Assistens Kirkegaard est un très beau cimetière, où les Danois viennent pique-niquer, prendre des bains de soleil et courir. J'aime cette harmonie, voire ce dialogue intérieur, entre les vivants et les morts, entre les pierres et la nature. J'y trouve étrangement cette sérénité à laquelle j'aspire, cette capacité (bien cachée en moi) à larguer les amarres de l'intellect face à l'impensable, la mort. Est-ce si terrible de mourir, de ne plus être ? Pourquoi cet effroi en moi depuis le jour où j'ai ressenti et acquis durablement la certitude de ma mort prochaine, dans l'enfance, à l'âge de huit ans ? Je suppose que cela serait beaucoup plus acceptable pour moi si j'avais la certitude que les vivants portent en eux les morts. Comme si nous étions d'innombrables matriochkas – à l'infini. Or, à l'instar de Barrie, je crois que les morts n'ont que peu de place en nous, dans nos vies. À jamais, je demeure comme le héros jamesien / truffaldien de La Chambre verte. Et, comme lui, je dresse des autels, réels ou imaginaires (invisibles) pour ceux que j'ai élus, pour "mes morts". Et je sais à quoi tout cela tient : à cette enfance si particulière, à cette grand-mère enragée qui vitriolait en paroles ce Dieu qui ne nous avait pas rendus immortels, qui nous avait offert le cadeau de la vie, juste le temps qu'on l'apprécie un peu, pour nous le reprendre violemment des mains en ricanant. Cela tient aussi à cette enfance en moi qui ne passe pas ; l'impossible est pour moi le seul réel vivable ou habitable.
Je regrette de ne pas avoir recherché la tombe de Regine Olsen, l'amour malheureux de Kierkegaard. Je n'ai appris qu'à notre retour qu'elle était également enterrée ici. J'aurais pu le deviner ! 
Je vous propose une petite promenade en ce lieu. Caméra tremblante à la main, découvrant en ma compagnie le cimetière, où je vous emmène saluer Andersen et Kierkegaard...



























{Cliquez sur les images pour les agrandir.}

          

         

       
       

       











J'ai des dizaines et des dizaines de clichés (toujours mauvais, car je n'ai jamais su l'art de la photographie) en réserve, mais pas le temps pour le moment de les trier. Quoi qu'il en soit, notre voyage à Copenhague était dédié à Céline et nous n'avons sacrifié à aucune des attractions touristiques. Cela nous arrive rarement de le faire. Non par manque de goût pour ce genres de choses, par snobisme, mais par manque de temps. La seule motivation assez forte pour me faire quitter ma tanière, pour voyager, est littéraire. Le reste m'intéresse assez peu...
La réputation de la statue est fondée sur un mensonge éhonté. Je ne parle même pas de sa taille, qui, somme toute, est inscrite dans une certaine logique, à la Andersen... mais de l'environnement qui n'est pas l'écrin idéal. Or, dans tous les guides, tout cela est gommé. Gros plan sur la sirène et exit le reste ! 
Remarquez mon horrible faute de français en écoutant la vidéo... Je parle très mal. Aucune excuse à cela sinon le fait d'avoir été élevée par des illettrés, d'avoir baigné dans une sorte de patois mal fagoté. Cette crasse me colle à la peau. 

             
                             





Maison de la famille Johansen, dans le quartier de Frederiksberg. 
Lucette y fut hébergée, ainsi que Bébert, après avoir été libérée de prison. Ensuite, elle s'installa dans l'appartement de Karen Marie Jensen, en compagnie de la fille des Johansen, Bente.

Un taxi nous déposa dans ce quartier assez éloigné de notre hôtel et, prise d'un vertige ou d'une certaine ivresse (l'émotion est ma came), je chutai assez violemment en sortant de la voiture, ayant malheureusement notre enfant dans les bras. J'eus la présence d'esprit,  cependant, bien que cela fût trop soudain pour être réfléchi, de le protéger lors de cette chute commune. Dieu merci, rien de grave. À peine quelques gouttes de sang – pour teinter les nervures de la mémoire. 
Nous avons évité de justesse un drame. Mais l'incident fit assez de bruit pour qu'un riverain sorte de sa maison et nous demande si nous avions besoin d'aide. 
Providence ! 
En effet, cet homme était le voisin du propriétaire de la maison sise au 19, maison que mon appareil photo convoitait. Lorsque je lui indiquai le but de notre visite dans ce quartier résidentiel, il alla sonner chez ledit voisin pour lui annoncer que "des gens venus de France" voulait voir sa maison ! Je n'avais rien demandé de tel ! L'homme, en peignoir bleu électrique, mal réveillé, nimbé de tristesse, nous fit signe de pénétrer dans sa maison ! Il ignorait tout de Céline, bien entendu. Pour lui, cette maison était simplement le sanctuaire d'une vie de bonheur qui s'était interrompue en février dernier, par la perte de sa "beautiful wife" (les Danois, dans leur immense majorité, parlent, Dieu merci, l'anglais). 
Il nous a parlé, nous en disant plus que, souvent, il ne se dit en une vie d'amitié. Privilège du passant, qui ne fait que passer, et à qui l'on peut confier tout son fardeau. 
Il avait besoin d'étancher sa tristesse. Je n'ai rien su dire. Je m'en veux. Mais, ce soir, je ne serais pas capable de mieux. Seulement poser ma main sur son épaule et un baiser sur sa joue. Langage universel. Les mots sont quelquefois à bannir. J'étais gelée dans sa peine. Mais, dans sa peine, en vérité je lisais ma propre peine et j'en avais bien conscience. 

Et c'est ainsi que nous avons visité cette magnifique maison...

Mais, étrangement, j'ai oublié en une fraction de seconde le but de notre visite dès que cet homme nous a parlé. Et je ne me souviendrai que de lui, plus tard, bien plus tard, lorsqu'il ne me restera que des bribes – filaments de ces heures dorées, qui ne sont dorées que parce qu'elles nous échappent a dit Barrie – de ce séjour.  

Cet homme, triste et bon, ressemblait à cet autre homme :



Cela m'a fait un choc. J'ai eu la sensation que tout cela avait été orchestré par une volonté, disons, divine. Ces instants étaient parfaits, comme s'ils avaient été écrits par un scénariste assez doué, qui aurait eu la malice de retourner mon âme comme un gant, de l'intérieur vers l'extérieur, pour me donner quelque chose à contempler.


***


Notre voyage danois (célinien) s'achève ici. Le temps a fait défaut et nous avons renoncé à aller voir l'hôpital qui a accueilli Céline. Grâce à cette lacune et à quelques autres oublis, j'ai l'espoir de revenir, un jour, dans ce pays. 

J'aimerais mentionner ce site admirable en guise de conclusion et, en particulier, cette page

La prison où Céline fut incarcéré.
Ne jamais oublier que, si l'on voulait la peau de Céline en France, c'était peut-être moins à cause des fameux pamphlets que des communistes, dont il avait dénoncé les agissements dans Mea Culpa...
Il est interdit, pour des raisons évidentes, de prendre des photographies. Mais j'ai bravé le danger ! Le taxi attendait, prêt à redémarrer en trombe, en cas de problèmes... Je n'en publie que deux, n'ayant pas trop le goût de tâter de la geôle... 


Lucette et Louis ont séjourné ici, Kronprinsessegade 8, pendant environ un an, dans l'appartement prêté par Else et Henning Jensen. Ce dernier était un gardien de prison peu ordinaire, exerçant sa profession à la Vestre Faengsel (littéralement "prison de l'Ouest" – nous nous y sommes également rendus et des images vont suivre...) et il sympathisa avec Céline... 

          



Le beau parc, en face, est Kongens Have, littéralement "le jardin du roi". 
Une somptueuse statue d'Andersen y est érigée. Je ne l'ai hélas pas vue...

Les roses du Pays d'Hiver

Retrouvez une nouvelle floraison des Roses de décembre ici-même.

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Dilettante. Pirate à seize heures, bien que n'ayant pas le pied marin. En devenir de qui j'ose être. Docteur en philosophie de la Sorbonne. Amie de James Matthew Barrie et de Cary Grant. Traducteur littéraire. Parfois dramaturge et biographe. Créature qui écrit sans cesse. Je suis ce que j'écris. Je ne serai jamais moins que ce que mes rêves osent dire.
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