai en tant que créateur, d’être poreux
et perméable, de ne pas tricher avec ce qui vient des profondeurs. (…) Ses
personnages, il ne les décrit pas, il les enfante, il les modèle, il les
sculpte. Leurs mouvements, leurs actes ne sont pas constatés de l’extérieur,
mais projetés du dedans. La voix dont ils nous parlent ne vient pas du dehors,
elle surgit du fond de nous-mêmes. (…) C’est un initiateur, un guide, qui nous
prend par la main et nous fait découvrir avec lui ce pays inconnu, incongru,
ridicule, dramatique, terrifiant : notre âme. »
Comme Peter Ibbetson, nous vivons tous deux vies : une vie réelle et
une vie chimérique ; celle que, bien trop sûrs de nous, nous nommons réelle ne
l'est pas tant que cela. Elle s’expose effrontément à soi et aux autres, mais
elle ne dit pas grand-chose sur nous – pas l’essentiel en tout cas, car il est
inavouable. La vie réelle, c'est celle de l'âme et cette vie-là est
invisible : elle ne se traduit que par des serments muets et des
frôlements, par des effrois et des promesses rarement tenues. Elle parle notre
langue maternelle, qui est incommunicable, singulière jusqu’à être tragique.
Pouvoir contempler un instant le visage de l’âme est chose impossible et, néanmoins,
c’est que Barrie nous permet de faire très souvent dans Le Petit Oiseau blanc, au moyen d’un conte, d’une histoire d’amour
et d’un bouquet de regrets.
Tout le monde connaît Barrie, de même que tout le monde connaît le
petit enfant caché en soi. Oui, vous le connaissez, cet enfant aux dents de
lait qui ne fait pas plus de bruit qu’une petite souris et qui ressemble
étrangement à Peter Pan, l’Enfant du Jadis, l’enfant que nous avons assassiné
pour devenir ces messieurs et ces dames, ces tout à fait ratés, ces reflets
glacés.
Il y a des monstres et il y a des proies, comme il y a des enfants éternels
et des êtres qui font, de temps en temps, l’enfant, mais ne l’ont jamais été,
puisque l’enfance pour eux ne fut jamais un état durable et solide, tout juste une
simple étape subie avec impatience, un flottement agaçant, dans une
métamorphose dont ils savaient d’emblée la finalité. Il est des êtres qui sont
engagés dans un processus de détérioration consenti et qui, jamais, ne peuvent
croiser le fer avec l’enfant qu’ils furent. De telles choses ne se décident
pas. On naît enfant ou homme, sans rien avoir à redire, ou si peu. La liberté dans
l’entre-deux est la parure que l’on offre au destin : élégance ou fureur.
Il faut peut-être aller à l’écriture comme à la guerre. Les enfants font, eux aussi, toutes les guerres, semble nous dire
Barrie, dans un soupir. Il faut vivre comme on prépare un assassinat :
le sien. Ou, plus exactement, il faut tuer un possible, le premier, cette autre
version de soi que l’on n’a pas choisie, dans l’enfance, et la dissimuler, au
pied de l’arbre de la connaissance. Ce double assassiné reviendra nous hanter. L'auteur
du conte est ce double inconnu et pressenti ; ce double, Barrie le nommait
M’Connachie et, parfois, je le crois, le Capitaine W—, dont il est question
ici.
Dans ce livre, qui n’est ni une biographie, ni un roman, ni un conte,
mais qui est « simplement » littérature, donc mythe originel, Barrie nous livre
son secret, qui est tout autant sa façon de vivre que sa manière d’écrire. Car
l’un n’est que le reflet de l’autre. Ce roman réaliste, tendre et cruel, est le
livre qu’un fils a écrit en pensant à sa mère qui l’a à la fois trop aimé et
pas assez aimé ; c’est le livre écrit par un homme qui ne put renoncer à être
garçon pour devenir pleinement homme ; c’est le livre qui donne à voir la
naissance et la mort de l’enfance, le combat des ombres et de la lumière... Le Petit Oiseau blanc est une biographie
fictive de l’homme Barrie, une biographie que le lecteur peut porter comme une broche
épinglée à son cœur, bijou que l'on ouvrirait à l'envi pour y trouver à chaque
fois quelque chose de nouveau pour l'esprit et d'intrigant pour la mémoire,
avec cette révélation secrète à l’intérieur : on ne peut que déchoir du bonheur, comme de l'enfance… et cette vérité
est le battement secret du conte, de tout conte…
C’est pourquoi Le Petit Oiseau
blanc ne parle que de nous ! Et des enfants rêvés et assassinés. Les
Enfants du Jadis, ceux que nous fûmes et que nous avons reniés et (presque) oubliés !
Céline-Albin
Faivre
***
Tous mes remerciements à Rémi Prin et aux comédiens, ainsi qu'à toute l'équipe technique pour ce beau moment.
mercredi 26 mars 2014
Tout cela commence à devenir réel... Rendez-vous ici.
jeudi 20 mars 2014
Fragment (mis à la poubelle) d'un texte écrit pour la présentation de l'adaptation du Petit Oiseau blanc au Théâtre 13, à Paris, le 10 avril, à 15h.
Cher Jamie… Mon cher James…
Pardonnez-moi de vous réveiller… (Un temps.) Pardonnez-nous de venir fouiller cette Morgue, ces Limbes, ces blancs du texte… Là où vous avez rangé tous vos remords et nos regrets, tous les glorieux personnages que nous aurions pu être si… Tous les personnages auxquels vous n’avez pas trouvé de rôles, sans pouvoir vous résigner à les supprimer… Toutes ces peaux qui auraient pu être la vôtre… Ces Ombres adorées qui se détachaient de vous, sans cesse… et tombaient en gerbe comme des larmes…
Voilà près de dix ans que je vous ai rencontré à la faveur d’un délicieux hasard. Mais il n’est pas de hasard pour celui qui écrit de solides histoires, n’est-ce pas ? Je ne sais lequel de nous deux a rêvé de l’autre le plus fort, mais nous nous sommes finalement rencontrés, jouant tous les deux les funambules sur la ligne du temps – celle qui transperce les âmes des vivants et des morts ! Je suis née trente-sept ans après votre mort, mais j’ose croire que j’ai simplement chu de l’un de vos rêves. Je suis une modeste rognure de songe, tout juste utile à donner, ici et là, un peu d’écho français à votre écossaise voix. (Soupir.) Ailleurs, vous dites qu’il n’est JAMAIS de seconde chance dans l’existence. Pourtant, vous m’en avez offert une et il me semble que vous n’avez cessé de donner des secondes chances, saisies ou non au vol, à vos personnages, rétablissant ainsi, dans la fiction, les droits et les devoirs d’une justice terrestre un peu défaillante… Comme si les Limbes de la fiction étaient la patrie de tous les exilés de l’Enfance, de tous les blessés de la Mère ! Comme si chaque homme ou femme qui pleure nourrissait de ses larmes le glorieux enfant du Jadis. Vous ne tirez de nous que de nobles larmes. Dois-je le préciser ? (Un temps.) À cela, on reconnaît l’écrivain de génie : lorsqu’il se prend un peu pour une petite main de Dieu. Vous avez appris à ceux qui vous aiment assez pour le comprendre que les enfants sont les porteurs de songes de l’humanité et que, réels ou rêvés, la royauté est à eux – sans partage ! Ils éclairent notre légende d’êtres faits ; et l’homme, à la fin, tient plus aux mythes qu’au pain. Il revient chercher, en arrière, l’enfant qu’il a laissé sur le bord des vertes années, sur la frange qui sépare le Jamais Plus du Jamais. L’enfant qu’il fut, l’enfant dont il rêva et qu’il n’eut pas – c’est-à-dire tous les possibles manqués, faute de seconde chance. La porte qui mène au Jardin est fermé à double tour, les barreaux sont mis à la fenêtre. Mais il nous reste des histoires… À foison !
Peter Pan ne retrouvera jamais sa mère et nous pouvons, de notre côté, dire adieu à nos secrets espoirs, à la gloire d’être aimé sans condition… Vous dites votre secret et nous jouons en tremblant Le Petit Oiseau blanc, tout en feignant de croire qu’il ne s’agit, au fond, que de Peter Pan… alors que tout ne parle que de vous… (Rageuse.) Et donc de NOUS !
J’ai fait un rêve l’autre jour : il y avait là, devant moi, une brochette de petits orphelins fort mignons, très propres, la langue pendante comme des chiots quémandant le jeu, qui attendaient en file indienne, donnant presque l’impression de communiants prêts à recevoir l’hostie. Tout à coup, comme si ces Enfants Perdus répondaient à un signal d’eux seuls entendu, ils se mirent en grappe autour d’un petit homme qui venait d’arriver (il vous ressemblait trop pour n’être pas vous ou l’une de vos ombres) et tous ensemble ils le frôlèrent, d’abord des yeux, puis de la main, avec de plus en plus d’insistance, comme s’ils le suppliaient du bout de l’âme, chacun en silence, en imitant les gestes de son plus proche voisin, et cachant cette muette prière personnelle dans la reproduction du geste commun. Ils avaient tous faim de cet homme. Une faim de loup cachée dans leur allure mignonne de petits agneaux. Vous ne sembliez pas effrayé ni même gêné par ces petits cannibales. Vous donniez plutôt l’impression de faire votre choix, de prendre tout votre temps, pour ne pas vous tromper, dans un souci d’équité. Les écrivains sont des êtres compliqués. Comme les mères, ils ont une bombe dans le ventre et toujours, à la fin, les mains tachées de sang et d’encre. Finalement, vous avez pris la main de l’un des enfants, un petit garçon qui avait de la terre sous les ongles parce qu’il venait d’enterrer quelqu’un, et êtes reparti avec lui, en baissant les yeux. La joie coupable, probablement. Les autres, d’avance résignés, vous ont laissé passer sans un mot ni un mouvement de protestation. Ils ont l’habitude. Ils savent que vous finissez toujours par choisir Peter Pan. Mais je ne m’y trompe pas : en le choisissant, c’est nous que vous choisissez à chaque fois…
Veuillez croire, mon cher James…
Cher Jamie… Mon cher James…
Pardonnez-moi de vous réveiller… (Un temps.) Pardonnez-nous de venir fouiller cette Morgue, ces Limbes, ces blancs du texte… Là où vous avez rangé tous vos remords et nos regrets, tous les glorieux personnages que nous aurions pu être si… Tous les personnages auxquels vous n’avez pas trouvé de rôles, sans pouvoir vous résigner à les supprimer… Toutes ces peaux qui auraient pu être la vôtre… Ces Ombres adorées qui se détachaient de vous, sans cesse… et tombaient en gerbe comme des larmes…
Voilà près de dix ans que je vous ai rencontré à la faveur d’un délicieux hasard. Mais il n’est pas de hasard pour celui qui écrit de solides histoires, n’est-ce pas ? Je ne sais lequel de nous deux a rêvé de l’autre le plus fort, mais nous nous sommes finalement rencontrés, jouant tous les deux les funambules sur la ligne du temps – celle qui transperce les âmes des vivants et des morts ! Je suis née trente-sept ans après votre mort, mais j’ose croire que j’ai simplement chu de l’un de vos rêves. Je suis une modeste rognure de songe, tout juste utile à donner, ici et là, un peu d’écho français à votre écossaise voix. (Soupir.) Ailleurs, vous dites qu’il n’est JAMAIS de seconde chance dans l’existence. Pourtant, vous m’en avez offert une et il me semble que vous n’avez cessé de donner des secondes chances, saisies ou non au vol, à vos personnages, rétablissant ainsi, dans la fiction, les droits et les devoirs d’une justice terrestre un peu défaillante… Comme si les Limbes de la fiction étaient la patrie de tous les exilés de l’Enfance, de tous les blessés de la Mère ! Comme si chaque homme ou femme qui pleure nourrissait de ses larmes le glorieux enfant du Jadis. Vous ne tirez de nous que de nobles larmes. Dois-je le préciser ? (Un temps.) À cela, on reconnaît l’écrivain de génie : lorsqu’il se prend un peu pour une petite main de Dieu. Vous avez appris à ceux qui vous aiment assez pour le comprendre que les enfants sont les porteurs de songes de l’humanité et que, réels ou rêvés, la royauté est à eux – sans partage ! Ils éclairent notre légende d’êtres faits ; et l’homme, à la fin, tient plus aux mythes qu’au pain. Il revient chercher, en arrière, l’enfant qu’il a laissé sur le bord des vertes années, sur la frange qui sépare le Jamais Plus du Jamais. L’enfant qu’il fut, l’enfant dont il rêva et qu’il n’eut pas – c’est-à-dire tous les possibles manqués, faute de seconde chance. La porte qui mène au Jardin est fermé à double tour, les barreaux sont mis à la fenêtre. Mais il nous reste des histoires… À foison !
Peter Pan ne retrouvera jamais sa mère et nous pouvons, de notre côté, dire adieu à nos secrets espoirs, à la gloire d’être aimé sans condition… Vous dites votre secret et nous jouons en tremblant Le Petit Oiseau blanc, tout en feignant de croire qu’il ne s’agit, au fond, que de Peter Pan… alors que tout ne parle que de vous… (Rageuse.) Et donc de NOUS !
J’ai fait un rêve l’autre jour : il y avait là, devant moi, une brochette de petits orphelins fort mignons, très propres, la langue pendante comme des chiots quémandant le jeu, qui attendaient en file indienne, donnant presque l’impression de communiants prêts à recevoir l’hostie. Tout à coup, comme si ces Enfants Perdus répondaient à un signal d’eux seuls entendu, ils se mirent en grappe autour d’un petit homme qui venait d’arriver (il vous ressemblait trop pour n’être pas vous ou l’une de vos ombres) et tous ensemble ils le frôlèrent, d’abord des yeux, puis de la main, avec de plus en plus d’insistance, comme s’ils le suppliaient du bout de l’âme, chacun en silence, en imitant les gestes de son plus proche voisin, et cachant cette muette prière personnelle dans la reproduction du geste commun. Ils avaient tous faim de cet homme. Une faim de loup cachée dans leur allure mignonne de petits agneaux. Vous ne sembliez pas effrayé ni même gêné par ces petits cannibales. Vous donniez plutôt l’impression de faire votre choix, de prendre tout votre temps, pour ne pas vous tromper, dans un souci d’équité. Les écrivains sont des êtres compliqués. Comme les mères, ils ont une bombe dans le ventre et toujours, à la fin, les mains tachées de sang et d’encre. Finalement, vous avez pris la main de l’un des enfants, un petit garçon qui avait de la terre sous les ongles parce qu’il venait d’enterrer quelqu’un, et êtes reparti avec lui, en baissant les yeux. La joie coupable, probablement. Les autres, d’avance résignés, vous ont laissé passer sans un mot ni un mouvement de protestation. Ils ont l’habitude. Ils savent que vous finissez toujours par choisir Peter Pan. Mais je ne m’y trompe pas : en le choisissant, c’est nous que vous choisissez à chaque fois…
Veuillez croire, mon cher James…
lundi 27 janvier 2014
Chers amis barriens,
Je ne suis guère présente, mais je hante toujours un peu mes pages et sites... Je me suis lancée dans divers projets littéraires, qui demandent endurance et souffle afin de prendre leur envol et je dois donc être économe de mon temps.
Ce week-end, les auditions ont eu lieu ; et les comédiens qui feront vivre les personnages de mon adaptation du Petit Oiseau blanc ont été choisis (élus). Les choses se précisent, deviennent vivantes, m'échappent un peu, et c'est très bien ainsi. Rémi Prin et toute l'équipe ont fait un travail exceptionnel depuis le départ et je suis certaine qu'il en ira de même jusqu'au bout.
Je suis les choses un peu en retrait (je dois répondre à d'autres impératifs), assise sur l'autre rive, le cœur battant, mais je vais bientôt les rejoindre pour une résidence dans un théâtre parisien, avant une présentation / lecture (avec public) de la "maquette" du spectacle au Théâtre de Verre. Nous vous en dirons plus, lorsqu'il sera temps.
Rémi Prin s'est vraiment démené et je lui suis reconnaissante de n'avoir jamais manifesté la moindre mauvaise humeur pendant le temps qu'a duré ce labeur ingrat (démarcher les théâtres, chercher des subventions...).
Rémi Prin s'est vraiment démené et je lui suis reconnaissante de n'avoir jamais manifesté la moindre mauvaise humeur pendant le temps qu'a duré ce labeur ingrat (démarcher les théâtres, chercher des subventions...).
En attendant de vous en dire plus, je vous livre deux vidéos réalisées par notre metteur en scène, Rémi Prin... Vous pouvez consulter la page Facebook de la Compagnie du Tambour des Limbes, ainsi que son site internet. Ne manquez pas non plus d'admirer le site et la page Facebook de mon ami Brian T. Garofolin, qui est l'auteur de toiles peintes pour les décors de la pièce, ainsi que de l'affiche. Je me félicite de l'avoir présenté à Rémi, car Brian est un grand artiste et je suis certaine que vous entendrez parler de lui... Et les autres membres de l'équipe ne sont pas en reste : Rémi a choisi des personnes plus talentueuses les unes que les autres ! D'ailleurs, je vous enjoins à visiter le site de notre scénographe, Benjamin Gabrié, dont le travail m'a littéralement envoûtée !
À très bientôt, pour de nouvelles surprises....
Céline / Holly
(Rémi devrait modifier sous peu cette vidéo, qui comporte notamment une erreur quant à la citation d'E. A. Poe...)
***
Ajout du 3 février 2014 :
Je relaie cette information publiée sur la page Facebook de La Compagnie le Tambour des Limbes : “Alors que la distribution pour Le Petit Oiseau blanc ou la Naissance de Peter Pan se dessine tranquillement, nous sommes heureux de vous annoncer que la Compagnie le Tambour des Limbes sera en résidence au Théâtre 13 du 7 au 11 avril 2014.
Une “sortie de résidence” publique sera donnée le 11 avril à 15 h.
L’occasion pour vous d’assister à une première étape de notre travail autour du spectacle, en attendant la présentation maquette au Théâtre de Verre les 19 et 20 juin.”
Je participerai, bien évidemment, à ces deux événements.
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