lundi 23 juin 2008
Un conte de Noël (2008) : le plus beau film de l'année 2008. Il mérite donc bien ce billet, en remerciement de l'extase qu'il a provoquée en moi. Je l'ai écrit en pensant à mon amie Virginia, qui l'a aimé autant que moi.


[A la place de ces lignes médiocres, vous pouvez toujours lire, avec davantage de profit, le numéro de juin de Positif et celui de mai des Cahiers du cinéma...]

Arnaud Desplechin, je l’ai déjà dit, je crois, est l’un des plus grands cinéastes français vivants, sinon le plus grand : mise en scène précise, qualité de l’exposition des divers personnages, histoires feuilletées et complexes (mais simples, puisqu’elles ne parlent que de nous : de notre rapport à nous-mêmes et aux autres, rapport condamné par notre nature même à l’ignorance et à l’aveuglement), dialogues intelligents. Desplechin pourrait n’être que brillant (il l'est aussi) par l'aisance qui semble être la sienne et l’on pourrait douter de sa profondeur. Rien de tel: il est totalement engagé dans ses films. Son psychisme est la scène de ses films. Ses films sont dangereux : autant pour lui que pour nous.
Ce qu'il dit de la manière dont il filme, avec pour chaque scène plusieurs variantes possibles, est tout à fait fascinant et en accord avec la manière dont j'imagine la construction d'un film dans son esprit. De même, sa manière de reprendre certains noms de personnages d'un film l'autre (Paul Dedalus), réminiscences eux aussi d'autres (Joyce, Ibsen, Shakespeare...).
Ce film-ci, le dernier en date (comment est-il possible qu’il n’ait pas eu la Palme à Cannes?), est l’expression du tragique mineur présent en toute existence et expurgé par la cocasserie extrême de certaines scènes,

par une légèreté brutale, car, enfin, la vie, ce n’est que ça. Mais, c’est justement parce que ce n’est que ça que c’est tellement compliqué à vivre et à dire.

Tous ses films ont, pour cette raison, provoqué en moi un bouleversement immense, parce que je ressens de manière inexplicable (que je me refuse à expliquer), une concordance implicite entre les divers éléments du film et le vécu du cinéaste. Toute œuvre d’art honnête répond, en quelque sorte, à l’impératif de la cure psychanalytique.
Tout dire.
Or, Desplechin dit tout mais ne le dit pas. Et c’est ainsi que je prends autant de plaisir et d’intérêt à regarder son film que son ombre projetée. Ce qui est dit et ce qui n’est pas dit. Ce qui est dit n’étant jamais que ce qui n’est pas dit et réciproquement. Un film de Desplechin n’est jamais totalement contenu dans le dire et l’image. Il est ici et ailleurs. En nous, si nous sommes capables de vouloir comprendre, au-delà de la simple apparence. Comme dans la vie réelle.
Le thème du film est double et unique à la fois : celui de la famille et de la greffe, car toute famille – même si j’ai peu d’expérience de la chose, que ce soit en amont ou en aval – est toujours un tissu inflammable (Cf. la peau de Junon - ceux qui ont vu le film comprendront la référence) ou une étoffe - pas nécessairement celle dont on tisse les rêves, plutôt les cauchemars... Et l’on greffe et bouture sans cesse : la famille est un monstre éternel qui se nourrit des individus. Le thème de la famille est le lieu de la naissance et du deuil, de l’amour et de la haine, du pouvoir et de la soumission. La seule liberté possible, ne pas avoir de famille, est aussi privation de l’héritage et de la filiation. C’est le néant. Mais qu'est-ce que cela change, puisque tout est néant?
L'action se passe dans la (sinistre) ville de Roubaix, d'où le cinéaste est originaire. C'est bientôt Noël et une grande famille se retrouve entière. 


Junon (Catherine Deneuve), la mère, va bientôt mourir. Soit de son cancer soit de la greffe de moelle qui pourrait empêcher le développement de son cancer. Elle est unie à un homme, plus âgé, Abel. Ils s'aiment trop pour laisser de la place aux enfants. Ils en ont quatre : trois vivants et un mort. Le mort est mort de la maladie qui devrait emporter Junon.
Le prénom de Junon est celui d’une reine guerrière, bien affaiblie par une ironie mauvaise de la vie. Il évoque certainement, en latin, "juvenis" et "juventus" : la " jeunesse" synonyme de plénitude de la force physique. Déesse latine, Junon était très honorée. Divinité complexe, son interprétation est multiple. Elle était honorée à Lanuvium sous le titre de "Sospita Mater Regina" ; la protectrice, la mère et la reine. Ici, elle est celle autour de laquelle tourne d'abord la tragédie ; elle est également la mère trop aimée par une fille qu'elle n'a jamais aimée assez.
Junon a donné la naissance et la mort. Son fils, Henri, celui qui a été "fait" pour sauver le petit Joseph, son premier-né, sans être compatible, va devenir celui qui lui redonne naissance. Le fils inutile et la mère ne s'aiment pas et se le disent sans drame. Les mères détestent leurs enfants et les enfants détestent leur mère dans les films de Desplechin. Est-ce si sûr ? La haine est peut-être un compromis. 


Nous assistons à une sorte de complexe d’Œdipe inversé, très perceptible quand la mère dit crument et à double sens qu’elle ne veut pas que son fils lui "injecte son liquide blanc". Freud rirait bien en regardant ce film et apprécierait. Il est convié au festin, bien sûr.
Les personnages principaux ont droit à leur petit monologue. Ils s’adressent même plus particulièrement à nous, parfois. Ils sont vivants et traversés par la mort. Ce sont des fantômes paradoxaux qui n'ont pas cessé de vivre, des morts qui ne savent pas qu'ils sont encore vivants ou des vivants qui ne se savent pas morts. Ainsi, le père de cette famille endeuillée de l'existence qui s'adresse à nous, dans une première scène admirable, face à une tombe, celle de son fils, mort à six ans, il y a longtemps : "Mon fils est mort et je n'ai pas de chagrin. Cette perte est ma fondation." La déclaration pourrait sembler violente, brutale, inexplicable. Elle ne l'est pas. Elle est le décalque d'une scène décrite par Stanley Cavell (très admiré par Desplechin) concernant Emerson (dont j'ai toujours dit qu'il n'était pas assez connu en France !) et du journal d'Emerson lui-même. Beaucoup de phrases de ce film proviennent d'Emerson via Cavell. Qu'on en soit conscient ou non ne change rien à la force du film, à ses sens, mais cela permet d'entrevoir encore une autre épaisseur si on le sait.

Les enfants deviennent les parents de leurs parents, mais ceux-ci n'ont jamais l'occasion de jouir de ce retournement de situation, puisqu'ils doivent payer ce privilège de leur propre mort. Or, à la faveur de la mort de l'enfant premier-né, Joseph, le père (incarné par un épatant Jean-Paul Roussillon) devient l'enfant de son enfant, le survivant : il naît à lui-même sur sa tombe, et la mère à la faveur d'une greffe de moelle que lui donnera son fils honni et dire : "Henri vient de mon ventre. je reprends ce qui m'appartient !"

En écho à son père qui déclame dans la scène inaugurale, chez un psychanalyste, la fille (devenue par la force des choses) aînée déclare : "Je ne comprends pas à quel deuil je survis. J'ai l'impression que quelqu'un est mort, mais je ne sais pas qui." Le deuil n'est pas nécessairement celui que l'on pourrait croire, le plus évident, car il existe un autre frère (joué par l'exceptionnel Mathieu Amalric, mais tous les acteurs sont extraordinaires dans ce film) qu'elle a banni (méditez sur ce thème désuet et dramatiquement comique du bannissement qui appartient au conte et à Shakespeare) de la famille pour d'obscures raisons, qui ne seront jamais précisément dites mais que nous pouvons facilement comprendre.

Henri est le bouc émissaire de la tragédie et le bouffon shakespearien. Bouffon, il éructe, il dit la vérité. Il est cynique. Il boit. Il chute. Il vit. La vérité de ce monde n’est ni belle ni sérieuse. Il l'exprime. En cela, il s’oppose à Elizabeth, la soeur fragile et déséquilibrée, qui veut recréer le monde selon sa vision parfaite. Son frère s’oppose à son ordre. Il incarne le chaos. Il est le mal et le diable incarnés, car, dit-elle, ordinaire, banal et qui passe inaperçu. Elizabeth incarne ce que Nietzsche nomme "les chercheurs de connaissance", ceux qui partent de la ruche (cf. l'Avant-propos de La généalogie de la morale). Elle rêve d'un monde idéal qu'elle pourrait mettre en ordre comme la maison de poupées de son enfance ou lui donner la forme des pièces de théâtre qu'elle écrit... Or, le monde n'a pour sens que celui qu'on lui donne ; il faut donc lutter pour que le sens des autres n'abîme pas le nôtre.
Loin de nous l’idée de vouloir faire une exégèse du film, car il y aurait matière à écrire une centaine de pages sur les références croisées dans ce film. Des prénoms bibliques ou mythologiques au feuilletage littéraire et cinématographique. Certaines influences sont trop évidentes: Bergman, Hitchcock, Shakespeare, Nietzsche… D’autres moins flagrantes mais dont la présence est nécessaire, puisqu’elle sert de trame invisible au film. Et toutes ces références ne sont peut-être pas toujours volontaires et procèdent de ces associations d'idées souterraines qui existent dans l'âme de tout artiste.
Le film a été inspiré , au départ, par un livre, La greffe de Jacques Ascher (P.U.F.). Bien sûr, ce livre n'est qu'un prétexte aux développements personnels de Desplechin. Ce qu'il l'intéressait, c'était la possibilité de la psychose, l'interrogation sur soi - que suis-je ? - suite à une greffe.
Idée développée par le personnage de Paul (Emile Berling) 

qui fait surgir un chien noir des abîmes de sa conscience schizophrénique (chien qui est le cousin du monstre imaginaire, Anatole, qui habite la cave de la maison nommée "château"), qui devient par là-même inquiétant pour les autres, ou bien par le personnage de Sylvia (Chiara Mastroianni) qui découvre qu'un autre que son mari l'aime et a renoncé à elle, lui interdisant par son silence de "le préférer", lui volant une autre vie possible. Cette histoire, dans l'histoire, étant peut-être celle qui permet au réalisateur de filmer l'un des plus beaux moments d'émotion de son cinéma.
Elle importe aussi d'une autre manière : " (...) pour tous les Vuillard, il faut absolument que Sylvia couche avec Simon [Laurent Capelluto]. C'est ce qu'il y a de plus important ; comparable en tous points à la leucémie de Junon." (Desplechin dans Positif) Junon en veut à Sylvia qui lui a volé le fils (Ivan aka Melvil Poupaud) qu'elle aimait; elle favorise l'infidélité et semble s'en réjouir. Et, tout à coup, le tragique du destin se déplace sur le beau et insouciant personnage de Sylvia. A pas de velours, sans mots dire. C'est la vie. Le faux pas n'engendre pas nécessairement la chute, puisque Sylvia demeure avec son mari. Maintenant, elle peut choisir. Elle n'est plus seulement choisie.
Le Songe d'une nuit d'été de William Dieterle et Max Reinhardt (sortie en DVD zone 1 en 2007), 



Drôle de frimousse (Funny Face) de Stanley Donen avec Audrey Hepburn 






et Les Dix Commandements de Cecil B. DeMille (insupportable film) ou Vertigo (Madeleine, le fantôme, l'épouse défunte de Henri, connu de lui seul) sont les principales références cinématographiques mises en abyme dans le film, mais pas les plus significatives. Certes, le film est shakespearien dans ses références : Le conte d'hiver et Le songe d'une nuit d'été. Emmanuelle Devos incarne le personnage le plus franc et le plus aérien du film - elle est détachée de la famille - elle est la maîtresse de Henri. 


Son prénom, Faunia, est bien entendu une référence patente à Shakespeare et à son Conte d’hiver. Il s’agit moins d’un conte de Noël que d’un conte d’hiver, en vérité, ou un conte de Noël dévoyé. C'est dans une nouvelle romanesque, Dorastus et Faunia, attribuée à Robert Greene, qu'il faut chercher l'idée première du Conte d'hiver du grand William. Souvenez-vous également des derniers mots du films prononcés par le personnage d’Elizabeth, concernant le rêve, et qui sont celles qui concluent Le songe d'une nuit d'été.
Ombres que nous sommes, si nous avons déplu, — figurez-vous seulement (et tout sera réparé) — que vous n’avez fait qu’un somme, — pendant que ces visions vous apparaissaient. — Ce thème faible et vain, qui ne contient pas plus qu’un songe, — gentils spectateurs, ne le condamnez pas ; — nous ferons mieux, si vous pardonnez.
[Traduction de François-Victor Hugo - la métaphore des ombres nous ramène également aux premières images du film, qui nous ramène à autre chose...]
Mais la référence majeure est la très belle œuvre de Bergman, Fanny et Alexandre - film et version télévisée.


On aperçoit également une affiche du Nouveau monde de Terrence Malick, vers la fin du film.

Et cette référence prend tout son sens, quand on lit Desplechin... et est liée à Emerson... Si l'on tire un fil, la pelote du monde de Desplechin vient tout entière dans la pensée.
           La musique est également un personnage à part entière, comme d’ordinaire. Malgré cette pléthore de références et cette intertextualité serrée, il faut bien comprendre que ce jeu avec la mythologie, les référence littéraires ou bibliques n’est qu’un jeu. Un support pour l'imaginaire et la narrativité. Elles précèdent l’histoire, elles appartiennent à sa généalogie mais pas nécessairement à sa genèse. Il ne sert à rien de vouloir tout recenser.
Nous n’évoquons que le plus immédiatement évident, ce qui sert d’emblée l’histoire, au manifeste, sans nous égarer dans le profond latent des plans, des vécus individuels de chaque personnage. Emerson et Nietzsche apparaissent dans le film : le premier de manière fugitive (un cadeau de Noël reçu par Junon-Deneuve) mais plus présent que l'on ne pourrait le croire et le second cité par Abel à sa fille Elizabeth, dans un extrait de l’Avant-propos à La généalogie de la morale. {Par un merveilleux hasard, avant d’assister à cette séance, nous étions passés à la librairie prendre une commande de deux livres de Nietzsche traduits et / ou annotés par un de nos maîtres – dont La généalogie de la morale, texte brûlant et complexe, riche en références, écrit en vingt jours (cela apprend la modestie et le désespoir aux philosophaillons de ma triste espèce).}
Le texte de Nietzsche me paraît fondamental pour comprendre le film, qui ne saisit dans son sens le plus fort que par l’oblique. "Nous ne nous connaissons pas nous-mêmes..."
Chaque film de Desplechin a un motif central sur lequel viennent se greffer (précisément…) des éléments dont certains ne trouvent probablement d’explications que dans le for intérieur du cinéaste, qui se projette totalement, comme le font tous les artistes véritables.
Un conte de Noël, une histoire de revenants plutôt que de fantômes.
Reste à savoir quels sont les noms des revenants.
[Ceci est mon dernier billet sur les Roses, avant un petit moment, car je pars bientôt en Allemagne, puis en Italie. A bientôt.]
jeudi 19 juin 2008


Idées en déroute, à la faveur de pensées cinématographiques et kierkegaardiennes, concernant L'homme qui aimait les femmes, le film de Truffaut que j'ai le plus revu dans ma vie. J'en ai déjà parlé ici et je ne m'en lasse pas.

Et puis je suis une grande amoureuse de
Charles Denner et, certains jours, il me manque terriblement, même si cela peut paraître étrange de dire cela d'un parfait inconnu.



S’interroger sur la responsabilité du séducteur, à savoir sur sa volonté de séduire, ou sur son charme inconscient, c’est autant s’interroger sur la liberté de celui-ci que sur la liberté de celui qui fait les frais de cette séduction. En outre, si l’on considère que la séduction a une connotation morale, peut-être plus désuète aujourd'hui qu'hier, l’intérêt du sujet prend une autre ampleur. En effet, au départ « séduire » a le sens de faire perdre à une femme, à une jeune fille sa vertu, et a pour synonyme « déshonorer», «abuser », « suborner»…

Instantanément, la séduction a à voir avec le sexe (même s’il existe une séduction intellectuelle, qui n’a pas peut-être pas d’autre but que la captation de l’esprit). Le séducteur ou la séductrice essaie d’obtenir des faveurs (sexuelles ou non) de la part de la proie convoitée. Prise dans un sens large, la séduction, essaie de mettre sous le pouvoir de celui qui en joue un autre être et de le conduire à commettre, comme si cela ne dépendait que de sa volonté propre, des actes ou même à éprouver des sentiments et des pensées. En somme, le séducteur s’infiltre dans la volonté et la liberté d’autrui. Le séducteur prend au piège un être en le forçant à entrer en relation avec lui, pour une chose minime, qui n’engage à rien - selon toute apparence- mais qui se révèle être un piège qui conduira cet être à accomplir des actes de plus en plus importants jusqu’à la reddition complète. Le séducteur ne force pas, il laisse venir à lui, en toute liberté, il n’use pas de violence morale ou physique et cependant, il oblige. Il y a fort à parier que la nature de cette obligation sans contrainte, et qui n’est pas plus affiliée à un devoir, nous en apprendrait sur la nature de la liberté du séducteur et sur celle du séduit. Comment le séducteur engage-t-il sa « victime » consentante et la sépare-t-il (étymologie) d’elle-même ?



Dans L’homme qui aimait les femmes, le cinéaste a traité, selon ses dires du « thème du coureur de femmes, névrotique, frénétique, compulsif »(1). Truffaut disait ceci de son film : « Le principe de L’homme qui aimait les femmes est le contraire du type qui voit une fille dans la rue et qui l’invite à venir boire un verre. Lui, il se donne un mal fou pour les atteindre, mais il ne les aborde jamais directement. Par exemple, il relève le numéro d’une plaque minéralogique et ça lui prend une semaine pour retrouver la trace d’une paire de jambe entrevue. C’est la complication qui m’a intéressé, le détour. Ce type fait tout de manière indirecte. Denner va bien dans ce personnage parce qu’il a une gravité naturelle, il sourit rarement, il a quelque chose de farouche, de sauvage.»(2); « je n’ai pas voulu tracer l’itinéraire du dragueur entraîné à la performance. J’ai choisi volontairement un type d’individu anxieux, secret ; qui évite les conflits tout en volant irrésistiblement de femme en femme, par peur de se fixer peut-être, par peur d’accorder trop d’espace à un sentiment unique. (…) Car un dragueur, c’est aussi quelqu’un qui a peur de l’amour. » (3) et plus surprenante cette déclaration de Truffaut : « L’homme qui aimait les femmes s’appelait pendant longtemps Le Cavaleur et, dans mon esprit, secrètement, je le rangeais dans la catégorie des films de criminels, d’hommes qui tuent les femmes. » (4) Le cinéaste n’étant pas avare de confidences, il nous livre la clé de son personnage : « Ca me plaisait d’aller au-delà du fait que Bertrand avait seulement souffert d’une mère détestable. Il en avait aussi subi la séduction, c’est ce qu’il cherche à recréer dans les femmes qu’il rencontre. » (5) Il renchérit dans sa préface à sa « mise en roman » (6) du scénario de tournage : « Si une phrase pouvait servir de commun dénominateur aux amours de Bertrand, ce serait celle-ci, de Bruno Bettelheim dans La forteresse vide : « Il apparut que Joey n’avait jamais eu de succès auprès de sa mère. » » Voici la scène, un extrait de la scène clef du film (le narrateur, Bertrand Morane s’exprime comme il suit) : «Ma mère avait l’habitude de se promener à demi nue devant moi, non pour me provoquer évidemment mais plutôt, je suppose, pour se confirmer à elle-même que je n’existais pas. » (7) La mère du jeune Bertrand Morane séduit involontairement et peut-être même inconsciemment son fils, et cette séduction passe par son indifférence, par son statut de déesse inaccessible aux yeux du fils. Sans le vouloir, je suppose, Truffaut confirme, la scène de séduction décrite et théorisée par Freud, censée expliquer la genèse de certaines psychonévroses (et donc peut-être la pathologie de notre héros), et abandonnée par la suite par le psychanalyste.

Bertrand, lui, usera sciemment de son charme, bien qu’avec une certaine innocence et une certaine moralité : il permet aux femmes séduites de s’aimer mieux (Cf. "la femme au nez" et "la femme aux lunettes trop grandes"). Il veut séduire, non pour se venger de la séduction maternelle qu’il a subit et dont il souffert, mais pour se prouver son existence dans les yeux et les actes de l’autre (existence que lui a refusée la mère). A cet égard, lorsqu’il échouera auprès de la vendeuse de lingerie, il se mettra à écrire le livre de ses aventures passées et présentes et consignera autant en mémorialiste qu’en collectionneur ses diverses conquêtes. La boucle est bouclée, car, enfant, lorsque sa mère ignorait sa présence, elle lui interdisait de bouger ou de faire le moindre bruit, il n’avait que le droit d’être assis et de lire. Son goût des livres est associé à l’indifférence de sa mère. De même la rédaction de son livre est consécutive de son échec de séduction auprès de la vendeuse de lingerie. Écrire lui permet de ressusciter les « cadavres » des femmes prises au piège. D’ailleurs, il dit « je ressens alors, pendant quelques secondes, l’impression étrange de revivre quelque chose que j’ai déjà vécu. » (p. 34) De même, il écrit ce livre, et se souvient que sa mère tenait « la comptabilité de ses amours. » (p. 54) et il procède « au recensement des femmes possibles » (p. 58) En outre, il déclare : « l’enfant ? C’est moi ! » (p. 95) Une autre femme fait pendant à sa mère dans son histoire personnelle, Véra, la seule qu’il ait jamais aimée.



Le langage du séducteur :


Champ lexical de la chasse et de la pêche : « Il faut stocker pour l’hiver, poser des collets, lancer des cannes à pêche, prendre des options. » (p. 30)



Psychologie du séducteur :




« Après cet élan amoureux coupé net, j’ai besoin d’une compensation, d’une émotion nouvelle. » (p. 23)


« Je me suis aperçu que la compagnie des femmes m’était indispensable, sinon leur compagnie en tout cas leur vision. » (p. 40)


« Mais qu’est-ce qu’elles ont toutes ces femmes, qu’est-ce qu’elles ont de plus que toutes celles que je connais ? Eh bien, justement, ce qu’elles ont de plus, c’est qu’elles sont des inconnues. » (p. 42)


Une de ses maîtresses lui dit : « Non seulement tu ne veux pas aimer mais encore tu refuses qu’on t’aime. Tu crois que tu aimes l’amour mais ce n’est pas vrai, tu aimes l’idée de l’amour. » (p. 51)


La méthode du séducteur :


Elle obéit à une stratégie bien définie : Bertrand est soucieux de son image, de sa crédibilité ; il ne veut pas passer pour un dragueur ou un coureur de jupons, pour preuve, il n’essaie pas de séduire le personnage interprété par Nathalie Baye lorsqu’il découvre que cette dernière n’est pas la propriétaire des jambes aperçues chez le teinturier.


« Vous avez une façon spéciale de demander. C’est comme si votre vie en dépendait. » (p. 25 et p. 26 en entier, ainsi que pp. 30-31 et p.60)


Bertrand procède par substitution et métonymie :


- par substitution : « Pas de femme chez moi ce soir, ma nouvelle maîtresse s’appelle Mademoiselle Underwood. » (p. 49)


- par métonymie : il aime des jambes, une paire de lunettes, une démarche, un défaut (l’ouvreuse sourde et muette), etc. Il est un peu fétichiste.


Metteur en scène : « Avant l’arrivée de Fabienne, j’avais allumé un feu dans la cheminée, elles adorent toutes le feu de bois. » (p. 50)
Il ment : « (…) pour faire sa conquête je lui avais donné l’impression de vouloir entrer dans sa vie alors qu’il n’en était pas question. » (p. 52)

Prise de contact indirecte : p. 95.

But du séducteur
: obtenir faveurs sexuelles (cf. p. 63)

Il conçoit la séduction comme une bataille (p. 79)

Bertrand truque la réalité, alors qu’il manifeste un souci de véracité et d’honnêteté dans l’écriture de son livre : il parle du « dérisoire et de la fébrilité » de ses « recherches » (p. 92)

C’est une femme qui lit et refuse en premier son livre et c’est une autre femme qui se bat afin qu’il soit accepté.

Bertrand ne veut séduire que les femmes qui lui plaisent, il est donc d’abord séduit … D’ailleurs, il affirme à son éditrice : « (…) j’aime bien être conduit par une femme. » (p. 112)

Truffaut, par l’intermédiaire de son personnage, essaie peut-être de séduire toutes les femmes.

Tout se passe comme si le charme du séducteur, en nous apparaissant et en nous soumettant à lui, nous révélait et comblait dans un même temps un être que nous ignorions exister en nous-mêmes. Au fond, bien que nous soyons soumis à ce charme, le charmeur (qu'il faudrait distinguer du séducteur) n’est pas complètement responsable de notre état : il ne nous attire pas vers lui, contre notre gré, c’est nous qui sommes prédisposés à cette attirance. Peut-être même projetons-nous en cet être charmant, plutôt que charmeur, nos désirs et illusions. Il y a une certaine volonté d’identification ou de fusion avec la chose ou l’être charmant, ceci se manifestant par l’analyse de l’état inverse, qui serait, au pire, la répulsion et, au mieux, l’indifférence.

De là la différence entre le charme et son commerce (sans jeu de mot) : faire du charme, jouer de son charme, autant d’expressions qui constituent des synonymes de la séduction proprement dite. Le séducteur est celui qui connaît son pouvoir (son charme spontané) sur un autre être et qui tient à en tirer profit, ou qui agit de telle sorte qu’il puisse charmer autrui (il connaît ou devine les attentes d’un être et essaie de se créer un personnage qui sera charmant aux yeux de la personne visée, ou même il essaie de convaincre un être que les rêves qu’il lui propose sont ceux qu’il a formés en son sein). La séduction est un charme intéressé et non pas seulement intéressant.

La séduction veut souvent se faire passer pour un simple charme ; en effet, le séducteur n’est pas nécessairement et naturellement charmant (le personnage de Truffaut l’est, mais dans son innocence, ou pour le spectateur de son manège), il est parfois un calculateur et un manipulateur, qui crée du charme ; il ne révèle pas autrui à lui-même mais cherche à le convaincre qu’il est ce qu’il veut bien qu’il soit. Si nous en revenons à l’étymologie (se-ducere), il est facile de comprendre qu’à l’inverse du charme (qui me reconstitue avec moi-même), la séduction exercée sur mon être me sépare de moi-même. Reste à déterminer non pas pourquoi (nous venons de le dire, le séducteur s’emploie à me tromper et à me faire adhérer à une manière d’être qui n’est pas la mienne) mais comment.

Il y a une obligation ressentie par l’être séduit vis à vis de son séducteur. Bien que cette obligation ne puisse être assimilée à une contrainte physique ou à un devoir de façon patente, il ne s’agit pas de cette douce influence ou insinuation (8) du charme, l’on peut affirmer néanmoins que la séduction est une violence subtile, à peine perceptible, parce que inavouable à la conscience du sujet lui-même. Cordelia, la victime de Johannes, dans Le journal d’un séducteur de Kierkegaard,


ne peut admettre son manque de clairvoyance quant aux intentions de son «fiancé», et non pas uniquement pour une simple raison d’amour-propre, mais si elle reconnaissait la nature de cette duperie, elle perdrait le sens de la réalité, et là est tout le talent du séducteur de déplacer la responsabilité qui lui incombe sur les épaules de sa victime, de séducteur il devient le séduit, et de séduite la victime se métamorphose en séductrice. Pour comprendre les méandres de cette manipulation, il faudrait disséquer cette obligation que nous estimons être à l’origine de l’entreprise de séduction.

Ce qui est remarquable c’est la situation étrangement paradoxale dans laquelle le séducteur met sa victime : elle devient son débiteur, elle lui est redevable dès lors qu’elle lui accorde la première, même si elle est infime, des attentions. Accorder un sourire ou un regard prennent valeur d’engagement envers le séducteur, c’est-à-dire qu’il sait donner du poids à ce qui n’en a pas, du sérieux à ce qui n’est que légèreté ; le séducteur est un alchimiste qui crée la confusion dans le vouloir et la conscience de sa victime. L’acquiescement du regard ou du sourire est interprété (ou plutôt le séducteur feint de l’interpréter, donc il y a le problème de la mauvaise foi à prendre en compte dans la problématique de la séduction ) comme la signature d’un contrat dont la rupture incombe à la victime ; la victime est mise dans une situation de crise morale par son manipulateur, celui-ci fait pénétrer sa victime dans son théâtre, dans un système d’interprétation créé pour elle seule. Le système mis en place par le séducteur a quelque chose du délire interprétatif.





Autant le charme est profond et s’insinue (tout en paraissant superficiel), autant la séduction est superficielle (tout en paraissant profonde) ; autant le charme est léger - bien que sérieux - autant la séduction est lourde parce que désinvolte.


(1) Le cinéma selon François Truffaut, textes réunis par Anne Gillain, Paris, Flammarion, 1988, p. 353.
(2) Ibidem, pp. 353-354.
(3) Ibidem, p. 358.
(4) Ibidem, p. 367.
(5) Ibidem, p. 356.
(6) L’homme qui aimait les femmes, Paris, Flammarion, Coll. « ciné-roman », 1977.
(7) Ibidem, p. 83.
mardi 10 juin 2008
... pour mon JIACO... ou pour son auteur.


Sérieusement, ces lignes de Deleuze, que je recopie ici, expriment parfaitement ma (pauvre) conception de l'écriture, celle qui traverse le geste philosophique autant que le geste romanesque (et je dirais jusque dans la saine vulgarité de l'écriture "bloguesque"). Et de me souvenir, sourire carnassier aux lèvres, de mes premières années de philosophie, lorsqu'un professeur de faculté me fit la remarque, qui devait sonner comme cinglante à ses propres oreilles, que je ne pouvais pas lire le Nietzsche de Deleuze, car Deleuze "deleuzait" tout ce qu'il pensait et écrivait, sans comprendre visiblement que son intérêt et son génie étaient précisément là... et que la connaissance objective, neutre (si une telle monstruosité est possible), de Nietzsche n'avait aucune espèce d'intérêt pour moi (autant ne lire que Nietzsche et mettre au pilon tous les ouvrages critiques ou de présentation) .


Je ne voulais pas - et ne le veux toujours pas - que l'on m'explique mais que l'on vive et que l'on brûle de ce qu'on lit devant moi, ou au moins d'essayer.

«Des enfants dans le dos, c'est lui [Nietzsche] qui vous en fait. Il vous donne un goût pervers (que ni Marx ni Freud n'ont jamais donné à personne, au contraire) : le goût pour chacun de dire des choses simples en son propre nom, de parler par affects, intensités, expériences, expérimentations. Dire quelque chose en son propre nom, c'est très curieux ; car ce n'est pas du tout au moment où l'on se prend pour un moi, une personne ou un sujet, qu'on parle en son nom. Au contraire, un individu acquiert un véritable nom propre, à l'issue du plus sévère exercice de dépersonnalisation, quand il s'ouvre aux multiplicités qui le traversent de part en part, aux intensités qui le parcourent. Le nom comme appréhension instantanée d'une telle multiplicité intensive, c'est l'opposé de la dépersonnalisation opérée par l'histoire de la philosophie, une dépersonnalisation d'amour et non de soumission. On parle du fond de ce qu'on ne sait pas, du fond de son propre sous-développement à soi. On est devenu un ensemble de singularités lâchées, des noms, des prénoms, des ongles*, des choses, des animaux, de petits événements (...) traiter l'écriture comme un flux, pas comme un code. » (p.16, je souligne)


* Les ongles de Deleuze, dont je reparlerai un jour, et qu'il évoque d'une manière qui me bouleverse dans le livre cité, au gré d'une lettre à un connard de "critique" - en est-il d'autres ?
{Petit billet dédié à Virginia.}
{Suite à un incident technique, en date de décembre 2011, toutes les captures d'écran du DVD, qui illustraient ce billet, ont été perdues...}


Un ami très cher m'a offert ce film lors du dernier Noël. J'ai mis un certain temps à en parler, tant je fus touchée par cette histoire et surtout par la manière dont elle est racontée, sans fausse pudeur ni sensiblerie déplacée. Etant une personne plus distanciée avec ses émotions qu'il n'y paraît, il ne m'est guère facile d'analyser ce qui parle autant de moi, car bien sûr le personnage féminin du film, la petite fille, Addie, c'est moi... Oh si ! Il aurait fallu me connaître lorsque j'avais son âge pour s'en rendre compte...


Peter Bogdanovich, dont je ne sais pas grand-chose, signe ici un chef-d'oeuvre. Je n'ai pas peur du mot, tant ce film est parfait. C'est l'un des dix films qu'il faut avoir vus avant de passer de vie à trépas.


Rien de moins.

Paper Moon est un film qui possède une certaine crudité (dans le langage, dans la réalité évoquée sans fards) et une cruauté affirmée, bien que l'histoire soit présentée sous le mode éveillé de la comédie - galonnée de drames, bien sûr, mais qui s'inscrivent seulement en filigrane - et bien qu'elle adresse une franche déclaration d'amitié au bonheur de vivre sans rien omettre de la nature du réel (deuil, pauvreté, exploitation réciproque des êtres humains, prostitution, bêtise...).


Les premières secondes du film donnent toute la mesure du film, pendant lequel le spectateur ne cesse d'être saisi de surprise et d'émotion, car l'attente ordinaire, tant au niveau des situations que des personnages, est déçue. Mais quelles belles "désillusions" nous offre ce film magnifique ! Le titre, lui-même, finalement, évoque cette ambivalence.


Addie est une jeune orpheline de neuf ans. Le film s'ouvre sur l'enterrement - scène magistrale, filmée avec distance, ironie et une émotion ajournée, décapitée, mais, paradoxalement, plus présente que si elle était exprimée - de sa mère (une entraîneuse de bar ?) et la grossière et bruyante entrée en scène d'un homme qui pourrait être son père, qui est très certainement son père, mais qui jamais ne l'admettra pendant la durée du film, sinon par le biais du jeu de rôle (il fait passer Addie pour sa fille, quand il veut flouer des gens).
Cette attitude est d'ailleurs très révélatrice du personnage, qui ne peut pas se solidifier ni dans un lieu ni dans sa vérité intime - veut-il seulement la lire ou est-il lâche au point d'être aveugle à lui-même ? Ou bien n'est-il pas grand-chose de plus que ce qu'il donne à voir et à penser ? - et qui agit et pense à travers une persona ?


Vivre, malgré tout, et ne pas renoncer. Valeurs incarnées avec force et entêtement par la jeune héroïne haute en couleurs de ce road-movie à travers le Kansas et sur lesquelles vont venir se fissurer, mais point trop s'en faut, la désinvolture et le cynisme de l'adulte (Ryan O'Neal dans le rôle de Moses Pray), qui est davantage enfant que la fillette (Tatum O'Neal dans le rôle d'Addie). Lui, il ne songe qu'à survivre au jour le jour sur un fond de crise économique assez terrible (en escroquant à la Bible de luxe ceux qui sont moins malins que lui, sans tenir compte s'ils ont ou non les moyens de se faire arnaquer), tandis que la jeune enfant cherche à construire dans la durée un semblant de foyer. Mais elle renoncera à ce confort (à cette illusion ?), à la fin du film, car ce personnage incarne d'abord la liberté.


Ces Bonny and Clyde des grands chemins - ils auront maille à partir avec des policiers plus ou moins véreux et joueront aux bootleggers ! - cherchent avant tout à sauver leur peau et à rester ensemble (Addie veut demeurer avec celui qu'elle choisit pour père, qu'il le soit ou non; Moses, lui, demeure plus opaque quant à ses réels sentiments). Addie manifeste ce supplément d'âme - qui est autant compassion qu'intelligence - qui lui permet d'être parfois Robin des Bois (faisant payer les riches et favorisant les pauvres), tandis que son père de pacotille a pour but immédiat sa propre sauvegarde et la jouissance immédiate ; il ne fait pas dans le sentiment. L'époque ne s'y prête pas et il ne feint pas la générosité qui est, cependant, peut-être sienne. La force du film est de laisser la réponse en suspens.


La perfection, c'est le simple.
Le simple est un état presque impossible à atteindre dans le domaine de l'écriture romanesque ou cinématographique. J'ai mis des années à le comprendre.
Simple n'est pas le contraire de complexe. Le simple, c'est au contraire la complexité comprise et exposée au niveau subatomique de l'émotion et de la réflexion.
Ce film illustre parfaitement ce que peut être le simple, synonyme de vérité et de profondeur, par opposition à la mièvrerie qui flatte l'hypoderme des consciences.


On peut extraire n'importe quelle scène du film pour illustrer mon propos. Notamment, celle du chantage, où Addie somme son "père" de lui rendre les 200 dollars qu'il a réussi à tirer du frère de celui qui a causé la mort de sa mère ou bien de la garder avec lui. Ou il lui donne son argent ou il admet qu'il est son père. N'ont-ils pas la même mâchoire ? Cette scène d'une extraordinaire drôlerie est d'une richesse qui n'est pas perceptible instantanément. On ne remarque d'abord que l'aplomb hors du commun de l'enfant, mais divers points de vue sont dissimulés dans ce passage et lui donnent une épaisseur que l'on ne comprend qu'en revoyant la scène.

Addie est spéciale. Petite créature androgyne, qui fume à son âge - l'adulte n'essaie pas de la dissuader - et qui vit à travers une émission de radio et a pour modèle Roosevelt...


... va peu à peu se féminiser, dans l'espoir de séduire cet homme avec qui elle voyage... et qui n'est intéressé que par des "poules".


Mais l'homme est aveugle à ses tentatives... et pendant qu'elle se fait "offrir" une barbe à papa avec l'une des techniques de vol apprises de Moses, sacrifiant ainsi à l'enfance qu'elle subvertit pourtant dans le geste même, son "père" va reluquer une danseuse plus ou moins vêtue.


Et il refusera de poser avec elle sur la photo, avec une lune de papier en arrière-plan, rejetant ce sentimentalisme qui n'a aucune raison d'être dans leur relation.

Dans n'importe quel autre film, le spectateur aurait eu droit à une "réparation" de ce tort fait à une enfant. Pas ici et c'est très bien ainsi : ont-ils besoin de cela ? Ils ont le réel pour eux et le make-believe est sans effet. Ni faux-semblants ni moraline. Tout le contraire, avec éclat ! Le propos est à la fois dur et beau, parce que leur relation s'inscrit dans une vérité qui refuse les illusions, qui n'a pas les moyens des illusions, et qui pour cette seule raison a tous les espoirs de s'épanouir et de durer. Les maîtres de l'illusion, ce sont eux : Moses pavane devant les gens et leur vend des exemplaires dorés de la Bible - Dieu n'est-il pas la plus grande escroquerie de l'humanité ? - et arbore des accessoires luxueux ; Addie, joue de son physique d'enfant pour attendrir, et déjà la femme perce sous ses attributs de l'enfance.



Au cours de leur voyage - dont le but affiché est d'amener Addie chez sa tante biologique -, il rencontreront un personnage féminin, une caricature de femme légère et sans attaches, qui pioche dans la bourse des hommes et se fait sauter pour 25 dollars. Image possible de la mère perdue et que l'on suppose aimante, image ternie et déformée, que va effacer Addie.



Personnage léger, vulgaire, qui inspire la commisération, Trixie Delight (Madeline Kahn), ne fera donc pas le poids face à Addie, qui se débarrassera en un tour de mains de cette rivale sans cervelle.
Et ces deux-là pourront sans doute poursuivre leur route ensemble...

En tout cas, Addie finira, par la grâce de son intelligence extrême et de sa sensibilité, par demeurer auprès de lui, plus librement peut-être (afin qu'il la choisisse, elle, pour ce qu'elle est, et non pas par devoir), par renoncer à être sa fille, pour n'être qu'Addie.



Filmé dans les années soixante-dix, le film reprend avec une grande intelligence, et seulement en apparence, pour mieux les dévoyer, les codes des films des années 30-40, manifestant par là une nostalgie décalée, peut-être plus poignante et sincère que bien d'autres... Le film joue en permanence sur l'idée d'une certaine innocence affichée que ne manifestent à aucun moment les personnages, pas même Addie - très au fait des choses de la vie, même les plus vulgaires, et plus maligne que son père lorsqu'il s'agit de faire des affaires...


Le film a été filmé en noir et blanc, sur une idée d'Orson Welles, ami du réalisateur.

[Cliquez sur mes captures d'écran pour les agrandir ; merci de ne pas les réutiliser...]



***************


Bonus : It's Only A Paper Moon par Cliff Edwards (merci à l'ami qui se reconnaîtra... et à qui est dédié ce billet). Une magnifique chanson qui porte dans ses plis l'idée d'une certaine Amérique, qui me plaît beaucoup. C'est un standard très célèbre et la chanson est reprise dans le film. (Cf. cette page pour tout savoir sur ce titre.)
moon




I never feel a thing is real
When I'm away from you
Out of your embrace
The world's a temporary parking place


A bubble for a minute
Mmm, mm...
You smile, the bubble has a rainbow in it


Say it's only a paper moon
Sailing over a cardboard sea.
But it wouldn't be make believe
If you believed in me.


Yes, it's only a canvas sky
Hanging over a muslin tree.
But it wouldn't be make believe
If you believed in me.


Without your love
It's a honky tonk parade.
Without your love
It's a melody played in a penny arcade.


It's a Barnum and Bailey world,
Just as phoney as it can be.
But it wouldn't be make believe
If you believed in me.


Without your love
It's a honky tonk parade.
Without your love
It's a melody played in a penny arcade.


It's a Barnum and Bailey world,
Just as phoney as it can be.
But it wouldn't be make believe
If you believed in me




**************
Une belle collection de clichés vintage sur fond de paper moon ici.

jeudi 5 juin 2008
Il est des êtres que l'on connaît, que l'on fréquente, que l'on aime et que l'on a l'impression, à chaque fois, de rencontrer pour la première fois, parce que le personnage ne perd jamais rien de son pouvoir de fascination sur vous. Je pense vous avoir déjà mon sentiment à ce sujet...
Cela m'est arrivé avec mon mari, avec quelques écrivains (Louis-Ferdinand Céline et James Matthew Barrie), avec certains philosophes (Kant et Hume), avec des acteurs (Cary Grant et James Stewart), avec des époques (victorienne !) ou des villes (New York, Londres et surtout Venise) et avec de rares amis. A chaque fois, je sais et je ne me trompe pas. Peut-être que je lis en eux quelque chose qui a été effacé en moi ou dissimulé à mon propre regard, mais la raison cachée de ce phénomène n'est pas cruciale, même si c'est mon propre mystère que j'essaie de déchiffrer par leur prisme. En revanche, le désir d'être "mesmérisée" à leur contact est violent et viscéral et je ne résiste pas.

Ulrich Mühe m'a fait cet effet-là, lorsque j'ai découvert La vie des autres.

Il est entré dans ma vie. Il est mort entre-temps. Mais cela n'a aucune espèce d'importance, vous le savez bien, puisque je suis toute dévouée à mes morts.
A la faveur du succès du film précité, Arte avait diffusé une portion des épisodes de la série qui l'avait fait le plus connaître dans son pays, Le dernier témoin, une série policière sans prétention (mais de qualité), où il interprète un médecin légiste, qui aime les femmes, mais est amoureux plus précisément d'une collègue qui joue au chat et à la souris avec lui (il est la souris), et père d'une fille rebelle.

Je suppose que les amateurs de séries américaines à la mode (par exemple, les fans du Docteur House, dont je ne suis pas - bien qu'amusée et enthousiasmée par les premiers épisodes, j'ai vite laissé tomber cette caricature débile de toubib misanthrope, qui possède moins de charisme que ma chienne percluse de rhumatismes et moins de véracité que moi dans le rôle d'une lectrice d'Anna G.) trouveront le propos fade, peu ambitieux et la série grisonnante. Nous ne adressons pas à ce public-là, qui a ses raisons et moi les miennes.

Je ne prétends pas qu'il s'agisse d'une série aussi géniale que le furent en leur temps Six Feet Under ou The Sopranos - deux exemples qui me servent d'étalon-mesure pour juger, a contrario, de l'affligeante production télévisuelle - mais, dans ses limites, cette série déploie une certaine intelligence des personnages, dont l'humanité est parfois bouleversante.

J'avais été irritée qu'Arte cesse la diffusion de la série, de manière très illogique (après l'avant-dernier épisode de la saison 4, si je me souviens bien), l'été dernier, et j'étais résolue à acquérir les DVD allemands (sans sous-titres, je précise pour ceux qui seraient intéressés et ne parleraient pas un mot d'allemand)
pour voir la suite et la fin de la série. Il semble, encore une fois, que la chaîne ne diffusera pas tous les épisodes disponibles, hélas.

Mais le docteur Kolmaar est de retour aujourd'hui. Alors, ce soir, sur Arte, regardez Ulrich Mühe et admirez l'acteur.
Aimez-le !
Le jeudi soir, jusqu'au 28 août.

Site de la série sur Arte : ici.
Site allemand de la série : .
lundi 2 juin 2008
Non, je n'évoque pas le film admirable 
ni le livre (Il Disprezzo) non moins dépourvu de valeur.
Je ne songe qu'au simple et entier mépris, ce sentiment de pure offense et de honte mordante que l'on peut ressentir face à une personne à la place de cette dernière, qui n'aurait jamais l'idée et la grandeur d'éprouver pour elle-même cette glaciation de la conscience. Le mépris est donc, dans quelques circonstances, le sentiment d'une noblesse non respectée en l'homme, d'un piétinement de ses possibles qualités (parfois, il est vrai, supposées à tort), et la colère du spectateur face à cette négligence d'autrui et à ce tort qu'il se fait d'abord à lui-même.
Il n'est pas non plus exclu de se mépriser un peu soi, en certaines occasions ; et, pour ce faire, de se tenir comme à distance respectueuse de son moi et de le juger sévèrement. Hygiène nécessaire et salvatrice tant qu'elle est tempérée par un amour-propre assez sûr, mais point trop, au risque de verser dans l'excès d'orgueil. Amour-propre que l'on prendra pour une saine estime de soi, qui n'est en rien redevable à la conception rousseauiste, bien au contraire.
Je prétends, par conséquent, que le mépris est un généreux bienfait que l'on accorde, lorsque ce mépris est profondeur et réflexion, et non l'expression d'une émotion superficielle ou déraisonnable.
C'est ainsi que je méprise un certain nombre d'êtres, non pas parce que je me sens supérieure à eux, mais parce que je les aime encore assez pour n'être point tentée de faire preuve du plus insolent (et parfois lâche) des cynismes à leur égard et parce que je ne suis pas encore tout à fait indifférente à leur sottise.
L'espoir de les voir s'améliorer, de s'élever jusqu'au faîte de leur être véritable, demeure en moi ; c'est ainsi que la fatale déception de cet idéal, en guise d'horizon, nourrit souvent mon mépris ; mais, jamais, n'effleure de trop près mon arrogance à aimer et à vivre au-dessus de mon apparente condition intellectuelle et sensitive.


***********

Mais on peut penser à mon antipode et concevoir ainsi le mépris - il est vrai, pour d'autres raisons que les miennes...

MÉPRIS, s. m. (Morale) L'amour excessif de l'estime fait que nous avons pour notre prochain ce mépris qui se nomme insolence, hauteur ou fierté ; selon qu'il a pour objet nos supérieurs, nos inférieurs ou nos égaux. Nous cherchons à abaisser davantage ceux qui sont au-dessous de nous, croyant nous élever à mesure qu'ils descendent plus bas ; ou à faire tort à nos égaux, pour nous ôter du pair avec eux ; ou même à ravaler nos supérieurs, parce qu'ils nous font ombre par leur grandeur. Notre orgueil se trahit visiblement en ceci : car si les hommes nous sont un objet de mépris, pourquoi ambitionnons-nous leur estime ? Ou si leur estime est digne de faire la plus forte passion de nos ames, comment pouvons-nous les mépriser ? Ne seroit-ce point que le mépris du prochain est plutôt affecté que véritable ? Nous entrevoyons sa grandeur, puisque son estime nous paroît d'un si grand prix ; mais nous faisons tous nos efforts pour la cacher, pour nous faire honneur à nous-mêmes.
De-là naissent les médisances, les calomnies, les louanges empoisonnées, la satyre, la malignité & l'envie. Il est vrai que celle-ci se cache avec un soin extrème, parce qu'elle est un aveu forcé que nous faisons du mérite ou du bonheur des autres, & un hommage forcé que nous leur rendons.
De tous les sentimens d'orgueil, le mépris du prochain est le plus dangereux, parce que c'est celui qui va le plus directement contre le bien de la société, qui est la fin à laquelle se rapporte l'amour de l'estime.

[Encyclopédie de Diderot et d'Alembert]

En gage aimable de mon plus profond mépris à qui le mérite...
dimanche 1 juin 2008
Lorsque que Berdiaeff, dans sa préface aux Frères Karamazov[1],




affirme de Dostoïevski que


« L’originalité de son génie était telle qu’il a pu, en analysant jusqu’au bout son propre destin, exprimer en même temps le destin universel de l’homme. »


et que

« (…) chez lui, nous voyons que le délire orgiaque, loin d’exclure la pensée, s’exerce sur elle, que ce sont les idées et leur dialectique qui suivent un rythme dionysiaque. Dostoïevski est grisé par les idées, car dans son œuvre les idées grisent ; mais, au milieu de cette ivresse, la finesse d’esprit ne s’émousse jamais. Ceux que n’intéresse pas cette dialectique, ce cheminement tragique de la pensée géniale de Dostoïevski, ceux qui ne voient en lui qu’un artiste ou un psychologue, ne le comprennent certainement pas. Car son œuvre entière est la solution d’un vaste problème d’idées. Le héros de L’Esprit souterrain, c’est une idée ; Raskolnikov est une idée ; une idée, Stavroguine ; Kirilov, Chatov, Verhovenski - des idées. Ivan Karamazov est une idée. Tous ces héros sont à la lettre engloutis par des idées ; ils en sont ivres. Ils ne parlent que pour développer leur dialectique idéologique. Tout tourne autour de ces « maudites questions éternelles ». Ce qui ne veut pas dire que Dostoïevski ait écrit des romans à tendance ou à thèse pour la propagation de telle ou telle idée précise. Non, les idées sont immanentes à son art, il découvre leur existence d’une façon purement artistique. Il est un écrivain « idéaliste » au sens platonicien du mot, et non dans l’acception peu sympathique dans laquelle il est pris habituellement par la critique. Dostoïevski conçoit les idées originelles, mais il les conçoit toujours en mouvement, dynamiques, dans leur destin tragique. Rappelons ces lignes qu’il écrivit modestement sur lui-même : « Je suis assez faible en philosophie (mais non pas dans mon amour pour elle, dans mon amour pour elle, je suis fort). » Faible pour la philosophie académique qui lui convenait mal, car son génie intuitif connaissait en ce domaine les véritables chemins. Il fut un vrai philosophe, le plus grand philosophe russe. Il a donné infiniment à la philosophie, et il semble que la spéculation philosophique doive être pénétrée de ses conceptions. L’œuvre de Dostoïevski apporte un tribut considérable à l’anthropologie philosophique, à la philosophie de l’histoire, de la religion, à la morale. Peut-être la philosophie lui a-t-elle pu appris, mais elle a beaucoup à lui prendre ; s’il lui abandonne les questions provisoires, en ce qui concerne les choses finales, c’est elle qui vit, déjà depuis de longues années, sous le signe de Dostoïevski. »



l’on ne peut que retrouver la conception schopenhauerienne de l’art et c’est cette conception qui est le germe de notre modeste pensée. Une conception qui s’oppose à l’idée selon laquelle l’art relèverait uniquement de "catégories affectives" [2] et dont serait émancipée toute philosophie (au contraire je crois que ces catégories-là sont en amont de toute pensée philosophique). Pour moi, le monde vécu est le monde senti, qui lui-même est le monde représenté par la pensée ; ces visages du réel ne se succèdent pas mais se superposent et ne sont que des variations du premier. Tout découpage est artificiel. L’auteur de cet article auquel je fais référence dans ma note [2] oppose comme il suit la philosophie et la littérature :


Philosophie
Littérature
1) Théorie générale
2) Intention systématique
3) Discours organique
4) Transcender la subjectivité individuelle
5) Structure
Lois

6) Abstractions conceptuelles

7) Démarche critique
8) Edification d’une pensée rationnelle à partir de principes clairs
9) Vérité conceptuelle


10) Vérité
1) Singularité de l’expérience subjective
2) Irréductible originalité du vécu
3) Atome, parcelle, précipité

4) Retrouver l’universel dans le subjectif

5) Anarchie du sentiment
6) Concret

7) Illumination intérieure
8) Solidification du vécu dans un « tissage littéraire »

9) Véracité, authenticité


10) Beauté


Mais le degré de cohérence de la pensée et sa systématisation, correspondant à l’application sur le réel de catégories logiques, qui sont censés définir la philosophie, suffisent-ils à épuiser le réel ? Comment comprendre, dans ces conditions, l’aphorisme philosophique, dont le style est l’une des composantes essentielles ? La philosophie, dans les œuvres littéraires, est-elle condamnée à n’être qu’un « sous-sol » implicite ? Qu’est-ce qui légitime cette évidente volonté de subordination de la littérature à la philosophie ? Cette perspective hégélienne, selon laquelle l’art, bien qu’il donne une représentation sensible des idées les plus hautes que l’homme soit capable de concevoir, est inférieur à la philosophie, parce que l’idée est plus profonde et a plus d’existence que sa représentation sensible nous semble participer de cette volonté de subordination. Nous voudrions la mettre en parallèle avec la conception schopenhauerienne. De plus, l’auteur de cet article déclare que la finalité de la philosophie est la vérité et celle de l’art la beauté ; toutefois, il ne peut répondre à cette objection, naïve dans sa simplicité, peut-être : la vérité ne peut-elle donc pas être belle ?
La pierre d’achoppement d’une telle confrontation réside dans le problème du fragment, de l’aphorisme. L’auteur de l’article ne distingue la citation littéraire, extraite d’une œuvre, de l’aphorisme que par le degré de généralité que contient le second, par la marque de l’organisme que porte en lui le fragment philosophique. La citation serait donc parcellaire, incomplète, dépendante quant à son sens de l’ensemble, tandis que l’aphorisme serait comme un précipité de la pensée de l’auteur. Or, nous voyons deux objections à cela : si nous faisons passer une citation littéraire pour un aphorisme aux yeux de cet auteur, il est douteux qu’il puisse au premier coup d’œil découvrir la supercherie, ce qui laisse entendre que la généralité et la marque de l’organisme peuvent être factices et ajoutées de l’extérieur. En outre, le style qui est une des composantes essentielles de l’aphorisme n’est-il pas l’expression de la plus pure des subjectivités?


Le jugement de goût kantien n'est-il pas singulier et universel ?




[1] Ed. Livre de Poche, Paris, 1972.
[2] Cf. article de Robert Smajda dans L’Univers philosophique.

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