jeudi 2 novembre 2006
"La vie n'imite pas l'art. Elle imite seulement la télévision de bas étage."
Woody Allen, Maris et femmes.
Hier, il y a un an, jour pour jour, je laissais ici deux lignes sur Match point. Hier encore, je suis allée voir Scoop à la première séance de l'après-midi. Vous en conclurez, peut-être, soit que je suis fidèle à mes goûts soit que je suis casanière et sans surprises (les deux sont véridiques). Mais Woody Allen participe de ce plaisir que l'on prend à suivre de saines habitudes. Une année sans un film de Woody Allen serait une année un peu foutue, même si le névrosé juif à lunettes ne réalise pas toujours des chefs-d'oeuvre. Là n'est pas le problème, car les oeuvres de Woody Allen valent également par le vis-à-vis qu'elles provoquent les unes par rapport aux autres. Le cinéma allenien s'inscrit dans l'autoréférentiel.
Plus on connaît Woody Allen, plus on l'aime, plus on l'aime, plus on le connaît, à l'infini... Il se pastiche lui-même, pour notre plus grand bonheur, sans omettre de brosser quelques portraits acides dans lesquels on se reconnaîtra sans peine.
Parler d'un film de Woody Allen est un exercice très délicat, lorsque le film est aussi limpide. Il n'y a rien à en dire, sinon c'est que c'est un délassement de première classe. Allen se réclame ici sûrement de cette série de films qu'il apprécie beaucoup, tout en reconnaissant la légèreté de ces derniers, The Thin man.
La superficialité n'est pas toujours un crime. Ici, c'est même une gâterie autorisée par le ministère des gens sérieux.
Allez voir ce film et foutez-moi la paix, lecteur (je mets au singulier, non par excès de modestie, mais parce que j'ai toujours l'impression de soliloquer) !
Si vous continuez la lecture de ce billet, vous risquez de vous sucrer le plaisir que vous pourriez prendre à voir ce film au lieu de me lire...
Serez-vous avancés si je vous dis que ce film est le joyeux cliché britannique de l'enquête cosy, à la Agatha Christie ? Un long-métrage qui suit les traces de Meurtre mystérieux à Manhattan,
avec un peu moins de palpitant ? Il y a du Peter Sellers et du Miss Marple chez notre prodige magicien, qui mène l'enquête et auquel donne vie le décoiffé Woody Allen.
Oui, Allen se prend pour Houdin (digression : ne pas manquer cette compilation de textes
chez Omnibus !) ou Harry Houdini et, chose étonnante, il ne rate aucun tour.
C'est décevant ! Mais il fait apparaître un fantôme dans une de ses boîtes... Et tout commence !
Il nous invite à une sorte de murder party, chez les rupins, en compagnie d'une apprentie journaliste en quête d'un scoop qui ferait démarrer sa carrière et qui lui a été transmis... d'outre-tombe par un célèbre journaliste, soudain décédé et qui ne supporte pas d'être mort sans avoir fait feu de cette dernière bûche ! Ce dernier s'esquive, de temps en temps, du bateau de croisière (sur l'Achéron) qui l'amène vers sa destination finale, et vient renseigner nos deux héros. La mort et sa faucille nous rappellent Love and Death mais aussi certaines scènes du Sens de la vie des Monty Python. Ces scènes sont succulentes, mes préférées.
Un triste sire affublé par les journaleux du prometteur titre du "Tueur aux tarots", épigone de Jack l'Eventreur, officie et trucide dans le milieu de la prostitution ; il serait le fils d'un Lord. On ne saura rien de ses victimes. Nous n'en rencontrerons aucune et les scènes de crime seront totalement occultées. Tout est très propre dans ce milieu. Les proies du criminel sont exclusivement des brunettes aux cheveux courts - des Loulou ! - en guise de représailles à l'encontre d'une mère, pas très fidèle, qui lui a fait défaut dans son enfance.
Ce qui devait arriver arriva : l'enquêteur en jupons tombe amoureuse de son sujet ! A ses risques et périls...
Scoop est une comédie guillerette, qui ne présente aucune originalité du point de vue de l'histoire (il ne s'agit que d'une plaisante enquête policière, mais que demander de plus ?) et pour qui connaît son Allen sur le bout de la prunelle, mais ce n'est pas une limite au plaisir que l'on prend. Ce film peu ambitieux (si tant est que le divertissement soit toujours vain, ce qui n'est point assuré), mais non sans un discret éclat, est charmant. Woody Allen offre une comédie qui file à la vitesse d'une comète et qui vous laissera en guise de souvenir quelques fils de sa chevelure enroulés autour de votre imaginaire.
Woody Allen a naturellement une dégaine de comique dont il s'amuse. Voilà un de ses atouts majeurs, vous en conviendrez, mais qui ne serait rien sans cet esprit d'à propos qui est le sien. Le voir rouler, à droite, coincé dans une Smart, sur les routes de la campagne anglaise, est hilarant ! Woody Allen est un Schopenhauer à qui l'on aurait mis du poil à gratter dans le slip (caleçon ou boxer, selon). Il pourrait demeurer debout au milieu d'une pièce, sans mot dire et sans bouger, qu'il serait encore à mourir de rire. Il suffit de le regarder. Sa tête est presque indécente.
Il joue depuis si longtemps dans le registre du dépressif, névrosé et looser, qu'il a fini depuis belle lurette par emporter notre sympathie. Si, dans la réalité, il n'a rien du raté qu'il aime incarner, il doit néanmoins y avoir un peu de vrai dans cette perception qu'il paraît avoir de lui-même. On ne s'attribue pas impunément des rôles pathétiques simplement pour susciter le rire chez ses contemporains. Mais je ne vais pas le psychanalyser, il le fait trop bien lui-même...
Miss Johansson, la nouvelle Aphrodite d'Hollywood est presque pâle dans ce film.
Je ne sais pas par quel prodige Allen a réussi à la rendre simplement belle (et non sublime et sulfureuse comme elle l'était dans Match point) en l'affublant de tenues informes, peu sexy. Le belâtre de service (Hugh Jackman) - vous savez, je suis peut-être étrange mais je suis toujours davantage attirée par un Woody Allen plutôt que par le mâle dominant à l'émail impeccable - a tout du coupable, alors forcément on le croit innocent, jusqu'à ce que l'on soit à moitié détrompé. Ce procédé est des plus classiques. Hitchcock l'a souvent employé, dans ce sens et dans le sens inverse, et aimait jouer sur cette ambiguïté possible. Revoir L'ombre d'un doute ou bien Soupçons pour s'en convaincre. Les références à Hitchcock sont assez évidentes.
On ne tremble guère pour l'héroïne, on se doute qu'elle s'en tirera. C'est peut-être là que le bât blesse, car le personnage de la jeune fille n'est guère crédible. On la voudrait arriviste (voir la scène introductive où elle couche avec un cinéaste célèbre pour avoir un interview) et elle se révèle un tantinet cruche ; on la voudrait amoureuse et elle demeure fadasse dans son attachement au supposé meurtrier. Quelque chose ne tourne pas rond dans la boule magique, mais on reprendrait bien un ticket de cinéma.
On retiendra quelques citations savoureuses de ce film :
"J'étais de confession hébraïque, mais en vieillissant je me suis converti au narcissisme !"
"Ma femme m'a quitté : elle me reprochait d'être immature... Moi, j'avais une excellente réponse à ça ; je levais la main, mais je n'étais jamais interrogé !"
Bande annonce :
Trois mots de Scarlett Johansson, qui n'est pas la plus belle fille du monde :
Nota Bene :
Si vous aimez Woody Allen, vous aurez grand intérêt à lire ce livre d'entretiens :
Catégorie :
Cinéma
Quelques chapitres...
Les roses du Pays d'Hiver
Retrouvez une nouvelle floraison des Roses de décembre ici-même.
!doctype>
Rechercher sur mon JIACO
Qui suis-je ?
- Holly Golightly
- Never Never Never Land, au plus près du Paradis, with Cary Grant, France
- Dilettante. Pirate à seize heures, bien que n'ayant pas le pied marin. En devenir de qui j'ose être. Docteur en philosophie de la Sorbonne. Amie de James Matthew Barrie et de Cary Grant. Traducteur littéraire. Parfois dramaturge et biographe. Créature qui écrit sans cesse. Je suis ce que j'écris. Je ne serai jamais moins que ce que mes rêves osent dire.
Almanach barrien
Rendez-vous sur cette page.
En librairie
Lettres
Voyages
Écosse
Kirriemuir
Angleterre
Londres
Haworth
Allemagne
Venise
New York
Liens personnels
Le site de référence de J.M. Barrie par Andrew Birkin (anglais)
Mon site consacré à J.M. Barrie (français ; en évolution permanente)
Site de la Société des amis de J.M.Barrie (français ; en construction)
Liens affiliés à ce JIACO
"Une fée est cachée en tout ce que tu vois." (Victor Hugo)
Blog Archive
- 2020 (1)
- 2019 (1)
- 2018 (4)
- 2017 (8)
- 2016 (1)
- 2015 (22)
- 2014 (15)
- 2013 (22)
- 2012 (34)
- 2011 (20)
- 2010 (34)
- 2009 (66)
- 2008 (74)
- 2007 (143)
-
2006
(447)
- décembre(21)
- novembre(19)
- octobre(20)
- septembre(21)
- août(33)
- juillet(23)
- juin(43)
- mai(44)
- avril(62)
- mars(50)
- février(51)
-
janvier(60)
- janv. 31(3)
- janv. 30(3)
- janv. 27(1)
- janv. 26(1)
- janv. 25(4)
- janv. 24(3)
- janv. 23(3)
- janv. 22(1)
- janv. 20(2)
- janv. 19(3)
- janv. 18(2)
- janv. 17(1)
- janv. 16(2)
- janv. 15(1)
- janv. 13(5)
- janv. 12(2)
- janv. 11(2)
- janv. 10(3)
- janv. 09(1)
- janv. 08(1)
- janv. 07(2)
- janv. 05(4)
- janv. 04(2)
- janv. 03(2)
- janv. 02(2)
- janv. 01(4)
- 2005 (217)
Archives
-
►
2018
(4)
- ► juillet 2018 (1)
- ► avril 2018 (1)
- ► février 2018 (1)
-
►
2017
(8)
- ► juillet 2017 (6)
- ► avril 2017 (1)
-
►
2015
(22)
- ► décembre 2015 (3)
- ► octobre 2015 (1)
- ► avril 2015 (1)
-
►
2014
(15)
- ► juillet 2014 (3)
- ► janvier 2014 (1)
-
►
2013
(22)
- ► novembre 2013 (1)
-
►
2012
(34)
- ► novembre 2012 (1)
- ► juillet 2012 (12)
- ► avril 2012 (1)
-
►
2011
(20)
- ► décembre 2011 (1)
- ► octobre 2011 (1)
- ► septembre 2011 (1)
- ► janvier 2011 (1)
-
►
2010
(34)
- ► novembre 2010 (1)
-
►
2009
(66)
- ► juillet 2009 (11)
- ► avril 2009 (8)
-
►
2008
(74)
- ► novembre 2008 (1)
- ► septembre 2008 (4)
- ► juillet 2008 (17)
- ► avril 2008 (11)
-
►
2007
(143)
- ► décembre 2007 (8)
- ► novembre 2007 (6)
- ► juillet 2007 (14)
- ► avril 2007 (18)
- ► février 2007 (16)
-
▼
2006
(447)
- ► décembre 2006 (21)
- ▼ novembre 2006 (19)
- ► octobre 2006 (20)
- ► septembre 2006 (21)
- ► juillet 2006 (23)
- ► avril 2006 (62)
- ► février 2006 (51)
- ► janvier 2006 (60)
-
►
2005
(217)
- ► décembre 2005 (62)
- ► novembre 2005 (98)
- ► octobre 2005 (49)